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Critique(s)/Commentaire(s) Publiques de
L.Ventriloque

Voir ses 899 films notés
  • WINTER SLEEP (2014)
    Note : 19/20
    C'est un beau voyage une fois qu'on admet le décor bien réel (et non en carton-pâte) grandiose et pourtant avec un propos terre-à-terre aussi, pas seulement métaphysique, le genre d'histoire qui nous parle. L'identification à tous les personnages fait qu'on reste accroché même quand c'est redondant, que ça patine un peu parce qu'on a compris et que le réalisateur continue d'appuyer, d'en rajouter encore une couche pour se faire plaisir. Composition des plus fines, mais en tout 3h16 d'attention requise ! Les pics de très grande intensité rachètent les creux de vague, on tient. Ensuite il vient à l'esprit que la même chose pouvait être formulée à l'aise avec une heure de moins !
  • LA CHAMBRE BLEUE (2014)
    Note : 17/20
    17,5/20 : Glacé et glaçant, on n'en ressent pas moins la "patte" de Simenon derrière le puzzle. Les images de présentation expriment tout de suite l'addiction et, très vite les stratagèmes pour la contrer. L'acteur-réalisateur Amalric déploie une grande maîtrise de l'envers et de l'endroit des décors comme des situations (magnifique prises de vue à double tranchant de cette chambre opiacée, entre autres plaisirs picturaux). D'entrée de jeu le héros à double vie est tout ce qu'il y a d'humain, faillible sauf un quart de seconde par ci par là (le bain avec sa régulière). Epoux faisant de son mieux (avec une épouse aussi admirable, il le peut !). C'est un père aimant, autre circonstance atténuante. Il y a bien cette scène d'escabeau et le bref hors champ au retour de la pharmacie où on se dit qu'il simule, qu'en vrai "il a p... un câble". Julien le raisonnable, le policé ferait revenir de cette morsure sanguinaire de départ, bien se remémorer les étapes, je n'aurais donc pas tout cerné ?... En discuter avec d'autres spectateurs et c'est plusieurs interprétations possibles, tout l'intérêt de ce film !
  • LEVIATHAN (2014)
    Note : 19/20
    Plusieurs niveaux de lecture dans ce petit tour au nord de la Russie contemporaine. Peut-être en fonction du degré d'acceptation des horreurs que l'on se forge concernant notre jolie planète ? Quoi qu'il en soit, beaucoup plus grinçant que "Le Retour" sorti en 2003, une époque où on était moins "c... par dessus t..." au plan des valeurs. L'environnement vire au personnage à part entière, bateaux échoués, mer houleuse, car matinal de zombies, poissons coupés en deux comme par un robot invisible, un nid douillet condamné à la pince "Volvo" moyennant somme indiscutable ... La vodka en lampées jusqu'au délire, des désirs de désespérés. Le film, qui souffre juste de quelques longueurs au début, se reconnaît à ses récitatifs judiciaires et religieux façon opium du peuple. A la fois pathétique et comique. Les ravages du tout permis d'une caste, l'esprit de troupeau qui en résulte, un mélange de collectivisme mâtiné de capitalisme. Alerte à la brebis égarée, il en faut une... Le spectateur, qui sait tout de la machination qui se pointe entre pique-nique et tir à la carabine, n'a aucun mal à s'identifier et sans malaise aucun car il se glisse une grande pudeur à l'image et aucune scène n'est insoutenable. Autre point fort, la bande-son de concert avec la caméra braquée sur cette mer lourde du mystère qu'elle gardera. Un grand film et qui devrait faire son chemin, ce qui est une bonne nouvelle !
  • LA BELLE JEUNESSE (2014)
    Note : 15/20
    Le titre à lui seul résume les dégâts sur les mentalités et davantage encore les obstacles pour une partie de la jeunesse face à la régression économique européenne voulue par l'ordre mondial des affaires. Est décrite la dérive vers les boulots vertigineux gommés par une énergie à toute épreuve, est pointée la question de savoir s'il est préférable d'avorter ou de garder un enfant quand les codes sociaux et familiaux créent l'inégalité du couple, que la jeune fille devient femme tandis que le jeune homme reste un petit garçon qui joue tant qu'il a gîte et couvert d'assurés. Quel bénéfice à vivre entre deux pays dans des situations acrobatiques, avec les parents comme béquille tant qu'ils sont là et que l'outil technologique permet de croire à une vraie famille chaque soir où qu'on soit. Au spectateur ensuite de déduire l'avenir d'enfants nés d'un pareil renversement de valeurs et d'une société construite sur des sables mouvants.
  • MY OLD LADY (2014)
    Note : 15/20
    De forme un peu terne par moments, sur le fond c'est quand même plein de bonnes petites choses qui ne sont pas dites dans tous les films et sans qu'on ait l'impression d'être instruits par un prof en mal de démonstration, réaliser par exemple que "le viager" typiquement français pose quelques difficultés d'adaptation à un héritier british aux bons soins d'un agent immobilier vivant sur l'eau. D'avance l'issue se devine avec les personnages de Kevin Kline, Dominique Pinon, Kristin Scott Thomas et Maggie Smith, acteurs tous attachants bien que peu surprenants dans leurs missions respectives. Une petite musique intimiste semble conduire le spectateur et c'est filmé avec beaucoup de virtuosité. De quoi passer un moment instructif avec un pic émotionnel in-extremis, avant que l'ennui affleure. Côté décors, donne envie d'aller flâner, tuer le temps dans des quartiers à taille humaine préservés de l'uniformité des grandes villes contemporaines, de grimper dans ces appartements nichés au creux de jardins plus grands que prévus, tout le charme du petit Paris immortel, feutré, sans files de voitures.
  • ENFANTS VALISES (2013)
    Note : 16/20
    Documentaire assez inégal. Quelques temps forts, des moments un peu étirés, des redondances. Les entretiens avec les formateurs et les étudiants permettent d'entrer dans le labyrinthe éducatif, ludique afin de faciliter l'assimilation inconsciente de ces jeunes êtres en stand-by, quelques minutes émouvantes sans jamais tomber dans le misérabilisme... Les enfants valises et leur devenir après les cours pris en commun paraissent disproportionnés en revanche, il resterait à vérifier sur le terrain ce constat (ce cliché ?) que les filles sont majoritairement bien plus sérieuses que les garçons puisqu'elles s'accrochent, réussissent et que les garçons tendent à retomber dans leur laisser-aller faute de volonté sur le long terme.
  • BLUE JASMINE (2013)
    Note : 17/20
    Un bon petit cru de Woody, à fond dans le genre cocasse et désespéré. Interprétation attachante. Aucune souffrance cette fois-ci du débit verbal vitesse grand V, et pas plus de méandres qui égarent inutilement. Les étapes traversées par Jasmine défilent de manière fluide (très convaincante Cate Blanchett) en attendant sa transformation profonde. Ce reflet pertinent de nos sociétés mécanisées rend fraternel par sa façon de frôler le quotidien de tout un chacun. On retrouve bien l'éternel malentendu entre les sexes cher au réalisateur, je pense à l'épisode d'assistante dentaire transposable dans tellement d'autres contextes de la vie professionnelle ou de la vie tout court.
  • TOTS VOLEM EL MILLOR PER A ELLA (2013)
    Note : 16/20
    Découvert au Festival Espagnol nantais édition 2014. J'avais déjà repéré la profondeur de vue et la délicatesse de filmage de Mar Coll dans "Trois Jours en Famille" (2010). Des tendances réitérées dans "Nous voulons tous le meilleur pour elle". Cette fois la famille, ancrage humain en lieu et place de la dérive sociétale contemporaine, de béquille passerait à... boulet pour l'individu détraqué. C'est un film qui aide à voir la lisière entre se faire aider et l'envie de s'en affranchir sans garantie d'aucune sorte. Dilution voulue par le There Is No Alternative, fuite en avant, alerte. Message reçu, sauf que l'identification à cette asphyxiée trop peu attachante reste partielle malgré l'excellente tenue des seconds rôles.
  • MY SWEET PEPPER LAND (2013)
    Note : 19/20
    On pense Sergio Leone, Les Frères Coen, le nouveau cinéma belge. Cette pendaison-là, nul ne l'aurait imaginée aussi déconcertante... Le ton de Far West est donné. Que ce soit les montures qui s'ébrouent d'un bout à l'autre du récit, les percussions ultra-douces en pleine nature, une belle institutrice otage, cette horde d'abrutis à des degrés divers avec un seul mâle à peu près digne de confiance. Le couple a un point commun, en témoignent les défilés de potentiels mariages. Le réalisateur pose la question de savoir où est la retenue la plus digne de respect pour l'individu comme pour la communauté. On rit plus qu'on ne pleure sauf à l'issue qui force à prendre position. Magistral coup de pied dans l'obscurantisme que ce film !
  • GATSBY LE MAGNIFIQUE (2013)
    Note : 14/20
    Beau beau beau ! Et c... à la fois ! En version originale, un film techniquement de premier ordre (même en 2 D). Qu'on soit hameçonné ou pris par la main tel un enfant prudent. Premier frisson, Leonardo se fait attendre. D'abord de dos, qu'on salive bien... Un truc vieux comme le monde, admettons. On compte sur lui. Qu'on fasse autre chose que "jouer aux autos" dans un décor kitsch ! Un hommage régulier à l'auteur du bouquin relève le niveau, le cinéaste australien y recourt, il y a de l'espoir. Patatras, retour au calcul et verbiage, fond musical plaqué par hasard, clichés de dialogues. Trop de décors léchés, trop de chichis pour singer l'époque, des acteurs en surjeu. Les gueules jamais à contre-emploi pour qu'on soit semé, et tant de bobards de tous côtés ! Résultat, les pointes de réalisme s'effritent en plein vol bien qu'on ait compris qu'en ce temps-là le divorce... Il manque le vécu en dehors des jeux afin qu'on croie ce revenu de guerre aussi sentimental. Foin des plans innombrables qui saturent le regard, bloquent l'imaginaire, véritable gavage de volailles ! Tout se borne à l'apparat, foire aux égos de ces mâles menant le bal, les femmes dans l'ombre de leurs fantasmes. Fidèle au livre sur l'aspect récession des mentalités vers la grotte préhistorique. Une histoire dénuée de la petite touche personnelle apportant quelque perspective autre que l'alignement sans condition... Un conte pour adultes pubères. Les hédonistes, les adeptes de "Roméo et Juliette" et/ou de "Moulin Rouge" seront bâillonnés consentants. Les autres croiront difficilement à ce déluge d'effets.
  • LES BEAUX JOURS (2013)
    Note : 18/20
    On approcherait presque l'idéal pour une dernière ligne droite féminine dans ce joli film tiré d'un livre. Rien de tel que deux hommes pour se rassurer sur sa valeur, l'un faisant vibrer sa chair et l'autre, le "pote" de longue date avec qui tout finit toujours par s'admettre tant il restera proche. Les deux acteurs masculins ont assez de charme pour qu'on ne puisse pas en condamner l'un sur les deux. Fanny Ardant incarne bien cette fragilité de retraitée cherchant ses marques, économe de mots dans l'évitement des conflits, par exemple avec ses deux grandes filles en plein essor familial que les petits enfants permettent de réunir. Le portrait succinct d'une femme ébauchant sa nouvelle identité dans le marigot des relations sociales actuelles. J'ai passé un bon moment, souvent identifiée à "l'intérieur de Caroline", cette hypersensibilité qui commande de s'efforcer à la tolérance comme de trancher dans le vif quand ça sent le roussi. Au négatif, quelques clichés inévitables les talons aiguilles en bord de mer, un rythme un peu étiré par moments le défaut de ressources internes chez cette grande dame qui pourrait, à présent qu'elle a du temps pour elle, s'adonner à quelque chose d'introspectif procurant le recul nécessaire, peindre, écrire, sculpter autre chose qu'un unique cendrier... Qui sait, peut-être après la trempette collective !
  • THE BLING RING (2013)
    Note : 18/20
    Simple fait divers étasunien remouliné en docu-fiction, caprice de fille à papa. Ou alerte. La dérive du bling-bling et ses grelots, toutes autorités démissionnaires, les parents d'abord mais aussi les éducateurs, toujours plus entravés ou qui jettent l'éponge. Voilà à quoi font penser ces jeunes broyés par un système implacable sans le savoir. Ce qui frappe chez les "Bonnie and Clyde" de Sofia Coppola, c'est leur "je veux". Ils se servent. Automatiques, comme le bébé attrape sa peluche avant de s'endormir. Objectif de ces enfants regroupés autour de leurs totems, ces stars incarnant la perfection physique et l'illusion que l'argent rend immortel : s'autoproclamer people. Au lieu de la sortie de l'enfance qui "tue" père et mère et rend autonome, piétiner entre bébé et adolescent selon ce qui arrange. Seront-ils adultes à quarante, cinquante ans, jamais ?... L'accent est mis sur le frisson né du risque toujours plus poussé, sur le doute faute de repères véritables, le film restant disert sur les débordements sexuels. Les gardes-fous font sourire (cette petite prière exhortant à la bonté), quelques rudiments new age... Sous le vernis, on sent le renoncement à la vie réelle. A tout effort d'abord. Avec cette frilosité des adultes en face, l'assurance d'être manipulés et donc méprisés... Est-ce pour avoir la paix ? De peur de perdre l'amour des... petits monstres ? Pères drôlement en retrait dans cette description vertigineuse, mères aux premières loges ! Les menottes autoriseraient bien à dire "ouf" sans l'effet boomerang de la dernière minute... Entre tous les autres films de la réalisatrice, c'est à "Virgin Suicides" qu'on pense, mêmes surexpositions vaines, même détresse juvénile. La musique en revanche, aurait gagné à limiter les sirènes.
  • L'INCONNU DU LAC (2013)
    Note : 19/20
    Plusieurs voitures garées presque toujours pareil, et puis cette autre, de couleur sombre arrivant en dernier... Décor champêtre au bord d'un petit lac aux rives caillouteuses, la caméra balaie les arbres sous le vent, glisse sur les les vaguelettes et revient sur les corps allongés là jambes écartées... il y a du frisson dans l'air. Ce pourrait être malsain pour tout étranger aux rituels gays (si l'on pense à certaines minutes d'errance dans "Les Nuits Fauves" par exemple). Or les plans semblent tellement naturels qu'on "marche", des échappées dans les bois aux soupirs dans l'herbe, convaincus une fois pour toutes que la nature fait corps avec les corps en vue du déclic qui libère la tension jusqu'à la prochaine. Des dialogues fructueux et brefs, les changements de lumière et la force du vent plus parlants qu'une voix-off. Tout sera annoncé à l'image, donc place à Franck (Pierre Deladonchamps), joli jeune homme heureux de démarrer ses vacances par des bains avec un plus possible. Il prend l'habitude de rejoindre Henri (Pierre d'Asumpçao), ancien viveur en mal d'affection, fin observateur toujours à l'écart. Le film décolle à l'approche de Michel (Christophe Paou), voix douce, souplesse de félin. Un géant, le seul filmé en contre-plongée, comme si on était Franck émerveillé puis tiraillé par ce qu'il découvre de loin sans se faire voir... Un flic jaillit de la verdure avec des questions, une photo ajoute au vertige... Pour varier des tragédies antiques, Alain Guiraudie fait un sort aux rôles secondaires. Le reste frôle le fantastique végétal façon "Oncle Boonmee"... L'avenir des deux héros à l'appréciation des spectateurs... L'aube dans les hautes herbes glace si on estime élucidé le mobile du premier meurtre. Car sinon toutes les déductions se tiennent, que l'un épargne l'autre et s'éclipse n'étant pas interdit !
  • LA VIE DOMESTIQUE (2013)
    Note : 15/20
    Chronique familiale douce-amère sauvée par l'interprétation d'Emmanuelle Devos. Avec plein de ces petits malaises entre devoir envers le cocon familial et les quelques petits plaisirs individuels féminins comme de s'acheter un joli chemisier rose un peu ajouré qu'on hésitera à porter pour sortir en couple... A l'heure de la mondialisation, ce que l'on peut retenir de ces intrigues parallèles est bien le retour aux bons vieux schémas sociaux puisque, faute de travail pour tous, des femmes intelligentes, instruites, se retrouvent à la maison. Proches de leurs grands-mères. On se croit revenu après la dernière guerre. Pères nourriciers et mères tendant à se surpasser entre les soins aux maris, aux enfants, et leur vocation première de femme au foyer. Sauf que le regard est plutôt grinçant (l'épouse qui aime fumer sa petite cigarette avant de rejoindre monsieur au lit, la mère jouée magistralement par Marie-Christine Barrault). Si l'ensemble pèche par trop de "piques" tacites envers les hommes que cette rentrée dans le rang arrange forcément, malgré la lucidité de la réalisatrice qui signe en filigrane sa sympathie pour ses congénères, il manque le coup de sang humoristique capable d'envoyer promener cette inertie (un fracas quelconque, une bonne fugue par exemple) !
  • JIMMY P. (PSYCHOTHÉRAPIE D'UN INDIEN DES PLAINES) (2013)
    Note : 17/20
    Le duo formé par l'ethnologue et son patient indien fonctionne, inclus quelques résidus de préciosité propres au décortiqueur Despleschin. Ils n'auraient jamais dû se rencontrer ou au contraire, ils étaient faits pour s'entraider et devenir des amis pour la vie ? D'autant plus qu'on découvre à travers ce "cas", le grand drame des peuples colonisés par des gouvernants avides, des mafias organisées sur fond de paupérisation, éternelle rançon du dieu argent. On y trouve un écho certain avec la colonisation contemporaine, aussi insidieuse, aussi niée. Un film parti d'une histoire vraie... J'avoue que c'est l'étonnante présence à l'écran de Benicio del Toro filmé sous tous les angles qui accroche et maintient. En fait, je m'attendais à ce que le sort du peuple amérindien soit évoqué de manière plus large, moins par le petit bout de la lorgnette. Autre grosse surprise, les électrochocs présentés comme la secousse salutaire ! D'excellents moments quoi qu'il en soit, la jeune Française, ou bien Mathieu Amalric débarquant avec son écoute, ses doutes, ses déductions, sa passivité stratégique face à la carrure de son patient qui argumente à sa manière d'ours mal léché.
  • ATTILA MARCEL (2013)
    Note : 15/20
    L'équipe de tournage, les acteurs, le réalisateur, chacun prend visiblement plaisir à dérouler l'histoire de cet individu plus ours que sa peluche. L'aspect distraction et les subtilités techniques sont au rendez-vous, avec le sentiment qu'Amélie Poulain est dans les parages. Tout cela peut suffire, est de toute façon respectable, bien qu'on puisse décrocher passé la première heure. Un match de boxe, une comédie musicale sur la plage, c'est envoyé dans le désordre. Les dialogues sont de qualité variable, la caméra acrobatique refait sans cesse surface sur les yeux bleus, après moult va et vient sur les parents vus à partir des menottes enfantines... Des gags qui font mouche (l'obsession chinoise, le concert final !), ceux qu'on n'a pas eu le temps de bien saisir. De temps à autre un tour de passe-passe pour virer de la bande dessinée en papier à l'écran de cinéma. L'humour très personnel de Sylvain Chomet plane comme une signature mariant ses deux vocations. Dommage qu'il y ait léger surdosage, qu'au lieu du suspense escompté, un peu d'impatience se devine dans la salle, tourner plus vite la manivelle vers le futur démange. Car si on voyage bien comme enfant dans les livres d'images, l'inattendu récolté fait assez peu avancer l'intrigue... Une suite d'images rappelant le dessin animé. J'ai surtout raffolé des deux tantes et de la marchande de légumes, tout est fait pour. Le mutisme du protagoniste le rend un peu tête à claques à la longue... En toute dernière partie, l'histoire se tient pourtant. Il y manquerait juste la communication profonde avec les demandeurs d'émotion au cinéma. A défaut de tout à fait convaincre, ce film peut aider à "décompresser"
  • POUR TON ANNIVERSAIRE (2013)
    Note : 18/20
    Très apprécié en clôture du Cycle Allemand de l'Univerciné Nantes 2013. Les trajectoires de Paul et Georg, deux copains allemands de l'Est "du temps du Mur", seize ans, âge de lucidité sur les performances avant tout. La musique de Jérôme Lemonnier jure soudain, ce pacte d'ado, invraisemblable, on pouffe... Avec sa musique mélo, le ton du film serait donc ironique... Lequel des deux gagnera ? Les filles sont-elles aussi dupes ? Le scooter semble aller vers l'incertitude, on se dit que ces bêtises de coqs cèderont la place aux sentiments véritables... Vient la Chute du Mur et Georg chez son copain d'antan.Ténébreux (inquiétant en contre-plongée) qui entend montrer le jeune homme qu'il est demeuré... Et chacun(e) y va de sa séduction, non sans cruauté, je pense à Anna (Marie Baumer) tellement sûre d'elle, ou à la compagne de Paul (Mark Waschke), la brunette aux décapantes réparties (Sophie Rois). On est forcé de devenir funambule dans cette trame pince-sans-rire. Sans cesse jalonné de renversements de situations. Illuminé par la jeune Saskia Rosendahl dans le rôle de l'éternelle jeune fille. Pas une goutte de sang, aucune déflagration, juste un bon petit incendie filmé dans le détail. Les dialogues, le fil narratif, l'intrigue, tout cela est gobé d'office tant c'est bien empaqueté. On se surprend à attendre avec délectation la prochaine trappe ménagée par Denis Dercourt, scénariste et réalisateur, ah comme cela se sent !... Film à plusieurs niveaux de lecture, progression machiavélique des plus fines. A déplorer peut-être l'accélération soudaine des tout derniers plans qui laisse un peu sonné !
  • DEUX MERES (2013)
    Note : 15/20
    Présenté à l'Univerciné Allemand nantais 2013. Deux lesbiennes dont l'une veut davantage être mère que l'autre ? L'objectif est de défendre la cause des exclues des cliniques de fertilité, ces malheureuses condamnées à user de la clandestinité. Le soignant qui le premier les traite avec bienveillance met un peu d'humanité mais prévient. Seulement 30 % de réussite pour des efforts sur la durée. Intéressant plongeon chez les donneurs potentiels, les excités par l'acte en double, les intéressés du porte-monnaie, soit quelques centaines d'euros à chaque tentative. Isabelle et Katja sont bien dirigées par la réalisatrice, leur sensualité est saine, rien ne peut choquer le grand public. C'est de l'amour, point ! A l'ère de la débrouille résultat d'une mondialisation sans états d'âme, comme on les voit garder un jeune enfant par moments, il aurait été intéressant que ces deux intrépides creusent du côté des bébés tout faits. Zohra Berrached créait ainsi moins d'embarras chez les spectateurs. Parce qu'au final, cette destruction forcenée de ce qu'elles avaient de meilleur pour un enfant rêvé sans plan B donne un film un peu vain.
  • SUZANNE (2013)
    Note : 18/20
    Etonnante Katell Quillévéré qui récidive aussi bien sinon mieux que dans "Un poison violent" ! Même habileté à faire entrer dans son histoire par pans, nonchalamment avec d'habiles coupures. Mêmes dialogues minimalistes. Davantage de profondeur, le seul amour encore crédible étant l'alchimie des corps, ultime bastion contre le pourrissement collectif (ce refus d'accorder sa confiance comme si les mots étaient devenus la porte ouverte à toutes les trahisons)... Musique sur mesure, y compris au niveau de la signification, on est vraiment gâté, non seulement les compositions de départ, tout à fait à la hauteur de l'enjeu, mais cette version de "Suzanne" par Nina Simone qui reste entêter ! Le récit biographique comporte plein de blancs dans la vie de l'héroïne marquée par d'horribles coups du sort, (Sara Forestier dirigée ainsi promet autant que Sandrine Bonnaire !). Et puis ce père veuf qui fait son possible avec ses deux filles (rarement traité sous cet angle !) ne peut que taper dans le mille... La passion irrépressible est surtout prétexte à introduire "la débrouille" comme un dédoublement nécessaire... à la survie de l'espèce. Ensemble incroyablement mature de la part d'une trentenaire polie, lisse sous ses allures de mannequin ayant l'absolue maîtrise de son sujet, de ses acteurs. Déterminée autant que passionnée ! Portrait de femme à l'enfance fracassée certes, + charge sourde contre l'économie actuelle, l'officielle, pas l'autre !
  • HAVING YOU (2013)
    Note : 14/20
    Univerciné Britannique 2013 Nantes. On dirait un téléfilm bien ficelé, distribution ultra lisse, le terme "amazing" prononcé avec gourmandise, niaiseries autour du mariage, léger surjeu des acteurs, la bague dans son écrin, n'en jetez plus... Photo et cadrages variés, complets autant qu'irréprochables. De deux choses l'une, cela respire l'élève appliqué... ou bien c'est pour mieux nous faire tomber de l'armoire ! Comme c'est bien fait côté forme, on hésiterait presque à en traiter le fond... Pourtant, piétiner entre atermoiements du protagoniste et minauderies de son entourage peut gonfler, pressuriser. C'est ne voir qu'un seul aspect de la situation... Tarde cette scène cruciale de la mère et l'enfant par exemple, un peu trop. On se résoud certes aux accidents de la vie, on s'incline le mouchoir prêt à moins d'être un monstre. Justement, m'indispose cette manière de forcer le spectateur à adhérer. D'autant que surfer sur le compassionnel en laissant tomber un personnage fait un peu règlement de comptes... à bon compte. D'accord pour l'enfant qui représente l'avenir en marche, mais que devient le vieux père, ce grincheux impardonnable dont la souffrance est passée à la trappe, c'est sans doute la question à éviter.
  • BENDING THE RULES (2013)
    Note : 19/20
    19,5/20 : Découvert "BENDING THE RULES", Prix du Public aux Trois Continents nantais 2013. Trop peu récompensé !...Car c'est une oeuvre aboutie, finement construite, cadeau aux spectateurs qui ont là, en plus d'un saut dans l'Iran actuel, matière à cogiter comme s'ils étaient ensuite conviés à un débat... Prenant le spectateur par la main, la caméra groupe une situation à celle d'après, ce qui donne des plans-séquences très productifs, avec cette habileté iranienne de présenter deux actions à la fois. L'oreille rivée à un dialogue pendant que l'écran grouille de la circulation automobile. Alors, aujourd'hui, dans un pays majoritairement jeune, comment "sortir du pays" au prétexte d'une pièce de théâtre ? Quel est le prix de la transgression en Iran ? Behnam Behzadi pose la question et la traite. Les apparences de la liberté sont là. Trompeuses. L'art laisserait croire aux libertés d'action tout court si ne planait ce suicide manqué, la crainte d'une récidive. Les personnages sont avant tout des copains, ils ressemblent aux occidentaux dans leur parler, leurs échanges, mêmes attirances, mêmes causes d'agacement. Le réalisateur-conseilleur-arbitre, personnage le plus mûr, le plus attachant du lot rejoint souvent les jeunes filles aux voiles "fashionable", jamais austères, il laisse ses acteurs délirer en buvant leurs bières car c'est lui qui porte le film et surveille la porte. Celle par où les adultes peuvent venir. Quand le père veuf débarque flanqué d'un oncle falot, il fait bigrement peur... Un film en tous points délectable, instructif, vivement la sortie officielle en France et le dvd !
  • TEL PERE, TEL FILS (2013)
    Note : 18/20
    Suivre une démonstration cinématographique sans en croire un traître mot. Simplement parce qu'elle est de très grande qualité. C'est le cas ici où il semble impossible, dans la vie réelle, que même suite à la bévue d'une soignante, deux enfants de cet âge puissent être échangés... En le considérant comme pure fantaisie de cinéaste, on a tout loisir d'apprécier le filmage des bambins et de leurs parents mis à l'épreuve. C'est magnifiquement mené, à bonne distance et avec humour. On glisse du papa le plus joueur au superman boudeur ou père des temps présents, ou clone de père, comme on voudra, le plus feinté de tous à mon humble avis... J'ai trouvé les contextes familiaux par trop inégaux (l'enfant unique parachuté avec d'autres enfants en bas âge y trouve forcément son compte alors que le petit ribouldingue chez le couple très comme il faut, hum, adaptation de surface)... Restent les mères, virant jumelles à l'écran, deux rusées dans leur manière d'avancer les pions... Etrange chassé-croisé familial tel qu'il est, improbable à moins de bascule totale des institutions dans la déraison au motif que "le sang c'est le sang"... En élargissant le propos à la société entière hors de cette question, le film peut ouvrir débat.
  • A LONG WAY FROM HOME (2013)
    Note : 19/20
    Univerciné Britannique Nantes 2013. Sous des dehors qu'on pourrait croire téléphonés, le traitement est d'un raffinement rare. C'est à la fois bon enfant, pétillant et profond. D'abord la ville de Nîmes, un personnage à elle toute seule, les habitudes du couple (qu'on peut pressentir inutiles, planplan...) alors qu'elles offrent l'occasion d'amener la jeune fille qui met le feu aux poudres. Blonde, fraîche, directe et... intelligente ! L'actrice Natalie Dormer campe à la perfection l'étincelante intruse donnant des suées à tous ceux qui l'approchent... Ensuite cela n'arrête plus, en ménageant une distribution des sentiments aussi équitable que surprenante. On se croirait chez un cinéaste argentin contemporain côté regard. Tout est explicite mais jamais lourd, du charme (l'allure de jeune homme un peu à part qu'est devenu Joseph, le mouvement du pied féminin dans la piscine). Avec en permanence des traits d'humour (le chapeau !), des acteurs bluffants, cette photographie d'une luminosité renversante, ça et là une scène plus intimiste qui en dit long. L'exposition de deux couples, l'un patiné et l'autre comme oiseau sur la branche, desquels se dégage une philosophie, un réalisme dans quoi notre époque déboussolée pourra puiser. Comme cela fait du bien en 2013 de voir un film joli, raffiné à tous points de vue et qui "sonne" vrai !
  • HENRI (2013)
    Note : 14/20
    Glissé dans la peau d'un travailleur social plein d'écoute on peut tenir les presque 2 heures. Egalement si l'on a juste survolé le milieu des êtres à "absences répétées". Ceux qui s'estiment hors des dérives mentales décrites vont invoquer la fraternité, le respect de tous, abrités derrière un commode et lâche "ne pas juger". Les soignants adhèrent... ou lèvent les bras au ciel tant les borderline(s), capitalisme sauvage accélérant la cadence, reviennent faire partie du quotidien de tout un chacun. Au bout de l'introduction, oupse, grosse ficelle... que Henri le restaurateur ait une femme du style de Lio, étonnement mais on veut bien.. Qu'ensuite il se rapproche de Rosette, léger malaise à moins d'être en apesanteur ou ramené chez les Deschiens au côté naïf mâtiné d'absurde qui rejoint le divertissement. Par bribes à la télé oui. Non stop ainsi, lourd sur l'estomac. Y manque l'intensité de "Quand la mer monte" auquel le regretté Gilles Porte avait contribué. Côté direction d'acteurs, Jackie Berroyer égal à lui-même, le côté nature de Miss Ming et Pippo Delbono bien net, hélas trop éléphants dans un magasin de porcelaine ! Ensemble plaisant pourtant, sauf qu'on peut rester en retrait parce qu'ils sont trop vite cernés dans leur laborieuse quête l'un de l'autre par simple mimétisme. Les lieux décrits, l'atmosphère, les accents font que la démarche globale s'amorce en cahotant, la dernière partie délivrant l'oxygène. C'est le déroulement des étapes, la façon de placer les outrances qui m'ont personnellement éreintée. Un moyen métrage ou même un court suffirait à pareille démonstration. Et ce malgré l'élan qu'on est nombreux à avoir pour Yolande Moreau et son univers ! Cette fraîcheur de vues qu'elle garde. La prochaine fois, espérons-le ;.
  • PHILOMENA (2013)
    Note : 18/20
    18,5/20 : Univerciné britannique Nantes 2013. Sacrée petit bout de femme que Philoména sous les traits d'une actrice âgée pleine de répondant, véritable bras d'honneur au glamour, à la chirurgie esthétique. C'est la fête perpétuelle dans cette histoire grinçante et romantique à la fois, sans jamais qu'on dérive flagornerie où clichés. Ainsi, le couple Martin Sixmith et Philoména fonctionne à plein, leur objectif jamais perdu de vue, chacun conscient des abîmes intergénérationnels. Deux tempéraments complémentaires pour une mission funambule, sur fond d'institutions à couvercle plus ou moins hermétique... En chemin, Stephen Frears habille ses personnages de sa verve (réalisateur au mieux de sa forme dans ce film !). La manière de raconter un livre à partir d'un moyen de transport, sans crier gare une ou deux répliques cinglantes, de celles qui émanent des personnes revenues de très loin dans la souffrance intime. On a les yeux qui s'embuent pendant un long cri de douleur, on éclate de rire la séquence suivante... Tout repose sur la pétillance de Judi Dench, "la plus mignonne des petites vieilles du grand écran". Elle donne envie d'avoir son genre de rides (très attirante plastique même filmée en gros plan avec toutes les marques de l'âge), ce naturel, ce timbre de voix aussi, ce phrasé, cette manière d'articuler chaque syllabe, son sens de la répartie en cas d'attaque. Un pur délice... La bonne distance par rapport à l'événement de départ, des prises de vue avec coupures aux bons moments, l'action qui n'arrête pas, font écarquiller les yeux et se dire, ah, comme ils ont dû tous s'amuser pendant le tournage !
  • LULU FEMME NUE (2013)
    Note : 18/20
    18,5/20 : Débarquer dans cet entretien d'embauche plus vrai que nature sans avoir lu la bande dessinée d'Etienne Davodeau met tout de suite dans l'ambiance. Lulu représente des milliers, des millions de personnes comptant sur le marché du travail pour sortir de leur carcan personnel. Un acte manqué, manquer son train et c'est l'hôtel, le plaisir d'un lit pour soi rien que soi... En peu de plans, la réalisatrice de "Haut les coeurs" marque sa volonté de s'attacher aux gens ordinaires, les mal fagotés, les ulcérés par les obligations multiples niant leur personne. C'est filmé avec tellement d'élégance que, même si les rencontres font, entre autres films plus récents sur ce thème, penser à "Sans toit ni loi" quelques minutes, on sent qu'il va arriver des bricoles à cette grande fugueuse, mais de là à plonger... Ce serait nier sa gestion instinctive des événements. Emouvante de courage (bien aimé le parallèle entre portable et chien en laisse !), elle erre et croise d'autres "sursauts". Tous d'accord pour passer du seul statut de femme à celui d'individu. Question de volonté, semble affirmer Solveig Anspach, battante de l'est qui a roulé sa bosse. C'est assez grinçant comme ton, d'une fraîcheur inhabituelle mais qui cite Simone de Beauvoir... La violente caricature du conjoint n'empêchera pourtant pas de se questionner sur la durée de l'état de grâce du suivant.
  • UN BEAU DIMANCHE (2013)
    Note : 13/20
    D'habitude, Nicole Garcia excelle à dérouler une intrigue en d'infinis rebondissements desquels on ressort remué. Son beau dimanche m'apparaît difficile à croire. Des flashs comme cheveux sur la soupe, sans lien, au spectateur de rassembler le puzzle et ce pendant une très très longue mise en place du décor. L'acteur central, le fils de Jean Rochefort, est d'une discrétion terrible même si ensuite on comprend qu'il s'affirme comme sauveur parce qu'il sent que c'est son heure. Sa très plastique partenaire a tout pour apitoyer en même temps qu'elle rince l'oeil. Un peu cliché tout ça... Mais le plus assommant c'est le "care", cet assommant altruisme très comme il faut des classes privilégiées, sûrement pas celles qui vident leur porte-monnaie dans la main des petites mères ados embarquées dans des embrouilles ! En conséquence, si on ne mord pas à l'hameçon, il faut trouver de quoi compenser. Faire avec ce couple bâti sur un fort déséquilibre à la base, ce plan financier sans filet... Se rabattre sur prises de vue exceptionnelles (il y en a), bref, reconnaître la passion de la cinéaste pour son histoire. Ce sont les antagonistes finalement qui offrent alors le meilleur (l'accueil familial mitigé, cette colère du parent à propos de l'héritage), le pilier restant Dominique Sanda, incroyable d'ambivalence... et de présence ! Sûrement la plus digne de cet équivalent "roman photos" de nos grands-mères !
  • GLORIA (2013)
    Note : 17/20
    Redouter de tomber d'une falaise dans les films contemporains d'Amérique Latine peut les faire éviter tant les issues sont sévères. Cet énième portrait féminin appuyant la faillite des repères d'âge balaie cette crainte. On a bien le refuge dans le jeunisme auquel vient s'ajouter l'envie post-dictatures de s'ébrouer. Ni belle ni moche, cette Gloria (piquante Pauline Garcia !) appelle une sonnerie de réveil quelconque. La mue est parfaitement cernée, le phénomène de société, l'ambiance chaotique propre aux crises identitaires, tout y est. C'est un peu envoyé en vrac par moments, mais toujours plaisant car là où le trivial pourrait nuire, Sebastian Lelio devient délicat à l'image, dans les dialogues. Morgue, humour alternent harmonieusement. Ce serait une réussite à cent pour cent sans la pirouette-chanson, avec son seul "il faut en profiter un maximum car les lendemains, n'est ce pas"... Trop aimable invitation à déduire ou à rester suspendu(e) avant de "zapper" plus loin !
  • UN ÉTÉ À OSAGE COUNTY (2013)
    Note : 19/20
    Alcool, pharmacopée, usure de couple, enfants gênés. Le maître-mot, "se taire c'est mieux". Pas vraiment la fête dans cet endroit ingrat "qui pouvait être laissé aux Indiens" ! Et pourtant, le petit air de country (Eric Clapton en live) offre un écho optimiste chez le spectateur qui peut rapprocher le sujet de "Un conte de Noël" (Despléchin), "Peter's Friends" (Branagh), "Carnage" (Polanski). Les envies et devoirs, brèches, impasses. C'est toujours très bien amené à l'image et au son, aucun ennui dans ce lavage de linge sale où on est voyeur tout à fait consentant. Le scénario patine faussement. Vite compris que c'est pour mieux ménager la stupeur... le rire, même quand c'est triste, comme si la vie, vue de l'extérieur, additionnait les situations loufoques. Arrive ce quart d'heure magique, la prière, faux-semblant alors que la faim tenaille, un supplice qu'on ne souhaite pas à son pire ennemi ! Sur fond de frictions générationnelles (rôles marquants pour Meryl Streep et Julia Roberts !), deux gros secrets de famille assortis d'attitudes trompeuses pour l'auditoire. Et les deuils, ces couperets venant à l'heure qui leur chante. Comme les détails sur les personnages, ce qui rend certains plus attachants que d'autres afin qu'on en revienne quand on sait tout. Un film grinçant mais fraternel sans leçon de morale !
  • BENVENUTO PRESIDENTE ! (2013)
    Note : 19/20
    Cycle Univerciné de Nantes 2014. Rire aux éclats et envie de partage avec ses voisins spectateurs ! C'est une pirouette, manière d'entrevoir une alternative économique viable, sans glissements vers le sectaire ou le religieux ni le rire gras. Car irrévérencieux mais jamais grossier. Insolent là où il faut. Le décor planté allègrement, on voyage à grands pas, on décolle de son siège, puis un petit flottement, la crainte de s'enliser... A nouveau des mouvements de caméra qui embarquent un peu plus loin dans la pratique ! En prime, un érotisme qui décoiffe (limite ne ferait plus craindre les baffes !), une Janis sortie de ses gonds, une préparation culinaire douteuse. Un pêcheur de truites au pouvoir, des dignitaires partagés, hum... En France on pensera un peu au regretté Coluche, symbole du juste entre les justes bannis par l'ordre moral séculaire. Sortie de la salle de cinéma garantie sur ressorts !
  • LE FACTEUR HUMAIN (2013)
    Note : 18/20
    Découvert à l'Univerciné Italien de Nantes 2014. Très bien mené, avec des prises de vue éloquentes, cette manière de filmer de dos celui qui s'évertue à arrondir les angles, souvent en vain ! Il faut dire qu'il a un faciès ingrat, une silhouette fuyante, à croire qu'il incarne d'avance celui qui jette l'éponge ! On se dit qu'on ne va pas tenir tout le film avec pareil personnage central. C'est assez bien fait pour qu'on suive malgré soi le malheureux Moncaco, veuf, circonstance aggravante, dans ses tentatives désespérées de récupérer sa fille égarée dans le labyrinthe des sensations fortes. Influençable, en pleine crise identitaire, la jeune fille l'avoue à travers le geste (les boucles d'oreilles !), s'entête dans son double jeu pervers jusqu'à l'aveu final... qui rallie mais sidère ! Alors, que ferions-nous, humains au cuir tendre, que l'expérience des réalités a façonné, face au délabrement moral de la génération du vertige, en quelque sorte perdue et que nous avons pourtant éduquée au mieux ? Comment se positionner quand un être cher se conforme au cynisme ambiant sous peine de rejet de sa tribu prête à toutes les bassesses pour se sentir exister ? Une réalité encore peu divulguée, qui devra se dire au grand jour bientôt tant les dégâts s'accumulent. C'est toute la question que pose ce magnifique portrait d'un solitaire aux prises avec le travail de sape que la modernité, injuriant passé et racines pour ne goûter que le frisson de l'instant, impose aux nouvelles générations.
  • JE VOYAGE SEULE (2013)
    Note : 16/20
    16,5/20 : Découvert au Cycle Univerciné Italien nantais 2014. Grande classe, prestigieux métier : "Cliente mystère dans les hôtels luxueux de la planète". Une star volante au salaire conséquent, le personnel masculin plié en quatre pour elle. Sauf qu'elle apprécie ou rembarre, dit qu'elle part "avec elle-même", bref, semble déçue de sa condition... La quarantaine et solitaire, déjà ? Deux rencontres viennent pulvériser cette Irène léthargique, qui va se fâcher avec sa soeur et déraper avec son ex à un moment crucial. Tout cela ferait penser au carrosse changé en citrouille sans les revirements indispensables. On peut souffrir de l'introduction très laconique, images de pub et puzzle en vrac sur l'écran. La mise en scène soignée et les acteurs très expressifs rachètent largement ces défauts, en plus des dialogues courts et productifs. Quelques grincements sur le sexe dans le couple longue durée, une brouille entre soeurs, des enfants perturbés. En même temps un pari sur l'avenir avec une grossesse. Rien que de très familier ! Nul ne devrait grimper aux rideaux, en Italie ou ailleurs... La deuxième heure est palpitante avec ses trois situations qui remettent à plat les idées reçues.
  • AQUADRO (2013)
    Note : 17/20
    Découvert au cycle Univerciné italien nantais 2014. Emballage visuel et sonore du meilleur goût pour une situation quelque peu scabreuse. La musique planante rassure, les visages et les corps sont investis avec douceur, ouf... L'inévitable provocation verbale autant que physique (les deux copines), avec ce pli de balayer les écueils en chargeant l'autre. Ils sont officiellement dans leur tribu, copains et copines, cours ensemble. Silence sur les familles. Ce couple très jeune, noyé dans son excitation, lui sous addiction, et elle qui souhaite d'abord perdre sa virginité, montre sa complémentarité dans son oscillation incontournable entre virtuel et réel. Avec sa g... longue, il symbolise l'introversion et elle, petite balle mousse qui rebondit, davantage l'adaptation en vue d'évoluer. L'escalade vers le malsain fait craindre le pire jusqu'à l'effet boomerang. Les voilà ensemble ou dos à dos dans leur A2 circulaire et symbolique... L'adulte s'invite hors champ sur le mode éducatif et l'ado se rebelle entre sa demande de cadre et son désir d'en découdre. Un moment on craint que la jeune fille écope de tout... Ce serait compter sans le contournement du réalisateur convaincu qu'illusions et ressources vont de pair et qu'on sent, tant il soigne sa projection sur son public fatalement clivé, désireux de rallier l'adulte et l'ado qu'il porte en lui.
  • 15 ANS ET UN JOUR (2013)
    Note : 17/20
    Découvert au Festival espagnol nantais édition 2014. Tout un chacun devrait pouvoir se retrouver dans le survol de la prime adolescence au moment de la bascule vers le je ne sais plus trop qui je suis et je vous emm... Une diction mitraillette mais pas un mot de trop, on agit quand la ligne rouge est atteinte, ça et là se glisse quelque affection dans les gestes... Si la mère se place hors jeu, impuissante sur toute la ligne, le tonton militaire (qu'on s'attend à voir user de la raclée) a plus d'un tour dans son sac et plutôt bon vivant, lui aussi soumis à des compromis avec sa juge chérie, pas toujours commode la bougresse... Cette manière de dévoiler les limites du coach à égalité avec le plongeon du jeune peut inspirer et même convaincre toute personne révulsée par l'éducation à coups de pied quelque part.
  • UNE PROMESSE (2013)
    Note : 18/20
    Le raffinement des décors, des costumes, l'atmosphère vaguement opiacée, tout cela ferait sourire sans cette ironie dans la voix masculine face au jeune rival en puissance. Les présentations sont un peu longues, précautionneuses. Arrive enfin la dame telle une fleur à cueillir deux fois. Une fraîcheur, un naturel inaltérables, décuplés par son piano hors champ. Idylle retenue à l'extrême, manque de fougue diront les conditionnés aux explosions. Alors oui, c'est traité façon Stefan Zweig, en plus pâle sans doute, avec des pics de cruauté, jamais eau de rose ou mélo pour autant. Ni Harlequin, ni les romans-photos des Emma Bovary années Cinquante ou de leurs toutes jeunes filles en catimini. Et pourtant baume comparable si coeur encore ouvert un tant soit peu... Oser le romantisme de couple à l'identique, pas seulement féminin, un crime à l'époque du tout jetable !
  • PAS SON GENRE (2013)
    Note : 16/20
    La bande-annonce est directe, on démarre par du convenu pour ensuite virer vers une ambiguïté lancinante. Un beau jeune homme posé, un peu fade, face à une tornade ancrée dans le concret. Le couple en désir d'apprivoisement avec la même envie d'étincelles et petit à petit la hantise d'être abandonné, trompé, etc. Des armes inconscientes derrière les épanchements. Gros tiraillement par rapport à son propre vécu, selon qu'on cultive l'extériorisation ou qu'on cérébralise pour "en garder un peu pour demain". Que ce soit l'introduction, les obstacles à franchir ou la tentation de sortir du labyrinthe, le mode guerrier instaure la résistance parce que milieux, cultures, éducations, la galerie aussi, sabrent, l'image privée et l'image publique jurant comme jamais dans la plupart des têtes. Lucas Belvaux, tout en désirant son actrice bien franchement, reste frileux par acteur masculin interposé. Alors oui, il peut laisser croire à une victoire par évaporation mais il ne dit pas qui a aimé mieux ou plus que l'autre, c'est tout l'intérêt de son film tortueux.
  • THE HOMESMAN (2013)
    Note : 15/20
    15,5/20 : Loin d'un western classique bien que tous les ingrédients à l'image y soient, l'allumage est progressif, entre présentation et préparatifs, avec une musique moins grandiloquente que pour affronter les grands espaces dans des chevauchées spectaculaires mais tout de même de jolis plans étirés. Le couple conduisant les trois égarées promet, on pressent à quelles extrémités cette terre inhospitalière en plus de leurs caractères aguerris, va les amener, les échanges humains de ces contrées étant plus proches du grognement que de la parole. Mary se défend au mieux en tant qu'individu, cantonnée entre sainte et/ou mégère apprivoisée. Elle intrigue à juste titre. Il y a des pics de qualité, quelques gags bienvenus, mais le voyage manque du piment qui ferait décoller ce couple empêtré dans les façons de ce temps-là... Après tant de veulerie, voir Meryl Streep en femme de pasteur est le lot de consolation. Même si Tommy Lee Jones analyse sans complaisance le retour à l'animalité la plus crasse, même s'il sait implicitement dire "voyez à quoi on peut revenir un jour dans toute société en perdition", sa pirouette d'ivrogne fait un peu réalisateur qui se réfugie dans l'acteur, trop facile.
  • LE PROMENEUR D'OISEAU (2013)
    Note : 18/20
    18,5/20 : Vu en version originale sous-titrée. Sous sa joliesse de façade (bande-annonce décourageante), l'histoire résume par petites touches l'esclavage technologique et les dégâts intergénérationnels décuplés de ces dernières années. La lenteur sénile et la tyrannie juvénile arrachent plus d'un sourire, quant aux jeunes parents, on se demande bien ce qui les anime vraiment... L'oiseau est au centre, interprétable, il a quand même un cache sur sa cage de bois tel un bâillon, cage portée délicatement comme s'il n'était qu'à moitié prisonnier, beau comme une fleur, limité et cependant force de la nature. La caméra se recentre sur lui ou les siens plus les événements s'empilent, tranquillement il est vrai (quelques longueurs). Petite famille façon pub ou étendue à la société, suite de fractures à colmater avant extinction pure et simple. Voilà un cinéaste visionnaire dont l'originalité tient au refus de l'hyperréalisme chinois habituel. Pas si optimiste que cela malgré beauté picturale digne d'un conte, gentillet de surface pour mieux capter le public de tous bords. Beaucoup de générosité plus que de racolage facile, la poésie ambiante, les gags, les passerelles posées ça et là... Reposant et qui change de scènes violentes et rien d'autre. Le sujet est traité sous tous les angles ou presque, chaque spectateur apte à faire ses déductions par rapport à ce qu'il vit.
  • MAGIC IN THE MOONLIGHT (2013)
    Note : 18/20
    C'est un bon tour de magie, savamment illustré à l'image et au son (ces morceaux de jazz !), d'apparence légère, fustigeant les travers des époques régressives, ce règne des esprits "forts" sur les masses avec ce recours aux croyances pour distraire des souffrances incurables. Nouvelle prise de distance teintée d'espièglerie. Woody veut visiblement redonner le moral à ses semblables. Avec cet art d'embarquer sur des coquilles de noix par gros temps... Il s'en tire avec brio et par acteurs finement interposés, l'ours mal léché et la madone fûtée déployant des stratégies avec variantes assurées de faire mouche... On est loin du bavardage mitraillette de certaines productions antérieures. Des cadrages éloquents s'y substituent, relayés par une lumière digne d'un conte, avec quelques scènes qui égratignent sens du devoir et autres impasses pour rester dans le troupeau. Le feeling pour seul gouvernail ?... Un deuxième niveau de lecture peut venir à l'esprit. En attendant, c'est comme si le magicien de notre enfance passait nous rappeler qu'en tout temps, aucune rencontre n'étant fortuite, quand les boussoles s'emballent, se fier aux ondes peut sauver du désastre.
  • THÉRÈSE DESQUEYROUX (2012)
    Note : 15/20
    Enfin Audrey Tautou dans un rôle qui lui va. Mature, très convaincante, le mythe Amélie Poulain enfin derrière elle. Une raillerie de la famille provinciale à peine formulée... Déjà un grand classique. Ô que c'est respectable, pétri de l'oeuvre romancée, convenable en dehors des petites fioles justifiant cette noire larme sur l'affiche. Le couple mal engagé se révèle dans le renversement des situations, c'est tout l'intérêt du film. Car Thérèse devient rengaine dans ses petites manies par en-dessous, pas assez de sang dans les veines !... Sans l'interprétation irréprochable, le retournement des rôles et ce supposé oxygène parisien, on frôlerait la platitude.
  • UNE SECONDE FEMME (2012)
    Note : 17/20
    Dès les premiers plans ce qui frappe est l'archaïsme des moeurs qui jure avec les éclats de modernité venus d'occident. En voilà une vendue par les siens même s'ils la pleurent. Objet de curiosité dont sa famille d'adoption explore toutes les facettes, Ayse, bien dressée à l'abnégation par Fatma l'héroïque, justifie son tout petit filet de voix. Le père est doux avec elle, le fils aimable quoique énigmatique... Elle se lâche un peu au supermarché avec lui, les commères s'extasient, la trajectoire est sécurisée. Coquin de sort qui n'a cure de cet agencement entre la Turquie et l'Autriche ! Voici soudain un bébé fille en pleurs, notamment quand sa mamie approche. La tension monte encore, la violence souterraine finit par déborder, on a mal pour eux tous d'être aussi dépersonnalisés... Rien n'était donc gratuit dans ces scènes d'intendance vues par le petit bout de la lorgnette. Les us communautaires gagnent ici, comme souvent, même en zones réputées civilisées, et pourtant Fatma avait d'excellentes raison tout comme son mari... C'est complètement le message contemporain de survie pour la jeunesse dépossédée du travail qui l'emporte ! Place à la new generation dont les intérêts convergent, prévaut l'urgence économique ! On peut comparer ce film qui saccage en sourdine à une plante carnivore.
  • À PERDRE LA RAISON (2012)
    Note : 16/20
    C'est corrosif dans le sommeil qui suit la séance. Pourquoi 4 petits en territoire médical contemporain, on se croirait dans les années cinquante. Murielle, à peine la robe de noce pliée, sent son mari après 2 bébés s'échapper vers ses origines marocaines, constate "un retard" telle une vierge. Le beau-père médecin lui mentionne l'existence de l'IVG, vite balayée par le mari au prétexte de l'enfant mâle inespéré après ces 3 fillettes successives. Troublant couple que celui d'Emilie Dequenne et Niels Arestrup ! Pourtant c'est difficile de faire porter au "bienfaiteur" tout le poids des événements tel qu'expliqué... Si Mounir s'est fait à la facilité, sa jeune épouse est bien trop cultivée pour tomber aussi bas (trop loin du fait divers où 5 enfants furent sacrifiés, ce n'est pas du tout la même femme). La prise en charge des jeunes hommes par des béquilles d'office condamnables (la soeur très FN !) caricaturent de manière à favoriser l'enfer, cette préméditation orchestrée à partir d'un flash de l'imagination. Excusable est Joachim Lafosse néanmoins grâce à son génie de la mise en scène (l'ombre de la moitié de l'écran sur le bébé, la musique qui vient régulièrement dramatiser les scènes les plus anodines). Son film est servi par des dialogues efficaces et vaut de l'or rien que par la métamorphose de son actrice principale. Comme pour le dardennesque "Nue Propriété" ou le pervers "Elève Libre", il excelle dans les étaux mettant le spectateur au supplice. Et bien que pleurer sur "femmes je vous aime" puisse faire défaut quand elles sont à ce point passives !
