Ce village replié sur lui-même, entretenant ses peurs ancestrales, refuse inconsciemment une réalité anachronique, située à quelques kilomètres, les arbres sont dénudés, les ocres sont dominateurs et foulent en cette saison automnale un sol incertain. La luminosité restreinte de cette faune à double visage augmente le sentiment de peur d’une population en sursis. La nature au seuil de l’hiver réveille un processus faussement endormi.Les premières zones boisées sont dangereuses, des branches squelettiques s’agitent aux premiers pas de l’homme irrespectueux d’une frontière à ne pas franchir. Des fruits inconnus adoptent une couleur sang.A l’extérieur de cette menace constante, des avenirs se construisent, des cœurs se promettent une vie à deux éternelle et s’unissent dans des cérémonies aux danses perturbées par des cris lointains.A la nuit tombée, un voile s’empare des étendues, des ombres écarlates sans visages précipitent les villageois dans les trappes. Une jeune fille aux yeux éteints montre un courage menacé par l'inconnu, mais nécessaire à la continuité d’un amour en traversant ses clairs obscurs terrifiants.La protection est à l’intérieur d’un cercle virtuel, au loin les premières ombres de la forêt sont angoissantes, pire même attirantes, malgré le danger d’y pénétrer."Le Village" est une œuvre d’atmosphère magistrale, extrêmement soignée, amputée au maximum de scènes d’horreur, n’ayant rien à faire dans une telle sobriété, l’esthétisme est parfait. La lenteur est exemplaire, l’oppression est partout, le moindre bruit est dévastateur.Night Shyamalan innove en montrant un périmètre ouvert, mais oppressant. La clarté n’est pas protectrice, le danger se montre et se dissimule en pleine lumière. Les effets sont simples, rapides, efficaces, imprévisibles.C’est quand il ne se passe rien que la peur est la plus forte, se sentant épié un visage effrayé se retourne et derrière il n’y a personne, voilà la force, le danger tout en étant présent est invisible ou positionné ailleurs, dans un paysage à fuir à grandes enjambées.Ivy est pathétique, talonnée par une créature parfois de profil et à l’arrêt, à l’image de l’impassibilité des arbres, elle assure malgré son handicap et aux limites de l’effroi, une progression soutenue en compagnie de frissonnements sonores qu’il faut impérativement situer.On ne peut dissocier "Le village" de "Signes" opus précédent du maître où il fallait déjà, dans un climat plus ou moins compréhensible, garder la foi, afin de d’éradiquer une démence externe.