Ours d’or à Berlin et prix d’interprétation féminine pour Kerry Fox, prix du meilleur film européen, Intimité est sorti déjà auréolé. Il est vrai que c’est un grand Chéreau. "Intimité" fait partie de ces films qui vous marquent longtemps.
D’abord il y a l’Angleterre avec ses couleurs acidulées qui tranchent, ses pubs enfumés et la grisaille de ces quartiers populaires. On pourrait se croire dans un film de Mike Leigh ou de Ken Loach sauf qu’ici il ne s’agit pas d’un portrait social mais de celui d’un homme et d’une femme aux prises avec les tourments de l’amour. Quoi de plus banal si ce n’est qu’avec Chéreau rien n’est simple, est surtout pas une histoire d’amour. Ce qui surprend ici, c’est la sobriété. Avec moins d’esbroufe que dans Ceux qui m’aiment prendront le train, la caméra est mise au service de l’authenticité, avec un regard au combien respectueux de cet homme et de cette femme qui font l’amour le mercredi après midi, sans échanger un mot. Ceux qui même... était placé sous influence de Lars von Trier, Intimité, sous celle de Wong Kar-wai. Et quand on dit à Chéreau que l’on a aussi pensé à Cassavetes en voyant son film, il prend cela comme un grand compliment, s’étant toutefois interdit de penser à cette référence écrasante et à Gena Rowlands à laquelle pourtant Kerry Fox ressemble parfois de façon étonnante. Le film est sorti en même temps que des rumeurs, démenties par Chéreau lui-même, à propos de la censure que connaîtra la sortie vidéo en Angleterre. C’est dire comme le sexe à l’écran scandalise toujours. Il est certain que jamais on n’a vu des scènes d’amour filmées de cette manière, au plus près des corps et de leur alchimie dermique. Rien de choquant ceci-dit, on est loin de la pornographie. Le tour de force de Chéreau est d’annoncer ainsi toute la problématique de son film. Comment un homme et une femme peuvent continuer à s’aimer sans se connaître ? Qu’est-ce que l’on sait de l’autre alors que l’on partage les caresses les plus intimes ? Tout le film est une quête de l’Autre, de ce qu’il est, de ce qu’il pense, au risque de comprendre qu‘il est tout simplement impossible que cette quête aboutisse. Une séquence de filature dans les rues est édifiante, ainsi que la rencontre de l’amant (extraordinaire Mark Rilance - au physique bien plus intéressant que celui de Gary Oldman qui était préposé pour le rôle) et du mari (non moins extraordinaire Timothy Spall). Intimité est une adaptation d’un roman et d’une nouvelle de Hanif Kureishi (l’auteur du scénario de "My Beautiful Laundrette"). Le scénario n’a pas été écrit en anglais et ce jeu des distances mené de bout en bout contribue non seulement à cette atmosphère particulière du film mais sert tout à fait le propos, du moins en ce qui nous concerne ; spectateur français. C’est comme lorsque l’on danse sur un slow dont on ne comprend pas toutes les paroles : rien ne freine l’émotion. Chéreau n’a envisagé, à aucun moment, de tourner en France, avec des comédiens français. C’est un parti pris de réalisation vraiment pertinent, et j’encourage vivement le spectateur à aller voir le film en VOST ... ne serait-ce que pour entendre parler Marianne Faithfull dont les apparitions à l’écran raviront les fans.
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Son site : Ecrivain de votre vie)