  • CHERCHEZ HORTENSE (2012)
    Note : 17/20
    Sous le titre laconique, une fois l'introduction intello-bobo traversée, c'est un plaisir de découvrir ces Parisiens à un tournant de leur existence. Acteurs au mieux de leur forme (Bacri dans un personnage pas seulement désabusé mais entier, Rich irrésistible en vieux recentré sans scrupules, Duclos le rapace doucereux et cet étrange flash HH sur son vêtement bleu, Scott Thomas égarée entre scène et réalité, Berroyer le fuyard une fois ranimé, Carré presque la candide de service malgré son incarnation de pureté juvénile). Du convenu dans ces fins de vie d'un couple hétéro si n'intervenait ce jeune japonais androgyne. Noé reste la caricature la plus terrifiante du lot dans ses déambulations d'ado contemporain. Les grincements réguliers dans les dialogues, les menus dérapages alliés à de jolies prises de vue (parfois riches de sens ou bien pulsions discutables du cinéaste ?) font qu'on passe un bon moment.
  • QUELQUES HEURES DE PRINTEMPS (2012)
    Note : 19/20
    Après "Le sens de l'âge", mini portraits d'octogénaires philosophes de Ludovic Virot et avant le redoutable "Aimer" de Haneke, cet effleurement de la radicalité est idéal comme transition. Un vrai précis familial côté relations humaines, les mesquineries pour délimiter les territoires, le report sur l'animal trait-d'union afin de maintenir la chape de malheur, c'est très juste tous ces gestes du quotidien. Quand on sait que la morphine en soins palliatifs a ses limites, l'idée de fond peut s'entendre, encore faudrait-il qu'elle devienne accessible aux plus démunis et nationalisée, les tabous ont la vie tellement dure... Le monde du travail actuel vient s'intercaler dans toute son horreur sélective, ce qui ajoute encore des mises au rebut à venir, probablement des difficultés à traiter la maladie incurable, voilà à quoi on réfléchit chemin faisant... Ils sont de toute façon, mère et fils, bouleversants en fin de course, on n'en revient pas du naturel à humer, à s'installer après le périple, ce havre là ou chez soi après tout, et puis bien sûr le sursaut... Tout dépend de l'expérience qu'on a des souffrances extrêmes, soit on sort de la salle inspiré avec l'envie secrète de contracter dès que possible pour l'au-delà et non pour ses seules obsèques, soit on soupire plein d'embarras, soit on crie à la lâcheté en filant à ses petites affaires !
  • DANS LA MAISON (2012)
    Note : 16/20
    Comme d'habitude, on est à la fête côté narration et mise en scène, les acteurs jubilent, ça défile, ça déménage... pour ensuite osciller entre pics et creux de vague. En sortant de la projection, peut persister une impression d'avoir été un peu promené dans ces rattrapages in extremis après des kilomètres dans le flou... Jean qui rit, Jean qui pleure, ou alors le rire jaune de Woody Allen version française. C'est un aperçu des monstruosités latentes de l'individu. On sent bien qu'Ozon s'amuse à exhiber son petit fouille-m..., le copain qui louche l'annonce d'emblée... A repenser hors séance aux échanges verbaux du couple Fabrice Luchini et Kristin Scott Thomas, êtres réfléchis, douchés par les revers, on se dit que les régressions nées du plongeon économico-financier se traduisent un peu comme ça, l'uniforme inviterait plutôt à se rendre singulier qu'à marcher avec le troupeau... Sont passés au tamis jargon, poses, clichés de réussite... chacun coche la case selon son milieu (la femme "de la classe moyenne" terme méprisant d'un bord, enviable de l'autre). Sans doute est-ce trop le genre de clivage en marche, ces clans qui se manipulent ou s'évitent soigneusement, d'un côté les intellos bourgeois avec leur tic de cataloguer et, de l'autre les hyperactifs, plus heureux au prix de se décérébrer, pas très palpitant sur le fond, assez inquiétant même... On est pourtant diverti, invité à rire plusieurs fois d'eux, de nous-mêmes. C'est divinement démontré, avec des cadeaux de consolation exquis (les exultations littéraires, Yolande Moreau extraordinaire en double !). Dommage qu'entre dérision et réalisme le dosage soit inégal et fasse que la tristesse l'emporte.
  • TEMPETE SOUS UN CRANE (2012)
    Note : 18/20
    Instruire les classes de quatrième, âge = 15 ans en collège public. Des êtres en devenir, au sens pratique démesuré, des atrophiés du raisonnement, des endormis affectivement si nul ne les sauve (les exercices assez surprenants de fraîcheur affichent ce constat). Là où le comportement collectif est constitué d'une infinité de bruits et gesticulations dans la classe comme une maternelle qui n'aurait pas évolué, il faut trouver le pont, et pour cela tâtonner tel un chercheur... Afficher la bonne pâte qui répète, redresse comme on le fait de tout petits, avec en arrière-plan les clés de l'autonomie. Au demeurant, c'est plus facile pour un professeur d'arts plastiques comme celle que nous fait découvrir ce film que pour l'enseignante en lettres (deux personnages qu'on aurait voulu avoir comme profs !). Tout porte à croire qu'elles ont autant l'une que l'autre trouvé la combine... A quel prix pour les nerfs du spectateur ! Par mille et un détours elles remplissent leur mission, déjouent les défenses de ces cerveaux baignés dans le seul rapport de forces. Une incroyable proximité physique, à l'image de bons parents, les cours, les contacts verbaux sont chargés d'affects, ces grands massés au ras du pupitre du prof montrent une fragilité insoupçonnée, en dehors des fatals meneurs et des trafics louches de quelques-uns bien entendu, et qui finissent par passer au rapport... L'enjeu étant que cours et vie réelle n'en fassent qu'un, sifflet et punitions traditionnelles sont remisées, fermeté, maîtrise... il importe d'user d'un langage commun aux moments fatidiques "tu sors de mon bahut" dit la directrice ! Ce documentaire montre une avancée possible en matière de résultats, de là à prétendre s'appliquer partout, il faut quand même être d'acier... au moins au départ, l''espoir de récolter les retombées étant la récompense ultime si récompense il y a... Respect des programmes balayé, retour de la jugeote... Silence sur les fameux "moyens matériels" et "effectifs insuffisants" dont il est fait état concernant l'enseignement public actuel. Belle démonstration de patience, attitude héroïque pour nombre d'enseignants. Plus facile si entente cordiale des adultes qui encadrent !
  • OH BOY (2012)
    Note : 19/20
    C'est un morceau de roi que ce film à fleur de peau... Aussi émouvant et simple que son réalisateur sur la scène du Katorza au cycle Univerciné nantais 2012, Jan-Ole Gerster, un jeune homme souriant, presque gêné de l'admiration générale, d'office sympathique ! Sans jamais peser ni racoler, son film expose les caractéristiques humaines principales, l'art de se rendre agréable à autrui, l'altération du caractère à force de contrariétés, les dérapages de comportement, le fatal glissement vers les haines collectives. Côté forme, quelque chose de "A bout de souffle", le noir, l'anthracite prédominant sur le blanc, deux ombres profilées sur un lit dans une chambre, de germaniques allures "Nouvelle Vague"... Quelques emprunts aux films noirs d'Hollywood aussi, avec la subtilité chaplinesque d'user d'une légèreté de façade pour y incorporer finement une gravité. Humour distancié puis lâché jusqu'au délire, catastrophes par poussées (le golf du père, la blonde qui a placé son surpoids dans un autre registre). Et quelle musique ! Souvent relancée avec l'image comme une manivelle, en plus d'être indispensable comme une signature, c'est un régal de tous les instants ! Expressions des visages appuyées, qu'on s'attache au front lisse et à la tête juvénile de Tom Schilling... Première allusion à l'antisémitisme sous forme d'extrait télé, un amour caché... Le point culminant en coude à coude sur le zinc. Vieux radoteur bien imbibé, plus distingué que la moyenne, son père et son vélo, tout ce verre cassé : une confidence autorisant toutes les interprétations si ne venait à l'esprit la "Nuit de Cristal" berlinoise, que les jeunes générations tentées par le radicalisme n'oublient jamais... Séquence stupéfiante quoique sans parti pris explicite à bien y repenser, que le public déduise ! Ouste la légèreté de "trouver un bon café" ! Les grands voyageurs, les familiers des tournants de désespoir se retrouveront pleinement dans Niko, aventurier d'aujourd'hui, apte à s'installer dans un fauteuil inclinable auprès d'une mamie mélomane, rouler avec un dégoûté de l'environnement qui rit si ça le démange, retrouver une ex-ronde en pleine révolution, accompagner un parfait inconnu à l'hôpital.
  • TRANSPAPA (2012)
    Note : 19/20
    Découvert au Cycle Allemand Univerciné Nantes 2012. Un plaisir de tous les instants, dû pour une large part aux dialogues percutants et aux acteurs principaux. La jeune fille avec ses sourcils qui doutent et ses exigences d'ado régressive, et ce père aux manières douces qui a fui pour se refaire, avec lequel il faut repartir à zéro, homme devenu femme, père qui n'est pourtant pas une mère... A l'heure française de la polémique concernant le "mariage pour tous", le discours "trans" même s'il peut être entendu et toléré rencontre des réticences. Ce film tâche de dédramatiser les efforts à fournir. La stupeur fait place à un lent ré-apprivoisement. Quelques moments pimentés, quelques idées reçues balayées, le conformisme et les tricheries de l'adolescence rencontrent complicité tacite ou fermeté, exactement comme entre deux parents hétérosexuels. Un état des lieux que le bourgeois préfèrera pourtant voir chez les autres... Cette rencontre d'un père devenu femme, aussi attendrissante soit-elle, trouble les saintes familles. Succès garanti en revanche auprès des aspirants au bonheur et à la liberté individuelle (homos, mères ou pères célibataires...) les individus régulièrement ignorés des statistiques familiales... La famille traditionnelle est ici campée par le voisinage, aimables et précautionneux comme on l'est devant des animaux de cirque (le fiston vend la mèche en voyant du détraqué là où il y a initiation). Très fine analyse des impératifs sociaux des jeunes générations, se sexuer clairement, être fier de ses parents auprès des copains... Honte à ce géniteur devenu complet par son mix des deux genres, avoir un père médecin à succès a tout de même une autre g... ! La relation à la mère est chamboulée si elle était responsable du virage paternel... C'est riche d'une infinité d'angles... Le style des échanges verbaux et la gestuelle, toujours très soft, invitent à relativiser, à en sourire. Ce n'est pas plus dramatique qu'un divorce... Film plein de santé, de sens pratique, d'entraide, avec son ancêtre qui héberge "la gouvernante"... On rit énormément des émois que les métamorphoses apportent aux personnages (du végétarisme austère, du système patriarcal qui fait bouder les jupes...).
  • LA GRACE (2012)
    Note : 18/20
    Perle découverte à Univerciné Cycle Allemand Nantes 2012... On plane au-dessus des rondeurs géographiques au coeur de la nuit polaire (novembre à février), une rencontre terre/océan crépusculaire qui donne presque envie de continuer le survol... Car que vont recéler tout au fond de l'écran là-bas ces cubes noirs aux points lumineux à part des ours en hibernation ? Bande-son en apesanteur, mer mouvante, horizon pour le moins dégagé et... Descente dans une fracassante multinationale, des tenues orange flashy, le stress, un rapprochement physique proche du rut tant il est rageur. Des choeurs de toute beauté s'intercalent et c'est heureux ! Comme de faire un tour par l'école, où, nouveau réveil, deux enfants crachent dans un sac de loser... Comme lien au monde, le filet de route qui longe la côte, on y va constamment, toujours dans la pénombre, des collines neigeuses pour tout repère. De brefs coups de fils chargés d'électricité... Visible qu'un chat et une souris cherchent ici un second souffle, maison de bois individuelle, job des deux signant intégration totale, sauf qu'on ne donne pas cher de leur peau ! Leurs repas sont trop lugubres à cause de papa, si caractériel... Et voilà que la voiture heurte "quelque chose", ce que c'est que d'accepter des heures d'affilée auprès de grands malades ! Inconstance contre délit de fuite, secret de plomb en même temps que retour du soleil nuit et jour pour plusieurs mois et fiston qui déjante avec sa manie de filmer en douce... Aucune baisse de régime dans ce menu excepté le va et vient sur la route fatidique vers l'issue, quoique l'ironie du réalisateur finisse par en relativiser la perception. De belles frayeurs régulières ! Dans la libellule d'acier avec la fille d'Oslo, les deux pilotes muets comme des tombes... Ou sur les terrasses, cigarettes au bec pour se croire réchauffés. Ou lors de la tardive visite ! Sans omettre ces crissements de pas qui cisaillent la glace... Une atmosphère fascinante doublée d'un récit à rebondissements des plus fins. Jürgen Vogel et Birgit Minichmayr campent avec justesse ce duo assez humain pour qu'on puisse le défendre, petite mort de l'amour physique et assistance à la mort véritable entrant en résonance de manière tout à fait crédible.
  • WADJDA (2012)
    Note : 19/20
    Découverte majeure du Festival des Trois Continents 2012. Un bijou humoristique qui aurait gagné à figurer en compétition tant il rallie hommes et femmes si l'on en juge par les applaudissements nourris lors de sa projection au Concorde. Quel talent à dû déployer Haifaa Al-Mansour pour trouver comment conter l'obscurantisme saoudien ! Sa petite Wadjda ressemble à toute fillette, à toute femme (tout individu) bloqué(e) parce que des règles nées des non dits, des usages, lui échappent. Egalement au menu le malaise de devoir faire avec un papa illimité, une maman rétrécie. Beaucoup de chaleur humaine. Des décors, des personnages dignes d'un conte des mille et une nuits mâtiné de modernité. Si les mâles sont en roue libre, l'exemplarité fait terriblement défaut du côté féminin dans cette plongée au coeur de Riyadh. Les belles enseignantes qui somment la retenue, maquillées, à visage découvert, ouaille !... Quant aux petites, il leur faut réciter le Coran pour exister dans une école où regarder une malheureuse photo est un crime, afin de correctement psalmodier (exercice nettement plus attachant quand c'est une voix délurée qui s'y colle). La communauté se gagne à force d'épreuves, même si l'avenir, sauf miracle, est l'époux courant d'air, l'épouse répandue en blablas et artifices. Etrange écho dans l'occident contemporain... Le vélo, jurant avec la faute d'être simplement "vue par des hommes" est l'oxygène du film avec ses rubans au vent, un cadeau aux jeunes générations des deux sexes ! Sortie officielle prévue en février 2013 en France.
  • ROYAL AFFAIR (2012)
    Note : 16/20
    16,5/20 : Les avides de sentimentalisme sur fond historique ressortent globalement satisfaits de ce film beau, crédible en matière de décors et costumes, instructif sur un pan de l'histoire du Danemark et même de l'Europe. Tragique sur le fond. Plein d'espoir sur la capacité à rebondir des jeunes générations. Echo possible avec le monde d'aujourd'hui, son bipartisme galopant et typique des récessions. La loi du plus fort, "l'ordre" des possédants, contradicteurs d'abord mis à l'écart puis supprimés. Qui refuse de signer s'entend répondre de signer, point ! Par moments on se demande qui est dérangé, le roi ou son encadrement. Un souverain qui ne peut qu'exacerber son monde, la reine-mère ou ce Struensee têtu, oublieux de surveiller le sens du vent... Le trio Mads Mikkelsen, Alicia Vikander, Mikkel Boe Folsgaard ont, au négatif, un numéro archi-prévisible. Au positif une justesse et un charme fous... Ils consolent du baîllement de milieu de séance. Une bonne demi-heure de trop, cette manie de croire qu'en faisant durer on captive à coup sûr... Certes, dialogues et silences sont aussi importants dans les intrigues souterraines. Seulement une fois qu'on a compris la tournure des événements, les réparties manquent de piment dans un style pictural aussi lisse. Beauté de plans qu'on se surprend à gober sans en retenir le texte à l'oreille ou sous-titré. La galopade toutes jupes au vent et la danse au ralenti avec claquements de mains sont de sublimes moments avec, en toute dernière partie, la douche encore plus froide qu'attendue !
  • SLEEPLESS NIGHT (2012)
    Note : 19/20
    Mention Spéciale des 3 Continents Nantais 2012, le très pointu "Sleepless Night" (Nuit Blanche). Une atmosphère intimiste. L'intérieur douillet d'un petit couple très uni. Elle, chatouilleuse sur la qualité de vie car son activité s'y prête (art et techniques de bien-être). Lui, conciliant, pragmatique avec ce boulot alimentaire qui pourrait bien déborder sur les dimanches. Toujours ensemble en dehors de leur travail, amateurs de verdure, de vélo, ils discutent sans se démonter, "sifflent" leurs nouilles en choeur (à grand bruit !). Les tâches ménagères partagées, du bonheur au lit, un espace vital harmonieux. Pour ce qui est d'avoir un enfant, c'est le flou, la mère de la jeune femme martèle à sa fille que c'est mieux jeune parce qu'on est plus en forme ! Voilà le premier écueil véritable. De moue en désaccord, les tourtereaux cherchent de l'air auprès d'un couple d'amis. Occasion d'une scène violente de rangement, la deuxième si l'on fait exception de l'éclat central (l'entretien avec le patron) à voir comme une allégorie. Film sud-coréen à cadence régulière, discours applicable à n'importe quel pays "mondialisé". La loi des marchés et la survie de l'espèce, vaste chantier... On sent que les deux trentenaires de Jang Kung-Jae, acrobates refusant de se lancer sans filet, sont différents après leur nuit blanche !
  • LA CHASSE (2012)
    Note : 15/20
    Thomas Vinterberg récidive dans son traitement des secrets de famille avec cette douceur d'éclairage aux tons chauds propres aux films scandinaves. A la proximité physique des enfants dans le jeu, répondent le puritanisme et l'arbitraire du collectif. Cette fois le cadre figure, non seulement le contournement des tares parentales, mais aussi bien, en seconde lecture, les réflexes induits par la récession, lisser, uniformiser... Un poison qui part de la directrice du centre, épaulée par un expert local... A partir d'une rumeur. L'art d'écarter un gêneur, trop singulier, trop indépendant. A croire que ces gens étouffent tous tacitement le véritable scandale local (le savent-ils, s'en doutent-ils, on en a la libre interprétation). Le rictus de la fillette renseigne le spectateur. On pense au procès d'Outreau, la parole de l'enfant, ce petit ange incapable d'arranger la réalité. Même impasse que dans Festen, fautif démasqué, éducateur rendu à lui-même. J'ai trouvé la petite amie d'une approche étrange, comme si Lucas s'en servait plus qu'il n'en était attiré. L'épouse du vrai grand malade et le fiston sorti de ses gonds sont en revanche très convaincants. Le bémol est que, malgré l'atmosphère très naturelle, l'excellente direction d'acteurs, les scènes de chasse et les traques, on tourne en rond à baigner dans l'obsession du réalisateur. Le dernier coup de feu qui fait mystère de son auteur est celui de trop.
  • TANGO LIBRE (2012)
    Note : 14/20
    Embarrassant, brouillon, chaotique, qui fait l'effet d'un patchwork mal assemblé. Dans le désordre, les scènes cruciales sont pourtant parfaites à l'image, il y a de l'ambiance, une lumière qui irradie l'endroit et les gens. On a envie de s'attacher aux trois protagonistes appelés à se mesurer, d'autant que Sergi Lopez débite quelques bons mots et rit en gros plan, on s'attend à une montée d'adrénaline, quelqu'un d'autre ou un événement qu'on ne pouvait pas deviner. Bien gentille la petite femme libre pour occuper l'écran. Préciser le pourquoi du comment afin de dérouler l'écheveau, ça va quelques minutes... On finit par souhaiter que le plus suicidaire disparaisse (trop de cirque !) afin d'avoir autre chose à se mettre sous la dent. Incompréhensible par exemple que le réalisateur se soit autant privé de l'acteur argentin le plus récalcitrant à danser au départ et qui finalement se décide. Il a "une gueule" et de la présence ! Dès le braquage de la caméra sur cet acteur précis, on s'attend à ce qu'il ajoute sa partition à l'intrigue amoureuse. Comparé à "Une liaison pornographique" et "La femme de Gilles" si aboutis, c'est un demi-film.
  • LES TROIS SOEURS DU YUNNAN (2012)
    Note : 18/20
    Prix du Public et Montgolfière d'Or du Festival des Trois Continents nantais 2012. Clair-obscur dans un réduit sordide, plans larges sur les déambulations au dehors entre troupeaux et chiens. Attention, le réalisateur fait jouer à ces trois enfants leur rôle véritable. Sur la forme, constamment splendide. Sur le fond, insoutenable. Et en même temps touchant. Soit, on se gratte la tête, l'hygiène se résume à quelques rinçages à l'eau froide. Cependant il flotte une réelle affection entre ces gens, chacun fait ce qu'il peut dans un univers de toute façon ingrat. La jeunesse doit apprendre à se dépêtrer. Une mère démissionnaire, un père en ville pour son emploi, trois fillettes qui travaillent chez les voisins (on vient les chercher !) contre nourriture et compagnie. Une maison incendiée. De petites ombres frigorifiées qui durent plus qu'elles ne vivent. Tombées très bas, un rien les ranime. Ainsi, leurs chaussures neuves sont comme des ailes avec papa vers la ville. L'aînée seule, elle ira à l'école, l'oeil du grand-père pas loin. C'est elle qui pourrait inquiéter le plus, sans défense parce que sans repères familiaux pendant un long moment... BIen entendu, ce n'est pas une vie d'enfants telle que le revendique le poème "Les petits damnés de la terre". De petites existences aussi rudes, ces sauve-qui-peut des femmes lassées de lutter. La région de Yunnan sans combat quotidien rendrait neurasthénique si l'on en juge par d'autres films chinois ayant dépeint ces sommets à perte de vue battus par les vents. Un point positif, cette troupe d'endurcis en réunion au milieu de nulle part et qui entend garder son dernier moyen de subsistance !
  • IT'S A DREAM (2012)
    Note : 16/20
    Découvert au Festival des Trois Continents Nantais 2012. C'est filmé façon Asghar Farhadi dans "Une Séparation", par paliers, avec des éclats débarquant violemment et retour au système D, ce revers de la mondialisation. Nouveauté, des espiègleries comme le fou rire nerveux de la jeunesse. Le personnage central voilé, au visage gracieux affiche une expression plus voyouse que d'habitude. Elle fonce, tient tête de toute sa grâce à l'homme d'affaires, à ses sbires. Pour autant, au lieu du cuisant revers attendu, ses larmes, ses trajets avec ce copain en voiture. Toute jeune créature touchant aux liens du sang jette le trouble dans le regard masculin, aussi complice soit-il avec son épouse. On reste un peu sur sa faim... Le spectateur a toute latitude pour passer du drame intime, universel, à celui du peuple iranien, là où la transgression conduit à des peines sans commune mesure avec les fautes commises. Le titre "C'est un rêve" justifierait les nombreuses ellipses ? En toute dernière partie, fort malaise. Sans doute la lassitude des issues "grand ouvert". Crainte de la censure iranienne ou limite imaginative du réalisateur ? Certains spectateurs préfèrent dire "je n'ai pas tout compris" et plébisciter un film plus net.
  • JOURS DE PECHE EN PATAGONIE (2012)
    Note : 17/20
    Le réalisateur de "Bonbon El Perro" récidive dans le style affectueux qu'on lui connaît. Même subtilité, même atmosphère de bons vieux potes. Il faut aimer la beauté des cadrages plus que l'action. Les poissons ne grouillent vraiment pas... En revanche, on a la bonhomie du personnage central, le type attachant d'emblée (quelle expression craquante !). Un gars qui se devine ancien tombeur malgré lui, sa femme et fille bâties en conséquence. Le parfait innocent des retours de manivelle. Des situations quotidiennes d'une apparente banalité défilent, on se croirait dans sa propre famille ou chez Pagnol revisité argentin. Bien observer la gestuelle, ces tout petits moments d'hésitation que l'usage fait rattraper poliment. En toile de fond, la sauvagerie de la Patagonie. La surprise est la première virée en mer après le choc, quand le corps, cette mémoire puissance mille, fait des siennes. Beau et fraternel. On peut juste déplorer quelques longueurs.
  • THE MASTER (2012)
    Note : 14/20
    Brillant techniquement parlant peut-être, quelques fulgurances desservies par des dialogues qui en restent aux petites touches" qui en jettent" et rien de plus, comme s'il fallait ne se fâcher avec personne. Film pas aimable et pas non plus émouvant. Plein de tics de comportements comme pour meubler. En plus du trop plein de bien-pensance dégoulinante étasunienne derrière les situations ! Vraiment rien à en tirer si ce n'est une espèce d'enchaînement de deux hommes, ce à quoi on arrive à force se frotter l'un à l'autre faute de perspectives. Même fatras global que "Magnolia" dont on pouvait déplorer la pesante démonstration mais jubiler en seconde partie pour cause de "point sur les i"... Ici on s'embourbe toujours plus (pauvre Joaquin Phenix en type tordu, pitoyable Philip Seymour Hoffman en prêcheur autocrate !). Défilent tous les côtés "crades" du puritanisme américain du nord... Ce qui froisse est la totale opacité du point de vue du réalisateur. Complaisance ? Vacuité ? Bien la peine d'employer un tandem de cette trempe pour un numéro aussi fadasse.
  • BLANCANIEVES (2012)
    Note : 19/20
    Comme l'industrie cinématographique produit une quantité astronomique de films chaque année, rien n'oblige à rapprocher celui-ci de "The Artist" ni même à anticiper côté oscarisation 2013... Ce muet noir et blanc de 2012 librement adapté du conte de Grimm remanié par Perrault, peut embarquer par la seule force qui s'en dégage. D'emblée, le traitement s'avère ultra-sophistiqué sur des thèmes ultra-simples. Naissance/mort, servage/cupidité, paralysie/mobilité, normalité/nanisme.... En prime, la corrida burlesque et en contrepoint une fillette sexy flanquée de sa mascotte, un coq, il rend végétarien au moins sur le moment. Des grincements réguliers... Le principe de plaisir des années Vingt est néanmoins présent, la finesse, l'espièglerie. On se croit par instants chez les meilleurs muets de Lubitsch, ou chez Chaplin pour l'aspect moral. Les rationalistes regrettent que "ça parte dans tous les sens", les puristes sont affligés qu'on ait osé (quelle insolente liberté !) et les amateurs d'action pour l'action ont un avis mitigé... Le "point de vue de l'auteur" serait trop dilué au fil des séquences ?... Vrai que c'est tellement bien ficelé qu'on en reste... muet ! Marginalité et liberté se confondent et puis voilà... Etonnante dernière partie, le sursaut et cette larme d'impuissance ! Si l'expressivité des personnages en plus de la minutie picturale et sonore captivent, l'oeuvre rejoint la bande dessinée contemporaine, on se f... de tout le reste, seul importe le regard particulier de Pablo Berger sur les contes de notre jeunesse, j'en redemande !
  • UNE JOURNÉE À ROME (2012)
    Note : 16/20
    Programmé à Univerciné Cycle Italien Nantes 2013. On sent bien que la fille de Luigi Comencini en connaît un rayon au plan technique. L'atmosphère est bien créée, avec des gags qui pimentent, un couple d'une plastique assez convaincante pour qu'on salive bien à les voir se mesurer, le féminin se taillant la part du lion. Le scénario fait longtemps léger en revanche, la drague qui monte qui monte se voit à des kilomètres, le problème est que se cantonner dans les fanfreluches et les minauderies ça demande une cervelle d'oiseau s'il n'y a rien d'autre... A mi-chemin on commence à craindre que l'idylle s'enlise, pitié quelque drame plutôt qu'une liaison banale !... L'épaisseur accourt après la robe à 5 000 euros qui voltige, le monologue de la jeune fille allongée sur les marches (très beaux instants). Ce pourrait être le charme d'une impro comme on peut en vivre parfois dans la réalité et qui laisse des souvenirs impérissables s'il n'y avait cette redescente vers les immeubles où Gina retrouve sa mère. Et là, un ange passe... La manière de s'attarder sur les apparences pour mieux amener du sordide rappellerait assez le style de Sofia Coppola, autre fille de réalisateur... Comme Cendrillon qui voit son carrosse se changer en citrouille, toute la démonstration de cette journée en roue libre (et qui a le tort de balader un peu trop les spectateurs) se mue en désespoir de la jeunesse italienne contemporaine, empoisonnée par les frasques du Cavaliere, de la Camorra en plus des décisions à l'échelle européenne et de la mondialisation.
  • LES EQUILIBRISTES (2012)
    Note : 16/20
    Projeté à Univerciné Italien Nantes Edition 2013. Quand Madame ne pardonne pas à Monsieur de l'avoir cocufiée, que la débâcle économique s'y rajoute, avec l'impossibilité de se loger, le cumul de boulots, le film semble conseiller de faire un choix radical plutôt que de se laisser glisser... Ce sont surtout les enfants qui paient le prix fort de ce dérapage d'un soir sanctionné par un divorce à l'amiable avec double pension alimentaire qu'on suppose exorbitante (tout est basé sur l'adhésion sans réserve du spectateur sauf qu' il manque des détails chiffrés pour qu'on y voie clair). Ivano de Matteo épargne la mère soucieuse de récupérer en dignité (apparemment, elle ne travaille pas). Par contre, il charge le père tenu de payer, payer et qui ne réagit plus à quoi que ce soit en fait parce qu'il déprime. Qu'ils aient des crédits sur le dos, admettons. Toutefois, ne plus pouvoir rien financer en cumulant les jobs laisse dubitatif. On se dit que sans le décrochage du mari, le couple se serait de toute façon retrouvé endetté jusqu'au cou... Giulio ne dépense quasiment rien pour lui-même une fois déconnecté de son foyer ! J'avoue avoir davantage pensé au sort des populations grecques actuelles qu'à celui des Italiens et des Français qui, sauf précarité extrême, parviennent tant qu'ils n'ont pas de loyer à payer, à vivre vaille que vaille de leurs emplois mis bout à bout.
  • AMOUR (2012)
    Note : 13/20
    Grand battage médiatique, des distinctions de toutes parts. Voilà qui force le respect. On se délecte de l'introduction, le concert, ces deux vieilles charentaises entre lesquelles on se demande ce que l'enfant en commun vient faire (Isabelle Huppert). L'idée de charger son partenaire en rejetant tout relais, qu'il s'use de son plein gré surtout, jette un premier froid. L'indéfectible tandem à hommages réguliers a de curieuses façons de concevoir l'amour humain... Tout à fait dans le fatalisme actuel, saccage des services publics, la santé incluse, les populations prennent en charge leurs maux, l'approche de la mort à distance du business. Comme la respectabilité commande de laver son linge sale en famille, on traite "le négatif" en vase clos. De là à congédier l'aide extérieure avec perte et fracas... Ils ont pourtant les moyens, ces deux bourgeois pétris d'habitudes, de se payer des auxiliaires de vie (qui ne sont pas tous ou toutes des brutes ou des souillons !). Que la dame s'oublie au lever n'est pas le plus grave non plus dans l'histoire. Les défaillances du corps qui se déglingue sont compensées par des tours de fauteuil roulant, humour bienvenu... C'est quand la parole devient grognement, avec cette démonstration très appuyée qui donne envie de dire au mari, "fais-toi aider mon vieux quoi qu'elle t'ait dit, ménage tes forces" qu'on commence à comprendre le côté "collet monté" de ce couple... Trop imprégnée de "la chanson des vieux amants" de Brel le long de leur cheminement très touchant du départ, les voir se combattre comme deux ados, c'est un peu trop... On souhaite que le rescapé se reprenne afin que l'Autre Rive soit libératrice et pour lui et pour elle... Vains dieux, si après toute une vie côte-à-côte c'est cela l'amour !... J'y vois plutôt l'austérité obsessionnelle de Haneke, son image de la famille-bastion dont nul n'a le double de clé. Malgré la performance d'acteurs, ce ménage qui semble traverser sa première épreuve existentielle m'a fait penser aux pires séquences du "Septième Continent". Sur la fin de vie nous disposons heureusement de deux films récents aussi réalistes mais avec une philosophie autrement plus partageable : "Quelques heures de printemps" et "Le sens de l'âge", certes moins tapageurs.
  • LA VILLE IDÉALE (2012)
    Note : 15/20
    Projeté à Univerciné Italien Nantes 2013. Les applaudissements (avant projection) dans la salle du Katorza de l'acteur sympathique du brillant "Nos meilleures années", une célébrité dans son pays, étaient pleins de promesses, assez pour embarquer sans résistance dans son labyrinthe kafkaïen. Or, à moins de cultiver ces ambiances du "tous pourris", de se contenter des réparties entre les oppresseurs et l'écolo ridicule tant le trait est forcé, on reste dubitatif... Voire carrément en rase campagne passé une heure. Domine cette belle dame perchée sur ses chaussures compensées, plus grande que celui qui la vénère. Le genre mannequin géant cher aux petits hommes de notre monde politico-financier, aussi majestueuse qu'une grande rose posée dans un vase fuselé ou allongée pour que le public se rince l'oeil. Hormis cette présence surréaliste, c'est une suite de bévues virant à la noirceur épaisse. Encore l'acceptation de l'apocalypse en marche, celle-là même dont l'actualité nous abreuve au quotidien. Quelques jours après persiste l'impression d'un dédale inextricable, sans point de vue de l'auteur... Même l'écologie vire à la fumisterie, on est donc désespéré, sans autre perspective que faire avec l'absurde. Un monde en représentation, d'où toute recherche de sens serait vaine. Des moments cocasses, quelques bonnes réparties peuvent aider à tenir et gommer un peu l'impression d'aimer par respect pour une première oeuvre de la part d'un acteur attachant (par ailleurs) plus que par réelle conviction.
  • ALI A LES YEUX BLEUS (2012)
    Note : 16/20
    16,5/20 : Remarqué à l'Univerciné Italien nantais 2013 pour sa personnalité. Les contradictions adolescentes sont ravageuses quand s'y ajoute l'obligation identitaire. Ainsi même si l'on naît à Rome de parents égyptiens, il faut faire des choix en tenant compte de l'islam. Ce film l'explique à travers des situations simples où le tiraillement affleure sans cesse. On comprend la difficulté que crée la souplesse de moeurs du pays d'adoption comparée à la bride que sont les valeurs familiales traditionnelles (être renié = impensable). Ils paraissent plus que seize ans les deux copains, Nader l'oiseau sur la branche, fascinant avec son regard bleu lavande et ses allures sensuelles, Stefano le Romain libre d'entraves religieuses, g... butée, volonté franche de s'affirmer, un tantinet mauvaise graine a priori, qui l'entraîne dans la débrouille... Le titre laconique "Ali les yeux bleus" se réclame du poème "Prophétie" de Pier Paolo Pasolini afin d'illustrer discrètement le printemps arabe... Au moins, Claudio Giovannesi prend-il discrètement position en exposant les différents angles qu'il entend décrire. Chaque étape amène le déclic permettant de se mettre à la place des personnages lors des crises (tristesse pour le spectateur médusé que les lentilles teintées nimbant de mystère le regard de Nader soient finalement sacrifiées à l'image, banalisant le personnage en dernière partie !). Les parents, les copains, Brigitte... L'islam semble loin de leurs préoccupations globales au quotidien, voire incompatible... A moins que Stefano, qui lorgne une pudique jeune fille à la chevelure engageante, la serre d'un peu trop près... L'escalade de violence est inévitable.
  • ALCESTE A BICYCLETTE (2012)
    Note : 18/20
    Ce qui frappe c'est le mot de la fin ! Seule une comédie peut aller jusqu'à cette extrémité sans faire lever les boucliers de la bienpensance. C'est léger et profond en même temps. Il y règne la fantaisie propre à une libre interprétation d'un classique. Tout y est recyclé pour que les jeunes générations puissent travailler l'argumentation et les anciennes s'indigner... ou s'amuser. Sous des dehors légers, on mesure l'écart qui se creuse toujours plus entre les chloroformés et ceux, volontairement en retrait, qui refusent (la vasectomie illustre bien le degré de folie auquel on est confronté). Film très sain avec ses balades à vélo, sa rengaine italienne meublant le grand vide entre les êtres, à combler par un quelconque sirop. Mentir mais toujours sauver la face s'avère un engrenage assez périlleux dans ce film. Le misanthrope campe le groupe de récalcitrants à l'alignement ultralibéral qui divise, fausse, lamine d'un bout à l'autre du globe et jusqu'aux plus fortes amitiés... Du coup, même si on n'a pas trop apprécié de l'étudier à l'école, Molière vu sous cet angle donne envie, par la parole ou le geste, de préférer chaque fois que c'est possible une pirouette à un empilement toujours plus important de mensonges à soi et aux autres.
  • LA RELIGIEUSE (2012)
    Note : 17/20
    Donne envie de relire Diderot et de revoir la version de Rivette (1966) pour débattre de la liberté individuelle. Une fois passée la cérémonie à plat ventre avec "bâche" qui peut faire croire à un regard empesé du cinéaste, on découvre qu'il n'en est rien ! Que le sort de la jeune fille dépend étroitement des mères supérieures, la première bienveillante, chloroformante, la seconde narcissique perverse, la troisième bouleversante bien qu'à force de se répandre elle en devienne aussi "frappée" (Isabelle Huppert) ! Bien sûr, Pauline Etienne a l'innocence requise, le refus des compromissions, lui manquerait peut-être un brin de sensualité ?... En parallèle il y a cet appel au secours, cet homme reçu comme devant un confessionnal et retrouvé dans la diligence (pour aller où, le spectateur peut tout imaginer là encore, qui sait ce qu'il peut advenir sous protection masculine :-) !). J'ai bien aimé le soin apporté aux lieux, ce maquillage et cet éclairage a minima, les costumes m'ont parfois surprise (ces carrés blanc bien repassés sur la poitrine, ce tissu bleu de robe de chambre et... on voit les épingles !). Bien qu'attachée au calvaire que vit La Religieuse en question, je trouve qu'il y a un fort écho avec aujourd'hui, après le cocon familial, les études qui illusionnent par rapport au monde du travail avec ses restructurations incessantes. Ainsi malgré moi, bien davantage que le sort de ces pauvres filles, j'ai senti, en creux, le défi que les jeunes générations ont à relever face à l'ultra-libéralisme contemporain toujours plus dévastateur.
  • WHAT RICHARD DID (2012)
    Note : 16/20
    Il a fait quoi au juste le jeune homme si propre sur lui... dont on relève aussi tout au long du film l'égocentrisme forcené ! L'inquiétude débute avec le besoin d'isolement par rapport au groupe à l'humour potache, le récit de la mort involontaire d'un petit animal à la petite amie... passant de l'hilarité au ravissement et au recul... C'est subtil, équivoque, le vertige réside dans la bande son, les travellings sur le toit des habitations, tous ces allers-retours sur Rich, nombril du film... Un accident oui et non. La jalousie reste quand même le déclic (quels excès ne fait-on pas par jalousie !) et après, la brume collective de l'alcool y est aussi pour quelque chose, or Rich est seul visé... On se dit que sur route en alcoolémie extrême, ces petites absences sont très répandues... Le réalisateur force sur la seule culpabilité du beau petit trop gâté, trop radieux, comme s'il incarnait la perfection que rien ne saurait égratigner... C'est oublier la complexité humaine et aussi que la vie a de ces tours et... chacun son tour ! Très belle séquence avec le père, au faciès sobre d'Eastwood irlandais, la mère restant une ombre fusionnelle ...Le rachat s'avère à la libre appréciation du spectateur tant on nage dans la demi-teinte... Adieu rugby mais plutôt que les menottes, une formule légalisant les jeux un peu "limite" ?... C'est bien mené, attachant grâce à l'interprète principal assez charismatique, mais j'ai davantage cru à "Garage" de Lenny Abrahamson, sorti en 2007.
  • LE PASSE (2012)
    Note : 16/20
    C'est avant tout un plongeon au coeur des familles recomposées. Les ronronnantes, soudain forcées à un engagement précipité (l'ex, oublié, qui rapplique !). J'ai trouvé qu'avec la fille "la messe est parfois trop dite". On se gargarise de mots superflus, reproche valant aussi pour "La Séparation" (je préférais cette sourde tension vers cataclysme à l'image comme dans "A propos d'Elly")... Le personnage de Marie écartelée entre passé et... grossesse montre la difficulté féminine à jongler entre plaisir et retenue afin de se positionner dans la durée. Il y a presque de l'austérité dans l'air à cause du chaud et du froid que souffle cette femme écartelée entre le minimum de savoir-vivre et la survie du cocon. A un moment, le scénario devient soûlant, on flotte dans l'histoire des mails au pressing (où l'employée clandestine incarne à merveille la résistance des abusés par le monde du travail). Tout un exercice d'équilibre dont quelques pesanteurs, rachetées heureusement par ce sage qui parle de "couper"... Asghar Farhadi aurait essayé de sortir du miroir iranien en francisant l'ensemble au maximum. On reconnaît bien son regard humaniste, son point de vue au bout de la démonstration qui force à pencher du côté des enfants (éblouissants de naturel) et du visiteur messager malgré lui.
  • 12 ANS D'ÂGE (2012)
    Note : 14/20
    Dommage qu'une distribution aussi alléchante laisse sur sa faim. On est pourtant gâté par la percutante introduction ! Merveilleux pot d'adieu au retraité... suivi du sale tour joué à partir de la voiture, deux très jolies scènes ! Charles (Berléand) plus casé que Pierrot l'indécis (Chesnais) fonctionnent, c'est un plaisir. Et puis ça patine très vite. Fait souhaiter que la jeunesse écluse son humour potache jusqu'à la lie afin d'épargner aux vétérans de nous déverser leur trop-plein. Du dialogue, de bons verres, la pêche... Un besoin de fantaisie pour le plus sécurisé, l'angoisse de l'immobilisme pour celui qui a mené une vie de barreau de chaise... Les compagnes ont l'oeil sur les deux galopins, tantôt femelles rivées sur leur territoire affectif ou mères qui réprimandent. Or le grand projet commun s'effiloche. L'impression que le sujet prometteur est à moitié traité. En témoignent des plans moins productifs en dernière partie, comme s'il fallait combler la lacune scénaristique. L'issue a beau appeler l'indulgence, le spectateur se demande comment des pointures pareilles ont pu composer avec des rôles aussi mal fagotés.
  • ELLE S'EN VA (2012)
    Note : 16/20
    Vaut le déplacement malgré les clichés glamour, la Miss Bretagne mûre, les grands communicants, le drame d'une plastique en perdition... L'introduction montre donc notre Catherine nationale bouffie, l'envie démange de la planter là avec ses cigarettes improbables. Heureusement pointe assez vite un phénomène de société majeur, le petit fils infâme et sa mère insupportable (jouée avec talent par la chanteuse Camille !), avec quelques astuces pour s'en accommoder...Mais c'est surtout un portrait de femme en roue libre (dans l'esprit John Cassavetes filmant Gina Rowland). A moins d'être soi-même "la tête dans le sac", soudain les silences, les mimiques, le petit rire incrédule (ah, ce petit rire !) se justifient. Assez pour donner envie de jeter l'éponge, lâcher prise sur les points qu'on n'arrive plus à maîtriser. De prendre ce qu'il y a à prendre si ça plaît et sans nuire, à grandes bouffées, aller à l'essentiel, la vie se chargeant de résoudre l'insoluble. Catherine Deneuve campe l'ultime sursaut de la femme de caractère. Incroyablement radieuse sur la fin.
  • LORE (2012)
    Note : 17/20
    Découvert à l'Univerciné allemand Nantes 2013... L'écrivain suédois Stig Dagerman dans "Automne allemand" avait osé décrire l'Allemagne de 1946, oeuvre discrète. La jeune Rachel Seiffert établie en Grande-Bretagne, née de père australien et de mère allemande, revient dans "La Chambre Noire" sur la confusion entre "nazisme et nationalité allemande". Visiblement emballée par ce récit, l'Australienne Cate Shortland fait exulter à l'écran cette Lore impétueuse (Saskia Rosendhal), symbole de l'adolescence sur fond de débâcle après la chute d'Hitler en 1945. On est frappé par la frénésie familiale... Les deux parents, dignitaires déchus sont montrés comme deux ogres qui vont cacher leur progéniture loin de tout, le père jette un froid, au plus peut-on compatir pour la mère qui fume, pauvre pantin désarticulé... On est au ras du conte fantastique. Avec une grande finesse dans les étapes. La réalisatrice excelle à montrer le naturel de ses personnages. Cette Lore au caractère bien trempé s'empare du rouge à lèvres maternel... La grande soeur et les petits poucets doivent faire dans la discrétion. Il faut contenir l'exubérance, les larmes du plus jeune qui ne comprend rien à ce qui lui arrive. Et puis manger, durer. Au fil des jours, l'impact des ascendants et la fraîcheur du jeune âge se livrent bataille. Le moment le plus fort est peut-être Thomas, ce loupé pour la postérité, véritable crève-coeur puisqu'il cristallise tout l'antisémitisme... Vigilance, transmission intergénérationnelle... C'est ce qu'aborde ce film dur, picturalement superbe, mettant en exergue la chaleur estivale avec ses robes d'été bien propres. On n'ose pas penser à un tournage hivernal !
  • NANA BENZ (2012)
    Note : 16/20
    Projeté à l'Univerciné Cycle Allemand de Nantes en novembre 2013. Voici Lomé, l'ambiance des rues marchandes, le défilé des tissus, aussi attirants que le fond musical toujours léger d'Aly Keita, le roi de la musique togolaise et son balafon, de quoi donner l'envie d'aller faire un petit tour au Togo ! Le tournage remonte à 2012, soit avant l'incendie du marché d'Adawlato le 12 janvier 2013 (coup de grâce pour le commerce des pagnes !). Derrière nous "la Suisse Africaine", les affaires à 450 000 euros par jour, on sent un peu d'amertume dans l'hommage mais la volonté d'aller de l'avant. Evoquer les "Nanas Benz" (Nana signifierait "mère") invite de toute façon au dépassement de soi. Les "Amazones de la mercerie togolaise" d'il y a quarante ans auraient largement contribué au rebond de l'économie d'alors, autant par leur tempérament, leur savoir-faire, la qualité de leur marchandise, que par le prêt de Mercedes Benz au Président de la République ! Les intervenants à l'image décrivent chacun à leur manière cet âge d'or et l'économie dégradée d'aujourd'hui avec laquelle il faut composer. Se diversifier, le maître-mot. La débrouille pour survivre ! Les tissus se déploient, riches coloris, motifs extravagants ou simplissimes, accompagnés de légendes en direct des croyances, vif plaisir pour l'oeil du spectateur... A peine un silence pour évoquer la dictature... Calme, mesure, quelque pics d'humour. Ce documentaire de l'Allemand Thomas Böltken dit surtout haut et fort que les Togolaises sont des battantes !
  • L'ÉCLAT DU JOUR (2012)
    Note : 14/20
    Projeté à l'Univerciné Allemand Nantes 2013. Nettement moins convaincant que "La Pivellina" sorti en 2010. L'introduction, mettant en scène deux personnalités que tout oppose est pourtant prometteuse. Concernant "l'ambiguïté" signalée dans le synopsis, on s'attend à tout autre chose qu'une importante différence de valeurs. D'abord les points communs de toute rencontre et, petit à petit, les premières frictions en principe sources de rebondissements. Or, rien de vraiment fracassant entre ces deux personnages excepté qu'ils représentent deux tendances lourdes de notre monde contemporain. Les comédiens jouent leur propre rôle, l'oncle raisonne souvent le plus jeune qui se réfugie dans ses représentations narcissiques, lesquelles virent au grand n'importe quoi. Les deux se tiennent en respect au bout de leurs anicroches... L'écho rencontré chez le spectateur est bien ce tiraillement entre l'art, vecteur de rêve (ou le virtuel en général) et la rudesse de ceux qui affrontent les aspérités du quotidien. La dernière partie ternit l'ensemble. Non seulement on est déçu parce qu'on peine à rester éveillé(e) (est-ce dû aux scènes théâtrales trop creuses ?) mais on souffre de ce que le plus âgé, avec son sens des réalités pures et dures, ses anecdotes de terrain (ce corps à corps avec les plantigrades !) reste beaucoup plus digne d'intérêt que son fanfaron de neveu.
  • CHASSE FERMEE (2012)
    Note : 18/20
    Prix du Jury Univerciné Allemand 2013 au Katorza de Nantes. Une belle histoire ! Des personnages en or... Le mari proche du sanglier, l'épouse qu'on croirait extraite d'un tableau de Georges de La Tour, le Juif candide et ennemi numéro un. Pour cadre, l'épaisseur des bois, quelques fusils de chasse aux abords de cette grosse maison où l'on s'isole ou s'épie, une taverne où se lâchent les copains, un vélo qu'on enfourche... Il faut aider la nature, on mène bien la vache au taureau si nécessaire, soit...Des attitudes, des mots tranchants au bout des silences. Dans ce microcosme de la Forêt Noire, suspense, Emma et ses deux hommes, gros plans sur les traits, attendrissement, puis gestes ulcérés. Délicieux comme la réalisatrice pousse le bouchon... Je n'ai pu m'empêcher de penser à "Ander" de l'Espagnol Roberto Caston, même cocasserie de situation, même émotion qui pousse chacun dans ses retranchements avec, ici, l'inexorable sablier décidant de l'heure des héritiers. L'idée de ramener au présent cet épisode datant du nazisme est louable sauf que je comprends mal le choix des acteurs qui a pu être fait au plan physique. Ils sont si peu ressemblants aux "originaux" ! Si l'introduction (l'ado cherchant son père biologique) arrive à s'incorporer au flash-back, l'issue (retour en Israël) est instructive mais mal incarnée. Du coup, le trio de départ seul reste en mémoire.
  • PAPADOPOULOS AND SONS (2012)
    Note : 13/20
    Univerciné Britannique Nantes 2013. A nouveau cette école du lisse caractéristique des téléfilms et de la pub ! La crise, la crise, langage de la bonne presse. Veuf millionnaire déchu et blonde business woman, enfant binoclard complice du tonton de retour, on les voit venir à des kilomètres... Bande-son et caméra omniprésente dans les coins et recoins, action mastiquée, aucune place pour l'imagination. Parfois un petit rire, "se faire plaisir", la philosophie des temps présents. C'est quand même une suite de figures imposées une nouvelle fois, tendance lourde du cinéma britannique contemporain ?... Des acteurs principaux très mannequins par rapport aux rôles secondaires mieux campés. Beaucoup de balayages de caméra, des gros plans hyper expressifs, avant d'en arriver à la voiture au milieu de rien avec les deux frères, le must du film. Suivi du "hello goodbye" hospitalier, assez étrange... Deux séquences qu'on croirait extirpées d'un film plus abouti. Car en dehors des infos bancaires, immobilières très accessibles à toute la famille, l'agitation et les questions pratiques font un ronron bavard, meublent. Débarquent pêle-mêle le son cristallin de la musique apparentée à Théodorakis, l'album photo, le renoncement au kébab, les danses issues de l'actualité réelle. Tous se voulant l'hommage britannique au peuple grec ou autres sacrifiés de la finance. Le glamour en moins peut-être !
  • THE HAPPY LANDS (2012)
    Note : 19/20
    Univerciné Britannique Nantes 2013. Oeuvre majeure rencontrant compréhensible réticence... Le synopsis rebute si l'on néglige de regarder la vidéo correspondante, laquelle s'avère reconstitution historique des plus agréables à suivre. On n'est jamais déçu lors de la projection tant, au niveau culture générale, c'est d'exceptionnelle qualité. Scénario, son, image, tout accroche et sans baisse de régime. Pour peu que l'on parvienne, à notre époque du "tout numérique et du tout positif" à vouloir apprendre de l'histoire au lieu de se contenter de nos manuels incomplets, des productions littéraires ou cinématographiques édulcorées et autres miroirs aux alouettes. Indispensable sortie du chloroforme... Il s'agit bien de la violence sournoise amenant les aberrations comportementales, l'hystérie collective, les divisions, boucs-émissaires, tout ce qui conduit aux extrémismes et à la barbarie... La spirale à l'origine des pires chaos de l'humanité. Mais traitée objectivement. Regard humaniste derrière la caméra, des moments heureux, cette solidarité non feinte des effondrements, quand les meilleurs du lot s'illustrent. La manière de filmer dans le genre poético-réaliste du réalisateur ménage le public beaucoup plus que notre sordide actualité. Ce pan de l'histoire écossaise (peut-être un peu didactique parfois, c'est là son moindre défaut) entre dans les consciences des spectateurs qui ont pris la peine de s'y pencher en laissant sa marque... Témoignages autour de 1926, quelques bribes d'analyse par des contemporains, un tour complet du sujet, évident parallèle avec notre monde actuel, en quelque sorte une mise en garde !
