Maurice Borde refait soudainement surface, après vingt ans d’absence, dans l’univers de ses deux fils, dont l’un Patrick, malchanceux, est subordonné dans un rôle domestique à l’autre Jean-Luc, gérontologue renommée. Le regard de ce père est froid, hautain, sans remords, presque diabolique. Par un sourire narquois, il semble imprenable, au dessus de tout jugement. Son arrogance attire Isa (Natacha Regnier) femme de Jean-Luc, bourgeoise intérieurement lassée de toutes ces procédures basiques liées à la réussite de son mari.Maurice s’amuse en manipulant sournoisement cette famille repositionnée subitement dans un échange verbal consistant. Patrick est pathétique dans ses sketches sur l’absence du père. Jean Luc retrouve une borne oubliée où tout s’est arrêté, ses reproches n’entament nullement un homme qui ne voit que lui-même et qui le dit à son fils de la manière la plus horrible."La nature ne me force pas à t’aimer"L’affection d’un père plus proche d’un collaborateur africain que de ses propres fils, additionnée à une demande d’argent plus ou moins malhonnête, rend nauséabond ce climat d’une famille détruite qui au lieu de se recomposer, sombre en se fracturant de l’intérieur.Maurice n’est pas un modèle, Jean-Luc non plus, en se positionnant dans les ingrédients de sa condition (belle situation, belle femme, belle maîtresse, belle maison, belle voiture avec chauffeur), il a certainement volontairement bypassé la principale lumière d’une réussite : la présence d’un enfant.Dans une des nombreuses présentations du film de Marcel Carné "Les visiteurs du soir" on peut lire "Le Diable vint sur la terre pour se divertir des humains". Le personnage de Michel Bouquet me fait penser à Jules Berry impitoyable broyeur de ressources poussant les êtres à s’entretuer.Le regard presque lubrique de Maurice, devant cette famille qui s’effondre, est un aveu de la consistante première de ce père sans statut : le pouvoir de détruire par la force de l’indifférence.Les rues vides et tristes de Versailles, arpentées par Maurice, sont une sorte de désolation de lucidité.