Ce film renoue avec le genre du film noir à la Melville et lorgne aussi bien du côté de films comme "Mean Streets" et "Les Affranchis" de Martin Scorsese que de Sonatine de Takeshi Kitano. Il emprunte son titre à une phrase cathare, ces chrétiens qui furent massacrés au 13° siècle par l’Eglise romaine et qui pensaient que l’enfer était ici parce que les épreuves étaient sur terre. Ce film est également une adaptation des débuts de la vie de Saint François d’Assise. Mais, comme le précise Xavier Durringer, il ne s’agit pas d’un film catho, « c’est un film qui parle de l’homme et qui pose la question suivante : un homme qui plonge dans l’obscurité, dans l’enfer, peut-il, s’il le veut, de l’intérieur, en voyant les hommes vivre autour de lui, changer sa vie et son destin ? »
Cet homme, Durringer l’a rencontré en la personne de Jean Miez. De la petite délinquance aux larcins les plus graves, jusqu’au braquage d’un fourgon postal qui lui valut 18 ans de prison, il connut la rédemption. Il appartenait à ce monde des bandits qui obéissaient à un code de l’honneur et à des règles particulières et qui n’existe plus. Son regret est qu’aujourd’hui la drogue ait tout pourri. C’est avec Jean Miez que Durringer a écrit le scénario de son film. Il fut très présent sur le tournage et il incarne l’un des personnages. De fait, grâce à cette collaboration, le film est un document intéressant sur le milieu du grand banditisme et vaut pour sa dimension très réaliste. La violence est ainsi traitée, tangible, insupportable. Mais ce n’est pas un film sur la violence. Xavier Durringer filme l’ascension vers la grâce de son héros avec une sensibilité talentueuse. Il a signé un film très personnel qui vaut le détour pour la justesse des situations alliée à une maîtrise du montage, pour la caméra au service du rythme des acteurs, pour le dialogue intelligent et souvent drôle et pour un traitement de l’espace et de la lumière qui crée cette atmosphère si particulière au genre du film noir. J’irai au paradis car l’enfer est ici bénéficie d’un casting étonnant. Outre Arnaud Giovaninetti dans le rôle principal de François, et Gérald Laroche dans celui de Rufin, son ami et complice, on notera la présence de comédiens excellents qui ont tous une « gueule » comme on n’a plus l’habitude d’en voir au cinéma. La cinquantaine, le visage marqué, la gouaille et la voix cassé par les Gitanes sans filtre, ils viennent aussi bien du milieu du théâtre que de la prison. Certains ne sont pas des comédiens professionnels comme Jean-Pierre Léonardini, le chef de la Culture à L’Humanité qui fera penser à Seymour Cassel, l’acteur fétiche de John Cassavetes et qui a demandé à jouer dans ce film en disant qu’il n’était peut-être pas acteur mais que voyou, il pouvait le faire ! Le choix du titre comme celui de l’affiche n’est sans doute pas judicieux et peuvent rebuter de nombreux spectateurs. La bande annonce orientée autour de la violence ne traduit pas le climat de ce film qui mérite d’être vu, autant par les cinéphiles que par le grand public, surtout par ceux qui croient que seuls les Américains sont capables de réaliser de bons films de genre.
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Son site : Ecrivain de votre vie)