  • LA VIE D'ADÈLE (2012)
    Note : 14/20
    Sans avoir lu la bande dessinée, ce film me laisse convaincue sur le fond et très dubitative sur la forme, plus tout ce qui a pu filtrer des conditions de tournage. Déjà "La graine et le mulet", j'avais trouvé complaisant côté chair, la danseuse du ventre en action pour meubler l'issue me gênait. Toujours le même travers cette fois, on assiste à une joute des corps bien trop longue et trop appuyée pour ce que le récit veut exprimer, cette descente aux enfers des ruptures quand les sens ont trop primé sur la jugeote. On a compris, nul besoin de tant de plans pour libidineux ou détraqués alors qu'il existe des sites dédiés pour se claquer sur les fesses !... Horribles soupirs qu'on croirait des râles d'agonie tant ils auraient mérité d'être couverts par un fond sonore quelconque ! D'un goût douteux aussi cette bouche ouverte aux quatre vents, ce nez qui coule ! Beaucoup trop long ! Et une version encore plus étirée existerait bientôt ? Pitié ! Quelques coupures rehausseraient l'ensemble car pour ce qui est de faire partager les symptômes des différences de classes, le ravin culturel entre les deux demoiselles, la progression de l'intrigue, la reconstruction laborieuse, c'est très bien vu.
  • DIPLOMATIE (2012)
    Note : 19/20
    19,5/20 : Théâtre filmé, partie d'échecs, pure invention, déjà la pièce de Cyril Gély faisait jaser, alors le film avec son hôtel mythique, ce général von Choltitz (Niels Arestrup) au téléphone, qui tourne et vire... Il faut bien l'observer cependant... Attendre une certaine porte d'où jaillit le Consul de Suède Nordling (André Dussolier) dont on se demande comment il n'a pas été liquidé tout de suite. Les deux en présence, tout change. La mise en scène, l'interprétation, les dialogues, la caméra passe de l'un à l'autre et on se dit que ça va d'abord "chauffer". D'un bord, une montée d'hystérie rendant caricature de soi-même (les soldats !), de l'autre, une tractation surréaliste de prime abord, sauf que ça démange d'y croire. Paris, sa population, ses chats, ses chiens, ses monuments, une ville indestructible (rien n'interdisant de penser à Hiroshima et Nagasaki, ces deux désastres bien réels). Ainsi, le 25 août 1944 parisien se serait limité à un cessez-le-feu, à une décision personnelle d'un général, peu importe puisque les alliés y entraient... L'adaptation cinématographique (comme la pièce) a beau sembler hasardeuse aux spécialistes de l'Histoire, ses personnages croustillants en font un vrai cours. Et puis s'ajoute cette diplomatie, ce qu'on n'aurait pas osé imaginer face aux SS... Autre point fort, l'occasion de méditer sur l'effrayant "les enfants des autres ou les miens" qui reprend du service dans les sociétés en sévère régression !
  • ITALIAN MOVIES (2012)
    Note : 15/20
    . Vu dans le cadre Univerciné Italien Nantes 2014. Le climat est très accrocheur avec ces enfants espiègles dès l'introduction, des personnages nombreux, dont l'un à contre-emploi par rapport aux usages (Eriq Ebouaney). Une infinité de contrastes, de l'action, de l'injustice, de la vie. Et puis ça se gâte un peu. En tout cas si on évite les séries télé et les albums photos complaisamment brandis à la vue de tous... Après l'audace fracassante du début, on peut donc languir, déplorer que l'emprunt du matériel de tournage cause autant de diversions meublant plus qu'elles ne produisent. Hormis quelques instants plaisants vite oubliés, reste alors un petit couple filmé avec un soin particulier, chacun dans leur coin ou à deux, symbole de toute la rugosité d'univers interdits de fréquentation... Un homme et une femme attirés mais entravés non stop... en attendant le boomerang des patrons, qui arrive bel et bien !
  • NEBRASKA (2012)
    Note : 18/20
    Les réfractaires voyant débarquer ces contrées perdues sur écran large et fixe, se diront "mortel"... Et mettront en veille ce cinéaste qui s'amuse ferme derrière ses acteurs, des silhouettes étasuniennes lourdingues autour du visage Ô combien naturel du supposé millionnaire (qui plus est, récompensé par la profession) ! Par contre les adeptes d'humour pince-sans-rire seront à la fête, de plain-pied dans le vide sidéral de cet environnement-là, entre bière et ragots autour du sexe, même le plus catholique. Obésité, amabilité et coups de poignard dans le dos, silences gênés ou non dits, signes de ralliement inattendus ... A déplorer juste quelques longueurs avant le fin mot, et encore... Pour le reste, notre quotidien contemporain hors balises y défile, le plus cru, le plus immonde. Sans maquillage pour finir... Et alors ? Le miracle est qu'on en sort guillerets, imprégnés de la démarche du patriarche, d'inquiétante à hilarante pour la postérité !
  • MEDIANERAS (2011)
    Note : 16/20
    La paisible voix off embarque avec son "un homme est à l'image d'une ville et une ville à l'image de ses habitants". Promoteurs, architectes, magnats de l'immobilier, le peuple est ici calqué sur vos desiderata (de Buenos Aires à Shanghaï...). Très belle facture globale, lente, ironique et décontractée. On y trouve une collection de petites scènes intimistes au réveil désenchanté dont quelques bribes fort instructives (la piscine). On est illuminé par la splendide Pilar Lopez de Ayala. Le réalisateur de 46 ans joue sur l'esthétisme, amer, gentil, convenu... La fausse note est bien cette chansonnette You Tube en anglais, une boursouflure inutile après ce face-à-face électrique qui laissait les imaginations travailler un peu !
  • TOMBOY (2011)
    Note : 16/20
    La jeune actrice Zoé Héran rappellerait presque Bjorn Andressen dans "Mort à Venise" de Visconti. Même androgynie troublante, même gracilité, même impression de renfermer les deux sexes en un. On a envie d'arrêter les pendules car peu importe qu'elle ait dix ans et un sexe de fille, on dirait un mutant dans le bon sens du terme. Plus que les bagarres avec le groupe d'enfants voisins (elles auraient mérité un fond musical plutôt que ce brouhaha), beaucoup plus que l'idylle avec la jeune Lisa (Jeanne Disson) qui fait presque passage obligé, c'est le tandem formé avec la petite soeur (Malonn Levana) qui délivre le plus croustillant si on tend l'oreille sans faiblir. Père compréhensif, mère bien dans l'ordre des choses, un peu ch... avec sa robe bleue imposée... Fichtre, que le nourrisson fait drôlement vieux comparé à ses deux soeurs !
  • LE GAMIN AU VELO (2011)
    Note : 18/20
    Avec sa gueule de chat de gouttière plus le film avance, le p'tit gars suivi à la trace par une caméra portée ne lâche rien. Occasion pour les Frères Dardenne d'une ascension faite de rencontres trop pressantes pour être fiables, ou sincères plus que pressenti car bâties au jour le jour. Les petits coups de violon soulignent les étapes (dont une dans la voiture devrait conquérir les plus récalcitrants aux films dits sociaux). Malgré le titre qui fait banal, on devient vite ce gosse cavalant partout. Et ensuite on le piste à vélo, à toute bringue et sous tous les angles. Grande vitalité que ce parcours ! Cécile de France semble une autre personne comparée à ses débuts, posée, comme imprégnée du maintien d'Eastwood. Jérémie Rénier représente en plein ce que les pères du hasard ont du mal à s'avouer à eux-mêmes, alors à la société... Quant au petit acteur (Thomas Doret), beaucoup d'enfants au fond du trou vont se reconnaître en lui. Vivement qu'on retrouve sa petite bouille entêtée, cette voix de battant qui exige de trouver sa place puisqu'il a été mis sur terre !
  • OU VA LA NUIT (2011)
    Note : 17/20
    Tout de suite c'est à qui tuera l'autre dans ce couple, quelques spectateurs peuvent reculer... A moins que la sale binette du mari suffise à emboîter le pas à Rose (Yolande Moreau) pour son goût de la vie intact, ces embellies dont elle sait profiter (fréquent chez les femmes battues). On gomme l'escalade qu'elle a acceptée, ses fuites de petite souris qui ne veut pas le savoir. Les voitures se croisant en tous sens à plusieurs reprises comptent beaucoup dans la mise en scène de Martin Provost. Un peu de mal à raccorder les liens entre le fiston, l'inspecteur et le journaliste...Aux meilleurs moments, c'est comme une adaptation à l'écran de Simenon en un peu plus brouillon au plan de l'enquête. Dommage que ça manque un peu de flamboyance en dehors de l'actrice principale qu'on va voir comme une super copine qui vous regonfle à bloc.
  • UNE SÉPARATION (2011)
    Note : 17/20
    Contrairement à l'intensité du précédent "A propos d'Elly", pas de choc qui saisit mais des conflits "par le petit bout de la lorgnette" si jamais on oublie qu'il s'agit d'une vision de l'Iran contemporain. Asghar Farhadi met en scène deux femmes au visage de madone dans leur débrouille personnelle (voile étendu à la fillette !), sauf que les maris ne restent pas les machos de départ. Chacun biaise à sa manière, le regard de la jeunesse en dit long... La censure est toujours habilement contournée, modernité de surface, l'uniforme avec le sac à dos... Un alzheimer crée certes la zizanie, un médiateur affable joue son rôle, mais pour peu qu'on jure sur le Coran, patatras (et pourtant nous avons nous aussi occidentaux nos blocages collectifs idiots à bien des égards). Filmé de manière alerte et des plus habiles malgré une impression de piétinement, il y a des gros plans sur les moments cruciaux et des moments de castagne ne débordant jamais sur la foire d'empoigne gratuite. Manquerait juste un flash-back sur l'escalier... Garder les lunettes de l'ado Termeh (Sarina Farhadi) comme boussole en pensant aux 60 % de jeunes iraniens peut également avoir son intérêt.
  • PATER (2011)
    Note : 19/20
    Rassurants planchers qui craquent autour des dégustations de truffes, adorable félin ignorant du Cac40, cravates douces comme la peau d'Inès... Avec un faux cérémonial de gentlemen loin d'être dans la dèche, des hommes rien que des hommes sabrent nos enjeux électoraux actuels sur le mode candide : on dirait qu'on aurait un président et son premier ministre soucieux de limiter les hauts salaires... La base du discours qui s'autorise ensuite à balayer large. Un peu de patience s'impose quant à la forme du film, des petites scènes indépendantes très soignées réclamant indulgence pour quelques digressions qu'on comprendra moins bien. Qu'importe, à force de découvrir sur écran les audaces qu'on gardait tapies au fond de soi tant notre prochain est devenu frileux, le tandem Cavalier Lindon (ce dernier avec tous ses tics intacts !) inciterait les foules à s'enhardir. Non que les deux compères gomment les travers que tout haut pouvoir ramène à la surface ni le vieillissement ravageur tant redouté des politiques... Leur point fort est d'appuyer sur la fraternité humaine de tous temps à l'origine des réveils de masses. Ouste le "no alternative" actuel bouchant l'horizon et effaçant l'histoire. Et pas plus "vous me réciterez trois pater et deux ave"... De l'audace pour les prochaines présidentielles !
  • MELANCHOLIA (2011)
    Note : 19/20
    D'ordinaire, j'évite Lars Von Trier par instinct de conservation. Mais cette prédation cosmique attire. Des mariés patinant dans leur voiture avec force bisouilles, tandis que la petite étoile rougeoie, bientôt boule bleue géante et perturbante avec son souffle menaçant, ça promet... Des embourbés au ralenti dans leur dernière occupation, de bons uppercuts sur les convenances et le pouvoir en roue libre. Des dames exultent. La science masculine prend une claque. Très peu de soufre, la petite phrase de la mère, ou la mariée qui se fait la malle, le foin aussi posé sur le cadavre dans l'écurie. Du réalisme mixé à du fantastique fait que c'est proche. Ces gens nous ressemblent, ressemblent à ceux que nous côtoyons sauf le garçonnet emprunté à Tarkovski dans "Le Sacrifice". "Impossible de se cacher" dit-il. Le trash auquel les personnages arrive est acceptable puisqu'ils sont condamnés. On peut aussi visualiser sa propre mort à travers ce film. Ou y trouver une allusion aux tsunamis, éruptions volcaniques, Fukushima, et autres réalités apocalyptiques peut-être lointaines mais néanmoins réelles. Le rire s'invite pour certains sur les derniers plans, tellement ils ont l'impression de se faire absorber pour de vrai. On sort de la salle bien sonné. Bref coup de blues ensuite (en regard de l'actualité) duquel retenir, après sommeil, l'image des deux planètes... à deux doigts de s'embrasser. Un merveilleux malheur. Ouf, c'est une fiction tout de même. Et déjà un classique !
  • MICHEL PETRUCCIANI (2011)
    Note : 18/20
    Excellent documentaire qui replace le personnage de Michel Petrucciani. Le plongeon dans son passé aide à comprendre ce miracle de la volonté (alignant plus de 200 concerts annuels d'affilée quelque temps avant de se résigner à sombrer, exténué, à 36 ans...). Les extraits de concerts vont crescendo, c'est de plus en plus émouvant, jamais tire-larmes... La caméra s'accroche au jeu des deux mains dont les os plus légers que la normale auraient permis cette prestidigitation aux claviers. Porté comme un enfant par son entourage, célébré partout jusque chez le pape, le prodige, travailleur acharné pour gommer ses misères internes, avoue avoir d'abord été stimulé par les touches du piano qu'il prenait pour des dents rigolardes. Il commettait aussi de petites méchancetés et de sérieux écarts, autant de coups d'accélérateur pour accomplir ses rêves dans une existence d'avance périlleuse. Une certaine exemplarité au bout du compte, impression renforcée par les images finales, d'une élégance qui désarme.
  • TU SERAS MON FILS (2011)
    Note : 18/20
    Jusqu'au cou dans le vin mais ambiance tendue à cause d'une gêne lancinante, qu'on devine due à une fêlure du pater noster trônant entre vignes et cave. Un patriarche bien séduisant quoique venimeux comme un mauvais commercial. Quand un pervers narcissique achète son monde, les attitudes peuvent varier, charmer, susciter l'admiration ! Des situations très habilement amenées (tout à fait plausibles pour qui sait de quelles haines recuites une famille est capable) jusqu'à la faille, le ras le bol, ici venu de là où on n'osait l'attendre. On passe un excellent moment global avec ces magnifiques comédiens qui se mesurent. En musique de fond, quelques mots bleus du regretté Bashung... A noter aussi que, pour une fois, le spectateur se paie un brin de sadisme offert sur un plateau par le cinéaste, c'est trop d'honneur !
  • APRÈS LE SUD (2011)
    Note : 17/20
    Tout le monde devine le style de tragédie mais, pour une fois, le synopsis n'en dit pas trop, impossible par exemple de deviner la boursouflure de l'issue (principale faiblesse de cette suite d'angles autour du fait divers). Un film aux allures quasi documentaires qui aide les forçats des temps que nous vivons à apprécier la minute, voire à deviner quand ça sent le roussi (la spectaculaire crise d'asthme !). La facture est soignée, les pros de la technique devraient admirer le montage du parfait étudiant en cinéma. Les hyperactifs hyper confiants hausseront les épaules en revanche, pas concernés par les petites misères de ces marginaux que restent, pour le citoyen lambda, les inadaptés de nos cités : une grosse dame boulimique, une caissière de supermarché tout juste aimable, un jeune Italien qui boîte, un vieux méticuleux qui vénère Mozart.
  • L'EXERCICE DE L'ÉTAT (2011)
    Note : 18/20
    Selon le regard porté sur les personnalités politiques, le spectateur adhèrera ou rejettera cette intrusion de Pierre Schoeller dans le monde entrepreneurial des gouvernants français. Là où il faut s'allier ou se renier, le fameux "avaler son chapeau", se positionner donc, toujours rebondir, du moins en avoir l'air. La solitude est exclue, la fuite vaut désertion sur le champ de bataille. S'impose un refuge affectif solide. Tel est la vision du cinéaste qui effleure à peine l'égrillard, merci, cela nous fait des vacances... Le ministre coaché par sa gardienne anti dérapage verbal fait penser à nombre d'esclaves du business pressés ou statiques comme sphinx au contraire. Ici englués dans la grande famille de collègues-rivaux, chacun rêvant que son nom entre dans l'histoire. Petit détail que l'électorat, le baromètre qui rend la mission noble. Ces champions sont flanqués de femmes dont aucune ne saurait les dépasser dans le marigot... Et voilà qu'on bifurque sur une autoroute en construction, le film pouvait s'arrêter net, laissant une forme de fraternité pulvériser cette frénésie. Eh bien non, les parapheurs sont déjà à signer. Une forme de guerre en somme !
  • ENTRE VOISINS (2011)
    Note : 18/20
    Cycle allemand Univerciné Nantes 2011... Voici un thriller d'apparence soft et faussement froid avec ses plans comme passés au crayon gris. La chaleur dans les dialogues, toute une palette de subtilités dans les situations, petits signes, émotions réprimées, d'une infinie délicatesse. Un décor planté en deux coups de cuillère à pot pourtant sur une musique feutrée qui part comme une bobine qu'on ne retient plus. Cet effet d'alerte fait mouche, on retient son souffle en se demandant jusqu'où ils vont s'engluer, je pense à cette accélération en kayak... Un tandem délectable que ces deux voisins finalement, le Berlinois qui vient de signer avec la presse locale coincé par l'infirmier collectionneur de miniatures guerrières. A vous dégoûter d'aller frapper à la porte d'à-côté en débarquant dans l'inconnu. Un encouragement à écouter sa petite voix intérieure insistante en revanche. Il ressort de cette histoire un débat possible mais une morale imparable... Avec les ingrédients classiques du polar, une femme entre deux copains, ici deux blondes à tour de rôle. On peut dire qu'on a eu chaud avant de deviner lequel s'en tirera doté d'un lien plus fort que tout !
  • MICHAEL (2011)
    Note : 18/20
    Projeté à Univerciné Nantes 2011 cette merveille sur un sujet scabreux... que la sordide actualité peut faire fuir comme la peste. Cette horreur aux allures de documentaire, en plus qu'on la suit sans en être déshonoré, donne une idée de la relation de deux individus dont l'un détient pouvoir absolu sur l'autre (évidemment, on pense à cette jeune Autrichienne séquestrée pendant des années). Le premier "viens" avec cette porte capitonnée ouvrant sur un noir d'encre glace les sangs, quoique sortir de la salle ne viendrait pas à l'esprit parce qu'on est déjà accroché tant c'est bien amené. Captivant jeu des deux acteurs face à face. L'asphyxie devrait donc ouvrir sur un espace de réflexion... Et on n'est pas déçu ! Le quotidien de ce couple insolite, fait de rivalité, de haine bien franche, implique une dualité pour le ménage, les repas, le jeu, le troublant rapport d'affection entre un bourreau et sa victime, la loi bien connue des otages... L'adulte borderline avec sa manie d'un enfant à chosifier, en plus de pulsions inquiétantes (aller creuser un trou dans les bois !) a aussi ses quarts d'heure de pitre... Il n'en demeure pas moins sociable, piètre skieur de fond, repasseur émérite et assureur zélé. Avec des larmes lui aussi à ses heures... Quant au petit, il subit longtemps et quand il se rebiffe ça fait mal !
  • TRAITRE A LA PATRIE (2011)
    Note : 16/20
    Univerciné allemand Nantes 2011... Paul Gratzik ramant en eaux limpides redoute d'être "asticoté" par Ann, la réalisatrice. Il s'empresse d'évoquer la complexité de l'histoire allemande... Larmes aux yeux, elle tente d'apprivoiser le vieux bougon qui vit sous le seuil de pauvreté dans une maison en rase campagne aux hivers rudes. Après quelques petits verres se profile le parcours vers les machiavéliques sommets. On visualise la mère et ses enfants rejetés par la société allemande pendant la guerre. De va-nu-pied, Paul se change en beau gaillard de type tzigane brûlant de faire ses preuves dans une structure solide. S'intercalent les témoins de son parcours parmi les peintures veloutées de Leif Heanzo, à retenir les rhododendrons dans une baignoire ... Une de ses compagnes mentionne "des millions de morts causées par les tempéraments abrutis comme celui-là". La Stasi abusant de la séparation entre mission d'Etat et vie privée "infiltrait" la quasi intégralité des milieux. Ce qui fait se demander si l'intéressé était vraiment pieds et poings liés jusqu'en 1989 où il jeta l'éponge tandis que le Mur tombait, enfin, c'est ce qui est sous-entendu et semblerait encore controversé si l'on en juge par le titre du film... De même sa phrase "les traîtres souffrent aussi" touchante mais qui ne saurait, pour les populations écrasées, absoudre les tyrans des régimes extrêmes.
  • SUR LA PLANCHE (2011)
    Note : 16/20
    Festival des Trois Continents nantais 2011. Un film tourné avec fougue dont il se détache une "envie de dire" qui force l'admiration. Alors on suit ces jeunes filles en se fourrant dans la tête que la débrouille dans cette zone franche de Tanger doit être faite de ces vertiges-là. Actrices touchantes dans leur contraste volontaire, chacune jouant sa partition dans l'affrontement sans saliver de ce que l'autre soit plus ceci ou plus cela. D'une certaine manière toutes les quatre sont logées à la même enseigne, de la plus plastique à la plus garçonne en passant par celle qui s'affranchit jusqu'à ne plus savoir où se positionner. Dans la survie où culture et racines brillent par leur absence, elles jouent de leur personne en forçant le trait comme pour encore ressentir quelque chose. Peut-être justement est-ce un peu trop appuyé, avec des redondances où on frôle l'ennui avant la scène décisive ? On est plus dans le respect que dans l'émotion véritable.
  • L'AMOUR ET RIEN D'AUTRE (2011)
    Note : 17/20
    Projeté en ouverture Univerciné allemand Nantes 2011. C'est amené à l'image avec tellement d'élégance qu'on admet que cette jeune femme-là, précisément, remonte en selle comme après une chute de cheval. Un peu trop mère pour son mari Paul, tendresse perceptible mais malaise confirmé par ce mot maladroit d'un copain lors d'une soirée arrosée jetant un froid... Incrédulité, colères, prostration, c'est toute la jeunesse qui explose son refus du pire, à l'âge où on aime l'amour (ces jolies scènes érotiques comme dupliquées d'un partenaire à l'autre). Surprise d'en savoir aussi peu sur le mari cachotier et sur cette muse aussi fantôme avec son catalogue. Heureusement, les non dits qui comptent éclatent en gros plans sur les visages (Georg devinant le désespoir sous l'allure entreprenante). Temps exceptionnels de ce film côté interprétation, la méga colère de Martha (Sandra Hüller) pour un coup de fil suspect et "la chemise" !
  • PETITE AFGANISTAN (2011)
    Note : 19/20
    Projeté au 33ème Festival des Trois Continents Nantais 2011, après 4 autres courts davantage sur le mode réaliste, ce documentaire débarque comme un enchantement avec sa voix off de conteur, son raffinement à l'image, dont cette calèche sur le pont, ses chevaux faussement carnavalesques... Les paroles crues émaillées de jurons très dans l'air du temps même en occident laisseraient supposer un brin de surjeu pour la caméra de la part des autochtones, quoique cela apporte une note presque burlesque du fait que le malheur extrême fait renaître entraide et l'humour du désespoir... Les courses folles des montures traînant leur chargement comme des condamnées à court terme font maudire les taxis, ces bouffeurs de pétrole inaccessibles aux démunis... Habile reportage à la lisière du fantastique à partir d'atroces réalités, cruel sous ses dehors aimables (la raclée du cheval !) et cette chaussure rouge qui reste tanguer dans les flaques boueuses comme dans la mémoire des spectateurs conquis par ces trente minutes cinématographiques éblouissantes.
  • PERMIS DE CONDUIRE (2011)
    Note : 16/20
    Projeté au 33ème Festival des Trois Continents Nantais 2011 parmi d'autres courts réalisés par les étudiants de l'Atelier Varan : ici l'art d'une jeune femme instruite de braver les pouvoirs mâles éduqués pour l'évincer. Ce qui fait espérer en des jours moins barbares, l'attitude des jeunes hommes qui vont embaucher la jeune candidate au permis, une petite gêne reproduisant la hantise de la concurrence féminine aux mâles entreprises, c'est mieux qu'un silence masculin entendu et certainement pas pire que ce qu'on entend aux terrasses de bars français lorsqu'une créature fait saliver. Ce qui gêne en revanche est qu'on ne sache trop si les badauds applaudissent par fascination pour la caméra ou la jeune femme ou si c'est l'habitude qu'il y ait un public lors de l'examen de passage, examen admirablement tourné en dérision si l'on s'en tient aux manoeuvres filmées !
  • KABOUL AMBULANCE (2011)
    Note : 16/20
    Projeté au 33ème festival des Trois Continents Nantais 2011 parmi d'autres courts réalisés par les étudiants de l'Atelier Varan : le délabrement hospitalier afghan et sa bureaucratisation puissance mille par rapport à la situation française 2011, soit un slalom nocturne à travers les rues défoncées de Kaboul pour dénicher un patient, cette roue de l'ambulance à changer en cours de trajet dans la pénombre en plus de la tracasserie d'aller à l'aveuglette et de revenir presque au feeling tant il fait noir. Un aperçu des équipes de soignants en pause permet aussi de découvrir l'éternelle quête de lits "ouverts" et quelle opération se fait dans telle unité de soins ou telle autre... Plus le témoignage de ce père rongé d'avoir cru vivant son fils immobile traversé par une meurtrière étincelle. De quoi imaginer ce que guerre au quotidien veut dire pour une population pas prête d'avoir la paix.
  • MISS BALA (2011)
    Note : 17/20
    Projeté au Festival des Trois Continents nantais 2011. La violence infligée à la population mexicaine d'aujourd'hui concentrée dans une jeune fille volontaire mais qui à la la méfiance encore endormie. C'est terrifiant sur le fond. Inégal à l'image à cause de scènes un peu trop bout à bout. D'abord arrive une espèce de Charles Bronson modèle réduit à voix douce, sourire félin et biftons baladeurs. Il joue avec divers intervenants les frères ennemis dans le style raffiné des psychopathes (allusion aux cartels de drogue, aux tyrans d'Amérique Latine, cela peut s'étendre à des degrés variables à toutes les nébuleuses contemporaines, rien n'empêchant d'y voir en germe la finance actuelle et les Etats). La démonstration s'avère brillantissime (cette scène du premier traquenard !), on est plongés dans ce double jeu et on a les chiffres ahurissants, les sous et les morts, un style rappelant "Même la Pluie" du producteur exécutif associé Gabriel Garcia Bernal. Seul baume, voir aller et venir cette jolie brune prise en tenaille, elle et ses proches. Dommage que, pire que l'actualité pure et dure, le réalisateur en reste aux clichés bestiaux bien virils et bien plombants au lieu de raffiner dans la malice sentimentale. Résultat, on sort de la salle un peu trop sur le flanc.
  • PEOPLE MOUNTAIN PEOPLE SEA (2011)
    Note : 19/20
    Montgolfière d'Argent du 33ème Festival des 3 Continents nantais 2011... Titre du film déroutant, lenteur calculée jamais gratuite bien qu'elle puisse peser si on refuse la chape s'installant sur les épaules et qui ne sera enlevée que bien plus tard. Il faut donc ajuster ses lorgnons une fois passé le double choc à moto pour être certain(e) de bien reconnaître les gueules, surtout quand elles sont noires de suie. Et ensuite on est happé si on tient le coup. La bande-son rappelle le cri de guerre d'un certain western spaghetti. Certes c'est noir mais reconnaissons que c'est beau en plus que d'être une histoire simple. Le tout est ahurissant et à lectures infinies...Plans ultra larges façon far-west, travellings alertes en guise d'approche, plans plus serrés avant les escarmouches et... les mouches volent dans la salle d'où nul ne sort. Sans la fumée de cigarette et l'usage du portable sur l'écran, ces personnages communiquant comme des bêtes sauvages ramèneraient à la préhistoire tant les autorités sont réduites à néant : foin de l'ordre, des lois. Seul compte l'instinct de survie, les petits arrangements sordides tout juste rattrapés par les caprices de la nature. L'atroce mondialisation à venir si aucun renversement de situation n'intervient. Même si ce peuple est particulièrement conditionné à une misère indicible depuis la nuit des temps, attention, il n'y a pas qu'en Chine.
  • HONEY PUPU (2011)
    Note : 15/20
    Projeté au Festival des 3 Continents 2011. Irréprochable au plan technique et toujours agréable pour les yeux et les oreilles, même si la constante mécanisation fait soupirer. Comme c'est classé "science-fiction", chacun(e) a envie, dans cette bulle de publicités, de décrypter quelque chose d'universel. La sophistication des plans amenés en vrac font très Wong Kar Waï. Pas vraiment de scénario, des scènes bout à bout, des images léchées, jamais rien de sordide (pas de tabac, pas de drogues hormis l'addiction aux robots). De là à trouver "du fond" dans cette envolée onirique, une métaphysique façon Tarkovski ou Kubrick, sans doute que non. On est davantage dans la philosophie de la bande-annonce "The Tree of life" de Malick. Par exemple, "les abeilles disparaissent", notoire, mais affirmer "on ne retrouve jamais leurs corps", le frelon asiatique impliqué pour partie ou pas, resterait à démontrer... Quelques bons moments débouchent sur un nihilisme adolescent bien racoleur, un peu dommage... Ce qui rallie finalement est le thème de la disparition, un fléau contemporain qui tracasse tout individu encore capable de penser. Le saccage délibéré du passé dû à la "mondialisation" uniformisante, l'évaporation d'êtres sans explication ni traces, une gadgétisation, une tricherie telles que l'on ne saurait plus qui l'on est.
  • LES NEIGES DU KILIMANDJARO (2011)
    Note : 18/20
    Plaisir immense que ce grand soleil sur des quinquagénaires moyens et leur manière de se dépatouiller d'un choc inattendu, inexcusable et pourtant aménageable dans ses répercussions. L'ambiance peut agacer, il s'agit de méridionaux aux promptes émotions... Les anciens angéliques face aux paumés, une trentenaire pas mère pour un sou, son fiston qui transgresse... Davantage que bouter les étrangers hors de France, ce serait donc à l'intérieur de notre société que le danger couve à cause du grand écart entre les conditions matérielles de la génération poussée vers la retraite et la nouvelle, nue comme au premier jour, avide, irréfléchie dans son obsession à voir des bourgeois dans d'honnêtes gens d'une époque plus faste. Des innocents font les frais de cette cassure, obligeant à avoir une petite pensée pour leur sort à eux... et qui peut être vu d'un autre oeil que celui qu'on pose sur leurs parents ! On est au cinéma, univers fictif pour distraire et faire réfléchir à nos lendemains plombés par des gestionnaires sans coeur. Merci à Robert Guédiguian de démontrer qu'il suffit d'oser montrer aux spectateurs ce qui paraît incongru pour que l'avenir reste un mot prononçable.
  • CARNAGE (2011)
    Note : 18/20
    D'aucuns voient dans ce huis-clos un reflet de misanthropie liée au vécu récent du cinéaste... J'y ai trouvé l'humain appelé à négocier en territoire personnel dans le monde vachard d'aujourd'hui et avec l'éducation reçue... Une rencontre d'abord policée et, à la faveur d'un point de détail, la bride soudain lâchée. Cette longue conversation déballant savoir-vivre de base et petits incidents de la nature prend son temps malgré sa durée globale de seulement 1h20. Assis, debout, en palabres près de l'ascenseur, ces deux couples font penser à un combat de coqs lent à démarrer. Le ton finit quand même par monter, le portable et ces livres arrosés ça suffit... Ces dames décrètent qu'on n'égratignera pas plus leurs rejetons tandis que pavoisent les hommes whisky à la main. Du théâtre d'appartement. J'ai souri longtemps, médusée, et finalement ri beaucoup plus que prévu. D'une histoire toute simple émergent face visible et face cachée de l'individu, centré sur lui-même en droit fil des usages de génération en génération et pas près de changer. Divine interprétation du quatuor qui s'éclate dans les dialogues ciselés ! Si cynisme il y a, le spectateur est invité à déduire ce qu'il veut, précieux par les temps qui courent.
  • LE HAVRE (2011)
    Note : 18/20
    Carlos Gardel, Little Bob arraché des oubliettes sur scène, une robe empaquetée avec méthode, des petits bouquets d'amoureux appliqué, Monet de la police judiciaire ou le taxi 403, Laika, le fantôme canin revenu de l'espace, on n'en finirait pas d'énumérer les petits charmes du Havre façon Aki Kaurismäki... Un défilé de tableaux savamment cadrés pour filmer la débrouille des pauvres qui pensent encore. Et pourtant les intervenants, qu'on sent pleins d'estime mutuelle, affichent la rudesse du nord. On jurerait le cinéma d'avant (Chaplin, Bresson, Tati, peut-être même Lubitsch pour la malice de fond). L'univers du réalisateur se partage immédiatement dans cette histoire. Les personnages se toisent bien franchement dans un langage productif tout en collant à leur fonction (la cafetière qui sert et ressert à boire tout en conversant...), hommage aux petits métiers où on se cause d'égal à égal, loin du Cac 40. Ces braves gens veulent continuer à vivre en composant, là où ils sont, au même titre que les déplacés d'Afrique découverts dans leurs containers souhaitent trouver un havre de paix. La légèreté ambiante ne peut faire oublier qu'il s'agit une fois encore de l'Immigration. Réduite officiellement aux chiffres chaque année en France et ailleurs aussi, de plus en plus. Et qui n'empêche pas les déplacements massifs de personnes souvent sous la menace des armes... La bonne nouvelle est que ce phénomène de société qui taraude les consciences remplit les salles de cinéma (Concorde nantais plein ce 4/02/12) !
  • LA DAME DE FER (2011)
    Note : 16/20
    Film projeté en avant-première au Katorza de Nantes dans le cadre Univerciné Britannique 2011. Approche feutrée, un peu mollassonne d'une ex poigne de fer. Meryl Streep en a assurément assimilé les tics. Les anecdotes les plus caricaturales n'effacent pas le côté timide, fadasse qu'on ressent d'emblée, sans doute parce que le film démarre avec une vieille dame un peu trop éteinte, à cent lieues d'un documentaire comportant témoignages de personnalités ayant côtoyé de près cette femme politique hors du commun. L'intérêt, outre de fournir quelques précisions biographiques, se résume aux images d'archives jalonnant les étincelles du personnage avant son éviction brutale. Cet aplomb qui fait mettre au garde-à-vous l'équipe de cravatés et chouchouter la couturière penchée sur le bouton de veste d'un bleu dur, rendrait le personnage presque sympathique sans l'excès de zèle notoire dont elle se crut tenue. On a beau s'efforcer à l'objectivité, Maggie âgée ou Maggie jeune, fille d'épiciers très attachée toute sa vie au prix du beurre, une fois cernée, peine à captiver. C'est pourtant filmé avec application, en surface équilibré avec cet époux jetant une note humoristique... Las, connaissant le tempérament de feu de la dame, les ravages de son règne, c'est un portrait assez "soft". La matière ne fait pourtant pas défaut, chacun saisit la revanche adulte suite aux moqueries des copines, la gloire de quelques années et cette mémoire soudain vacillante... Oui, peut-être pas dans cet ordre-là. Ou alors avec un oeil plus acéré.
  • SUR LE CHEMIN DU RETOUR (2011)
    Note : 18/20
    Univerciné Nantes lors du Cycle Italien 2012. Un film percutant qui méritait de remporter le prix du public. Atmosphère et musique accrocheuses, économie de paroles lors d'un petit tour dans la maison, les enfants chahutant au lit des adultes le matin, l'époux (aussi crispé que Pasolini, visage et dégaine) cachant ses ennuis professionnels à son épouse trop lisse, trop offerte aussi (Donatella Finocchiaro). Leur différence d'univers est révélée par de très courts intermèdes qui vont s'avérer précieux. Défilent de somptueuses images invitant à la béatitude plutôt qu'à la vigilance (Alberto circulant au soleil couchant par exemple). Deux intrus créent l'étau qui va serrer, serrer sans jamais faire décrocher le spectateur identifié à celui dont la mine annonçait du risque. Rien de limpide quant au sens et aux motivations des divers intervenants extérieurs, un peu comme chez David Lynch, ils sont teigneux et liés à vie, c'est la seule certitude. De curieuses ellipses à certains moments, quoique le fil central soit toujours maintenu. Vrai que la petite voiture rouge intrigue longtemps pour une issue imaginée dans le même style haletant. Et que l'enfant retrouvé pouvait d'un mot espiègle alléger les semelles de plomb qu'on a en sortant de la salle. Il ne s'agirait nullement d'une caricature mais de l'effet domino en mafia calabraise, là où éducation et culture générale brillent par leur absence !
  • PERSONNE NE PEUT ME JUGER (2011)
    Note : 16/20
    Découvert à Univerciné Cycle Italien Nantes 2012. Très habile tour de passe-passe pour forcer à convenir que l'argent n'a pas d'odeur s'il sert des causes moralement irréprochables. Ou bien comédie grinçante ? C'est toute l'ambiguïté de ce film intégrant que le coût de la vie galope et que payer ses dettes en composant avec les réalités enrichit. La dame, une vautrée sûre de ses lendemains, dégringole de son piédestal, gourde qui peut bien apprendre un peu à vivre : l'exemple interdit toute contestation. La voilà en formation sur le tas et de plus en plus sexy... C'est traité en ironisant sur les deux sexes, sans machisme sournois ni sororité pleine de fiel, au contraire, ils s'arrangent de tout, le sentiment véritable couve, dureté des temps, douleur au jour le jour font qu'on s'épaule dans une complémentarité idyllique. L'interprétation et la mise en scène, la sensualité bon enfant, tout fleure bon la chanson dans la vie faut pas s'en faire. Mais voici un partenaire trahi par ses sentiments sincères qui s'offusque. Des billets lui sont tendus à ce rabat-joie malvenu d'hésiter. Les spectateurs sont sur la sellette, soudain très partagés alors que, jusque-là, ils riaient de cette comédie inconséquente... En sortant de la salle, la jeunesse dit toujours oui puisque ce genre de débrouille dure le temps de se retourner. Les parents sous décrue financière ont déjà mille questions subsidiaires en tête, demandent à voir, imaginent leurs propres enfants ou petits-enfants demain, au train où va la mondialisation.
  • ELENA (2011)
    Note : 19/20
    Le petit jour sur les baies vitrées d'une maison confortable. Lueurs solaires qui s'amplifient aux bords du long plan fixe, un oiseau pour l'animer, on est en temps réel chez des Russes un matin parmi d'autres. L'intérieur est de bon goût, ces lames de parquets très larges, bien cirées, tout respire la maison confortable. Qu'est-ce que c'est bien de voir des gens ordinaires au cinéma, ce couple avec chacun son lit pour connaître le repos, soudé par mille petits riens, dont l'hommage gaillard quand les désaccords terrassent... Une tension, les grands rejetons. Elena, physique solide d'ex-infirmière, première levée, dernière couchée, bichonne époux, enfants et petits-enfants, son mari à fille unique et caractérielle s'avérant surtout sportif. L'environnement rend dur, nombriliste, pragmatique au possible. Du coffre au train, les billets se déplacent. Un cheval blanc à terre symbolise la fin de quelque chose, de hautes cheminées surplombent des terrains vagues où des bandes nocturnes s'appliquent mutuellement les combats des jeux vidéo. Tableau au vitriol de la Russie contemporaine que cette affiche de la mamie avec bébé au giron ! Chômage et corruption commencent à griller les cerveaux dans un sens pratique invitant à ne plus avoir de scrupules du tout. Petits calculs de survie des anciens et des nouveaux, attention à sauvegarder la respectabilité de façade. A quel point est-ce russe et exclusivement russe, hum... Possible de trouver la mise en scène un peu trop délayée, franchement ce serait le seul défaut ! La jeunesse hyperactive, les très optimistes n'y verront qu'un nouveau délire de l'âme slave tourmentée qui réalisa "Le Retour" en 2003. Les patients et les réfléchis trouveront au contraire beaucoup de sens à cette anticipation de notre société à deux vitesses.
  • JEUX D'ETE (2011)
    Note : 17/20
    Film applaudi à Univerciné Cycle italien Nantes 2012. Un banal camping estival mène vers un décor champêtre avec des enfants qu'on sent décidés à en profiter au maximum. Un univers pas très tendre. Côté adultes, une charge contre la violence paternelle à l'endroit des femmes avec à la clé le repentir, créant cette terrifiante et usante oscillation du normal au sordide, cause de troubles durables dans les jeunes cerveaux. Le lien amoureux camouflé se tisse inexorablement entre Marie et Nic dont la mère, régulièrement battue, finit par penser son mari malade. A peine a-t-elle repris souffle, bras en croix à moto avec un témoin charitable qu'elle revient, le spectateur s'inquiète sérieusement pour les lendemains... La mère de Marie, elle, se dérobe aux incessantes questions de sa fille qui l'asticote jusqu'à s'abîmer dans la vérité. Les deux familles qu'on croyait inégales en houle potentielle se rejoignent. Rien n'est laissé au hasard, ni les cavalcades dans le maïs, ni les sévices crescendo, ni le chien sacrifié. En même temps, il ressort de l'ensemble un hymne à la fugacité du temps en dépit des orages. Du camping à la cabane, les personnages ne lassent pas d'étonner, passant du ravissement à la prostration. Du fait de leur règlement de comptes qu'on interprète sans retour possible case départ, ces jeux d'été s'avèrent très profitables !
  • SCIALLA ! (2011)
    Note : 17/20
    Prix du Public à Univerciné Italien Nantes 2012. Le fait que le rôle du vieux soit tenu par Fabrizio Bentivoglio et que la porno-star soit Barbora Bobulova obligent à embarquer. Ils portent le film. C'est tout de suite efficace, très enlevé, ce qui gomme la caricature de jeune, sauvée par des scènes à scooter délicieuses, mais aux caractéristiques un peu trop convenues. Pour ce qui est du vieux prof ne reconnaissant pas une ancienne conquête en face à face à une table de café, hum, là aussi, à moins que ce soit pour renforcer le comique sous-jacent, son degré d'émotion jure avec sa myopie ! Ensuite dans la tension entre générations, toute la batterie des armes réciproques se déploie, les deux forces en présence usant de tous les codes pour arriver à l'efficacité. A noter que la gent féminine libérée de toute entrave sexuelle passe ici pour égale au partenaire puisqu'il va jusqu'à mentionner sa décrue libidinale, à saluer, c'est trop rare en ce moment ! Quelques lenteurs sur la dernière partie font croire que tout est bouclé... Erreur ! Surtout rester devant le générique dévidé à toute allure ! Il faut en guetter la toute dernière image au bout des palabres avec l'ex-étudiant tout à son affaire... Sans doute arraché de haute lutte pour ménager la sacro-sainte production ? C'est pourtant le point culminant de ce film !
  • CORPO CELESTE (2011)
    Note : 17/20
    Découvert à Univerciné Italien Nantes 2012. La scénariste-réalisatrice se glisse dans la peau d'une fillette au style proche de sa soeur Alba, actrice, on se croit en famille Rohrwacher... Un démarrage pris pour une immigration clandestine avant de s'avérer procession nocturne. La foi religieuse, sans être égratignée, renferme sa dose d'amusement. La "coach de catéchisme" (renversante Pasqualina Scuncia !) occupe les jeunes plus qu'elle ne convainc, les chats bannis de son enseignement comme au temps des bûchers... Du religieux quasi ludique jusqu'à cette chute à faire expier (très jolie scène de résistance face à la lâcheté adulte !). Les anciens enfants introvertis s'identifieront facilement à la petite inapte aux jeux du faire semblant pour faire plaisir. On n'oubliera pas ce jésus arraché du village à unique habitant et qui décide de faire la planche. Les très gros plans sur le visage, les cheveux soudain raccourcis indiquent que l'enfant revient de la béatitude. Aux spectateurs adultes de déduire, on sent la prudence sur pareil sujet, surtout ne se mettre personne à dos... La communauté où Marta a débarqué rappelle assez l'archaïsme français régional d' il y a 60 ans. Mêmes pouvoirs déclinés sans discussion. Le curé fuyant sa bonne et finalement desservi par sa confiscation des votes en faveur d'on ne sait qui (voilà qui laisse rêveur pour ce qui concerne le présent)... On reste entre deux eaux, d'abord dans le dos de Marta jusqu'à ce demi-lézard qu'un tiers apporte... Cette juvénile transplantation suisse en terre calabraise n'en est pas moins fort plaisante à suivre.
  • PORTRAIT AU CRÉPUSCULE (2011)
    Note : 17/20
    Déroutante jeune femme a priori, sauf si elle représente l'intrépidité féminine, à savoir en passer par les desiderata des dominants pour leur arracher quelque reste d'humanité. Filmé à la clarté du jour, c'est volontairement pâlichon comme le contexte du message que ça veut véhiculer, c'est à dire des lendemains qui ne chantent pas trop rose. Dans un esprit de contradiction à deux doigts du malsain, quoique... Beaucoup de sens possibles pour qui parvient à décrypter. Un pavé à la seule intention de la société russe ou une charge étendue à toute société de consommation vidée de sa culture. Consommons, chantons et dansons... S'il n'y avait l'issue comme incitation à relativiser, ça ferait fuite en avant hormis l'image soignée et la très attachante actrice. Olga Dihovichnaya rappellerait assez Carole Laure dans Sweet Movie ou Carole Bouquet dans Trop Belle Pour Toi, jusqu'à ce qu'elle vire de bord pour arriver à ses fins, j'avoue que cela m'a quelque peu désarçonnée jusqu'à ce que tenants et aboutissants se révèlent... Car pour ce qui est des autres présences à l'écran, ne leur manquerait plus que les grognements pour que le pur stade animal revienne, que ce soit ces hommes qui se lâchent à la file ou cette ado au klaxon ininterrompu chargeant son père. Anticipation de nos sociétés corrompues. La victimisation féminine de bon aloi est bel et bien évacuée. La réalisatrice met en exergue l'ambivalence féminine slave, une docilité de façade vite détrônée par des raffinements de cruauté.
  • ALBERT NOBBS (2011)
    Note : 18/20
    Film injustement descendu par de nombreux critiques au prétexte d'oscar convoité ! Il s'agit d'une histoire captivante en plus d'un hymne à la délicatesse. Photographie très soignée avec son vert-de-gris de l'époque victorienne laissant affleurer les tensions qui vont naître du frottement de ces classes sociales aux antipodes... D'abord, le "ni homme ni femme" Albert toujours poli et élégant, sauf qu'il rase les murs. On brûle de savoir ce qui a pu arriver à des yeux aussi étincelants. Tout aussi captivants, débarquent les autres personnages, bien typés, la plupart sous la houlette de la fieffée Missis Baker, le docteur bon vivant (Brendan Gleeson), les servantes dont le sang bout dès qu'un jeune homme de passage fait ses ablutions... Et que de remous dans les étages ! Rien qu'à voir les "gueules" du casting, remonte l'atmosphère hivernale de cet hôtel, les calamités, les bals où il est permis de se lâcher, plus tous les moments de silence d'une infinie justesse qui signe la marque de fabrique de l'ensemble. Ni triste ni joyeux, il arrive en dernière partie qu'on rie bien franchement (au pas de la porte puis sur la plage !). Certes, je n'ai pas lu le livre dont c'est inspiré ni vu la pièce... Il n'empêche que c'est joliment traité. Les tiraillements évoqués parlent complètement à notre époque d'abondance mal partagée, l'abus de pouvoir, le repli sur soi dans des rêves fumeux, la peur de rester sur le carreau et également les coups du sort ramenant une forme de justice.
  • WE NEED TO TALK ABOUT KEVIN (2011)
    Note : 15/20
    Grande marée à la tomate, un gros effet... Puis peinture rouge en veux tu en voilà. Alerte au sang ! Une multitude d'allers-retours passé et présent montre l'effroi de cette femme. Déjà in utero, elle avait mal à son Kevin. Ils contribuèrent l'un et l'autre à se scinder dans des hurlements lourds de présage. Très vite le diablotin aux sphincters régressifs, nargue, cause comme un adulte, en éternelle provoc. Une incompatibilité d'humeur incurable, la crise d'ado puissance mille tant qu'aucun événement gravissime ne vient rompre la dyade. Et chacun(e) de charger la mère ou l'enfant, elle a ruminé trop de trucs et il a écopé... Rien sur le père, occupé à viriliser son fils pollué par le malsain giron. Or, le très gros plan des deux pupilles du monstre changées en cibles jette un léger froid pour qui songe à l'actualité récente du côté d'Oslo... Dommage pour Tilda Swinton et Ezra Miller dont l'aura commune permettait davantage côté dialogues, avec une musique qui colle un peu plus à la situation aussi tant qu'à faire.
  • POURQUOI TU PLEURES ? (2011)
    Note : 17/20
    Ce qui s'appelle se laisser marier... Grande qualité d'ensemble, la musique de Benjamin Biolay toujours délicate, la ritournelle d'Enrico Macias bienvenue aussi comme dernier grincement. C'est beaucoup plus vitriolé que bobo, cruel et attendri (ces claques !), jamais trash pour autant. Pas du tout pour les esprits terre-à-terre, encore moins pour les inconditionnels des traditions. On est dans une caricature de tous les angles du mariage. Biolay crève l'écran avec des mots que viennent souvent démentir son expression de visage très mature. Il incarne l'indécision permanente, rôle plus répandu qu'on ne le croit et qui lui va à ravir (la démarche super chaloupée avant de jeter l'éponge incluse). Devos et Garcia toutes deux irrésistibles dans leur fébrilité auprès de leur homme fétiche. A part ces trois piliers rodés à articuler, les rôles secondaires aussi ont leur valeur : à déplorer la diction ultra rapide. Du surplace aussi par moments, heureusement racheté par oeillades ou dialogues. En deuxième lecture, rien n'interdit d'y voir les tendances conservatrices, cette fermeture des yeux sur les remous souterrains pourvu qu'ils soient en surface "bien gérés"
  • LA TÊTE EN L'AIR (2011)
    Note : 16/20
    Projeté au Festival Espagnol de Nantes 2012. Un banquier refusant un prêt que l'image change en vieux gâteux refusant de manger sa soupe. Et pan, bon pour la maison de retraite ! Là où finissent les atteints d'Alzheimer, le pensionnaire Emilio anticipe tout en privilégiant son présent, scène équivoque de la piscine et doutes sur l'honnêteté de Miguel, le compagnon de chambre débrouillard. Le style est en tous poins fidèle à la bande dessinée de Paco Roca, mise en scène efficace, pour les connaisseurs en animation peut-être un peu trop simple ? Cela se laisse regarder, le sujet est à prendre avec des pincettes... C'est suffisamment expressif, joli, les angles variés, les dialogues à la hauteur du sujet de fond, lequel s'avère traité avec délicatesse malgré plusieurs flèches à l'intention de ceux qui certes s'occupent de leurs hôtes mais en imposant leurs rites. Un genre de liberté surveillée tant qu'on ne perd pas trop la boule. Car passé un cap, une mystérieuse chape est mise. Consolation, l'équité absente la vie durant est enfin à l'honneur... Les parachutés en maison de repos revoient le temps de leurs premières classes quand il fallait parmi les autres trouver sa place. Au prix de renoncer à tout repère de la vie d'avant, et cela quels que soient grade et pécule. Tout cela est parfaitement distillé, avec un Miguel sans attaches qui, de gros malin, s'adoucit plus la maladie d'Emilio gagne. L'objectif est atteint. N'importe quel spectateur peut sentir le progressif passage de la vie au néant sans être choqué.
  • BONNE ANNEE GRAND-MERE ! (2011)
    Note : 18/20
    Maritxu ! Découvert ce merveilleux film au festival espagnol nantais 2012. Franchement, pourvu qu'il rafle le prix Fondation Borau Opera Prima ! Maritxu ! Un prénom repérable crié d'une pièce à l'autre et fifille qui obtempère alors que son époux trouve qu'elle s'esquinte. Ce film familial traite du sort des anciens en fin de course, comment s'arrange-t-on de devoir soudain être assistée après tant d'années de don de soi ? Moitié Tatie Danielle avec des béatitudes à la Harpo Marx suivies d'une forme d'autisme, la dénommée Mari n'est jamais à court de gags, pire qu'un apprenti marcheur découvrant la maison, car même la nuit... Ce n'est pas pour rien que le symbole des scènes de chasse revient en boucle... Ils changent tous progressivement, ces enfants et petits-enfants. Autour de la vieille au petit pas chaloupé, les trajets voiture occupent une large place avec ce bébé sur les bras et un garçonnet qui cause d'homme à homme, la vérité sort de la bouche des enfants. Vrai, c'est lui qui fait avancer le film ! On traque chaque suite de plans en accéléré, sûr de rire un bon coup lors de la prochaine vacherie de la vieille coriace... Et puis subrepticement, virage à 180 degrés vers plus grave, une ambiguïté qui fait l'effet d'une claque après caresse dans le sens du poil... A la mamie inoxydable s'ajoute une concurrente, comme le temps passe !
  • N'AIE PAS PEUR (2011)
    Note : 16/20
    En compétition pour plusieurs prix au festival espagnol de Nantes édition 2012. A nouveau le thème de l'enfance saccagée par des adultes en pleine confusion mentale. L'an dernier, c'était "Elisa K" amnésique, cette année Silvia qui somatise. Elle est flanquée d'une mère aussi navrante que papa qui joue à on se regarde dans les yeux le plus longtemps possible, brrr ! Le film martèle l'indicible de rigueur dans ce milieu où la douleur s'anesthésie, où bouder s'apparente à une faute de goût, une chape sur tout ce qui peut demander réflexion, des demi-mesures tacites qui font perdurer le malaise. L'introduction montre la petite toute enjouée entre papa et maman. La promenade se solde en yeux largement ouverts sur un canapé. S'intercalent des témoignages d'autres victimes une fois adultes... Michelle Jenner joue parfaitement sa partition, renversée volontaire sur la chaussée pour extirper son poids et être secourue par une fée soignante. La faiblesse de la démonstration (ou sa force pour les très bcbg ?) est que le propos finit par se placer prudemment "en creux" (peur de froisser la sacro-sainte dentisterie ?). Le spectateur déduit beaucoup, laissé en plan comme un vulgaire analysé. Et Silvia a souvent moins de 25 ans dans l'histoire !
