Résumé
Cuernavaca, capitale de l'état de Morelos au Mexique, le 1er novembre (1938) traditionnel jour des Morts, fêté en grande liesse par toute la population locale. Lunettes noires et idées grises, Geoffrey Firmin, ancien consul britannique, qui a (été) démissionné de sa fonction, déambule, copieusement imbibé, de cantinas en cervecerias, de souvenirs en palabres, parmi l'étrange liesse mortuaire. Son épouse a quitté le Mexique, depuis presque une année. Ils semblent désormais, d'après un vague courrier d'avocat, officiellement divorcés. Anis, brandy, tequila, whisky, mezcal (la boisson des damnés), la brûlure de l'alcool lui permet d'oublier cet invivable abandon et de survivre à sa royale déchéance, ("les tremblements, voilà ce qui rend cette vie insupportable. Mais ils s'apaisent, s'y on s'y prend bien, avec la nécessaire lampée, la dose thérapeutique". Après un tonitruant esclandre lors d'une soirée mondaine organisée par la section régionale de la Croix-Rouge, où l'attaché allemand, un certain Herr Krausberg, essuie sa dose d'ironie logorrhétique, notre flamboyante épave, jamais départie d'une chavirante dignité fatiguée, est emmenée par son ami, le docteur Vigil, à l'église proche, prier la Vierge de la Soledad, la sainte patronne de ceux qui n'ont personne, ceux qui sont perdus, pour demander le retour de son épouse Yvonne. Une requête certes avinée, qui quelques jours plus tard, s'avère miraculeusement exaucée. Désormais la présence maternante de son demi-frère Hugh, un journaliste idéaliste de retour de la Guerre d'Espagne (et qui a eu une courte liaison avec son épouse) ne semble plus nécessaire. Pourtant la présence d'Yvonne semble définitivement inutile et désuète, pour Firmin, qui fabule à raconter ses macabres exploits en 1917 face à des marins allemands, qui lui valurent la cour martiale, puis une décoration. ("C'était au printemps 1917, on avise un périscope pointé sur nous. Ils se préparent à l'attaque. Et là, surprise, le chasseur est soudain devenu proie. L'énigme des officiers disparus. Les restes de sept hommes furent découverts dans la chaudière. Ca ne se fait pas. On ne balance pas son prochain dans un four") pour Hugh aussi, qui s'en veut d'avoir quitté le conflit ibérique ("J'avais un copain anglais qui se battait en Espagne. Il était là depuis le début. Pendant la bataille de Madrid, bouclé avec une mitrailleuse dans la bibliothèque de l'université, lisant Carlyle entre les assauts. C'était un communiste, à-peu-près le meilleur type que j'ai rencontré. Il avait un faible pour le rosé d'Anjou et pour un chien nommé Harpo. Quand je pense aux hommes que j'ai connus là-bas, ceux qui y sont restés, j'ai l'impression d'être un déserteur"). Et lorsque les douloureuses rancoeurs accumulées deviendront incontrôlables, que "le délicat équilibre entre la tremblote du trop peu et le gouffre du trop" se révèle désormais impossible, que l'imagerie amoureuse du splendide Popocatepetl et de la féminine Ixtaccíhuatl s'estompe dans la brume, un fatal rendez-vous avec le destin se met en place au bar à putes de Farolito, inexorablement. No se puede vivir sin amor ?