  • LA ROUILLE (2011)
    Note : 18/20
    Découvert à Univerciné Nantes 2012. Dans l'Italie d'aujourd'hui, des immigrés, un notable (téméraire Filippo Timi !). La façon dont c'est traité fait songer à Barbe Bleue, Le Petit Poucet, La Petite Fille aux Allumettes. Possible d'aller jusqu'à Dracula si l'on compatit pour ce raide toubib qui, de chanteur d'opéra doucereux, dès qu'il prend sa voiture, peut virer ogre remonté avec une clé. Un grand distrait dès qu'il reste longtemps à l'air libre (scène des enfants spectateurs au ras du comique !). On navigue entre grotesque et démoniaque sans qu'aucune scène ne révulse, à part la gêne éprouvée pour l'individu qui déjante... En parallèle, cette zone rouillée loin des HLM fait l'effet d'un terrain de jeux s'il n'y avait cette terreur ambiante. La visite sur toute sa surface et dans les tréfonds alterne avec plusieurs comportements adultes et leur impact. Le jeu qui dégénère jusqu'à faire peur (Stefano Accorsi), la constante réprimande, on a droit à toute la gamme de la responsabilité parentale. La lumière poussiéreuse des premiers plans faisait craindre l'installation dans le morbide, d'autant qu'il y a quand même des meurtres... On reste pourtant en pleine sensorialité enfantine, bruitages métalliques, passage du jour au noir complet. Quelques lenteurs mais en tous points esthétique. L'issue assurée par les enfants ne lasse pas non plus de réjouir. Tout comme cette prof d'arts plastiques rivant son clou à un collègue normatif (magnifique Valeria Solarino !), un très grand moment !
  • LA VOIX ENDORMIE (2011)
    Note : 17/20
    A remporté le Prix du Public au Festival espagnol de Nantes 2012. Directement inspiré d'une fiction de Dulce Chacon (allergique aux paillettes et morte d'un cancer à 49 ans). Le réalisateur scénariste Benito Zambrano reprend fidèlement les personnages créés à partir de témoignages réels de femmes persécutées au début du franquisme. Pour la plupart échouées dans des geôles crasseuses, avec pelotons d'exécution réguliers, rites bigots empreints du sadisme qu'encourage le pouvoir absolu... Traitées facilement de "putes communistes" par des fascistes de mèche avec leur avocat commis d'office, l'issue est connue d'avance... La plus raffinée des épreuves semble être d'accoucher et d'être passée par les armes peu de temps après. Le marivaudage entre deux jeunes apporte un soupçon d'humour, ce qui change un peu des torrents de larmes versées parce que pas moyen de faire autrement... Un aperçu de population muselée juste après la seconde guerre mondiale déjà éprouvante. Quand on pense que la poigne de Franco - qui fait penser à la folie bureaucratique de l'autre extrême ! - s'exerça jusqu'en... 1975 ! Ce film terrible relate une page d'histoire de l'Espagne de manière frontale, sans doute était-il possible de couper certains plans très tire-larmes... C'est l'enfer à l'état pur. Quelques belles âmes que la mort de proches a gardé humains sortent du lot de zombies, cette garde-chiourme par exemple. Sans elle le film serait intenable. On est forcé de songer à ceux et celles qui attendent dans les couloirs de la mort d'aujourd'hui, en 2012. Sans opérer de scabreux parallèles avec notre présent, s'imprégner, grâce à ce film, des faits actuels et passés afin de rester lucide et voter pour ce qui se montre le moins toxique ne saurait nuire !
  • LES ADIEUX À LA REINE (2011)
    Note : 17/20
    Réserves faites sur la vérité historique (où est donc passé le séduisant Conte de Fersen ?), c'est un magnifique condensé des paillettes d'un pouvoir avant la chute. Trois jours pour rester ou fuir... En creux, la masse populaire, ce monstre... Pas de sang, pas de violence frontale. Juste quelques fioritures peu productives, les piqûres de moustique, la pendule... Il est contagieux le pas heurté de cette lectrice imaginaire dans le labyrinthe où elle retrouve, outre ses pareilles, les privilégiés désormais en alerte. On la suit, on tombe avec elle et on se relève aussi. Le château intérieur et extérieur est ainsi arpenté, l'occasion de cadrages d'un rare raffinement. Alors c'est vrai qu'il y a cette liste qui crée le choc. Cause le froissement bien sonore des étoffes lors d'une entrevue collective avec sa majesté. Dommage que les conversations des actrices les plus jeunes soient à l'inverse devinées plus qu'entendues nettement... Les sautes d'humeur de Marie-Antoinette comme les signes que se font en catimini ces dames dans son dos compensent cette lacune (les petites taches de lumière disséminées dans les intérieurs d'un visage à l'autre ou les plans bleutés qui prennent la relève sont pur délice). Quelques flâneries en robe de poupée le long des plans d'eau pour la postérité.Très revigorant à l'image... Un film à oscars que ce Versailles flamboyant, exportable sans difficulté. Le plus est vraiment le fond du film, ce drame qui parle à notre quotidien : milliardaires repus, hiérarchie rempart, flexibilité sans limite... Jusqu'à quand ?
  • I WISH (NOS VOEUX SECRETS) (2011)
    Note : 16/20
    Un divorce et deux frères qui se côtoyaient chaque jour communiquent par portable. Par petites touches musicales et sautillements d'un lieu à l'autre, on met du temps à les différencier... Le mot "audit" dans la bouche du piaffant Ryunosuke sonne bizarrement adulte, son trajet scolaire laisse à penser qu'il est mieux loti que son frère Koichi, gros poupon qui cultive aussi l'adulte en lui, sidéré de vivre au ras d'un volcan qui dépose des cendres sur le linge... Il est impossible d'éviter le rapprochement avec plus invisible, inodore, incolore et bien contemporain au Japon mais si anxiogène qu'on restera sur les papouilles, la complicité des grands-parents venant au secours des géniteurs séparés, ce père laxiste bon copain, cette mère attentionnée faisant partie du décor sans plus... De charmants ébats physiques dont cette longue galopade vers les deux trains à grande vitesse et les voeux crachés au vent qui libèrent d'un futur demandant des pirouettes toujours plus nombreuses. Hirokazu Kore-Eda s'oblige à rester gracieux, prend tout son temps pour enliser les spectateurs (ou les censeurs ?) dans la fraîcheur de l'enfance jusqu'au cou. Las, derrière les gâteaux au goût incertain, se profile l'archipel aux remuantes plaques tectoniques, le marasme socio-économique international, le spectre nucléaire tant passé que récent.
  • EN ECOUTANT LE JUGE GARZON (2011)
    Note : 18/20
    Documentaire en noir et blanc découvert au Festival Espagnol de Nantes 2012. Des lignes verticales coupent bizarrement les nez et les mentons des deux hommes attablés avec un verre d'eau chacun, il y a du tabou dans l'air... L'écrivain Manuel Rivas d'emblée séduisant, tout le contraire d' inféodé, jamais mielleux ni cassant. Garzon, avec sa bonne face ouverte et son langage simple d'enseignant conférencier bon père de famille est de surcroît sympathique. Place à l'éthique que les tyrannies n'ont pas et que les affaires n'ont plus. L'exemple du défunt Falcone, un juge italien persécuté de son vivant et qu'une foule nombreuse vint vénérer lors de ses funérailles est invoqué... Terroristes, tyrans, lobbies, tous mis dans le même sac sont dans le viseur de Garzon. Que l'on trouve dans ces entretiens quelque chose d'exclusivement hispanique, la lutte contre le franquisme au mépris de toute diplomatie internationale, ou bien les ravages galopants de la mondialisation qui veulent la fin de l'humanité, une constante émerge : dictature = corruption. Démocratie = l'application des lois, non leur détournement par le délitement de procès... C'est ce que martèle le petit juge menacé à l'époque du tournage et désormais acquitté moyennant de ne plus exercer. Le spectateur identifié à la cause défendue adhère à cette version des faits. Car on dirait deux bons copains qui causent. La forme statique rebuterait sans la jolie pirouette de fin !
  • LA PART DES ANGES (2011)
    Note : 18/20
    Trouver comment racheter les "salauds de pauvres" ainsi nommés par les puissants qui détournent les richesses pour les faire fructifier dans des zones intouchables. Voilà en gros le message de Ken Loach inspiré des réalités britanniques (et internationales !) du moment. L'accent est à couper au couteau, ce qui renforce l'authenticité des personnages, quoique le risque qu'ils prennent ensemble puisse semer un léger doute. Le regard reste en même temps assez distancié, Ken Loach s'amuse ferme. Léger dans la forme certes... Ce qui reste en tête après la séance est bien le doux regard du déviant, papa aussi respectable qu'un produit de la finance officiellement propre sur lui. Les situations sont caricaturales. Aucune fausse note dans cette histoire puissante, revigorante comme son whisky. Il y a bien cette pinte qui change de mains, un peu "dégueu"... Nul doute que le réalisateur passé maître dans l'art de ménager les susceptibilités en ralliant par le rire signe là une de ses oeuvres les plus décoiffantes sur le fond !
  • BIENVENUE PARMI NOUS (2011)
    Note : 16/20
    Il arrive que certaines têtes d'affiche offrent l'occasion de rentabiliser un passeport de fête du cinéma... D'abord s'habituer à la facture téléfilm, ces assommants fonds sonores qui polluent. Se faire aussi à la petite nouvelle dont le frais visage débarque en gros plans alors qu'elle passe beaucoup mieux de plain-pied tant elle est expressive (Jeanne Lambert). Boucher et serveur de restaurant ressuscitent les caricatures d'après-guerre, à croire que ce populisme-là a de beaux jours en perspective, il fait rire jaune bien qu'on finisse par adhérer, ils font avancer l'intrigue, comprenez-vous... Le fusil est crucial dans cette mini-thérapie où passe et repasse Miou-Miou et où Jacques Wéber promène sa bonhomie, tous deux aptes à attendre leur homme. Il a comme on dit un peu vite "tout pour être heureux" ce Taillandier qui peste contre lui-même. Son escapade lui redonne certes des profils féminins tout neufs, autre chose que d'éternelles chapeautées vues de dos... A part les lourdeurs de forme tout au long du récit, reconnaissons que Patrick Chesnais vaut encore le déplacement.
  • LE PRÉNOM (2011)
    Note : 19/20
    C'est envoyé énergiquement, le fait d'une caméra décidée à en découdre, qui balaie les rues de Paris à grandes louchées de voix-off suggérant les démarrages des meilleurs Woody Allen. Sans doute un peu trop classique, précieux ou convenu côté forme. Des stéréotypes sans surprise, quelques faiblesses de dialogues. Trop bavard, la suite justifierait de revenir aux présentations, merci d'avance au dvd. Possible donc, pour qui n'a jamais regardé la pièce, de s'ennuyer à ces rêveries intellos stériles, de se dire "encore des bobos répandus" ! Ils sont certes complices enchaînés, rappelant le grincement repris récemment dans le "Potiche" d'Ozon. Donc vus et revus ces propres sur eux, bien masqués derrière leurs piques indirectes, réticents à écailler leur vernis de bcbg... Et voilà que soudain l'adrénaline afflue davantage sur l'écran, on vire vers le vitriolé, j'ai pensé à "Carnage" de Polanski... En diffèrerait le rééquilibrage de l'issue la post-crise... En résumé un tonique à l'intention des familles, toutes les familles, les extraits racoleurs de la bande-annonce en disent trop ou trop peu !
  • BARBARA (2011)
    Note : 19/20
    Si la bande-annonce laisse croire à un remake des précédents Christian Petzold (Jericho, Yella), il y a bien tiraillement entre ici et ailleurs, élément liquide à braver, l'actrice fétiche Nina Hoss avec ses grands yeux, son front rond et sa bouche aux coins relevés. Sauf qu'il y a ce collègue de travail équivoque, présenté comme douteux et qui littéralement scotche à l'écran du début à la fin avec son regard qui couve et une stature qui encouragerait les femmes à souhaiter que leurs partenaires soient du style "enveloppé". Toujours aussi soigné, aussi feutré, aussi lent à se révéler, on a bien les ingrédients qui font la marque de ce réalisateur friand de gros-plans ou de rouge comme de noir et blanc bleuté pour prévenir de changements. Il offre encore un autre angle de vue sur les surprises que le sort réserve aux humains incités à s'entre-surveiller. A qui se fier, de qui se défier, cette liberté d'être enfin soi quand la faucheuse se rapproche. Une chaleur émane de cette austérité une fois passée cette apparition à la crête d'une vague. Dans la double lecture qu'on peut en faire 23 ans après la chute du Mur, se glissent plusieurs messages à décrypter selon ses connaissances historiques et l'expérience qu'on a de la vie.
  • TROIS SOEURS (2011)
    Note : 16/20
    En avançant dans la découverte de cette fratrie, nul doute qu'il est question des purges orchestrées par les gouvernants argentins et pas d'un quelconque accident parental... Davantage affalées que debout depuis la mort du pilier restant, la grand-mère, ces trois jeunes filles sont plus à fleur de peau que la normale dans l'art de s'entraider ou se heurter. Tout porte à se focaliser sur le charme de Marina (Maria Canale), la plus "carrée", celle à forte présence, sa progression face à la furie Sofia s'avère en droit fil du cinéma d'Amérique Latine contemporain, jeu feutré, lent... vers un pic qu'on n'imaginait pas aussi violent. En parallèle, il y a ce voisin pour aider à se réveiller, ce lit qui tressaute l'air d'inviter à copuler, voire à engendrer. Le synopsis laisse croire que Violeta disparaît alors qu'elle s'éclipse dans le style "she's leaving home"... La séquence où ces demoiselles écoutent un disque montre leur triple émotion, la musique d'autrefois ultra-douce, presque une autre vie... C'est joliment filmé, avec larges arrêts sur objets, meubles, notamment l'escalier ciré, indice du milieu aristocrate d'origine. Un peu trop statique pour séduire le grand public, le sort de cette jeunesse aux racines arrachées alors qu'elle se pensait privilégiée, devrait trouver écho auprès des spectateurs endeuillés ou que le saut dans l'âge adulte transfigure.
  • JANE EYRE (2011)
    Note : 17/20
    Bien stimulante version 2012 abrégée du roman. Irréprochable travail de reconstitution, on se croirait revenu à ces temps obscurs de dressage des enfants à peine présentés par leurs tuteurs à un quelconque notable. Mieux valait risquer une échappée en grande jupe dans la nature en furie n'importe où, vers cette fenêtre qui luit là-bas... Jane (Mia Wasikowska, qu'on jurerait apparentée à notre Huppert nationale, même rousseur, visage large et solide, silhouette gracile) vient se confronter à l'ambigu Rochester (Michael Fassbender, regard et voix à tomber raide surtout de très près !). Une servante et son maître dialoguent, il lui parle d'égalité possible. Cette tentation du plus puissant socialement réjouit. Puis fait tâtonner entre froid et feu dans ce château qui invite à la superstition. Jane chérit la solitude, s'adapte à ses semblables (magnifique scène d'aveux !), applique sa philosophie "se respecter soi-même". L'entrechat de la fillette et le couplet de la pianiste Miss Ingram laissent planer le spectre de la déculturation. Autre ironie, l'héritage, certes fidèle au livre, artificiel après des épreuves aussi intenses. Missis Fairfax (Judi Lench) parfaite en loueuse aux ordres tant que la roue tourne, fondante ensuite dans les ruines. Le duo fonctionne, il atteint une forme d'égalité... Le jeune réalisateur multiculturel Cary Fukunaga (35 ans) accentue à dessein la détermination féminine de ce classique du romantisme victorien, une époque plutôt machiste. Point commun avec le fracassant "Sin Nombre" (2009) sur les gangs d'Amérique Centrale, traiter de nos vraies préoccupations quotidiennes.
  • KYSS MIG : UNE HISTOIRE SUÉDOISE (2011)
    Note : 17/20
    Imaginons tomber durablement sous le charme d'une personne de notre sexe alors que d'habitude... Bon, ça sent peut-être le mobilier Ikéa mais c'est tout de même bien traité grâce à la lumineuse actrice blonde, regard limpide, esprit sans concession aussi, claire entre sa tête et son corps, ce qui rend tout possible, la nature l'emportant sur les convenances grâce à la conviction que la demoiselle dégage. Je trouve la critique pro bien sévère du fait qu'il n'y a pas ici de malédiction, que la marge l'emporte sur le croissez-multipliez, Barcelona en plein soleil est ressenti comme trop beau... C'est pourtant une authentique histoire de famille contemporaine partagée entre ce qui s'affiche au dehors et ce que l'on fait réellement. Peut-être filmé avec un peu trop de joliesse, lisse telle la Suède libre de moeurs si longtemps autoriserait à le peindre, et alors, voilà qui nous change de l'hégémonie étasunienne avec ses tics de langage et de comportements ! Surtout que l'histoire en question fustige l'identité féminine réduite à l'ombre du mâle, à rebrousse-poil de tous les magazines féminins en vogue, quel répit ! Côté sexe, le double de l'italo-argentin "Le voyage de Lucia" (Stefano Pasetto, 2010), aussi délicat sans l'assommant retour à soi par rapport aux autres. On pense à "Festen" côté atmosphère, mêmes personnages racés, mêmes tumultes sous les carapaces, bref, ça se laisse voir.
  • LE SOMMEIL D'OR (2011)
    Note : 19/20
    On se demande si on rêve à suivre ce deux-roues qui roule à l'envers. Et à découvrir les façades grignotées de cinémas dont le nom se lit encore. Des lieux spacieux, moitié délabrés même si reconvertis en commerces ou en foyers. Une ville ravagée, l'impression d'un peuple peinant à recoller les morceaux, volontaire pourtant mais revenu de tellement loin. Les survivants, à Pnom Penh ou à Paris racontent le succès fou des 30 cinémas de la capitale du Cambodge au moment des conflits. Une ancienne star confie qu'elle a joué toujours un peu la même histoire de manière différente. Une autre précise que "Les riches, les personnes célèbres" étaient les premières cibles des Khmers Rouges. Le parcours d'un producteur passé par la case Citroën puis taxi est hallucinant. Comment étaient ces quelques 400 films rayés de la carte ? Peut-être un genre parfois un peu soap si l'on s'en tient aux chansons (qu'on a l'impression d'avoir maintes fois entendues dans les restaurants asiatiques français tant elles seraient reprises), des mélodies pour la postérité. Soit il ne reste vraiment aucune pellicule, toutes confisquées et détruites ou bien ce serait encore trop douloureux pour les ressortir de leur cachette (Yvon Hem laisse planer le doute). Documentaire délicat à l'image, aussi bouleversant que frustrant.
  • ON THE ICE (2011)
    Note : 19/20
    Un thriller dans Le Grand Blanc... ou un western polaire, aussi dépaysant qu'a pu l'être le premier western réalisé par une femme "La dernière piste". Acteurs non professionnels, conditions climatiques extrêmes, esprit amérindien, trop rare encore, pas assez tapageur pour le box office, dommage car c'est une oeuvre tous publics qui apporte du sang neuf. Un genre de thriller du froid, happant d'un bout à l'autre... Si toutefois on garde en tête le repli de cette communauté d'Alaska, soit le désert dès la sortie du hameau, les éléments mouvants, eau, glace, la crainte de l'ours, l'inconvénient d'un jour interminable... Vite isolé, vite repéré sur l'immensité, ronde d'hélicoptère et intelligence humaine à l'affût des traces. Avec des soucis d'éducation, de jalousie amoureuse, d'envie de se prolonger comme tout le monde. Ils sont encore très Indiens de culture, très "eux-mêmes" malgré l'apport de la modernité économique, matérielle, inclus les poisons contemporains (artifice d'une religion étrangère, drogues, chômage). Simple, direct, sans bavardage superflu, avec images de glisse et atmosphère musicale exceptionnelle, des personnages attachants (le père et son fils embringués dans l'indicible). Un sacré beau voyage en plus du frisson !
  • J'ENRAGE DE SON ABSENCE (2011)
    Note : 17/20
    C'est un film grand public, adroit, alerte... Une famille recomposée d'aujourd'hui, et qui va de l'avant. Banale cave, quelques reliques stockées avec le vélo du fiston, 7 ans, adorable. Les dialogues ne restent pas rêver, les prises de vue virevoltent dans et autour de l'immeuble, au ras de cette vitre basse où le drame se noue... Le charme du petit garçon (Jalil Mehenni) opère tout de suite (le chut, sa manière très vive d'occuper l'espace...). Mise en scène, direction d'acteurs, tout sent la passion du travail bien fait en droit fil des expériences de l'actrice. Sandrine Bonnaire pour la deuxième fois derrière la caméra est à son affaire, dans la manière de peaufiner les angles, glisser dans le décor une forme de signature (silhouettes féminines proches de la sienne, boutique et galettes biologiques) sans jamais perdre le fil narratif. Nombre de diversions permettent pourtant de souffler, rendant fluide le recentrage sur l'enfant avec son fantôme au caveau (William Hurt), le nouveau copain adulte en tant que "père de son frère mort" autant que complément bienvenu de son vrai père (le long Augustin Legrand), ce type réglo, joueur, enfin tant que rien ne l'énerve ! Et puis Mado, la mère terre-à-terre (Alexandra Lamy), personnage ambigu avec son secret qui n'en est pas un. Elle craque, remet le couvercle sur sa gêne jusqu'à ce que... Lors du déchaînement des derniers plans, l'attitude féminine peut même jeter un peu d'ombre sur l'ensemble.
  • LES SAVEURS DU PALAIS (2011)
    Note : 17/20
    Divertissement honorable, on se croit dans le secret des dieux au fil des portes ouvertes, des cours traversées, chacun poussé du col pour passer avant machin, les caprices de la politique conduisant au chômage technique puis au rappel nocturne limite grossier... Catherine Frot et Jean d'Ormesson plus vrais que les vrais avec leur intimité tacite, leur goût du meilleur, vite suspects... On se dit pourtant qu'il vaut mieux que nos élus se nourrissent bien, il y va de leur humeur, de leur lucidité à négocier présent et avenir, qu'ils économisent donc sur plus aléatoire... Le chou au saumon fait saliver le premier, et salut également à ces coques fraîches ! Ensuite morceler les repas vient à l'esprit plutôt que de renoncer au raffinement, un sorbet au lieu des gros desserts à garder pour les goûters ! Le plus difficile à incorporer à l'ensemble serait peut-être la Nouvelle-Zélande, elle fait un peu trop pénitence jusqu'à la mention des truffières. Film à l'honneur des femmes de tête aux fourneaux et non reléguées aux épluchures ! Libre adaptation à partir d'une expérience vécue, à la fois éblouissante et frustrante. Pas petit film pour autant, en tout cas pour qui préfère bonne chère bien dosée à nourriture douteuse ou régimes qui rendent idiots. L'interprétation séduit, les dialogues sonnent juste et puis il y a cette intégrité d'Hortense confirmée par la lettre... Sans être un cocorico has been pour bourgeois pansus, plutôt un pied de nez à Monsanto et aux OGM !
  • LE SENS DE L'AGE (2011)
    Note : 18/20
    Merveilleux octogénaires que ceux choisis par le jeune Ludovic Virot ! Qu'ils vacillent, aient mal ici ou là, on les sent prêts à muer comme lors de leur naissance. Alors certes nul sans-logis, ni immigré clandestin parmi ces silhouettes bien conservées. Que des moments positifs (à la différence de "Vieillir femme" et "Vieillir homme" de Chloé Hunzinger par exemple). Ici se devinent des milieux et des porte-monnaies variables, valeurs oubliées tant la philosophie a changé. Les spectateurs "d'un certain âge" et les jeunes étudiants en gériatrie sourient dans la salle, rient aux mêmes moments (échangeront avec beaucoup de spontanéité lors du débat public après la séance gratuite du cinéma Concorde de Nantes)... De la table de ping-pong au patin à glace, de la sortie en scooter aux grands arbres, chacun(e) écoute avec attention, pas loin de souhaiter la même chose pour soi, surtout avec ce plongeon dans la chlorophylle au ras de la terre nourricière (très poétique moment !). Ce film déculpabilisant (soutenu par un assureur mutualiste) décrit le maintien dans le cadre de vie des anciens. Ils osent tout, n'ont plus rien à perdre... A la fois sensibles et détachés, autonomes encore... ce serait, malgré la cancérophobie galopante et autres alertes (qui font le miel des lobbies médico-pharmaceutiques relayés par les grands médias) le sort de la majorité des personnes âgées moyennant sans doute de discrètes mesures d'accompagnement. Aucune envie de "s'excuser de n'être pas plus loin" ou d'avoir peur de coûter dans ces témoignages. On aborde le tabou de l'amour à quatre-vingts ans et au-delà, la passion, le désir sexuel, très variable d'un personnage à l'autre... Questions débattues avec délicatesse afin que les générations en parlent ensemble.
  • NOUVEAU SOUFFLE (2011)
    Note : 18/20
    Découvert à Univerciné Allemand 2012 Nantes. Qu'importe sa faute et qu'il crache au vent en voiture. Droit et bien bâti, entraîné avec ses longueurs en piscine, Roman Kogler (attachant Thomas Schubert) bonne tête et gestes à l'économie, rallie le public (comme "Le Fils" des Frères Dardenne en 2002). Sont passées en revue les affres de la prison et des sites mortuaires, les fouilles, le froid, les odeurs, la brusquerie, l'hostilité d'un collègue. Il faut se faire à ces détails rappelant la vie carcérale ou les entreprises les plus ingrates d'aujourd'hui... Plans coupés fréquemment, dialogues minimalistes, le milieu autrichien hivernal, terne, se devine moins impitoyable que de prime abord... De la chaleur derrière la rudesse, suffit de patienter le temps que Roman Kogler se rode entre chambres mortuaires et urnes de crémation, lui qui peine à nouer sa cravate... Le premier point d'interrogation vient avec cette femme macchabée cousue par le milieu, une Kogler... Ensuite une deuxième créature plus âgée, silhouette encore bien faite, traitée comme une reine après, pourtant, un bref lancer de chausson (surprenant Georg Friedrich !), moment magique du film avec la balade en voiture au sortir d'Ikéa... Encore un peu de transgression à cause d'un policier trop zélé, une bière moyennant perte d'un gant et alcootest. On est instruit sur le métier de fossoyeur contemporain, un travail éprouvant comme celui des soignants, des sauveteurs en urgence... Les bruits de glissements de cercueils, le souffle du train incorporés à la musique sont aussi langage. Quant à Madame Kogler mère, au trot sur ses mini-échasses ou allongée sur literie avant achat, elle "décoiffe" !
  • UNE FENÊTRE SUR L'ÉTÉ (2011)
    Note : 15/20
    Vu à Univerciné Cycle Allemand Nantes 2012. Pas mal, sans plus, la musique du générique de fin assommante autant qu'impersonnelle... L'esthétisme global, la présence de Nina Hoss, la magie du lien amoureux qui se régénère, la mère dépassée, le petit bonhomme avide d'histoires, le père qui rappelle la Finlande d'antan, ne peuvent sauver l'ennui de ce va-et-vient dont on a du mal à saisir les enjeux. J'ai dormi sur la dernière moitié, réveillée à temps pour voir l'issue... Un petit peu trop "trois petits tours et puis s'en vont" à mon goût, en droit fil de la chansonnette aux deux extrémités. C'est très hollywoodien cette chimie des corps (elle s'évapore juste après l'assemblage du côté masculin et il faut croire que c'est afin de ménager des retrouvailles toujours aussi magiques). Bien lisse, bien propre en regard du couple usé depuis neuf ans. Seulement, malgré l'envoûtement qui gagne devant le soleil estival et la tiédeur du soir, il y a lieu d'espérer un miracle. Car l'enfant et la dulcinée sont charmants surtout parce qu'ils tendent le pouce en sortant du ferry. L'émotion est trop mince en regard des expériences précédentes... A moins d'être très fleur bleue ou avide de vacances dans le style agences de voyage, rien n'atteste que le prince charmant assume davantage qu'avant, on y croit donc à moitié.
  • AUGUSTINE (2011)
    Note : 16/20
    Plus que la lourde introduction (ce crabe, ces verres de vin), c'est le fil entre Charcot et sa patiente, sous l'oeil de lynx de l'épouse (impeccable Chiara Mastroianni) qui captive. L'hypnose émane d'un spécialiste, pas de Charcot, quel dommage ! On se croirait dans une arène avec spectateurs gourmands des débordements féminins. Le regard éhonté du médecin alors que la créature se fait applaudir dévoile l'essentiel (la démonstrative Stéphanie Sokolinski s'avère parfaite pour ce rôle). On peut dès lors savourer la mise en scène, éclairages (lumière quasi biblique sur le visage de Vincent Lindon), costumes d'époque (les affriolants dessous de coton blanc !), ne rien perdre des chuchotements ni des changements de place du mal, avancer dans l'intimité encore masquée d'Augustine et son sauveur, quoique de plus en plus copains sans le montrer. Une avancée médicale certaine à l'époque où l'hystérie féminine se diagnostiquait, silence sur le reste. La chute d'escalier a le mérite de relativiser la supposée guérison de la demoiselle. Surprise que l'affaire faite (soi dit en passant drôlement "à la hussarde" pour une cinéaste !), Augustine s'éloigne telle une souris qui aurait volé du gruyère. Les expressions des époux culminent à ce moment-là, dans le style échevelé de leurs soirées... Ce qui frappe chez Alice Winocour est le sens du détail.
  • LES BÊTES DU SUD SAUVAGE (2011)
    Note : 17/20
    17,5/20 : Etrange atmosphère entre foutraque et fantastique. Quelques inégalités de régime sauvées par la magie des derniers plans... Possible d'être dérouté d'entrée de jeu par l'apparence brouillonne... On oscille entre "Uncle Boonmee celui qui se souvient de ses vies antérieures" et l'éprouvant "Three Sisters" chinois pour l'atrocité du cadre. Un hommage aux oubliés des catastrophes naturelles, à ceux qui connaissent le retrait progressif de la terre sous les pieds. La terreur des tempêtes, l'obligation d'habiter sur l'eau dans des embarcations de bric et de broc, la hantise d'être parqué dans des enclos aseptisés... On est saisi par ces vaisseaux de fin du monde, bouleversé de l'entêtement à refuser les secours afin de rester là où jeta la naissance. D'un côté c'est merveilleux parce qu'on voyage ferme, que les troupeaux d'aurochs captivent... et que la bande-son entraîne comme une courroie (somptueux accords !). De l'autre, c'est désespérant... Sans cesse la caméra se pose sur la petite fille, incarnant à elle seule la jeunesse qui fait face au pire. Visage et silhouette d'une douceur infinie comparée à la rudesse des échanges...Toujours lutter, casser ce qui reste pour se défouler malgré l'envie d'être prise dans les bras. Il se glisse des minutes veloutées entre père et fille, la caméra en champ contre-champ livre leurs regards, interdit de pleurer, mon oeil.
  • UNE VIE SIMPLE (2011)
    Note : 17/20
    La bande-annonce attire du fait des deux acteurs principaux. On est consolé de perdre ses parents âgés par exemple. Le film proprement dit ne comporte aucune scène déchirante du style "Amour" de Haneke. On est dans le lien spontané que les grands-parents peuvent avoir avec leurs petits-enfants. Ce qui n'empêche pas le trivial du quotidien, les tâches ménagères, la popote, le dernier héritier a l'habitude d'être servi, la vieille employée a ses moments d'entêtement... A l'heure de la maison de retraite, rien de glamour non plus... ça sent le sursis, face aux coups du sort, on s'entraide, on s'estime heureux... Un bon point pour l'accent mis sur l'exercice physique dont l'utilité au quotidien gagnerait à être expliquée aux seniors en fin de course. La réalisatrice bichonne ses deux héros... Roger, une fois les premiers secours prodigués à Ah Tao devrait regagner une quelconque forteresse de connaissances bien ancrées, dans le rail de son éducation. On s'y attend. Or, les atomes crochus entre la nounou d'antan et le petit garçon devenu homme remontent des tréfonds, deux solitudes des temps modernes qui se répondent... Le duo est tellement juste dans sa complémentarité que l'inversion des rôles va de soi. Et pourtant dans notre société affairiste il prend des proportions à la limite du crédible !
  • THE DEEP BLUE SEA (2011)
    Note : 17/20
    Cycle Univerciné Britannique Nantes 2013. Ce qui frappe dans cette romance des années Cinquante (tirée d'une pièce théâtrale) c'est que l'image fabriquée en 2011, cette impression de perpétuel couvre-feu, un je ne sais quoi d'atmosphère lourde réussissent à acclimater passé un moment. Très beau, un peu dans le style des films américains des fifties, mais tout de même la manie de l'introspection à pas de velours très appuyée. Le réalisateur dépeint ses étapes dans une chronologie de gestes quotidiens, par petites touches productives, rien ne manque... Le labyrinthe sentimental une fois appréhendé, le crime passionnel vient même à l'esprit... Peu de lumière (comme s'il n'y avait qu'un petit jour au fin fond d'une grotte), des prises de vue très inspirées dans des intérieurs pour la plupart, toujours dans un souci esthétique mais qui apporte du sens, on s'en rend compte après (la séquence de la caméra qui tourne autour de la jeune femme à l'esprit chaviré marque la mémoire). Beaucoup de minutie dans les choix musicaux, les décors, très respectueux de l'époque décrite. Cerise sur le gâteau, Rachel Weisz, diaphane ou effondrée, toujours un peu "absente à elle-même" ou feignant de l'être, . Le mari très adulte, touchant parce qu'avec toutes les facettes d'un homme fait. On a souvent envie de conduire Freddy à son avion... En résumé, si on ne dort pas dès les premiers plans, embarquement possible avec ce trio infernal, du dialogue redouté aux arrangements de bric et de broc vers l'ultime poigne morale.
  • ITALY : LOVE IT OR LIVE IT (2011)
    Note : 17/20
    Découvert ce documentaire de 2011 au Cycle Univerciné Italien de Nantes 2014. L'un des compères pour l'émigration en Allemagne, l'autre restant au pays. C'est entrecoupé d'images d'animation du meilleur effet. On monte, invisible dans la Fiat 500 où le pour et le contre sont débattus en attendant les haltes auprès des populations. Puissantes interviews, des travailleurs pauvres à la vieille garde ! On sent les premiers passablement secoués, les seconds (et surtout secondes !) adeptes de l'austérité (Silvio Berlusconi quitta le pouvoir le 12 novembre 2011). Des harpies favorables à l'entretien des vieux coqs tel que préconisé par le Cavaliere, une seule femme estimant poison mortel cette discutable activité... Le spectateur français, qui parle peut-être un peu moins ou moins fort, quoique..., est à peine dépaysé tellement la tension n'a cessé de monter ces dernières années en détraquant toujours plus corps et surtout cerveaux... En face de quoi les quelques agréments du quotidien (bons plats, café exceptionnel, paysages, oeuvres de renom) paraissent aujourd'hui un trompe-l'oeil... Et même si un homme d'expérience incite à défendre le bastion, à éviter la dilution dans le grand n'importe quoi économique et culturel, on se dit qu'il faut un cran presque surhumain... Gustav Hofer et Luca Ragazzi abordent l'adaptabilité suite aux pertes de repères de ces années-là sans bilan depuis, cela manque.
  • WEEK-END (2011)
    Note : 19/20
    19,5/20 : Magnifique film-flash entre deux êtres qui vont s'apprendre l'un de l'autre durant un week-end. Du ton cru de cette rencontre à la pulsion, on attend d'abord du plus salace, voire du sordide. Sauf qu'on va virer en quelques plans et une explication brève à une adhésion totale. Emotion grandissante... La manière de filmer y est pour beaucoup (le champ contrechamp pendant les paroles décisives, ou la plongée sur la petite silhouette qui se retourne, repart...). Mais sans doute en premier l'assortiment des deux acteurs principaux, soit Russel, un jeune sans référence parentale précise, réfléchi, souvent partagé entre intime et public et Glen, le gars de passage qui dit ce qu'il veut de lui, un tantinet hâbleur, attention, c'est le plus surprenant ! Des scènes affectueuses de défi, d'autres un peu hot avec le recours aux expédients pour monter très haut, mais jamais porno décérébrées ni même homo collectionneur frotti frotta. Le regard de Andrew Haig se veut frais sur ces êtres livrés corps et âmes, parce que c'est plus fort qu'eux et parce que c'est leur heure. L'homosexualité version amour universel, une merveille à offrir aux homophobes !
  • IN THE FAMILY (2011)
    Note : 19/20
    "In The Family", on s'attend à un énième mélo sur la sacro-sainte famille. Or, c'est un beau et grand film d'auteur étasunien sur la garde d'un enfant suite à un décès de l'un de ses deux papas du quotidien : quand la famille porte plainte et qu'il convient de trouver un arrangement à l'amiable une fois passée la douleur de tous. Possible de déplorer l'aspect caricatural du huis-clos vers l'issue, cette charge un peu invraisemblable, quoique... Les prises de vue tapant "dans les coins" sont un régal en revanche, on est embarqué, pris par ces émotions rentrées que seule l'image révèle, et encore, par à-coups ! A noter, le jeu subtil du réalisateur également acteur premier rôle, d'une énergie à toute épreuve. Rarement au cinéma est traité avec autant de minutie l'art de l'écoute active de l'adversaire, non pour le descendre, mais pour arriver à un compromis le plus humainement viable : ah, ce dernier plan qu'en toute logique on cultivait dans son for intérieur sans le savoir !
  • L'IRLANDAIS (2011)
    Note : 16/20
    Tout dépend de quoi on se permet encore de rire en 2011-2012 sans risquer la camisole de force... Bière, whiskey et amuse-bouches ouvrent cette balade en côte ouest irlandaise. De gros effets picturaux situent le flic de la vieille école, la scène cruciale restant celle de la bande-annonce autour du demi-milliard... L'Irlandais pure souche Boyle (Brendan Gleeson) et l'envoyé étasunien noir issu de milieu aisé (Don Cheadle) se heurtent pour le principe, tout comme la blonde Croate amorce pour les besoins de la cause. Côté dialogues, un accent respecté (et même du gaëlique !), des inégalités. C'est parfois brillant, parfois plat, entaché d'un fond sonore qui peut devenir un peu assommant. Par bonheur, trône la carrure de Brendan Gleeson comme en énième mission pour "Bons baisers de Bruges". Sa personnalité bien mise en valeur face à son comparse du FBI amuse plus qu'elle ne fâche (à moins d'être un incorrigible chatouilleux), donne tacitement la mesure de la corruption contemporaine, tous sous addiction atténue le réalisateur... Bien grinçant, quoique sain (plaisir bien différencié de la douleur). Il faut que débarque la parodie de western (brillante dernière partie) pour qu'on y voie à peu près clair. J'ai souri et ri vers la fin, dieu me damne !
  • LE SKYLAB (2011)
    Note : 17/20
    Si c'est moins abouti que le cruel "La Comtesse", c'est on ne peut plus enlevé grâce au plaisir de jouer de la palette d'acteurs. Chacun peut se retrouver petit(e) en vacances lors des grandes tablées au jardin... Un dédale naturaliste qui remémore la cruauté dans les fratries ou envers les cousins tempérée par la poigne parentale (très bien vues !) pour déboucher sur encore plus cinglant (l'oncle qui se sait différent ou bien les séquelles des guerres indicibles, retour sur les séquelles des "têtes brûlées"!). Un joli patchwork des années pré-mitterrandiennes défile dans les ambiance passant du sucre au vinaigre... Ni la menace du Skylab, ni l'introduction ni même l'issue en train, et pas plus l'épisode "nudistes" ne m'ont pesé. J'ai davantage soupiré pendant les chansonnettes ou le slow en version intégrale et toujours sous le même angle, sans parler de la démo aspirateur !
  • LE NOM DES GENS (2010)
    Note : 15/20
    Tant mieux pour Sara Forestier, distinguée suite à ce film et merci à Jacques Gamblin toujours aussi proche du spectateur dans tous ses rôles. Mais si j'ai souri, ri à plusieurs reprises, bien perçu la volonté de fraternité sous la rudesse, c'est vu par un esprit "bobo", bien formaté tout ça, avec des situations très "réflexe" côté dialogues et mise en scène, et puis Sara en fait quand même des tonnes, trop en roue libre, bien tape-à-l'oeil, autrement plus captivante dans "L'esquive" !
  • LA PRIMA COSA BELLA (2010)
    Note : 15/20
    Vu à Univerciné italien 2011 à Nantes sans en être marquée outre mesure. Evidemment, on brûle de savoir si la belle est bête ou pas si bête... Chacun en prend pour son grade dans son entourage dès qu'elle paraît : trop belle donc. Hélas, inutile de croire la comédie italienne ressuscitée pour autant. La magie de la bande-annonce s'envole très vite, c'est trop brouillon et bien trop bavard. Encore plus pour tenir le choc quand la poupée se rabat sur son fiston en mille et une nostalgies. Hormis cette belle plante à admirer, sorte de Sofia Loren recyclée en nettement moins charismatique, c'est un divertissement bien fait qui aurait gagné à en faire moins.
  • PARIS - MADRID, ALLERS - RETOURS (2010)
    Note : 15/20
    Cette oeuvre d'Alain Bergala, projetée au festival de cinéma espagnol nantais de 2010, est entièrement consacrée à Victor Erice : ses expériences, sa philosophie. Le personnage dit des choses palpitantes mais, du fait d'un ton monocorde, on devient l'étudiant luttant pour rester attentif... N'empêche qu'on balaie les origines du cinéma espagnol : en particulier, cette absence paternelle qui était la règle à cause des événements (guerre civile, franquisme, exil...), et qui explique que la plupart des premiers cinéastes espagnols, même s'ils avaient connaissance des fictions étatsuniennes avec les bons qui gagnent sur les méchants, se sont davantage rapprochés du néoréalisme italien... A déplorer que l'ensemble de cette rétrospective frôle l'académisme (long passage sur "cinéma classique et cinéma moderne", ainsi que sur "la nouvelle vague française" façon intello un peu raseur... Heureusement, la photo accroche suffisamment, on guette les intermèdes, ils auraient pu être plus nombreux d'ailleurs : telle cette rencontre éclair avec Michel Piccoli et ce flash non moins splendide sur la petite Anna Torrent (héroïne de "Cria Cuervos") dans "L'esprit de la ruche"
  • SHUTTER ISLAND (2010)
    Note : 14/20
    Horreur d'être mise dans cet état de cette façon-là... Hum, minoritaire, je le constate ! Toute la foule des rompus du genre s'extasie ! Séduite moi-même par la concertation en fonçant sur l'île par les deux stars Mark Ruffalo et Leonardo Dicaprio dans le même bateau... Et patatras, cette musique lourdingue martelant l'entrée en terre inhospitalière, ils vont vivre l'enfer au cas où on ne l'aurait pas deviné... Léger trouble dans les attitudes : l'indice qu'on aura en permanence à douter de qui est le plus fou... Et voilà que ça s'enchaîne sur cette interminable purée de poix : flashs-back en avalanche, Shoah, épouse détraquée, l'illustration de ce qui se passe dans la caboche de l'un des enquêteurs (2 heures 17 de projection en allers-retours de l'onirisme aux réalités, pas une seconde pour reprendre souffle). Epuisante recherche d'individus mythiques, tout un délire mélangé aux découvertes sur place... J'ai mal ressenti ce froid défilé d'informations du virtuose Scorsese, qui ne lésine sur aucune prouesse technique afin d'épauler ses acteurs. Il est pour la première fois secondé par la scénariste Laeta Kalogridis (action et séries télé étatsuniennes) : si je suis réservée sur la brutalité de l'ensemble, les amateurs de sensations fortes tiennent le coup, prêts pour une deuxième projection à cause de l'issue, particulièrement "soft", ils pensent avoir manqué quelques détails. Hormis les gros effets (maquillage du sang sur les jambes de la fillette sortie de l'eau par exemple !) c'est une illustration assez fidèle du livre (parcouru depuis) sauf que l'imagination, privilège du lecteur, n'y a aucune place.
  • NANNERL LA SOEUR DE MOZART (2010)
    Note : 16/20
    Peut-on réaliser un film en étant archi-faux au plan des dates de l'Histoire ? Toute la famille Féret réunie en album photos aux couleurs chatoyantes tendrait à le démontrer... Joli travail d'orfèvre que cette retranscription du dix-huitième siècle, atmosphère, décors, costumes, poses, dialogues. Juste un brin d'académisme et surtout les bourdes historiques précitées, ce fils de Louis XV déménagé de son époque !)... Sans ces failles, l'oeuvre était remarquable... Des scènes du quotidien attachantes, une musique sublime, je retiens ce morceau précis attribué à la jeune fille, qui donne envie du dvd... Le réalisateur "brode" avec infiniment de goût pictural et sonore le périple d'une famille musicienne à travers les Cours d'Europe. Féret est convaincu que "Wolfie" a assombri l'avenir de sa soeur aînée : une virtuose interdite de violon, cantonnée au clavecin et au chant par les usages... Elle eût certes gagné à refuser de se travestir pour approcher ce fêlé de Dauphin... Si l'on parvient à dépasser les anachronismes fort dommageables à ce film, quelques lenteurs aussi, ce portrait de créatrice ciselé avec art (dont le père Leopold sait la valeur !) peut faire chavirer hommes et femmes !
  • LES MAINS EN L'AIR (2010)
    Note : 16/20
    Un peu déçue du déroulement, trop axé sur les traficotages enfantins afin de ne pas trop "appuyer" en faveur de ces sans-papiers précis et des sans-papiers en général, ces "mains en l'air" venant à point nommé estomper la fugue juvénile... Désolée, je m'ennuie avec ces gosses facétieux, c'est brouillon comme approche, sauf la caméra braquée sur la petite Tchétchène qui joue très juste... Merci Mme Bruni-Tedeschi pour votre parti pris grâce à ce rôle, pensez à répercuter à votre soeur qui chuchotera dans le creux de l'oreille à notre vénérable petit père des peuples ! Prendre position ou pas, à la bonne heure ! Il s'agit des réfugiés tchétchènes, un coin du globe où ça chauffe sérieusement pour les civils (à cause d'une frange minoritaires d'extrémistes) et sans que la Russie le reconnaisse, elle en ferait plutôt une affaire privée ! Alors, difficile, oui, de voir renvoyer ces réchappés de l'horreur dans leur poudrière natale sans en être bouleversé ! Hommage surtout à la cause défendue par Romain Goupil (bien davantage qu'à sa manière d'amener son sujet) en l'occurrence l'une des pires aberrations contemporaines !
  • COPIE CONFORME (2010)
    Note : 17/20
    Reconnaissable à ses particularismes pour filmer l'anodin qui en dit long, Abbas Kiarostami fait craindre une balade en voiture comme dans "Le goût de la cerise". C'est un curieux périple en fait, "je ne comprends pas", disent les rationalistes... Certes, le verbiage entre original et copie peut séduire les intellectuels de haut vol, "cause toujours"... Mieux vaut se focaliser sur les attitudes du couple (à partir de ce café interrompu par le portable, quand on est encore sûr que la tavernière se trompe). Kiarostami use d'un artifice pour provoquer des lectures multiples : ce peut être l'impasse où s'engluent deux caractères mal assortis dont l'enfant illustre le ratage. Le refus de fibre paternelle pur et dur. Le renoncement suite à des étripages sans issue. L'emprisonnement de l'individu, en Iran ou ailleurs. Ou un cri de ralliement à cette désespérée ? Il faut reconnaître, et l'affiche le traduit complètement, que face à un écrivain évadé depuis longtemps dans les hautes cimes, bâton de rouge à lèvres et pendants d'oreilles font triste figure !
  • LA TÊTE EN FRICHE (2010)
    Note : 15/20
    Les hautes sphères du cinéma "intello" condamneront cette bluette en arguant que cette France-là est une vue chimérique de bobo... Pourtant, l'intention à elle seule justifierait la bienveillance, en tous cas pour ceux qui ont raffolé du temps de Bourvil, Gabin et autres figures s'ébrouant dans le genre populaire. Discrète justice rendue à la perte affective et aussi à l'âge, en particulier du côté féminin. Audace de se pencher sur les substituts de père et mère, autant d'opportunités pour panser les plaies mal refermées de l'enfance... Hommage à la culture livresque facile d'accès et qui console des poches percées dues aux récessions économiques en maintenant vivant, voire en rattrapant les lacunes scolaires... Surjoué par moments (les scènes du café regorgent d'archétypes), avec des dialogues inégaux, parfois très convenus... On frôle la caricature de villages, promiscuité = ragots ou entraide, mais reconnaissons qu'il plane une réelle bonté, une volonté de pacification qui fait du bien en ces temps vachards... Du reste, quelques bons mots sur la fin rattrapent le décor un peu facilement planté... Résultat, grâce à ses acteurs complémentaires (Casadesus, Maurane, Depardieu, Stévenin et les autres...), de ce film estival, on retiendra les valeurs profondes. Possible de le coupler avec "Les petits ruisseaux" de Pascal Rabaté à l'affiche également : traiter du grand âge sans tricherie, sans peur, vaut de l'or en 2010 !
  • LES PETITS RUISSEAUX (2010)
    Note : 17/20
    A part le choc des rateliers... (un peu rude pour les crocs !) la promenade revigore, jamais trop égrillarde, plutôt instructive. Davantage de piment dans les situations à partir de la renaissance n'aurait pas nui... Etant entendu que les délires de la chair usée glaceront, ou feront hausser les épaules des hercules du lit ("c'est dégueu" ou "merci, j'ai ce qu'il faut à la maison")... On baigne dans un naturalisme dont l'approche rejoint les films scandinaves. Avec de jolis effets à l'image renvoyant à la bande dessinée du même auteur : la voiture orange miniature comme un jouet sur des paysages à très grande profondeur de champ (une caméra qui balaie comme un aigle avant de piquer sur sa cible), ou encore cette halte sur un plat de poisson entamé quand devisent, au second plan "notre homme" et sa descendance en gestation... Si le deuil du copain sonne comme un réveil-matin d'autrefois, que de risques courus depuis ses affolantes peintures ! Plusieurs fois le profil (si caractéristique) de Daniel Prévost en frôle-la-mort voulant réussir sa dernière ligne droite, invite à l'observation. Guérir des deuils, saisir les opportunités... Rire garanti pour les résolus à faner comme les plantes et qui s'estiment gagnants sur tellement d'autres tableaux. Les moins prudes, quelle que soit leur avancée dans la vie, devraient s'égayer du "je suis vieux", aveu du condamné précédé d'un "merde, je bande" annonçant le fiasco ! Le regard de Pascal Baraté ose traiter de la condition masculine axée sur la performance. Il en souligne les limites mais ne sonne point le glas... Sous le côté anecdotique, c'est une fine analyse de la vieillesse au niveau sexuel, cette hantise de "ne plus pouvoir y arriver" (et qui peut parfaitement venir en complément de "La Tête en Friche" en salles aussi en ce début d'été 2010 sur le grand âge au féminin).
  • TAMARA DREWE (2010)
    Note : 13/20
    C'est du lourd... Ouste la sensibilité à fleur de peau de "Liam", "The Queen" ou "Les liaisons dangereuses" ! Bien empaqueté, mais ce que le réalisateur fait dire ou faire à ses acteurs m'a refroidie. Tout d'abord, cet écrivain aux toilettes, prochain de l'épouse à l'oeil de chien battu et au popotin dans le viseur... Gros rire d'une grande "beaufitude", on sent les enjeux gros comme une maison, la seule surprise réside dans ces vaches déchaînées pour cause de chien dans leurs pattes (une scène spectaculaire, inattendue, sans doute vertigineuse à tourner). Pour le reste, je fais partie des peu emballés, et surtout pas par cette tornade de retour au bled (bien balancée, féministe mais trop minois de séries anglo-saxonnes)... On pressent aussi le clash avec ces deux pestes à l'affût, dont l'une va monter au créneau (et pourtant les avoir filmées en embuscade permanente peut raviver de jolis souvenirs de méchanceté enfantine)... Après toutes ces frictions d'un goût discutable, on doit s'attendrir, la morale l'ordonne. Alors que fait encore défaut le décollage. C'est une farce incompatible avec ce dénouement de consolation, cette façon de se rabattre sur le sentimental. Mais je n'ai pas accroché à ces arrangements de façade... Il manquait la magie, je revoyais trop le monsieur sur le trône !
  • DES HOMMES ET DES DIEUX (2010)
    Note : 19/20
    Merci au "Concorde" nantais d'avoir offert à quelques cinévores le 26 août 2010 ce film bouleversant autant que délicat. Une oeuvre se gardant bien de pointer un accusé précis (terroristes islamistes ou armée algérienne ?) mais où on sent la prise de position de Xavier Beauvois : prouesses que la foi permet, sans aucun doute, mais surtout avantages du bien vivre ensemble... Avec ces quelques mots sur "l'amour entre un homme et une femme", de la part de trappistes supposés vivre sous cloche... La ferveur plane sur le monastère entouré de paysages semi-désertiques... Ainsi, ces êtres qui boivent du vin en musique, mangent parfois des frites, sont épris d'absolu, incarnent l'exemplarité qui manque tellement à notre époque : tendre que les actes et les paroles demeurent en harmonie. Trop purs, ils furent sacrifiés (sauf un, leur témoin le plus fiable à ce jour) : qu'on ait pu les viser eux, les derniers hommes à supprimer, c'est cela qui émeut les cuirs les plus durs. A partir du récit de faits réels dans une région précise fort bien dépeinte, on imagine bien la tension puis la foi, implacable... On se surprend à suivre ces êtres de conviction, aussi proches que de vieilles connaissances. Leur art de cohabiter, leur fraîcheur de nouveaux-nés par rapport aux dénaturés (Ô combien majoritaires en tous temps !), remet en mémoire que "ce n'est qu'après, longtemps après...". Des joies parfois mélangées à la tristesse (vin et musique), des doutes, cet étau qui se resserre plusieurs fois. Très accessible, et point n'est besoin d'être mystique pour en sortir remué durablement.
  • ENTRE NOS MAINS (2010)
    Note : 18/20
    Ceux qui s'estiment à l'abri d'un licenciement et exigent de se déplacer au cinéma pour de la virtuosité ou du divertissement avant tout, fustigeront la façon un peu "ras du sol" d'aborder cette banalité de nos jours : "une difficulté d'entreprise". Nulle poésie... La caméra se plante au plus près des salariés. La position des dirigeants est ambiguë. On sent une tension générée par une tactique du patronat largement répandue, de la préparation, des ménagements suspects... Le produit à lui tout seul incroyablement ironique... Fabrique-t-on des culottes et soutiens-gorges pour se retrouver en petite tenue ? ... L'intrigue rattrape les prises de vue ordinaires, donne un aperçu des raffinements contemporains en trompe-l'oeil... Des encouragements stériles, et en vis-à-vis, le dialogue entre gens qui se connaissent assez pour trouver qu'il y a du louche... Elles se sont si souvent côtoyées de longues heures à leurs postes, ces dames qui rangent ou repassent comme si elles étaient chez elles, lassées mais attentives au sort des collègues récentes. Largesse de vue et esprit vif sous la diction parfois traînante ou la référence au mari... Très justes aussi, ces syndicalistes qui expliquent d'une certaine façon... Mettre son écot dans la balance, il pouvait en résulter une embellie avant les années quatre vingts.... Mais à présent que les intouchables tapent dans la caisse comme au bon vieux temps des rois et des cours... Fou ce que ça ressemble à une charade : mon premier, donner un mois de ma paie au boss afin que la boîte continue à tourner. Mon second, ciel un repreneur, et ensuite ? Macache !... Il faut aller voir le film, pas pour sa performance technique mais pour l'horreur économique à son zénith.
  • ONCLE BOONMEE, CELUI QUI SE SOUVIENT DE SES VIES ANTÉRIEURES (2010)
    Note : 17/20
    Balade dans une jungle où un murmure de basses rassure tout de suite... On vient à la rencontre de l'oncle aux reins défaillants, des apparitions tout ce qu'il y a de gentil. Il doit "naître à rebours", aller se perdre au fin fond des grottes (bien des similitudes avec "Tropical Malady"). Autant se caler dans son fauteuil, fondu dans la pénombre, faire corps avec la nature moite, arrêter de penser... S'en remettre à l'eau, les pas dans la végétation, le très lent déplacement de caméra vers dieu sait quelle curiosité... Apichatpong Weerasethakul, surnommé "Joe" ou "le David Lynch thaïlandais", aurait beaucoup puisé chez l'Américain Bruce Baillie ("Castro Street") : la passion des tunnels tourmentés ouvrant sur le soleil leur est commune. Rien n'interdit de se remémorer Pink Floyd non plus ("A saucerful of secrets")... C'est toujours beau, féérique, purifiant. On se croit dans un conte pour adulte. Las, l'animisme majoritaire dans lequel on s'est allongé, confiant, finit par décontenancer, il y a télescopage avec les éclats de mondialisation, une uniformisation de comportements devenant pesante sous toutes les latitudes... Résultat, on est zen mais avec une légère gueule de bois. A regarder de plus près la production précédente de ce plasticien, il sait pourtant raconter la Thaïlande actuelle de manière moins emberlificotée. Il gagnerait à approfondir, qu'on retienne quelque chose en plus de l'envoûtement... "L'Etat du monde" (pour la partie qui le concerne) semblerait plus engagé. "Syndromes at a century" et "Blissfully yours", enchanteurs et moins hallucinogènes. A suivre !
  • SUBMARINO (2010)
    Note : 17/20
    "Submarino" signifierait dans le milieu nordique "lent étouffement"... L'âpreté d'un jeune écrivain danois aurait fortement inspiré Thomas Vinterberg... Son entrée en matière s'avère à la limite du soutenable : le pilier familial blindé réclamant son vermouth aux gosses, taloches et... Rideau... Des images très blanches, un bébé réclamant de l'attention par gazouillis ou pleurs... Quand bien même ces drames ont cours dans notre immeuble et sont camouflés au grand jour, cela reste une torture de les voir sur un écran de cinéma (le délire de "Festen" continuerait-t-il à travailler la peau du cinéaste ?)... L'étouffoir donc... Jusqu'à ce garçonnet écolier : instinctif, affectueux, qui dit ce qu'il ressent, avec lui, pour lui, ça vaut la peine de s'accrocher : "pof" (un bruit marquant !), dès qu'il ôte le capuchon de son stylo à dessin, l'oxygène est de retour... Soudain, peu importe le mystère des deux frères dont l'un irradie (gros-plan de regard d'apôtre fixant la caméra) alors que l'autre semble dans un labyrinthe... C'est assez téléphoné comme déroulement dès que ce garçonnet paraît, mais l'art et la manière, plus l'émotion qui déferle la dernière demi-heure, font que - miracle - on aime l'intégralité de l'histoire !
  • BENDA BILILI ! (2010)
    Note : 19/20
    Un jour tu bouffes, un jour tu bouffes pas... Quand le handicap couplé à la misère donne des ailes.... Renaud Barret et Florent de La Tullaye ont eu le nez fin de s'attarder sur le "Staff Benda Bilili", Ricky, Roger, Coco & Co. Des tricycles de fortune. Devoir braver la dureté ambiante et tant pis s'il faut échouer la nuit sur des cartons : ils vous en bouchent un coin, ces réchappés de l'écrabouillement filmés à hauteur de tricycles avec leurs jeunes accompagnants, autant dire des "pages" new style... Les uns et les autres évolués dans leur tête. Une rage qui rappellerait assez les premiers bluesmen noirs américains en plus communicatif. En quelque sorte, les messagers du Congo et du peuple africain tout entier qui disent "nous continuons à vivre !". Quelquefois à flanc de train d'ailleurs, au péril de son existence (et sans doute pas pour espérer passer à la télé un jour !). Au diable les intentions de façade ("les autorités se foutent de nous") ! Place à la survie avec les moyens du bord ! Travailler sur soi... Ils ont la musique dans le sang, comme leurs ancêtres, apprennent en se trompant. S'exercer seul, ensemble, sauter les obstacles... Le studio, premier cap... Les faux-départs... Les pièges déboulent en même temps que les honneurs (fumette, alcool, hélas, planent comme un bémol)... Décollage en règle à Belfort lors des "Eurockéennes"... La récompense, une pause méritée... "Buena Vista Social" traverse aussi l'esprit. C'est ressemblant, en plus resserré. Davantage une transe installant les spectateurs dans une admiration éperdue (exception faite des esprits obtus qui y voient une illustration pour associations caritatives)... Crénom de nom ! Les yeux mouillés, un sourire de bambin vous anime, ainsi que l'envie de danser si ce n'est de créer un instrument dérivé de cette enchanteresse boîte de lait (ce serait un calvaire d'en sortir les notes épurées qu'on finit par entendre)... Assez optimiste pour qu'on sorte de là au pas de charge, prêt à en découdre. Le dvd avec ses bonus est attendu de pied ferme !
  • CRIME D'AMOUR (2010)
    Note : 14/20
    Divertissement télé honorable pour une soirée d'hiver. Le début et l'issue à eux deux suffiraient presque. Mais si on est armé de patience, tout peut se regarder car l'image est toujours de qualité, le décor se plante gaillardement, fond de jazz et carillon chinois du plus bel effet pour ponctuer les scènes. Petite faiblesse des dialogues parfois, les déclarations d'amour pleuvent dans ce milieu très bcbg. Autrement plus intéressant, le harcèlement hiérarchique, ce lent empoisonnement arrivé au stade "quitte ou double"... Le regretté Alain Corneau raffolait des duels de femmes à l'écran. Mais que Christine (Kristin Scott Thomas) bien que minaude à l'excès ici, lâche le spectateur aussi vite, c'est une faute de goût... Au profit d'un système d'horlogerie "tiré par les cheveux" (rappelant dans sa minutie la poursuite de véhicules de "La menace"), déconcertant... Pour en venir à un machiavélisme orchestré par la fragile Isabelle (Ludivine Sagnier, mais pourquoi donc laisser cette jeune actrice s'ébrouer dans un seul registre ?) : si son dernier chevalier-servant remet le doute à l'honneur lors du dernier plan, sa démarche de vamp, sourcil ahuri et moue enfantine, non seulement tapent sur les nerfs mais sont inappropriés pour une comploteuse de ce calibre !
  • PAULINE ET FRANÇOIS (2010)
    Note : 17/20
    Un goût de trop peu ou alors un défaut d'assaisonnement ?... Hyperactifs, cartésiens, citadins allergiques à la campagne, allez voir autre chose, ou alors déplacez-vous pour les acteurs, tous dignes d'intérêt dans cette histoire... Film de pure atmosphère, ce qui s'appelle "un joli film". Le quotidien dans nos chaumières, le déclic causé par un changement dans l'entourage. Toujours agréable, on ne peut plus juste... Les personnages dignes d'un peintre naturaliste. Tout est à fleur de peau. Des instants de grâce réguliers, et cette lumière délicate (mèches dorées de dos en clair-obscur, yeux clairs de Laura Smet fondus dans le décor, ou le petit constructeur de lego filmé en temps réel). Bande-son folk du meilleur goût aussi, avec la voix de Jean-Louis Murat ressuscitée dans le genre Manset... C'est le premier film de Renaud Fély, également deuxième assistant de Pascale Ferran dans "L'amant de Lady Chatterley" : même réédition de sous-bois où trouver paix et fortifiant. Le déroulement fait qu'on oublie où on est, les non-dits, les élans contournés, tout s'avère langage accessible... Un lent tissage qu'un choc devrait venir justifier, on l'attend comme la récompense à notre patience de spectateur qui n'en a pas perdu une miette. Mais, surprise, au lieu de la décharge électrique escomptée, une pirouette et vlan, déjà le générique !
  • LES AMOURS IMAGINAIRES (2010)
    Note : 17/20
    On fume vraiment beaucoup dans ce film. Le premier et le dernier ralentis, très appuyés, ont leur raison d'être, les autres beaucoup moins... Idem pour le tube "Bang bang" en v.o. italienne, il eût été préférable de placer une autre romance plutôt que d'en remettre une couche... Toutefois, c'est plaisant à suivre, on ne s'ennuie pas dès lors que le côté "plus fort que soi" dans un contexte quelque peu vertigineux est entériné. C'est une histoire à l'intention des amoureux de l'amour, ces partenaires prêts pour le duel sans merci. Pour qui s'est sorti de ce genre d'impasse dans l'un et l'autre sens, un sourire béat pendant toute la séance : joie de revisiter la niaiserie de la victime et la prétention des cibles en se disant à part soi : "c'qu'on est-y bête !". Xavier Dolan situe bien l'aveu verbal, cette imprudence sans laquelle la parade durerait sans péril pour bifurquer en douce ensuite vers une autre proie... Un regard sans concession, très personnel, qui devrait faire hausser les épaules des durs, des costauds.
  • LES REVES DANSANTS SUR LES PAS DE PINA BAUSCH (2010)
    Note : 19/20
    Merci au Cinéma Concorde de Nantes de m'avoir fait découvrir le 26 août 2010 cette pépite... Pina Bausch, voix presque mâle, beau visage altier, toge blanche en scène, souvent en noir à la ville... Foudroyée en 5 jours à l'hôpital à l'annonce d'un cancer généralisé : quand on le sait, ce documentaire (déjà intense par lui-même) vous l'attache pour le cadeau qu'elle laisse au monde. Quelle somme de travail ! Quelle passion dévorante aussi ! Pina semblerait avoir retenu de son passage ici-bas, l'alternance d'attraction-répulsion avec son semblable, vite apprise dans le bistro parental où elle vivait petite, dans l'observation des autres, que l'alcool rend toujours plus expressifs... Mais même sans raffoler de la "Tanz-Theater" sa spécialité, ces grands levers de bras, le visage de Pieta qui fait souhaiter que le mime Marceau débarque avec un gag, on peut apprécier la compagnie de ces êtres encore neufs dans une révélation à eux-mêmes. La bande-annonce reflète parfaitement l'esprit ludique, les trois chorégraphes à l'unisson... Aucune longueur. On fredonne, on sourit face à ces garçons et filles si nature, illustration des premiers émois (voire réellement ressentis ?). Heureux d'être là sans préparation particulière, dans l'émulation (le fait d'ignorer qui sera choisi pour figurer au premier plan les motive)... De brèves confidences, des images plaquées sur des rengaines sentimentales des années trente, quelques envolées... Une fraîcheur permanente, tous s'avérant dignes du flambeau qui leur est transmis... Quant à Pina Bausch, elle surveille attentive, amusée, souvent radieuse... Sans doute la meilleure image d'elle pour le grand public.
  • TOUS MES PÈRES (2010)
    Note : 16/20
    Découvert lors du cycle allemand Univerciné de Nantes novembre 2010. Dans les petites bourgades de l'ex-RDA allemande, les années 80 signifiaient encore pressions familiales, peur panique du qu'en dira-t-on, un peu comme en France dans les années 50/60 (silence sur la contraception ou l'avortement dans ce documentaire). On arrangeait en catimini la grossesse extra-conjugale, les grands-parents au secours de la jeune femme féconde, tout sauf l'opprobre... Bien avoir cela en tête pour découvrir Jan Raiber, 30 ans (et père d'un tout jeune enfant à son tour), faute de quoi sa résilience ferait banale recette de télé-réalité tant elle en rappelle les façons. Histoire d'illustrer son récit, l'acteur-réalisateur toujours bien attaché, monte et descend un pic surplombant son village. Les freins de l'entourage sont entendus mais vite changés en "cause toujours"... Outre que ce secret familial peut servir à rompre des silences lancinants dans les foyers, c'est le dialogue mère-fils qui est ici remarquable : foin du "je suis ta mère, j'ai fait comme j'ai pu et n'ai pas de comptes à te rendre" ! Le rejeton preneur de son et son copain à la caméra renversent la table, emportant l'adhésion du jeune qui sommeille en soi. La conscience du parent gamberge pour cause d'esquive de test ADN. Tandis que la pension alimentaire continue de planer, débarque "la surprise" annoncée par téléphone et aussitôt mise en pratique. On passe à deux doigts d'une crise cardiaque.
  • SANTIAGO 73 POST MORTEM (2010)
    Note : 14/20
    Découvert au Festival des Trois Continents nantais 2010. L'image est beige rosée, parfois belle, parfois fade... Le degré de tension monte avec ce plan séquence de la douche tandis que ça castagne, que ça gémit de l'autre côté de la rue : Santiago du Chili lors du Coup d'Etat de 1973 contre Allende avant la dictature de Pinochet. C'est une simulation des violences arbitraires car le cinéaste n'a pas lui-même vécu ces horreurs. Il faut lire entre les lignes (manqueraient quelques explications sur l'écran, trois fois rien et ça ferait tout de suite moins nébuleux). On saisit bien les "descentes" chez certains habitants, le personnel de l'hôpital se voit sommé d'obtempérer, le fonctionnaire des pompes funèbres entasse pêle-mêle des morts qui tombent de son chariot tout en remettant sur pattes un caniche blanc rescapé d'en face... Une scène de révolte féminine tout à fait remarquable réveille de la gestion mécanique hospitalière... Dommage qu'ils soient si glauques les personnages du cinéaste Pablo Larrain. La voisine qui cherche à sauver sa peau, les couteaux à dissection d'autopsies.. A quel moment le cerveau finit-il par déjanter ? Des portes, en voici une entrebaîllée : la voisine qui trouvait faux le chat n'osant pas regarder celui qui lui donne à manger est là avec le petit chien (qui va où on le met) et un quidam plutôt jeune... A la manière du Mexicain Enrique Rivero dans "Parque Via"(également distingué à Nantes en 2008) on assiste alors à un de ces coups de sang !
  • LE DERNIER VOYAGE DE TANYA (2010)
    Note : 17/20
    Après ce flash pour situer les personnages, faisons confiance aux deux passereaux transportés dans leur cage en voiture, suivons ces deux taciturnes devant et, allongée à l'arrière, le cadavre d'une bienheureuse qui semble dormir : la route est longue... S'assoupir légèrement (pas trop) n'aura que très peu d' incidence. Surtout ne pas quitter la salle ! Car une seconde tranche de vie commence à partir du feu. Il crépite au bord de l'eau, des bruants sautillent sur les branches dénudées. Jouez violons, et vlan, l'alliance à la flotte ! Etrange "tristesse mêlée de gaité", les traditions finnoises ont une curieuse logique... Tant pis pour eux, quelques spectateurs lassés sont partis et voilà que ça déménage : glissant avec la grâce du cygne de la droite, ce garçon en bateau. Un écran banc laissant croire à une panne... Mais non, si l'on en juge par ces deux mini-silhouettes tout en haut à droite... Comme souvent dans ce genre de quête initiatique slave, le dénouement tient sur la toute dernière phase... Le romancier et scénariste Denis Osokin brille une nouvelle fois aux côtés d'Alekseï Fedorchenko (44 ans), un audacieux qu'on aurait tort de prendre pour un freluquet même s'il fait dire à un veuf que les femmes sont des fleuves.
  • BARRIERE (2010)
    Note : 17/20
    Découvert au Cycle allemand Univerciné Nantes de novembre 2010. On est intrigué par ce bébé qui pleure comme s'il avait des dons de voyance. Brève présentation des neuf acteurs (dont trois seulement seront retenus) dans leurs répétitions :"Hamlet", une oeuvre grandiose... Déjà, l'hébergement jure par rapport à la qualité requise. Les neuf collègues doivent s'allier un metteur en scène caractériel quoique réceptif à leurs particularismes (attachant Matthias Habich) et contourner l'étrangeté du vraiment très jeune projectionniste... Sauve qui peut, l'une veut refaire sa valise... Réflexion faite, chacun jouera des coudes, en se ménageant des récréations diverses, parfois jusqu'au délire suraigu... Le spectateur est gâté côté photo, un noir et blanc pur, lumineux, chatoyant (Visages en plans rapprochés, esthétisme des corps dont la plastique parfaite de Klara Manzel !). Du sordide interfère, ce couple de Bidochons avec bébé (souvent en larmes lui aussi). Il faut attendre les derniers plans, Ophélie entre réalité et mythe, pour apprécier le scénario, bien boutiqué finalement. Sans être frontal comme Dennis Gansel dans "La Vague", Andreas Kleinert décrit avec beaucoup de subtilité comment un concours de circonstances peut privilégier l'instinct de conservation de l'individu par rapport à toute autre chose et sans état d'âme particulier.
  • L'ETREINTE DU FLEUVE (2010)
    Note : 18/20
    A décroché la Montgolfière d'Or au 32ème Festival des Trois Continents Nantais (2010). Cela part d'un brouillard qui serait déménagé d'un conte nordique en Amérique Latine. Dans une brume bleutée, on devine des offrandes au monstre, un rite donnant l'occasion au cadreur de s'attarder sur la végétation à fleur d'eau. Seul petit défaut peut-être, la lenteur à en venir au fait... Sinon,c'est complètement envoûtant, l'espace de quelques secondes, on jurerait une aquarelle. Une atmosphère voisine de "L'Oncle Boonmee" mais à des fins différentes : "Magdalena", fleuve traversant la Colombie du Sud au Nord, autorise les populations à circuler et même pêcher entre les turbulences. Il se chuchote qu'un ferry se déleste de curieux poids, rien que d'en parler, les femmes sont prises de panique... Pas de police. On survit grâce à l'imagination collective. Depuis 2002. Et même des décennies en arrière au dire de personnalités lasses des affres de dictatures successives...Le réalisateur Nicolas Rincon Gille traduit le malaise en un documentaire éblouissant Il est à la fois journaliste, peintre, sociologue. Les spectateurs sont particulièrement ménagés dans son récit. Il s'agit d'horreur bien réelle, mais toujours amortie et sans pour autant sonner faux. Devrait rester en tête cette petite lumière clignotant sur l'eau noire.
  • THE FOURTH PORTRAIT (2010)
    Note : 19/20
    Prix du public au 32ème Festival des Trois Continents. En découvrant le jeune Xiang, on songe à tous ces gosses livrés à eux-mêmes. Petite bouille craquante bien qu'en deuil...Se fait remonter les bretelles par un vieux revanchard. Tout le monde va se retrouver dans les histoires de familles recomposées qu'un secret empoisonne pour sauver l'honneur adulte. Toutefois, il faut être aveugle pour manquer la seconde lecture à ce discours, confirmée par le réalisateur et le producteur ainsi que leur interprète, présents dans la salle du Katorza nantais (on ne peut rêver meilleurs ambassadeurs pour une promotion cinématographique, bien qu'ils n'éludent pas la réticence de leurs compatriotes à devenir amnésiques)... Ce "quatrième" portrait peut échapper tellement la double interprétation du récit occupe les méninges. C'est plaisant à suivre, tendre aussi, et pas du tout statique. Quelques mémorables étincelles, ce petit est adulte avant l'heure en gardant la spontanéité de l'enfance (la rampe d'escalier en marbre pour toboggan) et la scène en plongée sur les deux comparses aux toilettes, on a le vertige... En attendant le dvd, une excellente occasion de se pencher sur l'histoire : revoir pourquoi Taïwan (ex Formose = "La belle île"), entre Japon et Chine, a dû batailler ferme depuis toujours.
  • PEAR (2010)
    Note : 16/20
    Projeté au 32ème Festival des Trois Continents nantais (2010). Double lecture, chaque rôle figurant les différents tiraillements de la Chine d'aujourd'hui... Voici la "Maison de Joie" (!) avec sa façade de bonbonnière : au menu, télévision, provisions de bouche à volonté, plus si les travailleuses sont disponibles (l'art de doser labeur et détente...) = un bordel glamour. La jeune tenancière, proche de ses employées, materne ou rudoie. Les excès sont tolérés... Mais aucune mention de contraception ni préservatif.... Le couple dont il est question souffre, si l'on en juge par sa physionomie sous les lampes roses. Chacun s'ébroue pourtant comme il peut. Défilé de cigarettes. Rage sur ce briquet nerveusement actionné... Entre deux "siestes", on déguste les poires, ramenées de la campagne, la seule douceur véritable d'ailleurs, sauf qu'elles finissent par donner une vague nausée malgré toute la convivialité de ces estropiés du coeur. Triste visage féminin condamné à l'absurde. Longs tunnels traversés : le communisme puis l'ultralibéralisme, on est ankylosé comme ce bébé maintenu debout par sa chape de bois.
  • CUCHILLO DE PALO (2010)
    Note : 17/20
    Montgolfière d'Argent du 32ème Festival des 3 Continents nantais et Prix du Jury Jeune (2010). Le thème est généreux, rarement abordé de cette façon. A déplorer quelques redondances avant d'en venir au fait... La toute jeune réalisatrice (trentenaire) joue elle-même le rôle de la nièce cherchant à comprendre pourquoi l'oncle était, de son vivant, regardé de travers : ainsi, on apprend que, dans les eighties (ce n'est pas vieux !) "108" homosexuels auraient subi les sévices de la dictature paraguayenne d'Alfredo Stroessner. Le récit montre bien, que ce soit dans le tête-à-tête d'un père et sa fille ou les célébrations collectives, que l'on ne parle pas de ça, que si c'est arrivé c'est parce que c'est "contre nature" parce que "croissez multipliez"... Bref, la vérité de siècles d'obscurantisme. Un aperçu des mentalités d'Amérique Latine entre crucifix et chapelet, la difficulté pour la jeunesse qui s'est émancipée d'admettre les idées reçues générant l'exclusion... C'est déroulé avec minutie et soudain, une femme parle et nous autres spectateurs, entendons l'indicible... Renate Costa aurait dû sauter à la gorge de son père à l'écran, insupportable rabâcheur de "nul n'est prophète en son pays" !
  • COURS SI TU PEUX (2010)
    Note : 14/20
    Film-culte au cycle allemand Univerciné nantais de novembre 2010 : la misère existentielle d'un paraplégique par accident, le jour où son auxiliaire de vie lui fait voir de près la jeune fille qu'il convoite de son perchoir. Ils dorment tous les trois comme des braves... Dans la salle, les jeunes adhèrent tout de suite, rient beaucoup, totalement identifiés. Plus grande réserve des adultes... Car on peut trouver niais ce langage codé, languir de ces méandres immatures vers l'ultime vérité (à deux doigts de la fin seulement)... L'eau envahit ou engloutit... Quelques scènes intenses maintiennent en éveil, le ton change souvent, du léger au pertinent, j'aurais aimé davantage d'épaisseur... Une deuxième lecture se superpose, ces lugubres immeubles figurant l'économie actuelle, la solidarité d'une jeunesse prostrée en attendant le saut d'obstacles de la vie active. Ce jeune réalisateur est plein d'imagination à l'image mais m'a donné le tournis avec sa démonstration qui n'en finit pas. Je peux comprendre que ce type d'ambiance soit prisé avant d'affronter les obstacles de la vie d'adulte. On est plombé en plein vol et on reste "biberonner" parce que c'est la fin du monde... Oui, une vie avec un handicap lourd semble LE fardeau. La dernière demi-heure abonde d'effets faisant parfois penser aux énigmes de 2001 de Stanley Kubrick, tout aussi "barré"... Fan ou éreinté, en sortant de la projection, chacun devrait apprécier ce dont il dispose dans la vie réelle.
  • POTICHE (2010)
    Note : 19/20
    Parfaite caricature des entreprises familiales des années 70 présentée avec le piquant des comédies américaines d'après-guerre 39-45. Une fabrique de parapluies : rien qu'à voir l'enseigne, mes zygomatiques entrent en danse... Peu d'atteints de sinistrose grimacent autour de moi dans la salle, les petits patrons seraient autorisés à tiquer mais rien de sûr... Pour qui a approché les contradictions d'une entreprise familiale, jubilation presque obligatoire. Luchini et Deneuve s'étripent, dans un tac au tac bien ajusté qui prélude à un renversement de situation... Depardieu en rajoute une couche... Les enfants se rallient au parent préféré... Mémorable apparition éclair de Sergi Lopez en chauffeur poids lourd... Du diable si ça fait un peu "Au théâtre ce soir", toutes les vieilles ficelles : on éclate de rire parce que ça pulse de tous les côtés ! A peine une petite baisse de régime avant l'explosion finale. Un registre certes emprunté à une époque révolue, "naphtalinée" selon certains internautes. Etrange comme cela rencontre un écho en 2010. Ozon évite (une nouvelle fois !) de nous inonder de personnages malsains ou qui ont un petit pois... Au passage, quelques relents de campagne présidentielle 2007 ou même de mandat présidentiel tout court. "C'est beau la vie" chanté autrement, on y croirait presque tant Catherine Deneuve est épatante dans ce style-là !
  • THE HIGH LIFE (2010)
    Note : 19/20
    "La grande vie", titre ironique qui tient ses promesses, est repartie bredouille du 32ème Festival des Trois Continents nantais 2010 : la énième rengaine de l'enfermement d'un peuple lasserait-elle les esprits occidentaux ?... A Guangzhou, le recruteur de rue (apparenté à nos assureurs ou à une agence d'intérim en plein vent) fait venir à lui des passants avec cv, sans même bouger de sa chaise. Il attend... Nonchalant et cynique. Le soir dans son home, Jia Ming, le même, punaise les photos de ses victimes avec sa régulière. Mais le voici soudain touché par la candeur d'une créature débarquée de la campagne, plus naturelle, moins pot de colle que l'autre, il se sent retrouver des forces, sauf qu'il a mal calculé sa reconversion...On se souviendra du personnage principal avec sa "gueule" si caractéristique, incarnation de l'ennui au pays de la débrouille. Plus sympathique que bien des héros de films chinois contemporains. Restera dans la mémoire également cette douche collective féminine, incroyablement joyeuse bien que sous le regard du maton... Les scènes de prison, ces filles à toute épreuve malgré leur conditionnement hallucinant, l'injonction de réciter des poèmes d'un goût douteux pour cet égaré de la vie, tout cela incite à penser que les Chinois en milieu urbain en sont vraiment au stade de la folie douce.
  • GESHER (2010)
    Note : 19/20
    Temps fort et comme suspendu des "3 Continents nantais 2010" : le gesher est un animal sud-iranien à peau douce et lisse qui devient carapace à pointes tranchantes (et accessoirement, un parti politique iranien tendance centriste autodissout ?)... Le réalisateur trentenaire Vahid Vakilifar et son équipe, disposait de 20 fois 24 heures pour tourner ce docu-fiction (inspiré de situations bien réelles). S'ajouta vite la hantise que les industriels sur place retirent l'autorisation de filmer au moindre faux pas... On découvre Ghobad, Jahan et Nezam dans "le paradis du Gaz", Oslouyeh, sud de l'Iran contemporain. La raffinerie permet de ne pas crever de faim moyennant escalades, débouchages, suffocation suivis d'un sommeil dans un bout de pipeline à claire-voie. On sent bien qu'en comparaison, la cigarette, le plongeon dans la mer, le frisson de la transgression ou l'envoi d'argent à la famille font figure de loisirs. Trouver des astuces afin de respirer, arriver à tenir dans ce bout du monde dénaturé... Une créature chahutée traverse la pénombre, vite repartie. Chaque matin, retour de la côte avec sa lumière si particulière (un éclat déjà observé dans d'autres perles cinématographiques iraniennes comme "Le coureur" d'Amir Nadéri). C'est une vidéo d'un grand raffinement pictural et sonore. Les portraits de ces mâles esclaves sidère car ils n'affichent ni religion ni stoïcisme entretenu. Juste la sérénité dans ce pari de composer avec l'industrialisation aussi outrancière soit-elle, j'entends encore ces bruitages grinçants valant n'importe quelle voix-off.
  • SOME DOGS BITE (2010)
    Note : 14/20
    Prix du public Univerciné Nantes 2010. Les intentions sont louables, c'est un hommage rendu aux détresses juvéniles mais si j'ai admiré la façon de filmer ces traumatisés émergeant directement de la route ou de la nuit noire comme s'ils n'avaient nulle place sur terre, je n'ai pas réussi à me faire aux lenteurs ni aux enchevêtrements de situation, persuadée que la même histoire se déviderait sans qu'on s'en aperçoive traitée par d'autres cinéastes dont je raffole et qui se situent plus à l'est. A retenir tout de même, la scène du train. La difficulté entre jeunes gens et jeunes filles, un suspense très bien rendu mais ensuite une tournure d'événements déjà moins palpitants. Le must est bien évidemment le bébé, d'abord assis sur un carton tout seul. Ses rires et ses larmes, un vrai baromètre, bien qu'incroyablement mal porté sur le dos du cadet, bonjour les colonnes vertébrales... Nombreux moments d'attendrissement lui sont dus à ce petit, presque tout d'ailleurs et en particulier ces minutes où le grand frère le soulève en silence, on voit ses petites chaussures dans le vide, ouaille, que ça fait mal... Une grande recherche picturale, mais on ne pleure pas assez. Il manque un déclic pour que ces bonnes bouilles d'enfants perdus bouleversent pour de bon le public de tous âges, pas seulement les jeunes auxquels ce film parle forcément, rien de tel que de leur offrir du compassionnel pur, ouste les efforts et les remises en cause !
  • ANOTHER YEAR (2010)
    Note : 18/20
    Très appréciée en avant-première au Cycle britannique Univerciné Nantes 2010, cette intrusion dans l'intimité d'un couple à grande santé psychique : Tom et Gerri (on jurerait un vrai chat et une vraie souris !) sont conscients d'être en dernière ligne droite et tiennent à faire au mieux avec leurs acquis. Soudés par le même amour de la vie et un intellect entretenu hors des croyances abêtissantes. A l'image de leur potager inondé de lumière quelle que soit la saison. Chez eux, de fins repas, de bons vins, des conversations fructueuses, autant dire la maison du bon dieu. Le climat habituel de Mike Leigh est présent mais la caricature est beaucoup plus fine que ce que j'en connaissais. Par exemple, au lieu de la pétillance de "Be happy" qui bousculait le mal-être avec son juvénile "je sais être heureuse moi", on a la tranquillité de deux âmes aguerries, sans illusions, persuadées qu'on peut transcender bien des situations avec de la chaleur humaine, au besoin un peu d'adresse (malins aussi les deux vieux !). Un humour débonnaire, des balises pour éviter la fausseté, et surtout cette volonté de compromis. Se glissent quand même des minutes graves, la confidence d'une éclopée dont on se demande si elle se souvient seulement d'une seconde de joie dans sa vie. Evidemment, "nobody's perfect" même le plus charitable... Les travers de tous, inclus le couple modèle se révèlent par la caméra qui s'approche doucement sur un visage, s'attarde... Entre autres Gerri, l'épouse raisonnable, y a droit et forcément la célibataire Mary, si avenante mais plombée d'avance par sa mendicité affective (un rôle en or pour Lesley Manville) !
  • OCTUBRE (2010)
    Note : 16/20
    Sur la table en travers de l'écran (cinémascope), une première ironie : la chaise de gauche à ras du sol par rapport à celle de droite sur laquelle trône l'apparent décisionnaire... Ensuite, où qu'il soit, chez lui, sur un lit de passage ou dehors, la douceur de la photo fait qu'on lui emboîte le pas. Il y a cette rue sombre avec plein soleil en arrière-plan. Cette paroi turquoise fluo ou ce blanc nacré qui tranche avec les bruns rosés déclinés sur tous les tons. La disposition de chaque objet vise l'épure. Pire qu'un peintre jamais satisfait. Cette ambiance de spécialiste lasserait sans le détail qui vient émoustiller : au premier plan, un panier qui bouge. Ah ah, cette découverte, couteau en main, d'un être innocent ! Tout comme l'arrivée de la mante, la taille ceinte d'un cordon de moine... Beaucoup de chaleur humaine dans ces portraits finalement. La fréquente plongée dans la chambre fait comme si on était chez soi, surtout quand la petite tête s'agite sur l'oreiller... Quant aux processions, aucun malaise, elles durent peu et enveloppent de leur halo orange ces solitaires en recherche de béatitude. Le seul reproche serait ce rythme du début, il faut s'y faire. A retenir la photo de famille, elle vaut son pesant de "touron". Egalement au rendez-vous cette caractéristique d'Amérique Latine de partir de la vertu pour rallier l'obscène (le verre d'eau !).
  • NOS RÉSISTANCES (2010)
    Note : 17/20
    Les anciens combattants, les résistants de tous bords vont hurler face aux libertés prises par ce cinéaste de 25 ans avec la Résistance française... Moins les sceptiques, les convaincus que l'humain est un être double si les circonstances s'y prêtent, les documentés personnellement hors des manuels scolaires : ils devraient se dire "enfin" ! Enfin un film osant montrer qu'on n'a pas tous le patriotisme automatique. La jeunesse goûtera particulièrement la mise en scène, habile à capter au vol le dialogue dont le sous-titrage n'aurait pas nui... Quand même un brin "gore" le soin au blessé (images hilarantes à force de réalisme !). N'empêche, les secousses vécues par François (19 ans dans le film) chavirent bel et bien le spectateur le plus endurci. Des façons empruntant à la jeunesse contemporaine mais qui tendent vers l'universel. On sent la grande maîtrise photographique de Romain Cogitore. D'un côté les Vosges sous tous les angles et de l'autre des intérieurs labyrinthiques avec ces surprises derrière les portes... Ce réflexe de se terrer... La bande son de hip-hop et classique personnalise l'ensemble sans jamais heurter l'oreille. Finalement beaucoup plus respectueux qu'il n'y paraît.
  • DESSINE-TOI (2010)
    Note : 15/20
    Rêvons un instant que les adultes s'y collent, dessinons notre moi intérieur représenté par un corps, un habitat... Trêve de plaisanterie, il y a des hauts et des bas encore dans cette escapade au gros feutre noir sur vitre. Certes, ils sont tous craquants ces petits, qu'ils rient, se fassent prier, ou laissent deviner leur malheur, cette difficulté à représenter quelque chose ou alors si minuscule... Dommage de s'être cantonné à un style de feutre sur une vitre. Passé une demi-heure, l'attention se relâche, on veut l'animation après l'esquisse, ce tracé blanc sur fond noir qui ouvre sur tous les possibles. Beaucoup plus palpitant. Mais hélas avec un goût de trop peu. Car retour au carreau et rebelote le gros feutre noir. Plus d'une fois, on a envie d'apporter sur l'écran une boîte vide de camembert, un bout de carton, du papier d'emballage et surtout des feutres couleurs.
  • 20 CIGARETTES (2010)
    Note : 17/20
    Réjouissant "Prix des Lycéens" du cycle "Univerciné Italien" à Nantes en ce soir du 20 février 2011 ! Ambiance incroyablement légère en première partie pourtant, au point qu'on se sent chloroformé pour errer dans le désert en comptant les cigarettes. Tout commence avec la pancarte "Nassiriya". Après quelques vues de l'endroit, grand sursaut dans la salle (j'ai même vérifié sur ma gauche, croyant à un impact). Non, ce ne sont pas des blagues, plutôt un puissant rappel qu'en ce moment-même et depuis déjà pas mal d'années, des "raclées" de cette ampleur arrivent aux tout fous croyant à un quelconque ange gardien. Film déroulé comme un reportage dans l'urgence (cet attentat de 2003 aurait d'ailleurs bouleversé l'Italie). On est cette main dans le sable, on pousse ces petits cris... L'écran littéralement labouré, la rage au coeur ! Reconnaissons que ce qu'on voit et entend est un peu appuyé... Mais grâce à l'alchimie générale, au ton de sincérité impossible à mettre en doute, tout se tient dans ce film coupé en deux où trouve moyen de se glisser une pointe de sensualité sans oublier la dérision des soignants habitués au pire. Le regard d'un tout jeune cinéaste terriblement attachant.
  • LA SOLITUDE DES NOMBRES PREMIERS (2010)
    Note : 15/20
    Très remarqué à "Univerciné Cycle Italien" de Nantes (février 2011). Des moments envoûtants grâce aux exploits du cadreur. Des images somptueuses autour de ces deux emmurés. Bien qu'on ait du mal par moments à tenir le fil malgré l'élégance générale. Parce que la compassion est vaine. Que faire pour pour ces deux-là, formalisés pour un rien avec violence retournée contre eux-mêmes... Tant qu'ils sont enfants ça va encore mais ensuite grande est l'envie de les secouer, de leur tendre un alcool fort pour les réveiller ! Il y a du Kubrick dans ces déambulations embrumées, bien des aspects rappelant aussi "Cours si tu peux" du jeune Allemand Dietrich Brüggemann. Snob, le discours sur le corps problématique, on peut dire "tendance", révélation d'une profonde vacuité ambiante aussi. Proche du mal-être qui va avec les suicides actuels. Le bouquin après la projection pour ceux qui se seront identifiés. Dernières images exceptionnelles en revanche.
  • LA PETITE CHAMBRE (2010)
    Note : 16/20
    Les crêtes suisses enneigées bordent un drame féminin jusque-là peu représenté avec autant de détails : ou comment on préfère soigner autrui quand son propre coeur est en cale sèche... Dans la vie réelle, encore plus étonnant de côtoyer les revenus de toutes les étapes conseillées en pareil cas par le monde médical... "La petite chambre" avec ses préparatifs attendant la cicatrisation propose une passerelle efficace autant que généreuse... Edmond et Colin... C'est un peu terne, souvent tristounet. Toutefois, au fil des silences et autres grosses colères faisant avancer l'action, c'est un plaisir de voir se transformer le trio qui nous intéresse : Michel Bouquet le vieux qui mord, Eric Caravaca le compagnon tiraillé mais raisonnable et Florence Loiret-Caille, la fausse-dure.
  • MEME LA PLUIE (2010)
    Note : 19/20
    Ah la la, ce que c'est bien ! E-blou-iss-ant ! Ne pas craindre l'exhortation "changer le monde commence par changer soi-même", s'il se dégage une morale, chacun en prend pour son grade. A retenir la photo, acrobatique, vivante, souvent latérale, avec cette surprise du flou pour pointer ce que l'oeil aurait escamoté. Ces dialogues très ajustés à l'action, ça pulse sans qu'on s'en rende compte. Formidable bande-son, jamais elle n'entête mais quel précieux repère ! Paul Laverty, le neuf fois scénariste de Ken Loach et Iciar Bollain, la réalisatrice de "Mataharis" et "Ne dis rien" ensemble : deux virtuoses d'un cinéma grave, mais qui se boit comme du petit lait. A partir d'un drame social remontant à 2000, défilent tous les points de vue appelés à se frictionner. En plus du soulèvement contre la confiscation de l'eau par le privé, remontent les raffinements de la colonisation. Un instant aux confins du fantastique : ce "l'eau est à vous" (pulvérisant "l'eau a un coût" du capitalisme sauvage). Il y a certes un peu de violence. Et de la tendresse virile aussi. Le plaisir de retrouver Luis Tosar ("Malamadre" dans "Cellule 211") et Gael Garcia Bernal, la découverte d'Almodovar enfin de retour avec un rôle en or. La Bolivie est également un personnage ici. Fier, changeant avec ses "gueules" et ses bébés qui pleurent dans les bras maternels. Un film qu'il faut courir voir.
  • AVANT L'AUBE (2010)
    Note : 19/20
    Si vous aimez le linge sale au cinéma, courez voir ce thriller filant en lacets vers un hôtel de montagne. Une excellence photographique ménageant des coupures de plans, que le spectateur respire, déduise. On embarque, tout de suite gâté. D'abord côté distribution, tous, mais surtout le contraste Bacri Rottiers = "le pied" ! L'arrêt sur les expressions des personnages, le naturel des dialogues : assez vite on retient son souffle, que ce petit ne meure pas surtout... Un climat feutré, entre blanc et noir avec, constamment, deux milieux frottés comme pierres dégageant étincelles... Et pourtant pas d'explosion, un rapprochement bien réel, des compromis tacites. Côté scénario, c'est qu'on appelle "une bonne histoire". Certes, on peut lui reprocher son traitement classique, quoique quand cela décrit des dérives devenues une sale manie ça ait le mérite d'être limpide. Raffinement suprême, le point de vue du réalisateur tendu comme une perche aux plus téméraires !
  • CE QUE JE VEUX DE PLUS (2010)
    Note : 17/20
    Projetée au Cycle Univerciné Italien de Nantes 2011, cette analyse très fine des ressentis des deux sexes sur la manière "d'aller voir ailleurs". On fait comment quand débarque une forte attirance et aucun cadre pour éviter de s'y engluer. Ravissement, panique, avec très vite l'inconfort de la position d'attente. Au tournant, les intérêts familiaux qui remettent de l'ordre. Pour ce réalisateur, la double vie se règlerait plus facilement côté masculin où mentir = respirer ?... En tous cas, si l'on en juge par l'adoucissement progressif de la photo (rien de sulfureux dans leurs ébats, plutôt la passion incompressible !), le couple passe vite de l'étreinte libérant une tension à l'attachement romantique requérant de l'entretien plus des échanges verbaux. Les femmes devraient se reconnaître en Alba Rohrwacher, genre de Monica Vitti contemporaine vivant sa passade en toute lucidité malgré le conditionnement dévolu aux femmes pour d'obscures raisons. C'est joliment mené et pour ce rôle précis de l'actrice, le film justifie le déplacement en salle.
  • DEUX VIES PAR HASARD (2010)
    Note : 15/20
    Prix Jury Jeune Univerciné Italien 2011 à Nantes. L'histoire va et vient entre deux possibles : soit Matteo heurte la voiture de deux policiers en civil sur le trajet de l'hôpital où il conduit un ami (et alors garde-à-vue musclée, recours à un avocat, révolte refoulée jusqu'à engagement dans Les Carabinieri). Soit Matteo freine à quelques centimètres du pare-choc des policiers : dans ce cas, seul le présent compte, son travail mal payé dans une jardinerie, les petits jeux de séduction entre la serveuse du bar et une jeune cliente devenant la petite amie qui aime cuisiner. Se rajoute un individu d'apparence amicale. Or, plus douteux il n'y a pas. Vient se greffer l'expérience disciplinaire, ce tri que Matteo fera dans le collectif au garde-à-vous,l'acceptable pour s'endurcir mais pas l'aliénation, la preuve que sa sensibilité reste intacte. Il y a un moment explosif dans ce film. Un autre où un trou dans le sable promet l'anéantissement. On devrait se sentir complètement hermétique à nager dans pareil fatras, finir allergique à cette description du désarroi juvénile. Le plus fort est qu'on parvient à embarquer. Sans doute grâce au son et à l'image bien terre-à-terre. Egalement aux phrases réalistes prononcées par l'entourage adulte.
  • TRUE GRIT (2010)
    Note : 19/20
    Ce western des deux frères jure avec leurs productions récentes. Plus tendre mais sans renier l'habituelle dureté de façade. Poétique à l'image, le bleu nuit, les silhouettes découpées sur le ciel, la neige comme de la plume, ça fait presque illustré d'antan. Bien caricaturée, la verve du vieux cow-boy indétrônable face au rival à taquiner... Assez peu de combats en définitive, mais tous captivants pour n'importe quel public grâce aux prises de vue dans tous les sens ainsi qu'aux commentaires sur les blessures (aucune souffrance de n'avoir pas vu la version précédente)... Qu'est-ce qu'on rit ! C'est à moitié John Wayne, à moitié "Appaloosa" et pas mal "Le bon, la brute" en même temps... Avec un je ne sais quoi de conte pour la jeunesse vers l'issue... Tout cela pour "la petite aux nattes", une enfant-femme aux côtés de rapides à dégainer (très expressive, les photos nocturnes en plan très rapproché de son visage dans le film tranchent avec le ton acide non-stop du début à la fin, et qui, s'il le frôle par moments, ne dérape jamais vers le grotesque).
  • TOUTES LES CHANSONS PARLENT DE MOI (2010)
    Note : 17/20
    Encore une pépite du 21ème festival espagnol de Nantes. Pourtant, je me suis ennuyée un bout de temps dans cette suite d'autres expériences après une rupture sentimentale d'une durée de six ans. Ce sont davantage les jeunes femmes qui dominent l'histoire par leur plastique autant que leur bagou. Peu de chansons, quelques jolis passages instrumentaux (pas trop cette flûte qui grince...). Voilà bien les allers-retours qu'on fait le temps de cicatriser en principe. On se surprend à penser à ce cher Rohmer par moments... Mais qu'il marche donc à petits pas, ce jeune homme enlisé, est-ce pour avoir oublié son talent pour l'écriture ? Or voici que, sans crier gare, ça décolle complètement ! Dix minutes au piano et aux percussions, le bouquet final que cette tirade en direct du coeur incitant à se coucher par terre bras et jambes en croix les yeux fermés tellement c'est touchant, impliquant, invivable !
  • TOUT CE QUE TU VOUDRAS (2010)
    Note : 18/20
    Raffolé de "Tout ce que tu voudras" (Todo loque tu quieras) de Achero Manas, découvert au 21ème festival espagnol de Nantes 2011. L'introduction en accéléré peut décourager, elle s'avère en parfait contraste avec le reste de l'histoire, traité avec une irréprochable minutie. J'ai irrésistiblement pensé à l'Italien Kim Rossi Stuart dans "Libero" sur la mise à l'épreuve du père. Même rudesse, même tendresse, même panique, mais pas du tout le même remède. L'enfant effondrée fait peur à son père qui décide de la prendre au mot. Papa dans la peau de Maman ? Allons-y pour le rouge à lèvres ! Une pirouette pour parvenir à faire ensemble le deuil, attention à la bien-pensance... Le spectateur se demande où va mener ce transformisme amusant cinq minutes, peut déplorer que la deuxième maman disparaisse... Plans toujours somptueux à dominante sépia, dialogues, mise en scène, acteurs principaux et secondaires, tous magnifiques. De quoi débattre dans les milieux éducatifs !
  • DES PROJETS POUR DEMAIN (2010)
    Note : 19/20
    Cette merveille de Juana Macias passe au Katorza de Nantes à nouveau lundi 28 mars et dimanche 3 avril 2011 dans le cadre du 21ème festival espagnol. La musique d'introduction, d'une douceur laissant présager quelque sirupeuse histoire de jeunes préservés cède la place à d'importantes remises en cause adultes dont l'enfant subit les répercussions. L'une des séquences fait irrésistiblement penser à "Tous mes pères" de l'Allemand (ex-RDA) Jan Raiber. Constamment, Juana Macias varie les points de vue, enchaîne de manière fluide, toujours très agréable à l'image et au son. Mine de rien une série de chocs que la jeunesse encaisse de plein fouet ! Beaucoup d'émotion en dernière partie. Un rappel de notre précarité qui donne une furieuse envie de fidélité à soi-même !
  • L'ETRANGE AFFAIRE ANGELICA (2010)
    Note : 17/20
    Bien aimé ce lent voyage au piano dans la pénombre. Atmosphère proche des rêves nocturnes rassurants quand on en émerge au petit matin (attention, certains détestent ça !). Manoel de Oliveira,103 ans à la sortie de ce film, estime que ce sont les humains qui font tout un tintouin de la mort en martelant que la vie seule a droit de cité, oubliant l'éternité, ce long sommeil égalitaire quoi qu'on ait fait de son vivant. Bien mieux que le travail de la terre, la lutte des classes, les dangers de la pollution... Tel ce chat lorgnant l'oiseau dans sa cage, le photographe se laisse envoûter par son sujet. Moments délectables que ces yeux qui clignent dans un sourire élargi et ce couple allongé qui circule d'un bout de l'écran à l'autre, humour de cette rose jetée négligemment en cours de route. Même ironie que "Belle toujours", personnellement j'adhère. Mais les rationalistes gagneront à aller voir autre chose.
  • WINTER'S BONE (2010)
    Note : 16/20
    L'extrême pauvreté 2010 aux Etats-Unis filmée à ras des situations, encore plus sordide que "Frozen river" mais avec la même démonstration de force vitale. On compatit et on admire cette petite de 17 ans qui lutte pour son bastion familial. Des prises de vue du Missouri désertique aux gros plans sur les visages, c'est une errance pleine de dignité, d'obstination juvénile à tout assumer sans broncher, avec des "gueules" à la limite de la caricature... La suite de visites lasserait sans la somptuosité à l'image et les jolis passages musicaux mêlés de bruitages virant presque au fantastique (excepté le banjo rappelant "Délivrance" à peine gratté, quelle erreur !). Soit, la jeune actrice incarnant la marginalité cachée serre le cœur, emporte l'adhésion inconditionnelle. Quoique la virée nocturne en barque, hum, difficile à croire... Et que de poisses à digérer pour le spectateur ! Certes, c'est quand même bien vu tout ça, mais j'avoue préférer les balades vers l'abîme total à un moment imprévisible, par exemple "Katalin Varga" (2009) ou "Des chiens dans la neige" (2007), films percutants aux acteurs et actrices tout aussi séduisants mais hélas sur lesquels on parie moins gros avant même la sortie du film.
  • BALADA TRISTE (2010)
    Note : 10/20
    Présenté au 21ème festival espagnol en 2011 à Nantes. Pour ceux que rien n'inquiète ou qui raffolent d'action façon western et d'un humour noir saturé, à deux doigts de se griller la cervelle. Très très grosses ficelles en cascade, salves musicales rappelant l'envoi des pubs en avant-programme au cinéma. Il faut aimer ou en être assez imbibé pour ne plus en faire cas. J'admets quelques fulgurances côté dialogues et une bonne entrée en matière entre les deux personnages en parfait contraste. Techniquement, c'est du haut de gamme rappelant par moments la mégalomanie de Welles. Du boulot pour agencer tout ça, aucun doute. Instillé dans un film à l'intrigue plus étoffée, ce serait divin. Nul doute que le clown triste avec flingue s'avère une excellente variante du clown meurtrier de Stephen King. On est en déroute, ça accroche. Possible aussi d'être happé par tout le visuel, ces savants maquillages de gueules cassées. Un discours hara-kiri qui peut prendre si on aime l'action et le rire premier degré. Ou faire qu'on quitte la salle à une demi-heure de la fin, ulcéré de cette frénésie de galopin exhibitionniste (bien davantage qu'historien !)... Heureux ceux qui peuvent, pendant deux heures de violence virant au cauchemar rire de deux clowns s'étripant pour un clone féminin. Pas une seconde de romantisme pour adoucir mais une foire permanente !
  • PAIN NOIR (2010)
    Note : 18/20
    Merveilleux grâce au mot de la fin. Les premières prises de vue sidèrent, de cruauté, de beauté, d'adresse technique : comment filme-t-on un cheval dans une posture aussi acrobatique ? Le flou est entretenu ensuite : "qui a pu faire le coup". Inquiétant recours aux notables à double tranchant et refuge dans la nature, on frôle le fantastique, déjà résigné à un obscurantisme toujours croissant. Et pourtant, impossible de détourner son attention de ce petit avec ses grands yeux observateurs qui commandent d'engranger pour après. "Mourir pour des idées"... Agusti Villaronga décrit le conditionnement familial par petites touches certes un peu longuettes, pour conduire au mouvement du coeur irrépressible. Liens du sang, attachement à la communauté, croyances idiotes, bipartisme, on ouvre les yeux sur ce qui fait avancer d'un cran au plan individuel dans un premier temps, collectif par ricochet beaucoup plus tard. A notre époque frileuse sur ces questions (du moins officiellement), c'est bienvenu.
  • LES FEMMES DU 6E ETAGE (2010)
    Note : 18/20
    Excellente idée de remettre les préjugés des années soixante sur l'immigration espagnole par le biais d'aristos guindés mais désireux de "faire un geste" pour les nouveaux venus, chose délicate maintenant où tout est si formaté. Entre ces avides d'échanges, l'histoire fonctionne, des temps forts et des moments où ça patine un peu... pour finalement rebondir quand on ne s'y attend plus. Les deux acteurs principaux font irrésistiblement penser à des milieux guindés non exempts de décontraction qui existent encore (demandez aux employés(ées) de maison !... J'ai trouvé le mélange croustillant, déploré de ne pas tout saisir des bribes de français prononcées par ces dames. Bien plus qu'une comédie dramatique, voilà un "bon divertissement", avec les piques indispensables, des subtilités pour ménager les deux milieux et quelques allusions déclinables à notre époque.
  • LA NOSTRA VITA (2010)
    Note : 17/20
    Il faudrait aller demander aux entrepreneurs européens du Bâtiment s'ils sont si loin de la débrouille de ce père matérialiste qui déjante. Que ne ferait-on en pareille situation avec trois gosses en bas âge ?... Aucune certitude que l'esprit de famille du côté des frères et soeurs soit partout à ce point présent, quoique... Tout du long, on sent cette hésitation entre appuyer ou effleurer, résolue par des focalisations sur les attitudes : une atmosphère générale qui fait penser à Ken Loach. J'ai aimé l'ensemble mais trouvé qu'un accident de la route aurait été moins atroce comme contexte de bouleversement, celui retenu pouvant s'avérer par trop indigeste, tout comme cette chanson symbole... L'interprétation est toujours attachante, tous aiment la vie à leur façon. Bien retranscrite aussi, l'ambiguïté des Roumains du film, grand moment que ce revirement du jeune, sa déduction imparable !
  • LA MOUSTIQUAIRE (2010)
    Note : 19/20
    Point stratégique du 21ème festival espagnol de Nantes 2011. Il s'agit de ces fêlés qui ont l'air de gens normaux...A l'heure où on fait tout un plat de la psychiatrie, de la tendance borderline des sociétés décadentes etc., remonte des oubliettes une folie transmise de génération en génération entre soi et qui, pour se désennuyer, contamine un peu au dehors, en catimini, les silencieux, les solitaires, le copain du fiston ou une jeune étrangère suite à une catastrophe par exemple, mais attention, en faisant d'abord mine de ne pas y toucher... Trouble de la personnalité difficile à prouver, a fortiori jamais soigné, aggravé par "des substances" qui peuvent être médicamenteuses allongées d'alcool ou non. Des déformations entretenues, souvent à l'origine du sexe "sale", du bizutage, et autres dérapages salaces favorisés par la valse des billets de banque pour toute valeur. Des dégâts tacitement reconduits de père en fils, de mère en fille, plus la réaction parfois cocasse des satellites servant de déversoirs. Ce film montant en puissance d'Agusti Vila propose une sublime caricature d'un groupe de "collets montés". C'est d'une justesse et d'une ironie qui devraient faire des émules chez les cinéastes et les spectateurs, souhaitons-le pour nous tous, encore plus quand le fait divers dépasse la fiction (famille au-dessus de tout soupçon décimée en avril 2011 à Nantes) !
  • SIBERIE MONAMOUR (2010)
    Note : 19/20
    Vu cette splendeur à Nantes en avant-première russe du 17 avril 2011... Slava Ross contourne la censure pour crier les maux de la Sibérie profonde. Avec une maîtrise parfaite de la mise en scène, du son (ces bruitages musicaux) et des prises de vue à couper le souffle. En plus d'une morale curieusement universelle et d'un brin de poésie. Bien que le film débute par des images crues et demeure alerte, pas du tout gnangnan, Monamour étant un lieu, on peut déplorer que ça ressemble à un conte pour la jeunesse (l'enfant incarnant la pureté, les chiens rappelant les loups, le puits symbolique quelque mauvais sort jeté. Fausse naïveté car on trouve dans le dénuement décrit, à la différence du beau mais misérabiliste "Winter's Bone" (auquel il est permis de songer), le tempérament qui permet de rebondir sur le malheur. Aucune demi-mesure... Les durs n'ont qu'à bien se tenir, les femmes se rebiffent, l'enfant lassé d'attendre son père fantôme joue sa vie. Un regard plein de perspicacité pour une histoire rude mais dont on sort gonflé à bloc !
  • CHICO ET RITA (2010)
    Note : 19/20
    Rien qu'à entendre la voix pénétrante de Fernando Trueba au Katorza de Nantes en clôture du 21ème festival espagnol 2011, on devine que ce qu'il vient présenter sera comme lui : raffiné, hors du racolage commercial. Certes classique, pour certains trop gentil sur le fond, mais au moins nous sera épargné ce piège des détraqués prompts à faire endosser au public leur obscénité : ce grand naïf déclare "filmer ce qu'il aime" ! Evaporé ? Vieux jeu ? Outre que cette animation cubaine rejoint les plus grandes productions du genre, elle possède "sa patte". On a l'impression qu'ils sont en chair et en os ces expressifs qui nous renvoient à nous-mêmes (avis à ceux qui répugnent à se déplacer pour un dessin animé) ! S'il s'en dégage la grande fraîcheur des oeuvres intemporelles, ne pas se méprendre sur les intentions profondes, ça concerne Cuba. Avec, dès l'introduction, ce transistor stoppé net au mot "se conformer". Un ensemble éblouissant qui renferme tout ce qu'on aime trouver chez les artistes en dernière ligne droite.
  • COPACABANA (2010)
    Note : 18/20
    Avouer à sa mère qu'elle nous fout la honte, on le pense parfois... De là à le dire en face... Les mères faussement fofolles, juste un peu créatives, trop libres face à des jeunes raisonnables, seront stimulées... Ce film, sur fond musical brésilien prometteur, avec de la couleur là où on crève de froid, est fait pour celles qui sortent d'un blocage comparable ou qui sont pieds joints dedans (Isabelle Huppert jouant ici avec sa vraie fille dans la vie). L'allumage tarde un peu... On déplace et replace un canapé chez la copine... Et puis ce prétendant va-t-il vraiment convaincre avec sa noce guindée ?... Ostende, son port, son Casino... Bigre, le marché immobilier prend une belle claque au passage ! On rit ! C'est d'une omniprésente vitalité, avec des vagues d'émotion qui n'empêche pas le mouvement ! Une comédie estivale piquante, profonde, inclassable. Le spectateur devient funambule, où va cette bourlingueuse Babou dont on ignore de quoi elle vivait avant ?... Marc Fitoussi, en braquant l'attention sur son double-portrait, instille l'essentiel des dérives actuelles (travail, marginalité) sans oublier "le grand jeu" !
  • LA DERNIÈRE PISTE (2010)
    Note : 18/20
    Convoi restreint aux jupes traînantes et aux chapeaux ronds à oeillères, avarice de dialogues, musique faisant des signaux. On détecte les petits détails de très loin grâce au format carré (réputé plus favorable à la profondeur de champ). Sous la beauté picturale indéniable, c'est un pur western bien rude avec de la crasse sur les peaux et sur les tissus, les rivalités de pouvoirs. Premier western entièrement conçu par une femme (curieux que cela soit tu...). On est dans la lignée de "Appaloosa" et "True Grit" par la modernité de ton. Quelques outrances signant la féminité de base : face au trappeur qui dragouille, l'indien séduisant de bestialité, le droit de choisir son apprivoisement en fonction de son flair... Voici une femme qui tire sans se poser en virago une seconde ! C'est longuement statique à la manière des films de l'est mais attention aux branle-bas de combat au plus fort des tensions. Proche des films sur le désert avec l'impression de mirages successifs, la soif, et pourtant on commence par laborieusement traverser une rivière... Les images ultimes laissent leur marque, en pleine contradiction avec ce qu'a véhiculé longtemps la culture anglo-saxonne. Et pourtant tout reste ouvert !
  • UNE VIE TRANQUILLE (2010)
    Note : 18/20
    Refait à neuf dans le secret, le héros sait ce que vie normale veut dire. La chasse au sanglier et les lettres rouges "Da Rosario" sont ses points d'ancrage. Un restaurant isolé de tout, on pense à "Avant l'aube" pour l'intrigue retorse, ou à "Soul Kitchen" pour le muscle ! C'est aussi un conte noir à rembobiner en fredonnant la chanson finale "A quiet life", voix grave du mutant hors de l'armure. Quand les trois lascars débarquent à l'écran, on se demande bien lequel va écoper le plus. L'étau progressif amène à gigoter sur son siège, vraiment embarrassé...En même temps on en redemande car suspense et plaisir se mélangent. Film rude, vachard, avec des parenthèses et ellipses d'une logique qui peut heurter mais que vient compenser la grande douceur de fond : bruitages musicaux, règlements entre quatre zyeux et traque dans la pénombre, qui va trahir qui et quand... Un régal !
  • BLUE VALENTINE (2010)
    Note : 16/20
    Blue Valentine, titre de Tom Waits ou "le blues des amoureux"... L'enfant étant le lien, le sort du chien la hantise. Unis par leurs désirs de bâtisseurs, ce jeune couple des classes populaires étasuniennes s'est pourtant juré "fidélité pour l'éternité". 4 à 5 ans plus tard, le spleen. En d'incessants va-et-vient entre passé et présent, leur intimité à la loupe est dévoilée en une successions de scènes très racoleuses dont le mérite est de remonter à la surface le premier vrai couple sommeillant en chacun(e), du feu aux joues aux soupirs de rage, en passant par la culpabilité sur fond d'entraide et l'espoir que l'autre change. Jusqu'à l'explosion, l'attitude saine malgré le tiraillement d'avoir tranché non sans dégâts... Acteurs inégaux pour des rôles eux aussi en net déséquilibre. Michelle Williams (héroïque dans son épreuve hospitalière !) beaucoup plus palpitante que Ryan Gosling dont on repèrera la très jolie voix chantée.
  • NAOMI (2010)
    Note : 18/20
    La mère, personnage central, rappelle à son grand fiston que rien ne l'a obligé à pareil choix, qu'il lui faut donc s'armer en travaillant ses points forts. Justement, outre la sublissime avec son grain de beauté à gauche sur la lèvre supérieure (que fait-elle avec cet "ancêtre" ?), le personnage de cette mère ne lasse pas d'étonner, son langage savoureux semblant représenter la distance qu'on peut avoir en découvrant Agecanonix et Falbala en chair et en os. D'autant plus raffiné que ça se passe en Israël sans la guerre. Sauf que ce n'est jamais irrévérencieux car ce couple, en dehors d'une inégalité qui fait sourire, a une réelle complémentarité. C'est faussement lent. Attention, ça couve : première partie d'un stoïcisme trompeur. La scène haletante autour d'un calumet témoigne d'une violence intériorisée qui n'arrêtera pas.
  • LE VOYAGE DE LUCIA (2010)
    Note : 16/20
    Anciennement titré "L'Appel", Prix du Public au Cycle italien Univerciné Nantes 2011, les deux actrices principales font tout le prix de ce film gracieux. Elles peuvent tout se permettre sous ce regard fin, distancié, décortiquant l'attitude des compagnons, ce qui fait qu'hommes ou femmes sont sous le charme, très intrigués quant à l'issue. Si le naturel de Léa, Argentine et bohème va de soi, Lucia, hôtesse de l'air est avant tout pianiste (point culminant du film, ce "vivre l'instant" de l'aïeule !). Prises de vue, son, dialogues, d'une délicatesse constante virent aussi vers les dures réalités. On patine sur le rafiot en Patagonie mais la morale sera sauve : les dernières minutes récupèrent magistralement les spectateurs et spectatrices qui auraient été tentés de décrocher.
  • MINUIT À PARIS (2010)
    Note : 18/20
    Pour ceux qui préfèrent le cinéaste quand il tourne hors USA. Le personnage principal masculin incarne tant dans son phrasé que sa dégaine, un Woody 2011. Ah ah, la bonne société en vacances à Paris... On visite en organisant les activités du matin au soir et du soir au matin. Le réalisateur sabre un tantinet le programme. C'est un défilé d'hommes et de femmes tous craquants dans la gentille caricature qui en est faite. Notre Carlita, guide gracieux sans plus par rapport à Marion Cotillard dans le créneau "plaisir d'amour". Des grincements. Les Français demeurent pétris des sensoriels conquérants que sont les artistes internationaux, suffit de remonter un peu les pendules.... On guette la voiture qui se pointe à minuit comme variante de Cendrillon. A chaque passage, une attente amusée et c'est la bascule dans l'onirisme... Curieux réveil, quasi indolore tellement le pragmatisme a pris le pas sur tout le reste.
  • HABEMUS PAPAM (2010)
    Note : 18/20
    Divin ! Je me suis amusée comme une petite folle, loin d'être la seule... Les conservateurs seront pincés, c'est entendu, et qu'ils soient psys, ecclésiastes ou fidèles. Ah que voilà pourtant un pape qui donne des ailes, même pas arrêté par ce taquin d'analyste interdit de portable ! Andropause ou reprise en main de sa destinée par lassitude des faux-semblants, voilà notre saint homme en fugue (dém...-vous !), chacun restitué à son libre-arbitre. Certes touchant comme l'agneau avec son besoin d'air tandis que poireautent les copains cardinaux... C'est filmé avec malice, un peu d'égarement côté sport et théâtre, de saintes colères, jamais d'austérité... Merveilleux rideau rouge ondulant sur fond noir, silhouettes en contre-plongée à reculons, quelle aventure... Déclinable à bien d'autres domaines contemporains où trop rares sont les démissionnaires !
  • AU REVOIR (2010)
    Note : 17/20
    Beaucoup de soin à l'image pour nous inviter à suivre l'inévitable madone iranienne aux traits purs en d'infinis plans-séquences. Promenée entre lumière et ombre sur cette grâce physique un peu altière (culte du vernis à ongles), j'ai immédiatement perçu la détresse domptée de cette diplômée avocate sans père ni mari présents. Mohammad Rasoulof martèle que son film n'est pas politique. Si chacun interprète les mille et une lectures possibles, impossible pour autant de nier le carcan totalitaire sous l'affichage moderne, l'entraide à coups de billets de banque feuilletés à grande vitesse, les intérieurs de bon goût aux couleurs pastel gris bleuté et grenat. Bref, la vie quotidienne iranienne prend les traits d'une femme (déboussolée ou un peu nonchalante ?). Un spectacle invitant à mesurer une fois de plus le désarroi d'une génération sacrifiée sur son propre sol. Alors, certes on est loin de l'humour viril de "La Vie sur l'Eau" du même réalisateur (encore "bon enfant" car bien avant les événements tragiques électoraux). Justement, sous ses airs de ne pas y toucher, le message gagne en force.
  • LES JOURS A VENIR (2010)
    Note : 16/20
    Prix du public Univerciné allemand Nantes 2011 : une anticipation du futur proche (maxi 2020) qui a séduit largement, à défaut de tout à fait convaincre les difficiles à cause des gros effets de style qui d'office tuent l'imagination (Lars Kraume est issu du monde publicitaire). Plans généraux déployés, angles d'images multiples, personnages aux trajectoires bien déterminées (cette tête à claques de Konstantin !). Cela tient bien la route toutefois grâce aux dialogues clairs dans les situations enchevêtrées. On y pense tous à ces pièges que la vie tend par rapport aux idéaux qu'on se fixe. Avec des influences aussi dangereuses que déterminantes : la scène terroriste du restaurant dans sa progression visuelle et sonore, sublime moment autant que mise en garde. Ce film datant de 2010 caricature l'avenir européen par rapport aux énergies fossiles, imagine l'extrême inverse du terrorisme financier dans une Europe constituée de pays fermés et d'autres accessibles à ses risques et périls. Pour ma part, ce n'est qu'une fois passée derrière la porte, direction le chalet avec l'enfant, tout cet épisode étonnant dans son aspect western, que j'ai ressenti la première vraie émotion.
  • LES VIEUX CHATS (2010)
    Note : 19/20
    Projetée au Festival des Trois Continents Nantais 2011, cette renversante caricature de conflit de générations. Irrésistible vieux couple, Enrique ange-gardien et son Isadora, s'avalent chaque matin une dizaine de gélules chacun. On peut comprendre, dans leur résignation, l'écrasement des populations d'Amérique Latine, la double lecture devenant réflexe pour les pays où la tyrannie s'est longuement exercée. Possible aussi de rire de la condition humaine, d'eux sur l'écran et de nous tous, de la fronde juvénile avide de sensations fortes (qui "sniffe" beaucoup dans tous les sens du terme) et des vieux jetons aguerris laissant croire qu'ils sont malléables. Les félins, premiers à l'image avec les objets passés en revue, semblent incarner, dans leur bonhomie fourrée, le double regard chilien des cinéastes, à la fois à distance et au ras des péripéties quotidiennes. Une fois vécue la première véritable absence, on sort de l'image qui chavire avec discret roulement de tonnerre comme du somnambulisme. Le style de l'ensemble verse davantage dans l'autodérision que dans la méchanceté gratuite. La dernière échappée de la dame inviterait presque à en jouer comme d'un levier pour régler ses comptes, avec tout le respect dû aux âmes sensibles que quelques moments grinçants vont immanquablement froisser. C'est sentimental, plein d'espièglerie et en même temps gravissime. Interprétation des quatre principaux personnages remarquable.
  • KINSHASA SYMPHONY (2010)
    Note : 17/20
    Découvert à Univerciné Nantes Cycle Allemand 2011. L'assimilation entre musique classique et classes bourgeoises blanches n'est un secret pour personne... La mention de "cordes frottées" est donc précisée, que l'autochtone différencie bien ce premier orchestre de musique classique noir africain officiel de "la fanfare"... Organisés sur le tas (dans le brouhaha de la vie trépidante locale), avec un chef d'orchestre juste mais ferme, ils doivent dépasser leurs soucis personnels (la faim ?), les journées harassantes pour leurs répétitions, où chacun travaille sa spécialité, au luthier de dénicher le meilleur bois pour les instruments par exemple. De beaux plans rapprochés sur les visages féminins les plus accrocheurs... Peu de ratés pour l'oreille, l'harmonie entre instruments et voix est question d'ajustement pour ces passionnés, le feeling ancestral coulant dans leurs veines. Et voilà que ça "décolle" avec un choeur d'Haendel, ces yeux grand ouverts sur l'éternité créent la première grosse émotion en s'appropriant le genre ! On suit crescendo d'autres temps forts jusqu'à la consécration (ces vêtements féminins dorés !) et un public archi conquis. La récompense au plan moral car, pour le reste (contrairement à "Benda Billili"), on ne sait pas trop, c'est avant tout un reportage.
  • LA PRINCESSE DE MONTPENSIER (2010)
    Note : 16/20
    Découvert en présence de Bertrand Tavernier au Katorza à Nantes en avant-première en octobre 2010 : ses explications ont relevé les applaudissements "très respectables mais sans hurlements"... Un film historique, déroulé à la manière des grands westerns, plans larges, musique grandiose (avec un petit brin du ton caustique Eastwood)... Très documenté, ne massacrant pas l'histoire, même s'il use des émotions de 2010 (aucune parole qui ferait "d'jeune", pas plus d'anachronisme, et il s'y glisse aussi de savoureuses formules inusitées aujourd'hui). Classique dans la forme, presque scolaire. Bon, 2 heures 19, c'est un peu long, d'apparence étirée sans raison suffisante par moments... Peut-être à voir deux fois. La première pour goûter l'ambiance, les costumes, les assauts (ces pattes chevalines trébuchant avec ironie lors des départs), s'imprégner de cette période de l'histoire. Et à revoir pour mieux cerner l'intrigue, notamment se faire à cette tête à claques de mari (Grégoire Leprince-Ringuet)... Sans doute pas le meilleur Tavernier mais une démonstration de sa valeur de grand cinéaste une fois de plus. Il permet aussi de relire Madame de Lafayette afin de se projeter dans une période controversée de l'histoire de France, pourquoi pas ?... Barbarie, conflits d'intérêts, un film jamais lugubre cependant grâce à la modernité du traitement : à tout prendre, on rit plus qu'on ne pleure... Tous les acteurs (les secondaires inclus) bien à leur place. Au premier plan, la jolie dame tiraillée (Mélanie Thierry) dont les yeux ne cesseront de se dessiller... Mais c'est surtout Lambert Wilson qui s'en tire avec panache ainsi que Raphaël Personnaz, irrésistible en Duc d'Anjou !
  • LE POLICIER (2010)
    Note : 18/20
    Prix du Public pour ce film très remarqué au Festival des Trois Continents Nantais 2011. Tout s'équilibre dans la démonstration des deux clans sauf leur côté va-t-en guerre, à l'image de l'éducation dispensée à la société israëlienne. Ou combien la discipline excessive contribue à déformer la personnalité. Que ce soit du côté du policier à l'affichage d'une débordante virilité, ou des jeunes préparant comme un rituel sacré la mise en pratique de leur plan de petits durs. Réel suspense, bien que les détails de la mise en place fassent que ça patine parfois, donnant envie de tout revoir en salle ou en dvd côté détails. Regardez bien la noce... Encore mieux la photo de famille..., car c'est là que ça commence à sérieusement parler au spectateur. Et quand le décor gagne le sous-sol, on est dans nos petits souliers, encore que la répétition du slogan par la jeune fille puisse finir par taper sur les nerfs, tout comme peut sembler improbable le noir complet et des cibles aussi bien visées... Il n'empêche, ces petites maladresses sont vite oubliées quand on arrive au fait. C'est certes l'illustration des conflits internes à tout individu, mais aussi la lente avancée de deux armées que tout porte à se colleter, ou deux tendances politiques au bout du rouleau... La plupart des textes ont une portée bienvenue dans l'état actuel du monde, d'autant que Nadav Lapid, en misant beaucoup sur les expressions silencieuses en plan rapproché, avec ensuite cet ultime face-à-face entre deux humains ramenés à l'essentiel, fait mieux que prendre parti.
  • GUILTY PLEASURES (2010)
    Note : 18/20
    Prix du Jury Jeunes au Cycle Univerciné britannique nantais décembre 2011. De ces minces livrets vite lus, d'un coût abordable, il serait vendu un exemplaire toutes les 4 secondes dans le monde ?... Voilà qui invite à se pencher sur le trust qui a absorbé "Mills & Boon", Harlequin, une entreprise canadienne loin du dépôt de bilan... Dès l'introduction du documentaire, se perçoit une complicité amusée entre les intervenants et la personne qui les filme donnant à chacun(e) l'impression de rejouer à Barbie et Ken ou de se gaver de sucre. Plaisir pour hommes et femmes puisque nul sexisme possible à part de savoir que la romancière Gill Sanderson s'appelle Roger... Allez, ça ne fait de mal à personne ces petites lectures depuis que la terre tourne, l'instinct des femmes les orientant souvent vers des combines pour éviter remises en cause personnelles, casse regrettable de leur foyer, etc. Le regard de cette jeune réalisatrice qu'on sent toujours à bonne distance avec son humour décontracté, fait songer au-delà des apparences au stoïcisme comme aux comportements moutonniers. Derrière ces images filtrées de rose, à suivre les couples qui défilent (le 238 gagnant, cette tête à l'envers de la jeune femme avec son homme archi-stressé), on reste partagé... Remontent ainsi deux troublants extraits : "tous ces soutiens-gorges et pas un seul rendez-vous !" ou "les femmes font l'amour pour se marier et les hommes se marient pour faire l'amour". A méditer.
  • TATANKA (2010)
    Note : 17/20
    Découvert à l'Univerciné Italien Nantes de 2012. Une adaptation de "La beauté et l'enfer" de l'écrivain Roberto Saviano qui part tel un classique d'action. Ebauche des caractères, narration et dialogues ultra-compactés, caméra nerveuse qui court à l'essentiel. L'acteur principal adolescent change (Lorenzo Scialla), devient adulte (Clemente Russo) : une durée de 8 ans exprimée par des grilles et les deux compères face-à-face en plus affirmés, soit l'incorruptible silencieux et le magouilleur un peu trop répandu en largesses. La première partie se constitue d'un défilé d'images appuyées par la bande-son (parfois un peu trop forte) mais pas pour le plaisir de gros effets gratuits. Plus ça se déroule et cogne, mieux on perçoit les grincements du réalisateur à décrire les dérives contemporaines décuplées par la mafia sur le sol italien. Le champion daigne s'encanailler un moment auprès de masseuses, terrasse même en bon Tatanka (bison) une femelle buffle. Il faudrait qu'il perde. Ne lui reste que l'exil... Rugueux avec les dames passée l'approche (une brute épaisse !), il est si bien mis en valeur d'un professeur de boxe à l'autre avec des retours sur son grand-père aux oiseaux qu'on reste de son côté malgré quelques soudaines longueurs en Allemagne. Exceptionnel au cinéma, le boxeur Michele à l'origine du film et du livre EST le boxeur Clemente Russo himself, un beau taiseux efficace qui peut faire acteur !
  • LES ENFANTS INVISIBLES (2010)
    Note : 19/20
    Projeté en avant-première à l'Univerciné Britannique de Nantes en décembre 2011. Sortie officielle française prévue sous le titre "Les enfants invisibles" en principe... Jim Loach, en digne fils de son père, dévoile avec beaucoup d'application ce pan de l'histoire britannique aussi surprenant qu'odieux : 130 000 petits êtres de 5 à 13 ans envoyés au diable. La main en visière au soleil couchant de l'assistante sociale aux yeux lumineux invite symboliquement à s'attarder sur l'horizon marin... Ce qui frappe est l'absence de suivi du côté de Sa Majesté... Le non dit est assourdissant : des enfants sans appartenance précise ont été exilés par bateaux pour que leur masse not bankable ne soit plus une lourde dépense sans retour sur investissement. Aubaine que ce filon de 1930 à 1970 qui garantissait le rachat de ces petites âmes d'extraction problématique ! Les autorités auraient demandé pardon officiellement depuis pour avoir négligé de vérifier sur place (l'Australie en 2009 et la Grande-Bretagne en 2010), mais nul châtiment à l'horizon, pas plus d'indemnités si l'on se fie au film... Apparaît de façon criante l'utilité des boucs émissaires dans une société attachée à ce qui se voit... Sans doute faut-il se garder d'affubler tous les petits britanniques déplacés du même sort que les rescapés du bush australien tenus de rembourser leur séjour paradisiaque pour s'amender de leur condition bâtarde. En 1986, l'assistante sociale, mère elle-même et grâce à qui ce film voit le jour, devrait être décorée pour avoir défié les saints pères fouettards dans leur désert où crier est inutile. Quand la caméra se braque sur le repère en terre rouge, on mesure mieux l'inconscience collective, le refus d'admettre que sexualité et bestialité ont toujours accompagné l'esclavage des sans défense. Triste rétrospective, curieusement sans larmes puisque l'actrice Emily Watson pleure à notre place.
  • AMADOR (2010)
    Note : 16/20
    Projeté au festival espagnol de Nantes 2012. Un portrait plein de charme, pas pressé du tout, bien servi en réparties lors des confrontations. Marcela, belle plante d'Amérique Latine (Magaly Solier) traverse l'écran de sa gracieuse massivité, ses grands yeux noirs dont le droit à cicatrice accentuant encore le regard de velours, et ses irrésistibles fossettes quand elle s'anime !... Elle affiche la lassitude et pourtant envoûte presque tout le temps, oui presque... car une passivité apparente servie aussi longtemps peut déclencher une somnolence par à-coups... Comme cette ombre si longtemps sous les draps. Ou le rite de vaporisation sur ces roses de frigo volées, reconditionnées, fou ce qu'elles restent fraîches, enfin il faut voir dans ces bizarreries, de probables allusions voilées à la débrouille hispanique passée et en marche. Une demi-heure de moins n'aurait certes pas nui en ce qui me concerne, ou alors un peu plus d'Amador dans son lit avec son puzzle entre ciel et mer, sa visiteuse du jeudi, véritable baromètre, et ce jeune cureton, permissif au-delà des mots... D'heureux intervenants qui rattrapent l'interminable cheminement de la protagoniste. A leur contact son ingénuité s'affirme au centuple, son sens pratique aussi, il faut dire que leur logique faite de contrepieds divers, ne manque pas de sel !
  • ESPAGNOLS ! (2010)
    Note : 16/20
    Festival espagnol Nantes 2012. La voix-off du réalisateur Carlos Iglesias rappelle cette décision des pouvoir espagnols républicains (juste après Guernica) d'éloigner 30 000 enfants du territoire, dont 3 000 gagnèrent la Russie qui devait alors entrer en guerre contre les nazis, ce qui n'était pas du tout prévu... Le commissaire communiste et l'ex-aristocrate incarnent, après une altercation de principe, le juste milieu, honni quand le patriotisme refait surface et pourtant le seul apte à contenir les extrêmes. On suit donc ce train traversant les étendues neigeuses, le petit groupe avec les inévitables rapports de force et puis la faim qui fait courir des risques... En dehors de quelques haussements de ton, de plusieurs jolies scènes aussi (l'accueil réjoui après pourparlers, la singerie de marivaudage des trois jeunes, cette cigarette allumée par terre !), on se détache volontiers de ce convoi toujours plus effiloché pour se pencher sur les rescapés qui tentent le retour en dépit du franquisme... Les affres météorologiques rencontrées au tournage en Suisse feraient presque autant compatir que le sort des petits déplacés avec leurs guides dans les imprévus de la Seconde Guerre. Facture linéaire, style réaliste. Les échanges verbaux du groupe partent bien, attention à les capter vite sous la traduction allemande en bas de l'écran. Tout cela s'essouffle dans l'errance au milieu de nulle part. Dommage que l'émotion bien amorcée se raréfie... Instructif, infiniment respectable mais... classique comme un cours d'histoire !
  • QUERELLES (2010)
    Note : 18/20
    D'abord du noir complet et des parlotes sous-titrées, hum... Ensuite, la petite voiture filmée comme un jouet sur circuit embarque à grands coups de dialogues sous-titré et un son très feutré. On sent l'apport Kiarostami dans la manière de prendre son temps, de surprendre le regard en apportant des angles inattendus pour d'un coup s'inviter dans l'habitacle du véhicule et ses occupants, ouf, nous y voilà ! Les prises de vue passent des plans généraux très larges au noir d'un capot automobile ou d'un tunnel de train, quel voyage... On est surtout identifié à cet enfant aux allures aristocratiques taxé d'une envie de faire pipi dès qu'un arbre apparaît, quoique le couple fournisse aussi son effet miroir sans problème. Une panne, un pont, des fruits éparpillés... L'angoisse du noir à la pleine lumière, le vent sur la végétation, des chemins de terre étroits à la route qu'on quitte suite à une pulsion du conducteur, des trombes d'eau... Un film iranien, vite éjecté par les autorités contemporaines, se doit de dire sans dire. C'est long et pourtant on s'arrête ou on roule avec ce duo plein de gestes et le petit entre eux qui n'en perd pas une... Les jeunes cerveaux exècrent les chamailleries adultes et les reproduisent à leur tour en ménage. L'Iran, pays à jeunesse largement majoritaire cloué sur son sol démontre l'impasse totale sur ce point, on pense au dernier succès d'Asghar Farhadi au message très proche.
  • LES FEMMES DU BUS 678 (2010)
    Note : 16/20
    On est en territoire arabe où la notion de déshonneur dans la communauté relève du sacré. Récit inspiré de réalités qui ont fait légiférer juste avant la révolution égyptienne. Français et Françaises amputés depuis peu de ce garde-fou en tombent à la renverse après 5 ans de reculs divers... On croit entrer dans un documentaire juste assez romancé pour intriguer. Il y a la modernité des accoutrements féminins mélangée au désir de couvrir son corps, planent d'autres temps plus débridés aujourd'hui révolus... La première partie démarre très alerte, bondissant d'une femme à l'autre, avec les recoupements d'usage, Mohammed Diab serait un fervent d'Innaritu. A mi-parcours, le poids des croyances vient ralentir un peu ces sauts qui fatiguent la vue et le cerveau, soudain ça patinerait presque... Jusqu'à l'expérience personnelle de l'inspecteur, ce père de garçons programmés... C'est faussement anecdotique. Est posée la question du marquage collectif de l'individu qui baigne dans un contexte où la femme passe pour démoniaque par nature, une régression qui donne de l'amertume en sortant de la salle, ça se dissipe ensuite en se remémorant l'issue. On patauge non stop dans cet incroyable retour aux archaïsmes, la guerre des sexes qui sied bien aux économies nourries aux scandales et qui minimisent "les petits accidents du quotidien". Ce que c'est que de voyager debout l'un derrière l'autre avec des mains sans cesse en mouvement ! Messieurs les concepteurs de bus, davantage de places assises s'il vous plaît, même des strapontins, que l'aiguille féminine brandie côte-à-côte ou face-à-face devienne un code social comme un autre !
  • 80 JOURS (2010)
    Note : 19/20
    Découvert dans le cadre du 21ème festival espagnol de Nantes (2011). Imaginons une amitié féminine adolescente de retour à l'âge où la sexualité et les goûts séparent à nouveau les sexes. La façon de filmer fait descendre au ras de comateux allongés tels des morts. Côté son, une radio à modulation de fréquence instable. Ces dames complices après un petit verre ensemble soudain moitié fâchées... Traditions familiales, difficulté identitaire, il est parfois exclu de composer avec l'aspect charnel et pour des raisons que les mots ne peuvent expliquer. Des dialogues croustillants contournent l'obstacle, avec de savants gros plans sur les rides. Ce double portrait sans concession (toujours habillé) qui donne quelques vapeurs, serait stérile sans la superbe nièce, très affectueuse qui vient mettre son grain de sel au moment où cela démange d'appeler les hommes au secours pour redonner de l'équilibre au film... Un bain imprévu, des scènes de ménage, une filature, quelques larmes, vite séchées, tout l'intime féminin et ses contradictions passés au crible de manière attendrissante. Que ne fait-on pour grappiller un peu de bonheur en dernière ligne droite !
  • UN POISON VIOLENT (2010)
    Note : 19/20
    Katell Quillévéré, tout juste trente ans, mais on la sent vibrer derrière sa caméra, tant elle se délivre elle-même de ses tiraillements de jeunesse. Non, ce n'est pas juste une histoire de bigoterie austère rattrapant le destin d'une déchirée entre sexe et fracas familial. Poétique, espiègle ou franchement houleux, aucune minute creuse, sur le fond assez métaphysique mais facile d'y entrer grâce au bercement musical émaillé de quelques gags. La scène de l'église est grandiose même pour agnostiques et mécréants, le fantasme de Galabru en vieil homme usé passe incroyablement bien. Chacun(e) peut se revoir dans sa prise de conscience d'ado, au premier chef les trentenaires de 2010-2011, les gosses de divorcés et leurs parents perdus le temps que les choses se tassent, beaucoup de monde finalement, ennui et souffrance mêlés aux éclats de rire. Le regard sans concession, l'objectif de transmettre à tous une volonté d'harmonie habitent ce petit chef-d'oeuvre à voir au moins deux fois !
  • WE WANT SEX EQUALITY (2010)
    Note : 14/20
    Projeté au festival Univerciné britannique 2010 de Nantes. Premier constat, on serait tenté de dire que le titre à lui seul se doit de remplir une salle. Dès les premiers plans, on s'aperçoit que la cause, tout l'acharnement qu'il a fallu à ces femmes, fait qu'on va bien noter ce "drame comique" (!). A retenir Rita (toujours charmante Sally Hawkins, aussi happy que dans "Be happy", ici représentante du personnel en 1968, période de l'émancipation féminine par excellence. Elle désarçonne par sa fragilité : une contenance dont elle fait une arme. Quelques bons moments de cocasserie, la gent masculine s'adapte... Beaucoup de remises en cause et de pugilat en haut lieu ! Egalité professionnelle effective des hommes et femmes britanniques nous dit ce film : sauf erreur, les Françaises seraient toujours payées 25 à 30 % de moins que les hommes en moyenne pour les mêmes fonctions. En sortant de cette oeuvre britannique reprenant l'époque soixante huitarde (dont on peut déplorer la forme archi caricaturale du côté revendicatif), une question se pose : des deux côtés de la Manche, compte tenu des temps partiels, des petits contrats temporaire bout à bout, du chômage de masse, le salaire mensuel perçu par les femmes au travail aujourd'hui (de 2010 date du film et les années suivantes) est de quel ordre ?
  • TÉLÉPHONE ARABE (2010)
    Note : 18/20
    Sorti officielle 25 juillet 2012. Cet humour bourru cachant beaucoup d'affection entre les humains rappelle les films français des fifties, pas assez féroce pour le 21ème siècle, pas de sang, rien que de l'eau ! On est dans une bourgade où tout le monde se connaît, ouaffe la grosse caricature simpliste... Ce cri du coeur se veut dérision globale sans jamais tomber dans le prêche. Discutable est le genre de toxicité invoqué quant aux antennes-relais. Il resterait à vérifier sur place celui des frictions entre les communautés. Qu'importe. Accrochée aux yeux lumineux et aux fossettes de Jawdat (Razi Shawahdeh) face à son paternel qu'on jurerait l'incarnation de Max (animation "Max & Mary", 2009), j'ai embarqué tout de suite... Noté les obligations religieuses, la sensualité ironique de la jeune fille en voiture, la mère redoutable en grève de cuisine, la position ambiguë des autorités... Côté forme, admettons que ça n'ait rien à voir avec les autres témoignages cinématographiques sur la communauté arabe israëlisée sur son sol, la Palestine, en 1948. Mais sur le fond si ! Le pacifisme ambiant pointe l'étau local, l'étend à toutes les minorités aplaties par un système devenu fou. La prise de position est nette sous l'esquive finale, une pirouette genre principe de précaution. Bienvenue à cet oxygène estival apte à dérider et à dépassionner les frictions au moins pour quelques jours. Le portable, reflet de la mondialisation qui engloutit l'individu sous des besoins dont il pourrait souvent se passer. Voilà une charmante production de plusieurs pays dont certains sont censés ne jamais coopérer !
  • WHITE MATERIAL (2010)
    Note : 15/20
    Bande-son envoûtante, dépaysement, on peut s'accrocher à l'échelle du car et tanguer avec cette nouvellement montée et qui s'accroche... Attention, méandres anecdotiques fréquents. La petite dame en robe d'été veut juste une semaine de sursis avant de plier bagages, "le café est mûr". Ses cheveux, véritable reflet flamboyant de la terre rose africaine signalent qu'elle vient d'ailleurs, en témoigne le message qui lui est destiné du haut d'un hélicoptère et aussi le coffre aux clés baladeuses. Déjà le spectateur, séduit par le charme pictural et auditif, est dubitatif quant à la valeur de la dernière liasse... Flash-back, retour au trajet, Maria assise cette fois dans le car... Arrivée dans une maison en dur, quelques survivants, un fiston qu'il aurait été préférable de laisser au lit (Nicolas Devauchelle, carrément deux personnages pour le prix d'un) ! Beaucoup d'indices pêle-mêle, des dialogues animés, et toujours rien de clair. La volonté de multiplier les interprétations, ou une délicatesse franco-africaine de bon aloi. Pistolet sur la tempe et... la dame toujours aussi battante ! Les dialogues instruisent tout en omettant le petit plus qui ferait qu'on embarque. Attendrissante Isabelle Huppert en récoltante de brousse aux prétendants clairsemés (Christophe Lambert, lui aussi bien mis en valeur). L'impression de vide se change en malaise. Le voyage esthétique, l'ambiance réussie laissent sur la faim car Madame Vial dévisse, sans doute victime d'un coup de chaleur... A retenir, l'attitude des enfants-soldats, le racisme rampant qui devient traînée de poudre si les circonstances s'y prêtent : ils font la force de ce film.
  • SMALL CREATURES (2010)
    Note : 16/20
    Univerciné Britannique Nantes 2012. C'est dur et pourtant mignon. En perpétuelle oscillation entre "la mauvaise graine" et le foyer comme refuge, en témoignent les photos de famille. Avec une tension qui plane dès le début. Coggie en crise (et qu'on devine sans père) s'éloigne du giron maternel, combat sa grande soeur, charpentée, face rebondie, une gendarmette. La personnalité du film est qu'aux pires moments de violence hors champ, sont montrées les "petites créatures" symbolisant l'enfance, ce temps d'avant d'être déçu. Hamsters duveteux en plan très rapproché, bon gros chat tacheté. La maison, ses habitudes ont l'air de promettre qu'un jour tout s'arrangera. Le processus de cruauté arrive lentement et sûrement (un peu trop, on baîlle !). D'abord les insectes en deux morceaux. Et puis des tergiversations. Coggie a peur de lui-même, bien qu'il veuille se distinguer d'une façon quelconque, que sa seule possibilité se trouve à l'extérieur, ces copains-là, s'il ne veut plus, eux l'y obligent. Bandes de jeunes ni sportifs ni imaginatifs, société malade en recherche de boucs-émissaires, on peut penser à tout cela ou en rester à ce coin de Liverpool où un couteau signe le commencement d'une escalade. Steve et sa gueule d'ange devraient ulcérer les spectateurs. Coggie, fluet à figure ingrate mais vulnérable laisse partagé. Autant de teigneux que de doux dans cette histoire qui fait penser aux "Quatre cents coups" ou à "Fish Tank" !
  • A ALEGRIA (2010)
    Note : 13/20
    Projeté aux Trois Continents Nantais 2013. L'idée de fond séduit. Affiche et bande-annonce attirantes, toujours précieux quand une bande de jeunes décide de créer pour faire passer sa colère. Sauf que c'est un peu "tiré par les cheveux" côté déroulement de l'histoire ! Il y a bien quelques bons moments si on parvient à se dédoubler, à entrer dans les jeux de rôles aidant à faire passer les croyances. Mais à aucun moment, ce fantôme qui débarque parmi des ados ne déclenche d'émotion. Bien trop fumeux à moins de s'enliser dans le retour des croyances actuelles, chloroforme des sociétés en récession... Belle réussite des masques à l'écran toutefois, le fantôme animal sur la plage a beaucoup de g..., fait un instant s'évader du frelaté global. Quoique la conclusion rachète un peu l'impression brouillonne par son sursaut de vitalité, je reste décidément sceptique sur un partage possible avec des spectateurs de cette manière détournée d'encaisser les violences existentielles. Ou alors traité plus finement.
  • LA RIZIÈRE (2010)
    Note : 19/20
    C'est, déménagé chez les Dong, ethnie chinoise de la province du Guangxi, dans le sud de la Chine, aussi familier, aussi délicieux comme ambiance que les meilleures oeuvres de Pagnol portées à l'écran, avec un zeste de western dans la façon de balayer le décor. On est emporté dans le mouvement : ce vent dans la végétation, les glouglous de l'eau, le meuglement des buffles, tous ces petits bruits de la nature que l'enfance capte pour la postérité. Subtile mélodie de Bruno Coulais incorporée, voilà une Chine plus attirante que d'habitude ! Des couleurs chatoyantes (les bleus vifs et l'ocre jaune du riz), du flou sur les toits sombres et les cultures étagées, l'harmonie est partout. On se sent chez des cousins chinois. La ville ouvre encore des perspectives, pas franchement une menace (le camion paternel). Ils ont leurs humeurs, ces braves gens : la mère chante à tout propos, son mari s'impatiente... Quelle bonne idée d'avoir choisi cette adorable fillette (léger reniflement, battements de paupières rappelant Bambi...), en parfait contraste avec son cadet, un ahuri qu'il faut traîner... Exilée en France depuis les années 90, la jeune réalisatrice Zhu Xiaoling (présente dans la salle) dit s'être inspirée du cinéma de Jean Renoir, même sens des couleurs et grands chambardements à l'image. On ne compte plus les décalages entre ce qu'on entend et ce qu'on voit, ni les effets de miniaturisation rappelant la bande dessinée. Moderne et enchanteur. Anti-blues de la famille. Le dvd très indiqué comme cadeau de fin d'année 2010.
  • L'UNIVERS N'OUBLIE RIEN (2010)
    Note : 17/20
    Découverte Univerciné Nantes Cycle allemand de novembre 2010. Elle a un de ces p... de caractères, Kathrin, suffit de la voir tancer une de ses congénères trop mère poule ! Alors si un quidam la suit, Messieurs garez vous... La dame (elle ronfle comme un sonneur !) affiche une joie de vivre certaine autant qu'une décontraction suspecte. Car c'est la même qui dévore des livres hautement philosophiques quand personne ne la voit. Lui à la cuisine - et sur son roman enfin nourri de quelque chose - et elle au boulot dehors qui finance tout : marché conclu... On admet que ces deux-là, rage organisée et hésitation chronique, puissent se télescoper. Et même s'investir puisque tout les y invite, un médecin tout prêt à assurer les lendemains. On rit beaucoup, mais silence et grosse émotion sur les dernières images.
  • SOMEWHERE (2010)
    Note : 14/20
    Beau beau beau et c... à la fois. D'abord ce bolide qui se mord la queue suivi de près par les blondes bien dressées. On sent à peine l'ironie derrière la caméra au point de se dire fichtre, ça remplit bien la pellicule tout ça... Couper, dévier de ce constat tout de suite, non ?... Bien capté l'état du rêve américain version années 2000, l'acteur pantin livré aux filtres féminins, cet éternel malentendu quant aux modalités, marche au pas mon garçon, tu es cadré, mécanisé, privilégié aussi, on a compris. Bande-son irréprochable, idem les prises de vue, toutes pertinentes comme Sofia Coppola sait faire. Son intrusion chez ce bellâtre formaté a au moins le mérite de rappeler les distances à parcourir aux Etats-Unis pour la garde alternée d'un enfant. S'occuper de son corps et compter les points, c'est court et limite f... de gueule comme menu sinon... Peuvent imprégner le spectateur la petite patineuse dans son jeu sobre de débutante, le désarroi affectif commun père-fille qui donne fuite ou recherche l'un de l'autre plus tard. On atteint des sommets avec le générique, véritable chamallow pour se consoler de ce trop-plein de vide.
  • MASQUES (2009)
    Note : 14/20
    Des fulgurances (je pense à cette tirade concernant l'aviateur Lindbergh), quelques révélations certes sur le monde intérieur des artistes, mais il faut être fan d'Orson Welles pour vraiment s'éclater à suivre José Maria Pau dans sa préparation. Intérêt de la démarche pour le spectateur lambda = oser "cracher" sur une scène ce qu'on a peine à effleurer dans la vie quotidienne, offre un équilibre de la santé globale. Un peu monocorde à mon goût comme démonstration, en dépit des colères du comédien (feintes ou ressenties vraiment, on ne sait trop)... Gens de théâtre, acteurs passionnés, poètes, toute la gamme des psys, apprécieront probablement davantage que le grand public.
  • LE BRUIT DES GLAÇONS (2009)
    Note : 17/20
    Très bien "envoyé" dès les premières images. Efficacité de la mise en scène pour créer l'étau... Les dialogues comme les corps abattent de la besogne, le seau à glace prend tout son sens... Un scénario caricatural dans un univers familier : rire un bon coup si le cancer en est au stade de la petite hantise existentielle. Mais si la maladie a frappé trop fort, rire jaune probable, malaise en tous cas... J'ai un peu souffert des cris stridents. Me suis focalisée sur les rémissions, elles justifient le déballage. Alors, au bout de cette agitation fébrile toujours menée de main de maître, on est avec les deux cibles devenus des fugitifs... On meurt d'envie que les deux silhouettes rappliquant dans le lointain vers l'embarcation aillent au diable !
  • WELCOME (2009)
    Note : 17/20
    L'immigration clandestine en France en 2009. Circulez ! Soit on se drape dans l'étendard tricolore aux côtés des autorités chargées de sévir (peinard !), soit on manifeste trop d'empathie pour l'étranger à la marge (renégat !). Dans un juste milieu, Philippe Lioret offre à réfléchir sur la pulsion d'héberger "l'intrus", l'enjeu étant d'avancer dans son lien à autrui, laisser la peur de côté (on est au cinéma, ce n'est pas un documentaire mais une fiction)... Quelques failles: non pas les échanges en anglais sous-titrés, mais les conciliabules du couple français, ils sont marmonnés, on devine grâce aux expressions des visages ! Quelques clichés aussi, amortisseurs nécessaires pour entrer dans le vif du sujet : la limitation d'immigrants quand l'économie chancelle, couplée à l'injustice de la naissance, qui rend enragé... On peut toujours éviter de soutenir le regard de ceux qui fuient leur lieu de naissance, se dire "à chacun sa destinée" ! Vincent Lindon (Simon) face à Firat Ayverdi (Bilal), avec la belle Derya Ayverdi (Mina) comme enjeu outre-Manche, tournent bien les sangs... Non qu'il faille absoudre d'office le clandestin en fuite, affamé de tout, vite enclin à transgresser, etc. Mais enfin, le coeur se serre en approchant le sort de ce jeune échappé du Kurdistan, un bien joli pays où, depuis le cauchemar "Saddam", c'est la dèche... Car les nouveaux dirigeants politiques, ex patriotes maquisards, se seraient changés en odieux "bling-bling" locaux (vite, un vaccin pour cette contagion pire que la peste !), occupés qu'ils sont à se partager la manne régionale pétrolière... Ainsi, "l'oasis démocratique" espérée par les électeurs avoisinerait les 500 % d'augmentation du coût de la vie, accès à l'eau courante tous les quatre jours, entre autres joyeusetés ! De quoi relativiser ses vues concernant les "flux migratoires" !
  • ÉTREINTES BRISÉES (2009)
    Note : 13/20
    Une "big love story" techniquement parfaite, qui passe pour un puissant hommage au cinéma, voilà ce qu'on nous serine. Oeuvre très personnelle surtout. Gros crabe à décortiquer ! L'intérêt majeur, bien plus que cet aveugle dont le mérite réside dans la jonglerie des pseudonymes, est de suivre Penelope Cruz, l'attraction principale(arnaque que cette perruque platine de l'affiche portée juste pour UNE photo !), quoique sa parodie d'Audrey Hepburn lui aille comme un tablier à une v....! Une actrice autrement plus palpitante quand elle tape sur la table chez Woody Allen ! Rien de nouveau à travers les autres acteurs, serait-ce de l'alimentaire Almodovar ? Bien sûr, il y a ces bonnes femmes éplorées qu'on aime bien voir débarquer tout autour de l'intrigue (le jeune homo au stade boutonneux, en revanche, est à hurler). Difficile d'adhérer à cette rengaine sentimentale à partir d'un désir charnel de vieux cinéaste... Les jeunes hommes se bousillent avant d'espérer y voir plus clair, et les hommes vieillissants sont tenaillés par le lit jusqu'à en perdre tout sens commun, on est bien avancé de tirer une gueule longue avec ces deux constats... Vraiment, est-ce ironique ou dramatique pour Almodovar ? On ne sait sur quel pied danser, d'autant que la vision de la bonne petite famille sécurisante plane une fois la star évaporée, un rien trop vertueux... Bavard, brouillon, un fil assommant, que la beauté des plans et la musique insolite ne suffisent pas à enrubanner. Sans doute plus accessible en dvd pour les inconditionnels de Pedro. Pourra se suivre en coupant le son tout aussi bien, voire mieux ! On est loin de l'émotion contagieuse de "Volver" !
  • JAFFA (2009)
    Note : 17/20
    Si encore Toufik n'avait pas ces yeux bleus étincelants, mais alors quels yeux, en plus de sa dégaine décontractée, de sa droiture de caractère (toute première apparition de Mahmud Shalaby, une présence sans rien faire de spécial si ce n'est être là !). L'employé modèle, tout le contraire du fils du boss, ce Meir, post-ado usé de dépendre de papa et maman et qui se croit autorisé à jouer au petit chef moins l'exemplarité... Facile, partant de là, de se glisser dans la peau de Mali (Dana Igvy), standardiste de l'entreprise familiale, le style "cause toujours", déchirée entre l'attachement à son frère et l'envie de déserter avec l'élu de son coeur. Ce pourrait être dans d'autres pays industrialisés comme crise familiale, sauf qu'on est en Israël, l'interprétation de ce récit prend de l'envergure à cause des haines rentrées entre Arabes israëliens et Israëliens "de droit". Les seconds rôles vont servir de faire-valoir dans ce théâtre qu'on pressent d'emblée déroutant... Le garagiste en chef (père de Mali et Meir donc) fait ce qu'il peut (Moni Moshonov, la "gueule" du juste). Mais la mère se devine déjà plus trouble en star vénéneuse au foyer (sidérante Ronit Elkabetz, elle a du registre de Tallulah Bankhead en réserve, beauté et intonation de voix !), enfin, les enfants de ce couple ont du mal à exister car trop peu d'autonomie. La cinéaste israëlienne Keren Yedaya excelle à traiter le vide des repas tendus et la douleur dans ses manifestations intimes, tous ces longs plans-séquence en durée réelle avec des dialogues ajustés aux attitudes, comme pleurer cassée en deux à même le sol dans la salle de bain, ça sonne toujours juste. La tragédie antique semble idéale pour camper Israël et le monde arabe tributaires du piétinement de leurs gouvernants. Du reste, on chuchote que les lassés de cette tuerie commenceraient à être nombreux... Suspense dans cet oeil oblique de fillette folâtrant en bord de côte, que n'eût-il été bleu ce regard, on plongeait alors dans un conte fantastique !
  • DANS TES BRAS (2009)
    Note : 14/20
    Pour avoir été placé dans des familles d'accueil enfant, sûr que le réalisateur peut se retrouver dans tous les silences ou regards interminables autour de ce jeune de 16 ans en crise identitaire. Côté spectateurs, l'intervention de la musique permet de reprendre souffle entre deux tensions et de contrecarrer l'austérité générale : aimable Capverdienne Mariana Ramos (avec le talentueux Teofilo Chantre, reconnaissable entre mille !)... Charmante hôtelière rousse et son histoire de mère presque inverse. Ce thème difficile qu'est l'adoption démarre assez fort mais s'effiloche aussi sec à cause de dialogues plats, l'expression "quelqu'un de bien" utilisé trois fois par exemple. Ni audace ni humour. Bien la peine que ce jeune soit aussi bien disposé envers une génitrice qui ne s'est jamais, Ô grand jamais, attendue à un effet boomerang... Malgré les acteurs tous à leur place, cette volonté de surfer sur le déni piétine et on se rabat sur la gestuelle, avec force attitudes "en chien de faïence"... Une scène de danse avec fiston amorçait des retrouvailles gagnant en chaleur pourtant, mère et fils pouvaient forcer sur le champagne pour qu'elle sorte de ses gonds, plus drôle que ces gueules mortifiées !
  • WHATEVER WORKS (2009)
    Note : 14/20
    Etonnée du peu d'impact me restant de cette comédie de Woody Allen une fois sortie de la salle. Pourtant, après une demi-heure en avalanche, fort bavarde, surjouée de mon point de vue (accent américain du nord de l'ingénue cornant dans les oreilles !), j'ai bien ri face à cet effroi qu'est la simple disparition de la surface du globe : pourtant très relative, la mort à y bien regarder, surtout sur les vieux jours, quand on a intégré que l'enfer serait plutôt ici-bas, certes à des degrés variables. La logique commande : tant qu'une situation marche, la garder, sinon en changer... Pour ma part, je préfère le cinéaste dépaysé hors de son fief, et dirigeant des acteurs plus charimastiques. Ou alors un autre registre que la démonstration d'écran à spectateur pour traiter le vertige qu'inspire le néant. Pour dire le fond de ma pensée, j'aurais cent fois mieux aimé Woody Allen à la place de Larry David, le rêve suprême et inaccessible étant Groucho Marx, ce film n'a cessé de me faire penser à lui. .
  • AMERRIKA (2009)
    Note : 17/20
    L'actrice principale est une merveille. Ronde comme une balle mousse, une belle tête charnue, avec ça bonne comme le pain, elle crève l'écran et on n'a qu'une envie en sortant : la revoir bientôt. Utile aussi de garder en tête que ces Palestiniens des "territoires occupés depuis 40 ans" non seulement auraient été bafoués au profit de l'Etat d'Israël, mais sont toujours à l'heure qu'il est chez eux nulle part (paradoxalement, un sort aussi atroce que le calvaire juif subi par les nazis). Merveilleux film dénonçant les amalgames du style épingler musulman tout Arabe, mettre dans le même sac islamisme, extrémisme ou terrorisme, commode pour faire dégénérer les bagarres de récréation en pugilat hautement répréhensible. A l'occasion de ce mélange de destinées, sont traités les travers de l'immaturité collective, des haines épidermiques entretenues par l'inculture à un endroit donné. Pour peu que des exilés d'origines différentes s'expatrient, hors des zones de conflit, les voilà qui s'épaulent, témoin ce Juif polonais (invité au restaurant !) : discours partageur sans mièvrerie, à en juger par ce "tahini" parvenant à dérider le collègue peu amène au départ ... Se perçoit aussi le lien familial indéfectible des communautés traquées de longue date ! Jolie musique diffusée par bribes. Large place au pays d'accueil certes, on voit trois fois rien de la Palestine, toujours assez pour en deviner l'étau et se dire que quand le pays d'origine n'ouvre sur rien si ce n'est sur des risques d'attentats permanents, laisser les check-points derrière soi pour un ailleurs peut sérieusement démanger ! .
  • SINGULARITÉS D'UNE JEUNE FILLE BLONDE (2009)
    Note : 17/20
    Encore une pépite de Manoel de Oliveira, cinéaste centenaire maintenant (né en 1908 et toujours d'attaque !), dans ce film plus par son habileté que par l'histoire elle-même, un peu mince : un comptable sentimental, qu'on devine élevé en milieu strict, tombe en arrêt devant une fenêtre où une jeune beauté à l'éventail chinois paraît tandis que des cloches tintent... On se croirait chez Maupassant, l'emballement masculin rappelle aussi un autre film, "Dans la ville de Sylvia", les longueurs en moins puisque la projection dure une petite heure ici... Indéniable virtuosité, c'est foisonnant, délicat, l'humour reste sous-jacent, l'image a toujours un je ne sais quoi qui réchauffe, juste un brin d'austérité quand le jeune éperdu est viré par tonton. Visite (comme guidée) des intérieurs aristocrates, l'occasion d'un quart d'heure culturel (exactement comme dans "La lettre", cette adaptation de La Princesse de Clèves) du même auteur... La scène du train, pleine d'une fausse bonhomie, est astucieuse, on arrive au fait presque par surprise. Perce la fierté du peuple portugais vacciné par les privations connues sous Salazar = aide sociale nulle... L'oncle est impayable dans sa rudesse envers son jeune parent ! Seule déception peut-être, cette sensuelle blonde, aussi craquante soit-elle sous ses allures de star en devenir : ses singularités m'ont laissée sur ma faim, j'aurais préféré une autre manie que celle-là. Finalement, c'est le jeune homme qui est singulier.
  • CENDRES ET SANG (2009)
    Note : 14/20
    Enigmatique, à l'image de Fanny Ardant. C'est âpre, ça travaille la peau en sortant de la salle, il faut dormir et se réveiller en milieu de nuit pour trouver de la portée à ce film basé sur l'onirisme de leur auteur, elle-même travaillée par la complexité du sang dans les généalogies... Première demi-heure déroutante à souhait, on a beau scruter et ouvrir ses oreilles, il manque d'explications, on est à la limite de décrocher mais on tient bon grâce à la technique, très au point, la photo en particulier : se glissent quelques tableaux d'une grande beauté, brumeux, repoussants parfois (ou dont le sens échappe à l'entendement) mais néanmoins impressionnants. On peut aussi souffrir des accents à couper au couteau en plus du curieux découpage global, vrai puzzle éparpillé... On note deux parfaits doubles de la réalisatrice en les personnes de Ronit Elkabetz et Madalina Constantin. La marque de fabrique "du Fanny Ardant tout craché" est bien présente, perplexité à la première approche, et envie de revoir l'oeuvre à tête reposée par estime pour l'actrice, dans toute sa "sauvagerie" ici. Elle semblerait assez prometteuse comme cinéaste malgré un regrettable maniérisme (cet arbre généalogique de fin, qui donne le tournis tant on a été secoué par le drame...). Les comédiens sont bien dirigés. Manque juste que le spectateur moyen soit un peu ménagé.
  • PARTIR (2009)
    Note : 18/20
    Epouse de médecin, vingt ans au foyer pour élever les gosses, demande retour à elle-même : le mari est conciliant, va pour l'ouverture d'un cabinet, masser les autres guérit du spleen, les travaux commencent... S'amène cet ouvrier espagnol, complice d'emblée rien que dans le déménagement de vieilleries. S'ajoute, en plus d'un frein de voiture oublié, cet "encore du poulet à manger ?" qui fait lâcher le plat. Pour un(e) kiné, "le corps a ses raisons que la raison"... Radieux sur le fond, tragique sur la forme, ce film renie la fourmilière sécuritaire, l'obligation (de retour plus que jamais aujourd'hui) à rester dans son rail. Alors, la bourgeoise et le prolo, on couche une fois ou deux à la rigueur, "faut s' reprendre" ! L'alchimie physique féminine, ce détonateur, ça se rationalise, ça se combat... Filmé sous le soleil de Nîmes par une virtuose de la caméra, avec une musique plus efficace que les mots pour signaler la tragédie. Dialogues intelligents. Dépassement des seuls intérêts financiers, oui, certaines femmes se foutent du fric pour y avoir perdu leur âme, c'est Catherine Corsini, une femme plutôt aisée qui le rappelle. Le couple spanish-british Lopez/Scott Thomas ôtant un à un les oripeaux du convenable au profit de l'instant qui passe est divin... A noter que l'héroïne est marquée par une veine au front qui, loin de la desservir, lui confère une authenticité stupéfiante en plus de sa beauté au zénith ! .
  • TU N'AIMERAS POINT (2009)
    Note : 17/20
    . La ronde des petits chapeaux noirs dans la pénombre... Brrrrrr, des Juifs orthodoxes, les plus coincés... Voilà qu'il pleut, un portail est enfin ouvert à coups de cailloux sur une boucherie d'où toute la viande sera jetée... En plus de la qualité d'image, une onde musicale s'insinue telle un serpent rasant les murs. Délicieux et vaguement inquiétant... "Recherche employé"... Le jeune et l'ancien face à face, bougons, pas vraiment le coup de foudre... Ces extrémistes sont aussi fêtards, ils trinquent, apprécient les soirées douillettes en famille. Braillent en choeur aux cérémonies religieuses où l'on philosophe. Le rabbin mentionne avec entêtement cette jeune femme qui fricote où elle ne doit pas, l'occasion d'une visite collective rappelant à l'ordre... On raconte aussi que le nouvel apprenti boucher serait un semeur d'opprobre... En fait d'homosexualité, elle se perçoit sans flagrant délit véritable. La menace par affiches placardées à mots couverts, puis intrusion d'éléments fougueux dans le magasin, conflit entre la jeune frange contre le patriarche, tous orthodoxes pourtant... Interdiction de plaisir "impur", amants en apesanteur reprenez-vous ou circulez... Il est permis aussi de se mettre une seconde dans la peau de l'épouse et des enfants en pareil cas (hors orthodoxie). Mais c'est vrai que Madame et sa brosse à cheveux en action, ces lits à déplacer ne sont rien en comparaison d'une chair fraîche de pur sang... Ce sage boucher déclarant à son supérieur spirituel "être un mort redevenu vivant", quel aveu d'étincelles dans une existence trop morne : l'absolution plutôt deux fois qu'une !
  • LE TEMPS QU'IL RESTE (2009)
    Note : 17/20
    En gommant le contexte, pour peu qu'on n'ait jamais connu ces tiraillements de territoires, on peut trouver ces souvenirs comme trop intimes, indignes de constituer un film international. Sont posées une suite de "colles", cette voiture sous la tempête, quelques références guerrières... Puis l'auteur d'abord en retrait se plante devant la caméra avec sa silhouette souple, beau visage, regard méridional parfois humide, l'air de nous dire "est-ce que ça vous parle ?"... (Les rationalistes peuvent décrocher d'entrée de jeu)... Sont inscrits dans les gènes d'Elia Suleiman "les Palestiniens depuis 1948", sujet méconnu, à savoir des populations devenues minoritaires sur leur sol, ou bien délogées de gré ou de force de leur terre natale : et tout ça "pour que le peuple juif ait une terre"... (Ce qu'on ne sait pas : Israëliens souvent installés dans des maisons palestiniennes désertées comprenant mobilier, vaisselle, photos de famille, le chien et le chat, avec interdiction, encore actuellement, de restituer leurs biens aux Palestiniens chassés) ! L'essentiel se passe donc à Nazareth, un bien joli patelin... Flashs-back, quelques plans sur les parents (dont la vraie mère âgée du réalisateur), dans un contexte arabo-israëlien mêlant ritournelle palestinienne d'antan et refrain américain au karaoké... Coupures d'image, énigmes, pirouettes procurent la distance nécessaire au cinéaste toujours pas revenu de ce vol d'identité ! L'enfant silencieux et troublé qui survit en Elia Suleiman authentifie la douleur palestinienne une fois pour toutes... mais sans nier le peuple d'Israël. Cet homme mériterait un ministère.
  • AU VOLEUR (2009)
    Note : 16/20
    Diable que c'est lent à l'allumage, point n'était besoin d'avoir toutes les magouilles en détail ! Résultat, le décor met un temps fou à être planté, la caméra stationnant de manière improductive, à la limite de l'ennui... Le film décolle vraiment quand on fonce en voiture à la campagne : la chlorophylle, l'eau vive, les animaux deviennent symboles de ce qui se trame. Le sifflement (qu'on jurerait d'oiseau) agit depuis le début comme un indicatif de changement. La bande-son inventive accroche, on glisse dans la nature comme la barque empruntée par les fugitifs. Jacques Nolot fait un peu diversion au couple explosif Florence Loiret-Caille et Guillaume Depardieu : beau duo d'inadaptés à notre chère société. Un traquenard les plonge hors du temps. Au passage, quel malheur que Florence ait un accent allemand aussi déplorable et que le film fleure autant le désespoir existentiel de Guillaume... N'empêche que d'excellents moments jalonnent l'ensemble et que la surprise est bien l'issue, habile (moins terrible qu'escomptée ?), en tous cas laissée à l'appréciation du spectateur !
  • UN PROPHÈTE (2009)
    Note : 16/20
    L'analyse est complète mais pèche par sa durée, une bonne demi-heure superflue (en tous cas pour qui ne raffole pas spécialement de cogne et de valdingue). Eu du mal à comprendre l'abondance de plans ou leur redondance, cette manie propre à Jacques Audiard de partir du fouillis... Fermé les yeux aux scènes appuyées. Trouvé étranges les diversions qui feraient songer à David Lynch par leur côté équivoque. Déploré le maniérisme qui affleure par moments. Estimé que César (Niels Arestrup) ça va bien mais point trop n'en faut... On gigote donc bien sur son siège au bout d'une heure. Toutefois, l'ensemble finit par tenir la route : excellent aperçu de "la mentale" qui sévit d'un bout à l'autre de la chaîne carcérale et transpire au dehors ! Des Corses oui, ils tempêtent suite à ce portrait peu élogieux, mais ces comploteurs auraient pu tout pareil être Italiens ou Basques, c'est l'accent mafieux que le cinéaste a voulu illustrer... L'action en dit long sur les conditions de survie en milieu pervers (taules, entreprises !), suicides remontés par la presse, je vous donne du sens, ainsi qu'au titre "Un prophète", interprétable à l'envi... D'entrée de jeu, on a envie de douceur pour ce jeune et on passe tout le film à suffoquer car au bout du tunnel la lumière persiste ! Une suite, et qui expliquerait ces voitures roulant au pas des dernières images, serait dans les tuyaux ?
  • MADEMOISELLE CHAMBON (2009)
    Note : 18/20
    Filmé à la manière de "Monsieur Hire" de Simenon... Dans quel état peut mettre un coup de coeur, petit trio ronronnant autour du complément d'objet direct... A la faveur d'un mal de dos maternel, l'institutrice du fiston invite le papa maçon en classe et songe à sa fenêtre "qui laisse passer l'air" : on a les yeux de l'ours Vincent Lindon pour cette biche, enseignante nomade, un an ici ou quelques mois ailleurs (fichtre, une locataire qui paie sa fenêtre sur ses propres deniers !). Les voilà en route pour une attirance irrépressible camouflée au mieux par la banalité des convenances ou de pieux regards... J'ai apprécié le couple complémentaire, des acteurs qui ont su s'incarner au-delà de leur compagnonnage passé. Douleur d'être attiré malgré soi jusqu'à en paraître vitrifié ou en sérieux décalage entre paroles et expression... Avec cette peur de se planter (pénible pour le spectateur peu enclin à pareil trouble). Plaisir de constater que le métier de maçon est jugé digne d'intérêt dans les écoles ! Les seconds rôles sont tout aussi chargés de symboles, ces soins au papa octogénaire, le regard pragmatique de l'épouse... Aussi bien envoyé que "Je ne suis pas là pour être aimé", plus triste si l'on oublie l'empreinte laissée chez ces deux êtres par cet émouvant violon (instrument appris pour les besoins du film !), de quoi sourire dans l'âge mûr !
  • PUBLIC ENEMIES (2009)
    Note : 15/20
    Mille manières de rendre digne d'intérêt les hauts et bas d'un braqueur de banques qui a aussi un coeur, tiens donc... L'entrée s'annonce prometteuse : Diana Krall en sourdine envoie le sirop, relayée par Billie Holiday la "pieuvre" du jazz. Le bandit rencontre sa promise... S'ensuivent les échauffourées de rigueur, la passion réussit tout de même à s'intercaler, disons que la bande son y aide tout au long du film. Images léchées, un peu givrées : le moral du spectateur prend une claque (principal écueil ici). Succession d'actions sorties de tous les coins, ennui sauf si on raffole de l'action pour l'action, c'est le classique duel flics bandits... Destinée de ce feu-follet de John Dillinger, équivoque défenseur de la prise d'argent anonyme, celui des coffres-forts bénéficiant d'assurances... Johnny Depp s'en tire bien avec ses tics de héros en attente de noeud coulant, un faux-dur abrité derrière son autorité de sale gosse. L'heureuse surprise est bien Marion Cotillard en Billie Fréchette, la "douce de service qui tient bon sous les sévices" !
  • JE SUIS HEUREUX QUE MA MÈRE SOIT VIVANTE (2009)
    Note : 19/20
    La "patte" appartiendrait davantage à Nathan Miller qu'à son père. Voilà qui promet du bonheur ! Inspiré d'un fait divers, la gent féminine n'en reviendra pas que ce soit deux hommes qui fouillent ainsi dans la conscience maternelle de base, bien vu le tiraillement de ces mères dépassées par la vie et qui oublient les retours de manivelle... C'est envoyé par petites cuillerées, flash-backs et présent tout sur la même note, miraculeusement fluide comme du petit lait, facile à chacun de se faire une opinion sans fatigue. Evidemment, juste après les petits frères qui attendrissent, le jeune homme Vincent Rottiers captive (c'était lui avec Eric Caravaca dans "Le Passager", lui encore avec Vanessa Paradis dans "Mon ange", une frimousse et un jeu concentré rappelant parfois le jeune Belge Morgan Marinne, ils pourraient être frères de cinoche). On se souvient des douleurs muettes de l'enfance et on comprend la crise de nerfs qui couve dans cette tête de "papa des petits frères"... Beaucoup d'images se chevauchent avec des reflets dans les vitres, le jeune gamberge, on le suit médusé, chaque plan apportant une nouvelle surprise. Une bien belle histoire, un revers de l'adoption, qu'on croirait facilement surmontable à tous les âges alors que chaque enfant venu d'ailleurs mouline aussi ce qui lui convient dans sa petite caboche : on en sort plein d'envie de dialoguer avec les petits.
  • A PROPOS D'ELLY (2009)
    Note : 19/20
    . Un titre français qui ne paie pas de mine... Que de mystère dans cette fente de boîte aux lettres débouchant sur l'allégresse d'un trajet vers la mer ! Chaque étape commence par "des clés"... Point commun de cette joyeuse bande courant vers la détente, ils ont tous plus ou moins étudié le droit. La jeune Elly semble la seule à double jeu, souriante mais un peu absente car nouvelle dans un groupe déjà constitué, on murmure dans son dos, très agréable !... Beauté et sensualité émanent de ces femmes... Sensibilité, force, aplomb même, à peine plus de machisme que dans notre Hexagone... Et puis voilà que les hommes,les enfants, vont se révéler tout aussi surprenants parce que bientôt "branle-bas de combat" ! Côté technique, du grand art, coupures impromptues d'une rare élégance, de l'anecdotique mais qui pulse ! On se retrouve dans les glouglous maritimes un bon moment, il s'en faudrait de peu que les vagues ne déferlent dans la salle ! Le spectateur est le premier avisé de bien des secrets, sauf que ça n'arrête plus de rebondir... Zéro plan fixe improductif ici, au contraire, une caméra qui crée le suspense (cette proue du bateau de retour des recherches, on a affaire à la même théâtralité de mise en scène aux moments décisifs que dans "Bashu le petit étranger", film iranien de 1986 de Bahram Beizei classé à tort "pour enfants"...)... "A propos d'Elly" a choisi la middle class iranienne (tendance aisée, intellectuellement évoluée). Regard d'un cinéaste qui vient à pas de loup vous plonger dans la tragédie. Du grand art !
  • KATALIN VARGA (2009)
    Note : 19/20
    Une musique pareille est d'ordinaire réservée à la plongée dans les abysses ou dans les forêts peuplées de vampires : on est saisi mais le quotidien s'intercale avec son côté rassurant, une femme se retrouve dans une charrette avec son fiston vers une destination annoncée comme périlleuse. Elle emporte son téléphone portable... Bien regarder mère et fils de dos derrière le cheval, le fichu bleu effiloché qui tremblote... La caméra tressaute au rythme de la carriole, mais peut aussi se reculer très loin de l'action pour ressurgir en contrebas là où on ne l'attendait pas du tout... Ainsi, on déménage en douce du noir complet vers une ouverture ensoleillée, un fouillis abstrait se change en herbe au fil de l'eau. Curieux angles sur les visages où ombre et lumière sont présentes en même temps à égalité pour déguster un bon fromage de brebis... Soudain, frottements se changeant en clarines pour terminer en chansons qu'on croirait fredonnées par des elfes ou autres farfadets. Le fantastique amalgamé au quotidien... Nombreux tableaux à flanc de colline avec brouillard blanc, le réalisateur-scénariste (un citadin anglais), entretient l'étrangeté sans jamais perdre son fil narratif (les phares de cette voiture occupée à traquer). Fréquentes coupures, rythme alerte, on attend le branle-bas comme dans un western... Des moments de cinéma où on voyage loin de son siège, en plus d'être gâté ! Le fond aussi est riche, avec ce rappel de "la petite voix" intérieure de chacun dans les pires moments, l'attention à accorder à ces pressentiments, surtout quand les jambes ne portent plus... Une puissante évocation de l'escalade des vengeances entretenues par le collectif !
  • LE SYNDROME DU TITANIC (2009)
    Note : 13/20
    Oui seulement 13, n'en déplaise aux lyncheurs du Net... Parce que les belles images sur un commentaire alarmiste, allon sallons... Encore un film écolo à gros budget, il aurait subi quelques coupes afin de préserver les french lobbies d'après Le Canard Enchaîné : évacuation des dégâts causés par les grands actionnaires français. Non écrit dans le texte et hors commentaire de l'ambassadeur (qui ne fait pas ce qu'il veut dans sa cage dorée...). Des moyens contraires à la philosophie déployée, bien sûr, on peut écouter le prêcheur et lui trouver du mérite, voilà pourquoi je mets une note moyenne, en hommage à cette prise de conscience recherchée. Car les beaux plans sur les visages, la laideur magnifiée grâce au talent du cadreur et aux effets panoramiques tranchent curieusement avec ce qu'on entend, un genre de messe chargé de rendre raisonnable tout consommateur. Implacable virtuosité de caméra et voix off pour bien emprisonner le regardant (mêmes effets gros "scoop" que Yann Artus Bertrand) vous assénant avec grande dépense énergétique que, comme vous êtes quelque part co-responsable du désastre, il vaudrait mieux vous amender d'urgence, faire votre part, citoyen inconscient des malheurs de notre chère boule bleue... Trop ampoulé tout ça, quand on sait que les plus concernés se la coulent douce. Silence sur la pétrochimie française et foin des stocks-options... La bande annonce peut suffire si on s'est tenu au courant de l'écologie depuis une trentaine d'années, mais si on veut partir en croisade environnementale, on peut trouver de l'intérêt à cette démonstration ou aussi bien reprendre, à tête reposée, le livre éponyme de Nicolas, hors litanie qui finit par bourdonner dans le crâne, il fait plus authentique. Non mais des fois... La plupart des citoyens n'ont jamais voulu ce désastre largement prévisible et pourtant tu, ou raillé, ou nié depuis plus de trente ans ! Surtout que ces pieuses incantations visent une fois de plus le pognon à ramasser par les entrées en salle suvies du dvd ! A l'aide !
  • LE RUBAN BLANC (2009)
    Note : 18/20
    Une neige éclatante saupoudrée sur le pays, le même blanc que le ruban satiné dont on affuble les enfants pour les préserver du malin, mains liées au lit (interdit de se gratter !), tissu enlevé, remis selon les règles édictées par le pater noster... Film noirissime, mais facile d'y entrer grâce au noir et blanc qui étincelle, ainsi qu'à la voix-off du sympathique instituteur. Glaçant comme "Fanny et Alexandre" de Bergman, nettement plus vivant dans son déroulement. Ces villageois traversent des moments de grâce, on chante et on danse, et pourtant la faim et l'humiliation tenaillent. Aucune scène insupportable cependant, la dureté intervient par saccades dans les occupations quotidiennes. Le pompon revient au notable censé être numéro un dans toute société par sa mission hautement morale, à lui seul il cumulerait presque toutes les tares humaines malgré une chute de cheval qui sonne comme un avertissement... Mais il y a du baume aussi dans ce film : le blondinet demandant s'il mourra un jour, ou qui offre à son père un oiseau de rechange dans une cage. Ce même petit surprend une fausse séance de perçage d'oreilles... "Faites ce que je dis, pas ce que je fais"... Rien de mieux pour révolter à l'âge adulte, voire commettre à son tour quelques actions revanchardes. Extrapoler sur le nazisme à partir de ces rigidités éducatives est une piste mais ce serait réduire le film qui mérite une portée infiniment plus vaste !
  • YUKI ET NINA (2009)
    Note : 16/20
    Les enfants de divorcés ou séparés quand ils étaient petits garderaient tous au coeur une plaie difficile à refermer mais, Ô consolation, ce choc leur ferait cadeau d'une maturité affective au-dessus de la moyenne toute leur vie. En découvrant "Yuki et Nina" se dire qu'on va, comme le petit poucet, se perdre au fin fond de la forêt et sans le moindre caillou blanc. Voilà qui change de ce qu'on a l'habitude de voir en matière de séparations parentales. Métissage entre un français et une japonaise, amour puis désamour malgré cette petite Yuki refusant d'aller au Japon (Webcam et ticket d'avion indiquent le milieu, favorisé, ouf !)... Dommage que les deux fillettes soient difficiles à suivre dans leur verbiage. Toutes deux filles de ménages fracassés, avec père en retrait. Le père de Yuki estime carrément "avoir eu une vie avant" (à la différence des mères ?...). Le spectateur se tient à hauteur de Yuki et Nina, école, jeux, inconséquence ou cruauté de leurs 9 ans (la logique implacable, l'envie de rire face au parent désarçonné). La propre enfance du spectateur est capitale pour s'identifier ou non. Le plus intéressant est bien de sentir les personnalités masculines des deux réalisateurs, sobres en épanchements physiques, désireux d'agir vite malgré la douleur... Double regard viril (et non l'éternelle empoignade pour "avoir" l'enfant). Témoins suprêmes du déroulement ici, de grands arbres sous le vent, on déambule entre conte et fantastique, rien n'indique la peur à avoir, la nature conduirait plutôt l'enfant à "recoller les morceaux". J'avais raffolé du percutant "M/other" de Nobuhiro Suwa (chatouilleux quant aux rôles parentaux ou extra-parentaux japonais). Accompagné d'Hippolyte Girardot, acteur tout juste passé derrière la caméra, il resterait qu'ils trouvent de quoi embarquer les réfractaires aux méandres métaphysiques. Le grand public risque de s'ennuyer malgré d'excellents moments et ce point de vue global qui transparaît avec élégance. Pour une fois qu'on entend "la voix des papas"! .
  • LE PÈRE DE MES ENFANTS (2009)
    Note : 16/20
    . La bande-son de départ donne l'envie de swinguer dans Paris ensoleillé et de "filer" cet homme, notre homme... Un genre de BHL producteur de films, souple, élégant, toujours pendu à son double portable, j'ai ça à faire et encore ça... Patron affable, roublard seulement faute d'autre alternative, mais bon père, bon mari, bon copain, adepte de la qualité de vie, les week-ends en famille au vert, on échange en jouant, en nageant, on s'écoute (malgré l'ado qui s'émancipe). Hyperactivité en semaine, comme quantité de businessmen croisés, exposés, ils ont opté pour des attitudes mécaniques : sauf que celui-ci ne vocifère pas, à bout de nerfs il encaisse toujours, une sieste et soudain la réalité professionnelle, matérielle, prend le dessus... J'ai trouvé l'ensemble brillantissime, inclus les moments précédant le choc et son impact dans l'entourage : et après plouf, l'impression d'avoir changé de film, terne, poussif... La promenade féminine sur la rive dans un sens, puis l'autre s'avérait prometteuse du dernier volet, c'est elle que je vais retenir, ainsi que la prouesse d'acteurs inconnus au charme infini. .
  • LE BEL ÂGE (2009)
    Note : 17/20
    Avec sa petite frimousse aux yeux asymétriques, elle renvoie chacun à la complexité ado, le voeu d'être un petit animal sauvage qui prend et laisse au gré de ses intérêts. Trop lourd de vivre sous le toit de son grand-père suite au décès de maman, quand on sait qu'ils ne se parlaient plus, autoritaire le vieux... Et puis, horreur que cette blonde créature (Johanna ter Steege) lui prodigue des soins équivoques ! Ah, qu'il s'avise de monter l'escalier, vite je fonce sous le lit... Grand retour cinématographique de Michel Piccoli, ici superbe entre son devoir d'éduquer et de chérir, face à cette sauvageonne (Pauline Etienne), elle mise sur la natation afin d'avoir un but personnel (Eric Caravaca en maître-nageur, on dirait qu'il a fait ça toute sa vie)... Premiers émois d'une toute jeune gazelle et dernières palpitations d'un vieillard parfois guilleret (le numéro de danse chanté aurait gagné à être prolongé !) : l'évitement est tentant afin que les joutes s'espacent, elles seront fort bien rendues par des images duelles, une partie éclairée, l'autre dans l'ombre. La natation permettra au petit coeur de battre à nouveau suite à un décisif malaise... Le télescopage se ferait désirer (au goût d'un septuagénaire dans la salle !)... Enfin, à la faveur d'une égratignure nocturne, on parle d'une certaine balle depuis la dernière guerre dans un poumon... Très agréable surprise de cette fin d'année 2009 ! .
  • HUACHO (2009)
    Note : 16/20
    Petite perle projetée au Festival des 3 Continents 2009 dans le cadre de l'Aide nantaise "Produire au Sud" : une famille dans la campagne chilienne le temps d'une coupure d'électricité. Soudée entre rudesse et tendresse, c'est comme si on était invité à leur lever, leurs repas, leur coucher. Très jolie lumière sur les personnages, un petit charme parcourt l'ensemble qu'on jurerait un documentaire. Braves gens dépossédés qui ont encore de quoi subsister tant que des ponts demeurent avec l'extérieur les grignotant toujours plus... On suit avec intérêt chacun dans son emploi du temps. Le garçon à l'école et sa mère employée de maison, très complices, doivent se démener. On comprend le réveil laborieux du jeune lycéen, cette main sur l'épaule du citadin réticent fait mal, comme ce coup de barre dans les transports... Ecart grandissant entre très haute société et crève-la-faim ! Quelques passages longuets auraient pu subir des coupes, les jeux vidéo, les cheminements presque en temps réel... Toutefois, les fromages faits maison de la grand-mère et leur vente avec ses copines en bordure de route, après quelques secondes de frayeur, valent qu'on s'y attarde, tout comme la sieste du papy radoteur ! .
  • LA DOMINATION MASCULINE (2009)
    Note : 16/20
    Les mâles dominent les sociétés, la loi des gros bras... On part du zizi jugé trop court par son propriétaire dont l'identité s'affirmerait davantage avec une rallonge... Eric Zemmour amalgame force et violence virile, d'ailleurs, les femmes disent qu'elles veulent un costaud, protecteur, bravache, qui gagne plus qu'elles, tout est mis en place pour "le revers" à cette situation... C'est une énième démonstration que les rôles dévolus à chacun des sexes seraient prémâchés dès le berceau, pas un mot sur la polyandrie des coins reculés, ni "des femmes qui portent la culotte" sans que leur homme en fasse une jaunisse, ni des couples globalement équilibrés en forces, fou ce que le courant majoritaire des sociétés ultralibérales va dans le sens du film... Le regard, très argumenté canadien, recentre son propos sur une fusillade à Montréal de 14 jeunes polytechniciennes : le silence, le peu de protestations qui s'ensuivirent, valent ici pour du machisme, des féministes étant allées beaucoup trop loin (meurtres prémédités, mais on apprend pourtant qu'il s'agissait d'un déséquilibré mental ayant retourné l'arme contre lui pour finir)... Nul doute que la masculinisation renforcée découle de la paupérisation. Soit l'un des dégâts collatéraux de la Mondialisation... Que les progrès sociétaux accomplis, parfois en dix ou vingt ans génèrent leur contraire, la technologie toujours plus ignorante des moeurs... Très américain du nord comme déferlante internationale... Série de femmes battues par leur compagnon (impasse totale sur les agressions féminines hors de ce cadre). Nous voici aux créatures de rêve caressant des bolides : elles ont mal aux pieds en talons aiguilles et, si ça se trouve, de la peine à boucler le mois : quant aux galopins en costard les prenant par la taille, charmante représentation esclavagiste, bof... Silence sur l'adultère véritable, devenue impardonnable si on lit la presse people états-unienne... L'aspiration de tous et qui conduirait à répéter les impasses séculaires, vraiment ? Ou plutôt le malheur d'accouplements irréfléchis, de solitaires mal assumés ? Les témoignages comptent, mais pointent les plus "timbrés", les plus excessifs, les plus caricaturés d'entre nous (pas loin de "Barbie" et "Ken" par moments).... Je trouve qu'ils appellent des angles supplémentaires dans d'autres milieux, d'autres civilisations, pour faire le tour de la question cruciale du film concernant les femmes : "s'il y a retour du machisme, qu'est-ce-qu'on nous a fait et qu'est-ce-qu'on s'est fait aussi ?" !  .
  • FEMMES DU CAIRE (2009)
    Note : 14/20
    Déroutant "Prix du Public" au Festival des 3 Continents nantais 2009. Yousry Nasrallah possède l'élégance picturale (beaucoup de raffinement dans le genre Almodovar en oriental). Il sait susciter une atmosphère intrigante, enchaîner avec un déroulement heurté, un peu tordu, sans fluidité entre les plans. Beau, lent, des à-coups, un brin de "la pompe" de nos romans-photo d'antan ? Le réalisateur de "L'Aquarium" traverse d'étranges remous avant d'en venir aux faits... Plusieurs situations sociales enfin se dessinent : au centre, une émission télé modifiée pour ménager les susceptibilités masculines... Des démonstrations de qualité inégale, je pense aux longueurs de cet épisode "les trois soeurs" ... Les fans gloussent, d'office séduits, quelques récalcitrants quittent la salle, mon voisin de siège alterne réveil et ronflements... C'est une parodie, mais il faut quand même raffoler du linge sale "people", affectionner les révélations intimes du petit écran populiste (genre TF1 chez nous), ces modernes Scheherazade parlant au micro "pour rester en vie". Archaïsmes égyptiens transcendés en arrière-plan : le fond est magistral, jamais encore une présentatrice télé n'était allée aussi loin dans "la réalité" ! Relevé une erreur de traduction en sous-titre, des femmes "oppressées" au lieu d'opprimées (sous-titrage anglais "oppressed", légère différence). On a plaisir a suivre l'actrice principale, une vraie mécanique qui ne perd jamais le nord sous ses allures de mignonne au service du public. Plus femme de tête qu'il n'y paraît, elle réserve une surprise de taille à la fin, dommage qu'il ait fallu autant de salamalecs pour y arriver ! .
  • À LA DÉRIVE (2009)
    Note : 15/20
    Chuyên Bui Thak, cinéaste viet-namien ménage quelques temps forts qui rachètent le ronron apparent, d'une rare violence intime. Bien amorcé pour ensuite se diluer quelque peu. Ces braves gens sont-ils donc cadenassés dans leur terreur du sexe ! Ainsi, on suppose que ce mariage arrangé n'est pas du tout consommé, simple compagnonnage d'êtres très jeunes, ou tempéraments trop mal assortis, aucun étalage surtout, sacrilège, enfin on ne divorce pas pour si peu dans cette communauté-là... La jeune sensuelle, plus mère qu'épouse, sent soudain son sang chavirer pour de bon, elle se trouve en quelque sorte livrée par une amie (intello plus mûre qu'elle, pas forcément lesbienne refoulée, elle cherche surtout matière à écrire), à un beau partenaire, du genre troublant d'emblée mais pervers si l'on en juge par le sort d'une précédente conquête... Connaître quelques émois par personne interposée, dérive comparable à cette escapade en robe tranchée au couteau pendant que "gros bébé" (le mari) à la maison s'éclate lui aussi... Mouais, ils sont pitoyables avec leur double jeu tout en sauvant les apparences. Splendides images grâce à l'éclairage des intérieurs raffinés, du pastel sur soie, ce rose buvard des rideaux d'intérieur irradiant la pièce entière fait partie des moments de grâce de ce film déconcertant... Franchement, on a mal pour eux d'être aussi coincés dans leurs traditions. Opiacé et soporifique. Une dérive méticuleuse, distinguée dans son traitement, sauf que l'amertume colle à la peau si les moeurs en sont à ce stade encore maintenant au Viet-Nam !
  • BASSIDJI (2009)
    Note : 17/20
    Un documentaire bouleversant, trop peut-être, les 3 Continents Nantais ont été trop saisis par ces témoignages successifs, ils ont quand même eu tort de laisser Mehran Tamadon, cinéaste à double culture (française-iranienne) si ouvert, partir sans récompense...Ce documentaire au démarrage martial avec son drapeau vert qui claque sur cette terre jaune triste, s'humanise au bout de quelques minutes... L'ensemble est tourné avant le grand chambardement post-élections iraniennes cet été. Interminables hommages mortuaires, martyrs érigés en saints pour la postérité, slogans ancestraux intouchables, il est bon que le peuple pleure ensemble au lieu de se débaucher avec les apports extérieurs. On va même jusqu'au conte de fée tellement les prédicateurs voient le salut dans la mort (dur pour nous autres occidentaux)...Le réalisateur (présent en ouverture) semble ouvert et doux, respectueux de ses racines mais revenu des croyances qu'on endosse les yeux fermés (sa compagne est Française, il vit bien davantage en France qu'en Iran). Il offre une série de rencontres avec des sympathisants du régime conservateur, une milice faisant songer à d'autres politiques de l'extrême : tous évolués, propres sur eux, très copains même, sauf que leur sang ne fait qu'un tour à certaines questions, mettez votre voile les filles, l'homme est fragile de nature et l'Islam ne souffre aucune contradiction sur le sol islamiste. Suivez "Le Guide", lequel peut être remis en cause par "Le Conseil" s'il se trompe, ledit Conseil acceptant les changements de politique mais ouste la moindre dissidence ! On voit aussi la population vaquer à ses affaires, une décontraction permise tant qu'elle reste cadrée... J'ai souvent pensé à la petite actrice iranienne jouant dans "A propos d'Elly", interdite de séjour dans son pays pour comportement subversif !
  • PANDORA'S BOX (2009)
    Note : 13/20
    Ce film, projeté au Festival des 3 Continents nantais est ce que j'appellerais "une jolie arnaque". Affiche alléchante avec cette guitare incitant à chanter ensemble. Interprètes attirants. Deux jeunes Japonaises d'autant plus superbes qu'elles rivalisent de pouvoir auprès de grands malades. L'action a beau se dérouler dans un sanatorium, entre vie et mort donc, avec ce rappel de la mythologie gréco-romaine de "La boîte de Pandore", ni plus ni moins "le fruit défendu", la manière dont c'est traité pèche par trop de minauderie pour ne rien avoir au bout de son hameçon si ce n'est le vide. Bien filmé, romantique, de bons moments même, mais "tuant" (un petit nombre a cependant applaudi, séduit par la beauté picturale, le côté gentillet des intrigues, ou attendri parce qu'il s'agit de pauvres abandonnés se raccrochant à la vie ?)... Bien trop plat par rapport à la présentation accrocheuse !
  • BANDHOBI (2009)
    Note : 19/20
    Gloire à "Bandhobi", Montgolfière d'Or du 31ème Festival des Trois Continents nantais ! Ce petit bijou coréen garde éveillé en inversant le discours misérabiliste, l'élément féminin de petite constitution représente la puissance : une jeune pimbêche du coin face à un grand discret d'ailleurs, attention, il a du répondant... Le schéma idéal pour évacuer LE tabou actuel grâce à la distance, ça se passe là-bas en Asie... La famille en prend plein les mirettes, elle a beau se recomposer gentiment, un beau-père à partager avec Môman pousse une ado exigeante à faire crise sur crise... Pour les Français empêtrés dans leurs différences mal assumées du fait d'un ministère excessivement zélé, ce film donne un grand coup de pied dans la fourmilière de l'immigration et de l'identité nationale et permet de comparer les sorts de sans-papiers d'un pays à l'autre... Il pointe le désastre des populations clivées du fait de la volatilité du travail, de la quête incessante de sous, de la loi du plus malin... Ô que c'est délectable ce rejet bien net puis ce lent apprivoisement, qui ne sera pas capitulation non plus... Boudeuse sud-coréenne moderne (actrice reconnaissable entre mille) dont le jeune Bengali habitué à la dure et à l'éphémère, sourit... Vivement que cette oeuvre tonique trouve producteur en France !  .
  • ACCIDENT (2009)
    Note : 15/20
    Le démarrage de "Accident" de ce réalisateur aux 3 Continents nantais 2009 coupe le souffle. On dirait une horlogerie de précision. Les premiers détails conduisant à ces fameux accidents envoûtent, du cousu main qui pourrait inspirer les malfrats en mal d'inspiration. Après, comme le déballage de coups fumants n'a plus de cesse, on décroche, à moins d'aimer l'action pour l'action. Attentes et filatures, filatures et attentes... dans cette ville, d'une inhumaine noirceur... Voilà que, surprise au final, l'histoire se tiendrait malgré la surenchère d'effets, superman touché en plein coeur revient de ses obsessions, s'amende ?... Spectacle raffiné, un peu téléphoné mais dont l'ironie qu'il fallait en fait garder depuis le début, fait prendre l'intégralité au second degré... Entre bande dessinée et clip de pub. Ce pourrait être carrément du virtuel, sans nécessité d'acteurs à payer tant c'est lisse et bien propret dans le genre ! .
  • LA DAME DE TRÈFLE (2009)
    Note : 16/20
    Quand il lui dit, après lui avoir demandé de se garer "viens voir", on commence à serrer les fesses... Car c'est un peu lent à l'allumage, bien qu'accrocheur grâce à ce choix de frère et soeur soudés "on sait pas jusqu'où" et à l'arrivée du trouble-fête (Darroussin nouvelle gueule !). Une atmosphère plaisante, des plans silencieux sur les visages qui en disent long, un joli travail de suspense, c'est vrai qu'on est du côté d'Aurélien,le plus touchant de tous car la sister, facétieuse, hâbleuse, use son monde, à l'écran nous sommes ravis, mais l'avoir chaque jour pour de vrai à ses côtés, il faudrait qu'elle mange de la soupe en plus du roquefort (à noter qu'il s'agit de deux orphelins pauvres, pour mieux comprendre ce qui les unit)... Malik Zidi et Florence Loiret-Caille révèlent ici leurs mille et une facettes, par le verbe (quand on parvient à saisir le rude jargon qui fuse), de joyeuses répétitions d'anglais ar-ti-cu-lées à l'inverse ! Le non dit l'emporte en émotion, c'est LE domaine où Jérôme Bonnel fait des étincelles !
  • LA PIVELLINA (2009)
    Note : 17/20
    Oeuvre italo-autrichienne projetée au dernier "Univerciné" nantais et repartie bredouille, quelle erreur !... La dame aux cheveux rouges appelant son Hercule tenait pourtant ses promesses dès la première seconde... A peine deux personnages frôlé du côté des balançoires et on se dit qu'on aurait nous aussi parlé à la petite, et sans doute gardée la nuit... Pour moi, ce film, d'un naturalisme dardennesque flirtant avec le néoréalisme italien, anticipe sur les liens familiaux hors du sang, postulat d'une société plus adaptée, pariant sur la pulsion d'embarquer les enfants perdus (on ne le fait aujourd'hui que pour les animaux !)... Avec une bambina craquante comme Asia Crippa (grands yeux tristes emportant immédiatement l'adhésion !)face à une matrone de cirque comme Patrizia Gerardi (bourrue au grand coeur), cette complémentarité dès la première seconde va de soi : appeler la police serait sacrilège (d'autant plus que ce couple de forains traverse une mauvaise passe). La manière dont c'est filmé, caméra portée au plus près de l'action ou de l'inaction, attache à cette famille réinventée mais qui marche mieux que bien des vraies. Une fillette parachutée dans la débrouille, chez de faux-durs structurés... (Voilà qui peut faire penser à des parents de substitution momentanés de sa propre enfance qu'on a trouvés plus capables - voire plus aimants - que les légitimes). Non seulement il lui est fait une place, mais on lui parle, elle n'avait pas l'habitude ! L'issue, toujours ouverte, laisse le spectateur à ses pensées. .
  • UNE EXÉCUTION ORDINAIRE (2009)
    Note : 18/20
    Premier mais impressionnant film en droit fil du livre (il faudrait choisir l'un ou l'autre car ils seraient copies conformes ?). La peur qui cloue sur le siège, sans effusion de sang, sans artillerie lourde. Juste des effets d'étau, on est d'abord moyennement serré (avec des bémols pour reprendre son souffle...), on ne mesure pas la machination du système tout de suite. La facture peut paraître classique à certains, je trouve que cela colle bien au début des années cinquante soviétiques. Etrange, mais aucune souffrance du fait que tout soit en bon français, avec l'ambiance de polar noir... C'est, paradoxalement, un film qui semblerait ennuyer les amateurs de terreur à grand renfort de tumulte et effets spéciaux. Glacial, statique, au contraire, qui glace les os (2010 s'accommoderait-il mal de ses hantises ?)... Superbe échantillon de ce qu'un régime totalitaire fabrique par les caprices d'un seul ! Staline, ici vieille mécanique froide, suggère un autre tortionnaire à moustaches. On sue pour cette belle jeune femme (Marina Hands) et son mari (Edouard Baër). Quant au sort des parents de la dame, le trou noir... Lorsque "purger" devient un feuilleton intime palpitant... L'acteur André Dussolier, pipe mâchonnée, oeil torve, campe le sidérant patriarche, le chef des rats dans le labyrinthe. Ses tirades donnent la nausée. Autre bon point en plus de l'ambiance à la frontière du fantastique par moments, les personnages secondaires (Denis Podalydès, Tom Novembre, et cette tête à claque de médecin intermédiaire...). Une tenaille qui rafraîchit la mémoire et autorise à s'estimer heureux dans son coin tant qu'un psychopathe reste à l'abri du pouvoir absolu.
  • LA RÉGATE (2009)
    Note : 19/20
    Palpitant à suivre, l'aviron en intérieur pour la performance, en eau douce ou sur mer, bref, l'aviron comme si on y était ! Certes, gla-gla pour qui a le malheur de tomber souvent dans le bouillon !... A graver dans les mémoires (d'ici le dvd) la liesse de cette course avec les vélos sur la rive de concert avec les pirogues mais en sens contraire des rameurs, très jolis cadrages, ces bruits des pagaies sur l'eau, une musique comme sous tension légère, voilà que ça déménage, coach qui s'égosille, encouragements des amis, quel magnifique moment ! Pas une seconde d'ennui, car le lien paternel occupe, donne la rage. Père refusant que son fils lui échappe, caractériel, armé de l'indigne "on avait dit qu'on n'en parlait plus" après ses frasques... A moins d'être masochiste au dernier degré (ceux qui le disent "aimant quand même"), chacun brûle de le conduire d'urgence chez le psy ! D'un côté le sport et l'amitié progressive, et de l'autre ce venin supposé "taquiner" le jeune en construction... On admire et on peste sur son siège... Enfin une crise, les plus durs ne sont pas ceux que l'on croit... Très attachant Joffrey Verbruggen, vite qu'on le revoie bientôt ! Grande sensibilité globale, Bernard Bellefroid "vide son sac" avec un naturel confondant : on jurerait qu'ils ont tous fait équipe sur les plans d'eau depuis toujours, Sergi Lopez en tête !
  • LE REFUGE (2009)
    Note : 19/20
    Depuis "Sous le sable", j'attendais aussi bien mais ne trouvais que fulgurances ça et là chez Ozon... C'est enfin chose faite avec ce "Refuge" qui, malgré son volet "junkies", semble un hymne à reconsidérer les familles, des liens du sang aux apports extérieurs, ce sujet que la disparition brutale d'un pilier force à explorer. A coup sûr dérangeant pour les belles et grandes familles où tout marche comme sur des roulettes... Une fois la chambre fatidique quittée, presque tout est filmé dans le sud de la France, de très beaux plans avec éclairage naturel, une scène forte devant les vagues... Aperçu du caractère versatile des grands drogués au passage, leur prostration, leurs sautes d'humeur : on ne s'attendrait pas à une embellie sans le personnage de ce frère, douceur incarnée. Certes, il s'agit d'un film, pas de la vraie vie faite de pressions multiples. Il n'en reste pas moins qu'Isabelle Carré et son beau autant qu'insaisissable partenaire (le compositeur Louis-Ronan Choisy) donnent à voir l'amour véritable "qui apprend à vivre seul", vaste programme !  .
  • LA TISSEUSE (2009)
    Note : 16/20
    Plusieurs lectures possibles, on peut étendre cette catastrophe au peuple chinois actuel, ou même à davantage si l'on considère les ravages réels de "la mondialisation". A la limite du soutenable et soporifique la moitié de la projection, mieux vaut y aller bien dispos... Cela démarre pourtant "du côté de la vie" avec cette sanction pour avoir mangé au travail : diminution de la paie... Grosse colère. Et peu à peu, l'énergie se délite tandis que la maladie gagne avec ce secret médical qui n'en est pas, ces tentatives d'accélérer le sablier... Quelques éclairs au milieu de l'inéluctable qu'on sent se pointer (à la différence du "Mariage de Tuya", où la femme est autrement plus combative malgré les malheurs cumulés et qui font s'effondrer son mari). On est dans la Chine de la culture soviétique, un patelin voué à l'industrie mais on y chante, le collectif réchauffe les plus meurtris, le dancing local offre une remémoration régulière des premières amours, période bénie puisqu'après ça devient routinier, sans saveur... Les autres couples semblent au même point de désenchantement que le couple central. Ils en sont à l'amour rêvé ou usé. Ce qui frappe est cet enfant déjà endurci, trop indifférent à son prochain, un petit silex malgré le piano censé éveiller son âme, rare au cinéma ! Bien fichu dans l'ensemble au plan technique, des cadrages acrobatiques, je pense à cette course dans les couloirs, cette plongée sur les yeux pleins de larmes, j'avoue avoir compris la religiosité comme soutien dans ce cas précis. On en apprend, de belles, en dehors du drame intime vécu... Les tissus sur les métiers ont beau être splendides comme toute la photographie, c'est une histoire "à pleurer", et toutes les larmes de son corps ! .
  • GAINSBOURG (VIE HEROIQUE) (2009)
    Note : 16/20
    Joann Sfar s'approprie Gainsbourg et le restitue, on a envie de dire "déjà" ! De ce portrait personnalisé, j'avoue avoir nettement préféré la star enfant et jeune adulte que sur le déclin : comme beaucoup de fans, j'exécrais ce qu'offrait de lui le Gainsbarre public devenu épave, son billet de cinq cent francs brûlé sur un plateau télé ne me faisait pas rire... Le défilé de dulcinées est un régal (pitié pour France Gall !) : jusqu'à l'arrivée de Jane Birkin fictive (qui aurait fait beaucoup rire la vraie !), j'ai eu du mal à y croire pour m'être remémoré le couple lors d'invitations télévisées, autrement plus détonant. Par ailleurs, les dessins intercalés, les ombres dodues, tout cela ajoute au mythe. On a les excentricités de Gainsbourg, probablement pas dues seulement à l'alcool et à la fumette mais à plus corrosif... Quelques scènes musicales et ses notes, si caractéristiques, tout le film en est baigné. Mais silence sur les coulisses de l'auteur-compositeur, ses échanges avec d'autres musiciens, je pense par exemple à la rencontre Bashung-Gainsbourg. Eric Elmosnino incarne certes à la perfection le personnage, inclus ses manies sulfureuses de façade, qui glaçaient tout le monde en comparaison du talent indéniable du bonhomme. Un Gainsbourg fantasmé avec pertinence, mais dont il manque des pièces. Il devrait laisser surtout l'empreinte de sa musique en France, par rapport aux pays anglo-saxons par exemple. Nul doute que d'ici vingt ans, relié à de bonnes interviews, à des images d'archives inédites aujourd'hui, ce film aura beaucoup de gueule. .
  • LA SICILIENNE (2009)
    Note : 16/20
    Toujours périlleux de dénoncer ses proches, aussi malfrats soient-ils... Ce film projeté au cycle Univerciné italien nantais de 2010, serait inspiré d'une réalité sicilienne des années quatre vingt dix, exemple typique de la fameuse "loi du silence"... Malgré un doute sur un viol commis dans le village, l'attention est captivée par l'enfant en parfaite osmose avec son père (jolie scène des deux à moto jusqu'à ce règlement de compte sur la Place). La petite protégée se change soudain en jeune fille de 17 ans, acier trempé et timbre rauque (puissante Veronica d'Agostino !), prête à tout pour "racheter le sang de son père puis de son frère", supprimés successivement, dans la logique mafieuse (juste un peu dommage que l'enfant et l'ado se ressemblent aussi peu physiquement)... Ce film agité décrit ces familles entières engluées, sur des générations, pour l'intérêt d'une frange d'autoproclamés, qui s'entredévorent On ne sait plus qui est faux de qui est sincère (à part Rita Atria incarnée ici, et peut-être aussi ce petit juge, sous les traits bienvenus de Gérard Jugnot à l'italien impeccable)... Des lois claniques, celles-là même que nombre d'adolescents exècrent tant qu'ils croient encore leurs idoles sans défaut... Mère déshonorée, cet aspect est on ne peut plus clair en revanche, elle avoue le renoncement à sa progéniture avant sa naissance !... Le petit ami de retour éclaircit un instant l'horizon de l'assignée à résidence, attention à la dernière carte encore possible. On retient son souffle à suivre Rita, la femme forte... .
  • LE BAL DE LA VICTOIRE (2009)
    Note : 19/20
    Vue panoramique de la Cordillère enneigée... Un visage de jeune fille en gros plan, le ciel, et de nouveau la chaîne montagneuse... Les grands espaces ainsi balayés, les plans rapprochés font immédiatement penser aux westerns, aux épopées du cinéma chinois, russe aussi, en plus familier, quelque chose du cinéma argentin récent. A la tête de l'entreprise, se devine un artiste archi-cultivé, aux dons inépuisables. Il crée la complicité immédiate des films d'ordinaire dédiés à la jeunesse. Fluidité, plans raffinés, un regard de peintre, une oreille de musicien... On embarque sur ce cheval aux chaussettes bleues qui ouvre toutes les perspectives... Ravis mais inquiets juste ce qu'il faut, suivons le bien nommé "Angel" entiché de sa danseuse, deux écorchés vifs prêts à tout... Pour autant, on respire mieux quand l'expérience faite homme, décrite en parallèle, se joint au duo, le regard lumineux de ce rescapé des geôles ajoutent le scepticisme indispensable. Des clins d'oeil au spectateur, une sentimentalité comme celle du cinéma muet. La dictature chilienne en prend pour son grade tandis qu'en arrière-plan se dessinent les couples chahutés d'aujourd'hui, la génération d'enfants robots, avec des numéros de danse qui laissent pantois... 2h07 de projection d'où on émerge plein de forces nouvelles ! .
  • BONHEUR PARFAIT (2009)
    Note : 16/20
    Lors d'un attentat en milieu scolaire, à quinze ans, elle passait par là et son cerveau reptilien décide qu'elle ne prendra pas ses jambes à son cou (moment gigantesque du film !)... Aucun détail sur l'Organisation ETA : on devine bien qu'au pays basque, c'est un poids de tous les instants... Avec la machine policière, relayée par les médias locaux, tous deux prompts à sonder ces jeunes étudiants suspectés d'office, des boucs-émissaires tout trouvés de toute façon, du chiffre, du chiffre... Une douce lycéenne, pianiste par projection parentale à l'âge où on rêve aussi d'émancipation, se fait prendre en photo par surprise, l'occasion d'aléas qu'elle n'avait pas imaginés une seconde.... Bien plus tard, elle vivra une deuxième secousse au hasard d'une lecture de presse gratuite le temps d'un jogging. Les deux traumatismes vont pousser l'intrigue vers une rencontre trait d'union... Bien mené, sans misérabilisme (de la mesure en milieu scolaire, on sent la prise de position du cinéaste, il analyse les différentes facettes de chaque situation). Un ensemble qui laisse chacun dans l'expectative... Consolation, ce piano toujours enchanteur, comme en survol des divisions humaines. .
  • CARTE DES SONS DE TOKYO (2009)
    Note : 15/20
    Découvert dans le cadre du cycle espagnol nantais 2010, ce petit dernier d'Isabel Coixet : elle a certes fait mieux dans la progression d'intrigue. On est davantage chez Wong Kar Wai ou Sofia Coppola côté ambiance. C'est infiniment sophistiqué, plein d'exotisme, avec des bruits de petite souris qui gratte, on se demande si on rêve ou si cet ingénieur du son s'amuse avec nos nerfs... Des minutes torrides entre Sergi Lopez et Yuriko Kikuchi. Du bon vin. Des signes annonçant que ça va se gâter malgré le pistolet non utilisé... J'ai failli m'endormir sous ces décors somptueux mais statiques. De cette réalisatrice, on attend l'habituel couperet, d'habitude c'est plus étoffé avant d'y arriver, marre de languir dans son Tokyo mythique avec ces tiraillements... Ciel, ça se précipite soudain, et là stupeur que cette fin digne des tragédies antiques et qui rachète la totalité de ce qu'on a vu ! .
  • LA MACHINE A PEINDRE DES NUAGES (2009)
    Note : 15/20
    Cycle espagnol nantais 2010 : une réalisation 2009 sur la fin du franquisme. On est en 1974 à Bilbao. Pour une région réputée industrielle, moche au possible, la photo fait des prouesses : elle garde du début à la fin un voile chocolaté, comme si on avait des lunettes de soleil marron rosé, vraiment très agréable. Franche camaraderie générale, mais le ton monte par moments, la misère matérielle est frôlée de justesse, c'est plutôt expressif, vachard aussi (le fonctionnaire zélé hémiplégique, le secret salarial...), chaque étape franchie se conclut par un trait dessiné ou peint et puis arrive ce drame, sans lequel tous les protagonistes n'auraient pas autant mûri !... Romantisme très judéo-chrétien (cette extase méridionale devant les tourtereaux), ennui au travail, bonnes tables, excès de boisson, sang chaud et partage d'automobile... Dommage que le milieu du film subisse une telle baisse de régime par rapport au début et à l'issue ! .
  • MOTHER (2009)
    Note : 16/20
    Actrice principale qu'on sent ravie de réaliser autre chose qu'un rôle de mère classique à la télé. Sa personnalité porte le film. Le fiston est surtout simplet, d'office protégé par sa génitrice (ils dorment ensemble pour avoir moins froid), une dame sexuellement saine mais qui a quelque chose à se reprocher. Extrême pauvreté, corruption des pouvoirs en place : cynisme, misère, délinquance : un veuvage et peu de moyens, voilà qui oblige à l'héroïsme, une chance encore qu'il y ait l'acupuncture pour pouvoir se régénérer. En parallèle, la prostitution de retour sur le devant de la scène se filme désormais au téléphone portable... Joon Ho Bong fait visiter son pays fracassé en créant une tension tant par les cadrages très étudiés que par la hardiesse à montrer in-extremis la face cachée des événements. Il rend somptueux les aspects les plus laids, la bande-son n'étant pas en reste (splendide scène des funérailles, ces femmes se ruant sur la mère du présumé coupable !). Mais j'aurais préféré découvrir ce film de 2h10 en dvd car je l'aurais visionné en deux temps pour en apprécier "les derniers tiroirs" scénaristiques, ces derniers débarquant alors qu'on croit rester dans le flou... D'une seule traite ainsi en salle, et malgré la beauté de l'ensemble, le récit m'a semblé interminable (ai failli m'endormir). Dommage, pour une oeuvre aussi bien emberlificotée ! .
  • LA PERTE (2009)
    Note : 18/20
    Découvert au festival du cinéma espagnol nantais 2010. Les médias préfèrent traiter d'une seule partie du monde, on pense donc que l'Argentine est un modèle pour se remettre du malheur, que ses électeurs votent majoritairement pour des régimes politiques fascistes, à moins d'admettre un genre de secret-défense made in USA... Quoi qu'il en soit, utile de se rappeler les argentines "purges" dignes de l'ancienne URSS... Survivre grâce au droit d'asile quand on est nié sur le sol ancestral... D'éminents scientifiques, chirurgiens, sociologues, écrivains, exilés ou plus ou moins de retour au pays, racontent l'interdiction de s'opposer (des années 1955 à 1978 environ). Cet effroyable Coup d'Etat Militaire de 1976 qui permit à de tout-puissants psychopathes de s'acharner sur la population : du jour au lendemain, se trouver congédié de toute activité, la mise à l'écart de son travail, les divisions créées dans les populations par la terreur, seule porte de sortie (sans trop tarder) l'exil pour espérer se refaire... Certains, enlevés brutalement par des hommes en civil, ont enduré la torture à petit feu, souhaité la mort. D'autres dénoncent la disparition des leurs, dont beaucoup d'enfants, simplement parce qu'ils étaient de la famille d'une cible... Fuite des cerveaux, impression de sentir "le sol se dérober sous ses pieds". Et la peur qu'un jour ça recommence... Un documentaire plein d'enseignement sur la tentation de supprimer le trop différent de soi. .
  • THE GHOST WRITER (2009)
    Note : 15/20
    . Bien fait, cadres audacieux, acteurs bien dirigés, du suspense, quelques étincelles, on suit sans peine Ewan Mc Grégor en villégiature avec vue sur mer... Et puis, je trouve que ça s'essouffle, ou alors le malaise crée trop de tension stérile... Comme dans un bon Hitchcock, l'atmosphère intrigue au départ, c'est historiquement validé, on se doute bien que pareils plans sont monnaie courante et pas, comme une presse bien-pensante le brandit un peu vite, l'apanage russe. Oui, sauf que le traitement de tout ça à travers cet "écrivain-fantôme" m'a paru infiniment glacial et lancinant côté déroulement ! Un scénario qui mise trop sur l'attente pour l'attente, une infinité de rebondissements tous présentés sur le même ton, désolée, mais je me suis ennuyée... Une histoire inspirée d'un livre. Etonnant comme le film recèle de multiples lectures : difficile par exemple, pour qui a lu "Roman" de Polanski, de nier une perceptible identification du réalisateur à son récit côté exil, traque quasi permanente. Impossible d'escamoter la plongée dans l'univers des personnalités coupées en deux entre vies privée et publique. En spectateur ouvert, autonome avec toute sa tête, pas le moins du monde en justicier comme semblent le craindre quelques professionnels empressés d'estampiller "chef-d'oeuvre" certes un grand classique mais qui, à mon goût, manque de sel !
  • LA HONTE (2009)
    Note : 17/20
    Une des fulgurances du Festival cinéma espagnol nantais mars 2010. Tout se passe pendant une coupure d'eau. Au début, l'ambiance est un peu froide, avec ce gosse bougon, un couple très inégal : une certitude, elle semble plus patiente que son mari... Débarque cette employée pour s'occuper de l'enfant, tous deux péruviens (tiens donc !)... Plus ça avance, plus la tension monte dans la maison, elle atteindra des sommets avec cette blonde reprenant le dossier d'adoption depuis le début, car il faut scruter le passé du couple pour enfin valider le dossier d'adoption... Deux malheureux qui éprouvent facilement de la honte, surtout lui, qu'un rien mortifie... Des dialogues tirés au cordeau pour un cheminement toujours plus sévère pour les intimités, bien que l'on puisse avoir du mal à croire au "méga artifice" servant l'intrigue car nul ne pourrait "bluffer" un enfant de la sorte : Rosa dans sa double fonction.
  • TROIS JOURS EN FAMILLE (2009)
    Note : 16/20
    Découvert au cycle espagnol nantais de mars 2010... La réalisatrice, à peine vingt ans, toute simple, est là devant nous dans la salle archi-comble du Katorza en ce mardi 22 mars... C'est elle qui a mijoté ce film incroyablement abouti pour une si jeune personne, et sur tous les plans ! Un style à la fois recherché et minimaliste (quelques effets empruntés au meilleur cinéma asiatique). C'est alerte, somptueux, charmant aussi, je pense à cette manière de laisser parler l'image... Un regard sans complaisance sur ces rencontres familiales à l'occasion de grands événements, quand chacun s'exprime mais que les gestes seuls révèlent. La jeune héroïne de l'histoire vit une impasse momentanée. Fausse dure tantôt amusée, tantôt révulsée, elle doit faire avec le protocole.
  • LOUP (2009)
    Note : 15/20
    Choc par rapport à d'autres productions tournées dans ces glaces ! Avoir à s'habituer à la langue française moderne parlée dans ce coin reculé (même si les acteurs se mélangent à une tribu locale en grand danger de disparition). L'accent "djeune" collant aux baskets jette un froid... Vite suivi d'indulgence (tant qu'on n'a pas connaissance du livre aussi...), car on "rentre" dans l'histoire grâce aux autres apports, et c'est un beau cadre pour le message laborieux à transmettre au jeune enfant encore proche des peluches, se sentant frère ou soeur d'un animal domestique... Petit louveteau deviendra grand, aïe... Les gigantesques moyens servant ce film (pour peu qu'on se penche sur ses secrets de tournage) ne le hissent probablement pas à la crédibilité du "Dernier Trappeur", pour tous et d'une autre trempe. N'empêche qu'on baigne dans l'observation d'animaux en décor naturel, avec cette prédation incontournable, en laissant Nicolas Vanier l'enseigner à notre place à la génération qui monte... Les parents accompagnés d'enfants à partir de 5 ou 6 ans, outre qu'ils apprécieront les péripéties, peuvent ainsi économiser une explication des plus embarrassantes.
  • HARRAGAS (2009)
    Note : 17/20
    On peut ne pas y croire, dire "tout ça pour ça ?" comme je l'ai entendu, avancer qu'il n'y a pas matière à faire un plat du sort de hors-la-loi, bien fait pour leur g... !). Le scénario aurait devancé les réalités d'après Merzak Allouache. Ces dernières années, des milliers de morts ou reconduits case départ pour cinq ans de prison... Idéalistes, affamés de tout, bravant l'hiver rude car persuadés d'un eldorado obligatoire au bout des sacrifices. Les traits de la belle émancipée (splendide Lamia Bouskine !) en gros-plan, la fraternité à toute épreuve du narrateur avec l'élégant Nasser (classe et droiture que ce trio filmé de façon attachante), aident le spectateur à soutenir l'entreprise, cette fuite vers l'eau glacée, la mer est ici une pieuvre aux caprices infinis (et le contexte, à moins d'un cynisme ultralibéral aigu ou d'une conscience brouillée, souffre difficilement le rapprochement avec l'excellente fiction d'Hitchcock, "Lifeboat" !). Gravitent d'autres ombres autour de l'embarcation mille fois imaginée dans les cerveaux... Coquille de noix au ras des côtes espagnoles, dont GPS, téléphones portables, boussole, constituent le grincement humoristique. En creux, j'y ai trouvé : pourquoi une répression aussi impitoyable de l'Europe ? Pourquoi cette inertie des hautes sphères algériennes (ou d'autres pays voisins) ? Pourquoi cette surdité entre les puissances politiques concernées au lieu d'un accord sur des valeurs humanistes ?... Relents de colonisation embarrassants ou simple réflexe d'application de la loi du plus fort ?
  • CELLULE 211 (2009)
    Note : 18/20
    Hésité longtemps avant d'aller voir ce film présenté au Vingtième Festival Espagnol de Nantes (2010) car je craignais de m'infliger un excès de violences invitant à cauchemarder ensuite : à tort, c'est palpitant de bout en bout grâce à la caméra de la "régie policière" qui suit les détenus dans leurs transactions avec les autorités. Où l'on comprend le poids supplémentaire d'une organisation comme l'ETA en plus de l'ultra-libéralisme incitant encore davantage à magouiller, la loi du plus fort mariée au chiffre. Mené tambour battant, avec ce "Malamadre", sorte de minotaure des geôles face au christique futur papa qui va en voir de sévères... Double lecture si ce n'est triple, car le réalisateur nous promène par tous les angles en ne laissant deviner sa préférence qu'à la fin, sous forme de questionnement. Une issue impitoyable, un peu trop radicale (de mon point de vue) par rapport à la promesse d'ensemble.
  • LA FEMME SANS PIANO (2009)
    Note : 13/20
    Vu au Festival espagnol nantais de 2010 : le réalisateur, présent dans la salle, en recommandait une lecture comique. Certes, bien agréable côté image. Pour le reste, absurde jusqu'à en être éreinté. C'est "piqué" au cinéma nordique par bien des aspects, amusant au début parce qu'on est intrigué... Mais que l'on languisse indéfiniment dans l'inabouti, il y a des limites... Pas le tout de faire dans l'insolite (cette chaussure trouvée, ce laconisme facile)... Rosa de nuit, femme sans clavier sur talons hauts jusqu'à épuisement, promettait pourtant au public de vertes et de pas mûres avec ses cognacs sifflés. Or, elle accumule les mystères mais sans faire décoller le spectateur d'un iota. Les snobs crient au génie ? Certes, quelques éclairs dans les dialogues, du cocasse cousu main, mais il s'agit juste d'une déambulation pitoyable (pas très intéressante pour le spectateur) aussi bien filmée soit-elle. Musique froide, martiale, tout dans un seul style. Rien à quoi s'accrocher. Dommage pour l'actrice principale (qu'on voudrait s'attacher), mais si son escapade lui remet la cervelle en place, il manque l'essentiel à son errance, peut-être un bon coup de théâtre plutôt que ces demi-événements ?
  • AFTER (2009)
    Note : 15/20
    Reparti avec un prix au festival du cinéma espagnol de Nantes 2010. Etrange salle pleine, n'applaudissant pas, trop estomaquée.... Le désarroi de ces trois quadragénaires demeurés au stade adolescent au plan affectif laisse supposer une prime jeunesse trop retenue... Le titre du film, "After", offre au moins deux lectures possibles, si on parvient à dépasser un exhibitionnisme récidivant. "Des enfants perdus" en quelque sorte, symbolisés par la chienne, un animal mal à l'aise, en fuite puis fragilisée par son accident. Bien vu également la vie de bureau où il est interdit de se relâcher mais où des libertés extraordinaires se prennent. Autre point fort, la détestation précoce du garçonnet mortifié par la double personnalité qu'il devine chez son père. Et, cerise sur le gâteau, ces trois coeurs lumineux (trois appels au secours dans leur fuite en avant ?). Tendresse, cruauté envers autrui ou soi-même dignes du bac à sable ! Fébrilité dans "les lignes" sniffées à grand bruit sur tables basses (toujours hors champ, la caméra ne descend jamais, elle se réserve la remontée, la cloison nasale à deux doigts de claquer !). Une illustration d'Espagnols lâchés comme des fauves depuis que Franco n'est plus ? Il manque à ces jeux de l'extrême un événement percutant, une quelconque morale pour emporter l'adhésion. De nombreux spectateurs, choqués, sont sortis, écoeurés du déballage. C'est un film à partager avec des sociologues, des soignants, d'anciens drogués ou familiers de grands drogués (il est impératif de comprendre l'escalade des drogues dures).
  • CONTE DE L'OBSCURITE (2009)
    Note : 16/20
    Découvert au cycle Univerciné russe nantais de 2010. C'est bien le fait qu'elle ait un uniforme de "fonctionnaire aide sociale", visiblement assimilé à une forme policière ou milicienne, qui fait que cette jeune femme se morfond. La voilà confinée à son milieu de travail, ce collègue odieux, deux morceaux de bois qui dansent le tango... Pas question de se rebiffer... On retrouve la rudesse russe dans les dialogues sur le mode insultant, cette importance du "look" (bien habillée, exhibition des belles jambes !)le stoïcisme affiché et, en creux, le côté bravache des êtres en perdition. Comme annoncé dès les premières images, chaque plaisir pris s'avère traquenard. Film de "la Russie du temps des oligarques" à la photo splendide (entre autres, cette brève devinette, toute blanche entre ciel et eau, on jurerait une fresque japonaise avant que barques et rameurs se précisent !). Des promenades au confinement, sous une apparente décontraction afin de mieux piéger le spectateur, les clivages soviétiques, s'ils ont changé de registre, ont la vie dure.
  • ENTERREZ-MOI SOUS LE CARRELAGE (2009)
    Note : 17/20
    C'est LE film "coup de poing" du cycle Univerciné russe de Nantes 2010...Poussif d'entrée de jeu, frôlant maintes fois le grotesque, ce film heurtera les gens à la moralité chatouilleuse : ils hausseront les épaules en pensant que les asiles psychiatriques existent, ainsi que les bureaux d'aide sociale, et même à Moscou avant la Chute du Mur, ne venez pas nous emm.... avec vos femmes tarées !... Mais les victimes des tyrans en jupon se verront en situation (mère, grand-mère, toute autorité féminine abusive !), se surprendront peut-être à rire alors que tout commanderait de pleurer. A noter que jamais le garçonnet n'est frappé, à peine secoué, la violence réside plutôt dans l'insécurité affective ! C'est l'histoire d'un deuil inconsolable déformé en petites rognes perpétuelles suivies d'attendrissements éclair. Ah, l'emprise des matrones sur la maisonnée... Surréaliste, adapté d'un livre biographique sûrement au vitriol). Accalmies entre crises aiguës, assez pour croire en un possible arc-en-ciel... Le spectateur connait le fin mot seulement à l'extrême bout du film, dans un va-et-vient de la mémé au téléphone à l'enfant fiévreux dans le grand froid des hivers russes... Des situations "limite", rattrapées de justesse. Un film malade seulement en apparence, à deux lectures possibles, familiale ou politique.
  • LA COMTESSE (2009)
    Note : 18/20
    . "L'Histoire est toujours relatée par les vainqueurs", commence la voix-off masculine... Sur d'anciennes terres de Dracula, une Comtesse élevée à la dure par sa mère, sans père, vit un mariage arrangé (avec des enfants) suivi d'un veuvage : peu après, lors d'un bal, son sang bouillonne pour la première fois !... Julie Delpy, scénariste et réalisatrice (elle a également composé la musique de son film), se met elle-même en scène, un rôle équivoque tout à fait seyant, d'autant qu'elle est très bien secondée (et pourtant elle comptait sur d'autres acteurs, bien trop chers par rapport à son budget...). On se croit dans un grand classique, archi-documenté, aux dialogues ciselés (en anglais avec quelques bribes françaises), l'ensemble chargé de signes avant-coureurs du drame qui se noue (ce menuet empesé !). Très convaincant, le scénario d'une fluidité qui repose de bien des productions alambiquées d'aujourd'hui (elle a mis sept ans pour l'écrire). D'une finesse, chaque plan décisif décortiqué. En prime, l'humour des vampires malgré eux (juste deux mouches...) ! Incroyablement abouti pour une quadragénaire aux talents méconnus. Simplement, il faut pouvoir soutenir pareille monstruosité féminine sous des traits limpides, des intonations glacées, encore plus quand on pense aux "cycles féminins", passés sous silence. Très troublant. Aucun bain de sang pourtant, il sert davantage comme lotion tonique passée sur le visage. C'est aussi une peinture de moeurs faisant penser à nos politiques de 2010, mêmes travers... Si le ton caustique rappelle "Barry Lyndon", on flotte d'un bout à l'autre dans les brumes du "Nosferatu" d'Herzog... Julie Delpy déclare en interview avoir souhaité "faire du Dreyer". Personne n'a osé railler son entreprise, elle a donc tout intérêt à continuer !
  • TÉHÉRAN (2009)
    Note : 16/20
    Un peu inégal dans les effets. Attention, pour ceux tendant à confondre virtuel et réel, on peut prendre tout cela au second degré, à tort. D'instinct, je déplore l'affiche soulignant le style "polar". Avec "Les Chats Persans" et ce présent film, je devine la volonté de rendre accessible le cinéma iranien au grand public, la moulinette des grands commerciaux s'empare de ce cinéma admirable ! Malgré cet artifice, il reste un peu d'âme iranienne dans la façon de cerner les situations, caméra à l'épaule au plus près de l'homme et de l'enfant par exemple ou bien ce plan d'ensemble, décrivant par le menu mais de très haut et d'assez loin, l'aéroport, le tireur, l'attroupement... La débrouille occidentale déclinée à l'Iran, se servir d'un être humain pour survivre deviendrait presque naturel dans la mesure où le bébé a matériellement le nécessaire... Je vais quand même garder en mémoire que ces déambulations dans un Téhéran grouillant, entre fraternité et scélératesse, représentent surtout un énième tour de passe-passe visant à dénoncer le malheur de la population à majorité âgée de moins de trente ans (enragée par le sabotage des dernières élections), l'une des plus attirées vers la lumière, l'une des plus illusionnées sur l'Occident aussi, l'ultra-libéralisme ravageant chaque point du globe.
  • SOLUTIONS LOCALES POUR UN DESORDRE GLOBAL (2009)
    Note : 17/20
    Le champ, la forêt, l'animal : tous trois seraient à récupérer par l'être humain au plan local alors que Monsanto et deux autres lobbies détiennent la totalité des pouvoirs sur "la semence", clé de l'autonomie alimentaire humaine. D'utilité publique, ce documentaire fait défiler plusieurs "belles personnes" (dans tous les sens du terme) et remet au goût du jour la chaîne du partage, ce geste tournant et gratuit autour du travail des sols, sans la violence des labours par exemple et avec aucun souci d'irrigation. Car il n'existerait à présent aucune formation officielle pour "apprendre les sols". Seuls, les ingénieurs agronomes décident de ce qu'il est permis d'entreprendre concernant notre chère vieille motte de terre avec ses "petites bêtes" indispensables, garantie d'équilibre. L'irrigation devenant du même coup beaucoup moins un casse-tête planétaire... Evidemment, les snobs, tous les réfractaires aux "culs-terreux", trouveront que la terre, bon, pas leur affaire... Que comparer la terre au couscous est s'égarer, que c'est un peu de bric et de broc ce constat au plan de la forme "bien la peine de se proclamer cinéaste, quand on ne sait plus filmer"... Mais ceux qui cherchent à éviter les médicaments et pas seulement à trier leurs déchets alors que les industriels les répandent, passeront outre les précipitations d'images : au contraire, ils y trouveront un écho dans leur vie, et de l'agrément aussi (on peut puiser quelques astuces pour mieux s'en tirer soi-même dès lors qu'on cerne le piège des multinationales (poisons et autres stocks des guerres, écoulés en autant d'herbicides ou insecticides) cette obsession du tracteur (succédané du "tank" ?). Jusqu'à preuve du contraire, les confiscations massives de terres, tout comme les subventions aux paysans seraient nées de la volonté de s'accaparer les sols sans tenir compte des écosystèmes... Alors que la décroissance tant décriée commanderait, non de remonter à la préhistoire, mais de s'inspirer de l'agriculture des années soixante, avant le grand chambardement agraire... La bande sonore, à dominante "soul", ajoute un supplément d'âme au travail de Coline Serreau présente en voix-off derrière sa caméra. Rien à voir avec les grands-messes de Hulot ou Arthus-Bertrand, ici, on a des témoignages directs, du vécu de spécialistes travaillant en silence, pas des dépenses inconsidérées pour rendre belle la misère.
  • LA SPECIALISTE (2009)
    Note : 15/20
    Projeté au Cycle Russe Univerciné à Nantes en 2010. L'intérêt du film, entre deux perruques et en supposant que l'on parvienne à s'extraire des coulisses du Journal (parfois curieuses), réside dans l'issue : faire le choix de se raviser, pas comme cette malheureuse, missionnée en 2006 à l'étranger (Anna Politkovskaïa, pas la seule, hélas !)... Un ensemble laborieux, des passages incitant à retenir son souffle, une jeune actrice acceptant la complexité du rôle (actrice principale changée en cours de route, ce qui aurait obligé à recommencer le tournage depuis le début). Que de délayages pour en arriver à ce vieux en fauteuil roulant où la journaliste passe d'une attitude à son opposé...). Et ces morts... Difficile à suivre par les non Russes, en tous cas par ceux qui n'ont pas connu le travail sans salaire et autres aberrations des pays de l'Est... Je déplore les à-côtés improductifs, les personnages caricaturaux, signes d'une vacuité scénaristique ?... En fait, il faut attendre la dernière demi-heure pour réaliser le piège tendu. L'outrance russe, qui peut emballer le public jeune ou extraverti avides de boursouflures cocasses, instruit au prix d'une certaine fatigue parfois !
  • UNE GUERRE (2009)
    Note : 19/20
    Très justement primé au Cycle Univerciné Russe de Nantes 2010. J'ai aimé le silence de la salle, le fait que chacun(e) "succombe", vaincu(e) par la démonstration... Sujet délicat en ces temps où le patriotisme reprend du galon... Vera Glagoleva tient dur comme fer à rappeler ce moment d'histoire. L'équipe professionnelle aurait bravé froid, glace (eau à dix degrés) et autres incommodités de tournage, dont les soucis financiers ! Mais la motivation devrait être payée de retour puisque ce film est primé partout où il passe... Toujours magique de voir les mères s'affairant autour de leurs enfants, encore davantage quand les hommes chargés de l'ordre oscillent entre instinct et devoir... La subtilité de l'opérateur, jouant entre ciel et eau fait songer à une autre merveille russe "Le retour" datant de 2003, même manière de se placer à mille lieues des acteurs quand l'émotion est à son comble, en usant du flou, intensité émotionnelle garantie ! Autre effet d'une grande efficacité, ce soudain "zoom" sur la fillette, jusque-là à peine survolée dans le groupe d'enfants... Certes un peu lente à se dévider comme beaucoup de productions russes, mais l'issue fait ensuite louer les péripéties... On mesure mieux comment "trahir la patrie" se décline. Que l'amour spontané (au même titre que la haine) existent (n'oublions pas que les jeunesses hitlériennes auraient été enrôlées par la force !). Que rapacité et grandeur d'âme se côtoient dans le danger... Que là où la vie tient à un fil, lorsque la faim commande, la sienne et celle des enfants autour de soi, bien malin qui reste coincé dans sa logique guerrière. Avant le film, une spectatrice s'avance : "de toute façon, on ne peut aimer ni ces mères, ni ces enfants-là". Ah bon ?...
  • NUITS D'IVRESSE PRINTANIÈRE (2009)
    Note : 17/20
    Ce réalisateur emmène loin et peut laisser le spectateur éreinté des éclats d'une violence trop longtemps contenue. Dans le genre, "Une jeunesse chinoise" forçait la dose, l'intrigue se forgeait à partir d'une jeune fille perdue se montant le bourrichon... Ici, on croirait Fassbinder transposé en Chine, même dédale. On sent moins la connotation politique, ça aide. La situation est vite claire, facilitée par l'un des acteurs au fort charisme, fatal comme une prédatrice lâchant ses proies après consommation, ramené à davantage de vulnérabilité mais quand même très fort (si encore il était "bi")! Inadmissible pour une hétérosexuelle convaincue de se voir deux fois pillée (cette petite entaille dans la peau récupérée comme charme supplémentaire !). Après une scène de ménage d'un rare fracas, une adaptation presque réussie en trio bancal, la jeune femme est dans l'impasse... En dépit du soufre qu'on pouvait craindre rien qu'au titre, aucune pornographie et pas davantage de drogue dure. De la sensualité, des moments fébriles et ces défis toujours relevés côté perturbateur dont la vitalité subjugue !
  • C'EST ICI QUE JE VIS (2009)
    Note : 16/20
    Beaucoup de qualités et une profondeur qui se devinent, tout cela confirmé par le tardif "décollage"... Bien sûr, les tâtonnements de cet adolescent bloqué dans le sentimentalisme ont de bonnes raisons : bouleversé par l'emprisonnement maternel prolongé, la découverte des travers humains (l'argent volé !). Cette belle frimousse expressive, cette sensibilité à fleur de peau sont mises à rude épreuve... Quand même, malgré les signes annonçant la mue, la nonchalance appuyée ankylose, certes contrebalancée par les oiseaux de concours, si attendrissants à l'opposé des violentes courses de lévriers. Une faille éducative de taille dans tout ça : personne n'a eu l'idée d'avertir le jeune homme qu'un renard guéri est plus que jamais un renard ?... Par ailleurs, j'ai un peu souffert des gestes grivois répétés, le radicalisme de l'issue étant, à lui seul, éloquent.
  • LES GRANDES CHALEURS (2009)
    Note : 16/20
    Les prudes vont prendre leurs jambes à leur cou... La bande-annonce laisse présager le plus improbable des couples car elle fait mémère au début et lui jeunot inconstant... Je n'avais pas intégré de manière claire le rôle de la soeur dans l'histoire, emportée par la bonne humeur, ces coups de pieds à la bienséance, on rit presque non stop en suivant cette femme qui pleure aux obsèques de son époux "parce qu'elle n'a pas d'peine"... On marche au fil des musiquettes couleur locale, et malgré un accent (vains dieux !) qui, n'en déplaise aux francophones pur jus, nécessiterait sous-titrage (on le fait bien pour le créole). C'est une vibrante parenthèse vécue à la façon d'une friandise qu'il serait péché de bouder... Joli filmage, fraîcheur des caractères, quelques clins d'oeil au milieu de la pub, mais dans un esprit de partage sans actionnaires à l'affût... N'oublions pas comme le sang bout au Québec quand l'été débarque pleins feux après le mortel hiver !
  • AMORE (2009)
    Note : 19/20
    Mais où l'amour va-t-il se cacher ! S'il est un joyau brillant de mille feux, c'est cette palme de tous les cycles Univerciné de la saison nantaise 2009/2010. Une histoire prenante, en tous points élégante... Envoûtante aussi, on se frotte les yeux pour s'en extraire. A l'exception des rares sortis en cours de route, de peur que "la dernière des immoralités" les laissent pour morts... Du cinéma techniquement somptueux, qualifié de "post-moderne", on parle d'un successeur de Visconti... Le spectateur se sent invité à voyager des architectures italiennes aux alpilles françaises, du corseté glacial au relâché scandaleux, avec la cuisine comme délicieuse intercalaire... Bande-son personnalisée, grande classe comme l'ensemble. Embarquement dès la première image donc, ces constructions survolées dans la pénombre... Décor planté avec lenteur, conduisant à deviner quel personnage se sent décidément d'une autre galaxie (l'animal sauvage Tilda Swinton) dans cette dynastie où on parle de tout sauf de ce qui préoccupe intérieurement, par exemple la présence de cette "pièce rapportée" d'un pays de l'est... Plus on avance et plus gestes, regards, paroles augurent d'un changement auquel personne n'aurait osé penser dans ce monde d'hommes d'affaires soudés par l'héritage financier... Prélude, ces bouchées savamment cuisinées ? Alarme, ce petit rire nerveux ?... D'ordinaire, les belles ramassées dans le ruisseau par de nobles seigneurs fuguent une fois et rentrent au palais. Rien de tout cela ici, à la faveur d'un second événement ajoutant sa part de trouble.
  • SOUL KITCHEN (2009)
    Note : 17/20
    Co-scénariste de Fatih Akin et acteur central : le bouillant Adam Bousdoukos, comique malgré lui... Le pas décidé, il "trace" et s'écroule là où il peut... Mais toujours pour se relever, claudiquant, constamment tiraillé entre son oeuvre, cet entrepôt rénové et les gambettes de l'exigeante Nadine. Patron brouillon, diversement ressenti par son entourage, il parie sur l'honnêteté (précieuse valeur en ces temps d'incitation à la roublardise pour toujours sauver la face). L'atmosphère qui vrille un peu les tympans (bande-son comportant des pépites mais hélas quelques lourdeurs aussi...) fait défiler les cultures en partant du plat le plus "beauf" à la fine cuisine, celle qui nourrit corps et âme, avec seulement deux Chefs, le personnage central et le "Maître Shayn" (attachant Birol Ünel)... Un peu d'huile pimentée vers les lobbies et une escapade aux enchères (mémorable bouton dans le pilulier !)... Sont-ce les gags ou la gutturale langue allemande, les caractères en contraste permanent ou les prises de vue musclées ? J'ai trouvé l'ensemble d'une tonicité aussi contagieuse qu'un bon Tex Avery.
  • OCÉANS (2009)
    Note : 16/20
    Les adeptes de "Planète Bleue" jusqu'à l'étourdissement peuvent, comme moi, aller à reculons voir "Océans" (tout en admettant les qualités de Jacques Perrin, avec d'office avis favorable sur sa complicité avec Jacques Cluzaud) : car au générique, trois grands "créateurs de richesses" doublés de sinistres pollueurs (comment ôter des fonds marins par les les hydrocarbures, déchets nucléaires, substances diluées ou enfouies ? Il est vrai que personne ne viendrait au cinéma... N'empêche, ces ruminations assaillent le spectateur lucide pendant les ballets aquatiques du début. Puis l'entreprise se risque à des angles moins flagorneurs : l'homme, ce prédateur doté d'intelligence doublée de stupidité, se voit épinglé dans ses saccages les plus criants (requins remis à l'eau après coupage des ailerons, dauphins sacrifiés dans des filets inextricables). Mieux encore, la gent poissonnière s'amuse à singer l'homo sapiens (poisson grimmé rappelant le carnaval de Rio)... Les virtuoses de la caméra utilisent des détours, toujours attachés à l'esthétisme de départ, en mariant l'orange et le bleu déclinés à l'infini... Raies d'un velours marron beige qui ondulent, météore en habit de noce, on pense aux défilés de grands couturiers ou à quelque numéro de Guignol. Manqueraient peut-être les appellations les plus courantes de ces acteurs d'un jour, certains en voie de disparition, d'autres nouveaux venus ? Fatalement, dans les fonds marins comme sur terre, cruauté, arrangements à l'amiable, indifférence teintée de mépris, sévissent... Le commentaire en voix-off, que d'aucuns jugent impersonnel, voire niais, prend de la hauteur, certes par égard pour ses bienfaiteurs à double fond, mais aussi par souci d'authenticité : ainsi, des pans silencieux font la part belle aux glouglous, grattements et autres agaceries... Incroyable comme ça déménage sous l'eau ! La croisée des chemins où nous nous trouvons est incarnée par le réalisateur et son fils qui se rejoignent. Out les grands-messes façon Hulot, on baignerait plutôt dans la bonhomie et l'humour façon Frédéric Rossif. Dvd reposant pour les yeux et les oreilles, à se projeter en famille les longs dimanches d'hiver.
  • TETE DE TURC (2009)
    Note : 16/20
    Ah, que j'aime bien ce refus du bipartisme de Pascal Elbé ! Ce refus de trancher au profit de la volonté de comprendre d'un bord et de l'autre, chacun dans son contexte, avec son passé, ses usages, etc. On dénote la direction d'acteurs "toute en patience, en bienveillance, mais attention "qui ne laisse rien passer". Belle qualité d'ensemble donc pour un premier film donnant de l'air par rapport aux discours plus enragés que constructifs. Quelques clichés forcément, des raccourcis un peu faciles, le spectateur peut peiner à resituer un personnage à la fin si son attention a mal capté l'importance d'une scène de départ (le dvd effacera cet écueil). Une intrigue un brin trop chargée peut-être ?... Qu'importe, on sent la personnalité posée de l'acteur derrière "les deux frères" (joués par Roschdy Zem et lui-même) sans qu'il devienne "pute" pour autant : pas plus pour les flics que pour les malfrats, une force à l'heure actuelle, où tout invite à se ranger dare-dare dans l'un ou l'autre camp. Le film traité à la manière d'un polar, prône de garder son sens critique intact, un regard neuf sur les situations les plus épineuses vaut tous les "rentre-dedans". Autre facette originale, peut-être involontaire, raison de plus pour qu'elle ait du prix : dans le rôle qu'il s'octroie, on perçoit bien l'admiration de l'acteur-réalisateur pour l'actrice israëlienne Ronit Elkabetz, comme ça tombe bien, elle est ici éblouissante !
  • DANS SES YEUX (2009)
    Note : 16/20
    Oeuvre projetée en clôture du Vingtième Festival hispanique nantais (2010). Le regard en dit long dans ce va et vient entre l'Argentine meurtrie de 2001 et celle, asphyxiante au centuple, de 1974, soit la fin du gouvernement d'Isabel Peron, sinistrement précurseur, avec ses morts suspectes, des affres commises par la Junte Militaire jusqu'en 1983 suite au Coup d'Etat de 1976. Gouvernement à tendance terroriste, donc, lors du meurtre dont il est question ici : sont mis en scène des "gens ordinaires dans un film noir" selon le réalisateur Juan Jose Campanella. L'occasion d'un savant parallèle entre un fait divers jamais digéré et des amours lancinantes car nées en milieu professionnel. Deux drames intimes avec Ricardo Darin et Soledad Villamil : le duo aide à tenir, leurs longues oeillades permettant "d'encaisser la pression". Cadavre obsédant d'une jeune institutrice revenant en flash-back, mari à l'affût devenant équivoque, greffière poussant deux hommes à la fois dans leurs retranchements : on demanderait grâce sans l'humour, sans le sursaut qui finit par boucler une fuite éperdue en attendant que débarque une nouvelle stupeur... Fraîcheur et cynisme entremêlés culminent avec ce collègue sacrifié. L'issue surprend par cette justice d'ordinaire fantasmée, une formule permettant le deuil au bout du tunnel... On peut déplorer la forme de l'ensemble, un peu empesée, mais force est d'admettre que le fond, lui, est des plus audacieux.
  • LES ARRIVANTS (2009)
    Note : 18/20
    La CAFDA et les demandeurs d'asile : ces derniers de plus en plus nombreux déjà en 2008 (année de production), sachant que, depuis, les moyens ont dû rester stationnaires voire en baisse, mais sûrement pas les arrivants... Imaginons devoir miser sur un eldorado après des sévices, fuir on ne sait où, à la merci de passeurs douteux... Ce documentaire dévoile les limites de part et d'autre et que rien n'est totalement dû ! D'humain à humain, chacun à vif. Au passage, une complicité, un répit, la demi-vérité, l'envie d'envoyer valser aussi (et sans doute pour ceux "du bon côté de la barrière" lutter pour ne pas mettre de sa propre poche !)... J'en suis sortie en réalisant que c'est le revers des guerres, de l'économie libérale sans frein. Ou alors il faudrait injecter des sous à la CAFDA et redonner le droit d'asile à des personnes autorisées à travailler et qui trouvent du travail sur le sol français, quoi de plus hasardeux aujourd'hui ?... Tant de petits trimballés, dont le sort semble se jouer à pile ou face, fait venir en premier à l'esprit le tabou international suprême : limiter les naissances !
  • LES INVITES DE MON PERE (2009)
    Note : 17/20
    Plus profond qu'il ne le laisse supposer par les questions qu'il pose au spectateur, "Les invités de mon père" a ce quelque chose de familier, de chaleureux, que d'aucuns qualifieront de "popote", ou alors de petits-bourgeois, du fait que "l'action se passe en milieu friqué", là où il est commode de se montrer charitable, d'office fraternel envers "ces pauvres qui n'ont rien"... Sauf que la finaude Anne Le Ny ose fondre sur une étrangère ambitieuse rivalisant avec des rejetons légitimes auprès d'un octogénaire devenu le centre... Intéressants méandres, qui devraient dérider les familles aux prises avec héritage ! On brasse, des dialogues vivants aux silences expressifs (ah, ce rideau rouge !). Des personnages à réactivité variable, loin d'être des saints, tout un chacun peut s'y retrouver. Mais attention, il faut bien, à un moment, trancher dans le vif ! Après tergiversations... Dans l'ensemble, on rit plus qu'on ne pleure !
  • INVICTUS (2009)
    Note : 17/20
    Totalement étrangère au rugby, j'ai palpité en regardant ces "bêtes" de stade s'encastrer en mêlée, sans doute davantage que les rugbymen connaissant la vraie histoire sur le terrain ? Au passage, l'occasion de se remémorer l'histoire de l'Afrique du Sud, comprendre pourquoi les blancs et métis indiens se sont réclamés être les premiers arrivés sur ce sol... Quoi qu'il en soit, Mandela aura fait beaucoup afin de raisonner un peuple contraint au séparatisme par des goinfres, or et diamants ayant contribué à la tyrannie séculaire... La rancoeur, la crainte, couveraient à présent du côté des Noirs : la fille de Mandela et l'un des gardes-du-corps croient difficilement en une paix durable (le soulèvement sportif ne peut tout englober, aujourd'hui, les Afrikaners vivraient un calvaire)... Clint Eastwood tient à souligner que la trajectoire de Mandela demeure exemplaire en ce moment, avec la montée des extrémismes. Matt Damon en colosse attendrit et fait rire par moments, la caméra à chaud sur le terrain rappelle l'humour du réalisateur, grand connaisseur des "beignes" au cinéma... A noter que Morgan Freeman pourrait être le jumeau de Nelson Mandela tellement il a pigé ses façons... On repère le nom d'Eastwood Junior côté musique, mélodieuse, très peace and love... Romancé comme récit, un peu testamentaire ? Au moins, ce coin du globe évolue même si on n'efface pas la monstruosité de "l'Apartheid". Mandela avait assez cogité en prison, observé que jouer au ballon rassemble, assez pour que les All Blacks laissent gagner les Springboks !
  • MAMMUTH (2009)
    Note : 13/20
    Des pistes louables, mais hélas régulièrement bâclées pour se réfugier dans l'absurde. Les amorces se laissent regarder, décors, ambiances, mais que le traitement fout tout par terre ! UN message vaut le déplacement : garder tous vos bulletins de salaire pour la retraite, en Belgique je ne sais pas, mais jamais été aussi vrai en France avec le projet de réforme sarkozyste dès 2011 pour complaire aux pontes de la finance. Pour le reste, sourire, commencement de rire souvent avec ce tandem, et l'inévitable prostration. Chaque scène finit en quenouille : entre autres moments appuyés, a-t-on besoin d'un plan-séquence prolongé sur un duo de vieux ados se donnant de la joie ? En rien excusés par les "je t'aime" de consolation et malgré Isabelle Adjani en apparition, ces deux réalisateurs ne donneraient donc à voir que l'éternel spleen de gros gamins jamais remis d'avoir perdu la toute-puissance du bac à sable ? La musique et les moyens de locomotion, seuls, gardent un semblant d'éveil au monde. On sort de là comme si le catastrophisme actuel nous terrassait pour de bon. "Moche", comme dirait Yolande Moreau, trop cantonnée aux rôles de compagnes de réchappés du suicide, on est loin de la délicatesse de "Séraphine" !
  • A 5 HEURES DE PARIS (2009)
    Note : 17/20
    Délicatement mené, pas l'ombre d'une grossièreté. Incompréhensible que cette production ait pu un moment être assimilée au drame de La Flottille au large de Gaza. Elle raconte un coup de coeur sans nationalité précise débutant par une douce euphorie, la connexion entre deux êtres, on décolle loin du rationnel, la voie des airs peut perturber l'équilibre... De Joe Dassin à Alain Barrière en passant par Salvatore Adamo (et même pire !), les "tubes" illustrent la montée d'adrénaline mais comment les bouder tant ils sont valorisés par des minutes musicales brillantissimes, comme s'il y avait du sacré dans l'air... Ce qui amène ce couple à convaincre le spectateur par la gratuité de son lien : ils se plaisent, ce grand enfant ébloui, frémissant : "elle était si jolie"... et cette flanquée d'un propriétaire dont la moustache chatouille, à part ça remarquable chanteur et guitariste folk... De A à Z, la pulsion d'un éternel apprenti de la vie, chauffeur de taxi chaviré en avion, comique rentré (attention à cet acteur à l'austère calvitie, attachant en diable, regard lumineux et grande lucidité dans le quotidien de par son métier : son jeu rappellerait un peu l'innocence de Woody Allen à ses meilleurs moments... La dame fait l'effet d'une fée en stand-by... Une romance à deux niveaux bien distincts : le décollage et la fatale "chute des corps". Apolitique et tonique !
  • YO TAMBIEN (2009)
    Note : 18/20
    Prix de la Fondation Borau Opéra Prima 2010 entre autres distinctions. Ce film fut très remarqué au vingtième festival espagnol nantais de 2010, tout en laissant un sillage plus que discret, sa sortie officielle française en plein mois de juillet dans de rares salles est suffisamment éloquente... Les deux réalisateurs passent en revue les réprobations d'usage, l'excès de bienveillance au profit d'une absence de culpabilité : on fait avec ce que la nature donne... Rien à voir avec le pessimisme flottant sur "Le Huitième Jour". En principe, rien que l'idée du désir sexuel d'un handicapé pour une jeune fille possédant tous ses chromosomes = fuyons !... Il est offert à chacun(e) le temps de s'identifier au couple formé... Trisomique "des pieds à la tête", affirme-t-il à cette péroxydée à la bouche triste... Une candeur naturelle incompatible avec ce que la galerie appelle "homme" ! Les deux acteurs, prodigieusement complices, s'apprivoisent et on se demande jusqu'où... L'équilibre possible tient aussi aux hautes études de cet handicapé qui anime des conférences (l'acteur Pablo Pineda, on n'a pas l'habitude !)... Sa partenaire finit par rayonner en sa présence, il la fait rire même s'ils en pleurent... Il faut pouvoir soutenir l'entreprise. Pour une fois, le handicap se rapproche de très près du citoyen lambda, assez pour pouvoir s'identifier. D'aucuns y voient une lourdeur insupportable autant qu'improbable. A l'inverse, on peut considérer ce film comme une rareté. Que de tabous il balaie, la bien-pensance, l'équivoque "tolérance" souvent invoquée pour amortir la répulsion est évacuée. Les corps se parlent, l'intimité se négocie en demi-teinte. Du jamais vu.
  • L'ARBRE (2009)
    Note : 18/20
    Qu'est-ce-qui lui prend, à ce père de famille de se jeter dans le figuier en rentrant à la maison ? La petite Simone en déduit qu'il a rejoint l'arbre généalogique (touchante Morgana Davies, astre très prometteur)... Un impressionnant "Fig Tree" de la baie de Moreton près de Brisbane en Australie, région où la nature adore les grands formats (chauves-souris, méduses)... L'enfant aux pouvoirs de réincarnation secoue sa mère effondrée, l'entraîne dans les tentacules de bois, les bras protecteurs du père nouvelle formule, ce sera leur secret... La réalisatrice Julie Bertuccelli voulait un film sur "un arbre", projection de fantasmes séculaires, elle s'inspire d'un livre sur ce sujet pour pouvoir dire bien d'autres choses... Hommage à l'enfance réfugiée là où elle peut pour avancer (en hauteur, mais la petite plongera sous l'eau aussi...). C'est une approche des pires coups du sort... Première fois qu'un cyclone (filmé en temps réel sauf erreur), transmet avec une telle justesse la peur vécue par une humaine avec ses petits (on pense aux animaux traqués lors de cataclysmes). L'ensemble dépayse, empoigne, car la photo autant que le son ravissent les sens. C'est bizarre et pourtant familier... Dans cette histoire de deuil multiplié par cinq (quatre enfants et leur mère en seront à jamais soudés), la lumière fait comme un clin d'oeil par moments (soleil, miroir) . Mais le plus beau est le sursaut de cette rescapée de l'enfer affermie dans ses choix (étonnante Charlotte Gainsbourg) !
  • LE HÉRISSON (2009)
    Note : 16/20
    Qui a lu le livre, est tenté d'y voir une illustration peut-être appliquée, servile à ne rien risquer en regard de l'original signé Barbery... J'ai craint le pire en y accédant car j'avais volontairement évité la sortie en salles. Mais voilà que "ça se laisse regarder" et même écouter ! Quelques scènes percutantes ont eu raison de ma méfiance... Certes, un peu de redondance, la pulsion suicidaire trop appuyée, ces débuts laborieux... Mais bien des êtres revenus des apparences se retrouvent dans cette concierge foudroyée par un rival en littérature. La fillette, les chats, l'entourage en mouvement atténuent la cruauté en marche... Finalement une certaine chaleur dans cette retenue grinçante qui débouche sur une belle scène d'émotion. Des gags bienvenus (chocolat, poisson rouge) ... La vie terne des gagne-petits confrontés au quotidien régi par les nantis... Aristos, intellos pur jus, attention aux sueurs froides... Les acteurs semblent s'y retrouver totalement, rare bonheur sur le plateau si l'on en juge par les suppléments au dvd. Un premier film tout à fait respectable : loin d'y voir une démarche condescendante vers "le populo", on peut s'amuser de la petitesse humaine, constater que les petits arrangements qui protègent ont du bon. En définitive, trouver la retranscription de ce succès d'édition plus croustillante que d'autres sorties cinématographiques snobinardes encensées d'office !
  • OXHIDE II (2009)
    Note : 16/20
    Vu au 32ème Festival des 3 Continents nantais (2010). Il faut avoir dormi tout son soûl pour "attaquer" ce long-métrage statique. Pas indispensable d'avoir vu le premier intitulé "Oxhide" pour comprendre. La scène se passe sur et sous une lourde table en bois autour de laquelle tous traînent les pieds : comme nous à entrer dans leur intimité (le résumé mentionne les chats qui auraient pu adoucir l'ensemble, l'un mordille mais ils restent hors champ). Travail du cuir par le menu puis préparation de raviolis viande et ciboulette, tout cela en temps réel avec des moments lancinants, d'autres plus subtils, entre raillerie à l'encontre des vieillards idiots de méticulosité et abêtissement généralisé du monde d'aujourd'hui (la règle graduée pour couper tous les quatre millimètres...). La réalisatrice (29 ans) s'est réservé le rôle d'empotée de service, dieu qu'elle s'amuse... Dommage que la caméra fixée au ras de la table fasse album réservé à la famille. Néanmoins, une fois rodé, même en s'endormant quelques secondes par ci par là, possible de trouver son compte chez ces héritiers de Confucius pas si froids que pressentis... Ils incarnent les métiers menacés de disparition, ouvrent l'étude des manies humaines, en particulier la friction inter-générationnelle, ici autour de la cuisine, cette familière exclamation de la jeune fille : "du gras, au secours !"
  • PIANOMANIA, A LA RECHERCHE DU SON PARFAIT (2009)
    Note : 15/20
    Découvert à Nantes dans le cadre du Cycle allemand Univerciné de novembre 2010. Voilà un film qui repose des longs métrages en série, l'attention peut se relâcher mais on ne dort pas : balade sans à-coups sur et dans les instruments, notamment des "Steinway" somptueux comme des parquets cirés. On s'immisce dans les touches feutrées, au coeur des marteaux. Une invitation à comparer les sonorités après intervention du mage et tant pis si notre oreille saisit mal l'infime différence d'un son à l'autre... La démonstration possède quelques fulgurances dans un ensemble fluide comme les interludes télévisés d'antan, en tous cas pour qui n'est ni accordeur de pianos ni pianiste. Je répugne à en dire du mal pour autant, à part regretter que les pièces musicales soient toujours de l'ultra-court, jamais une suite de mini-concerts. Que du classique bien sage, une seule scène ébouriffante, mais quoi, quelques secondes, alors que le jazz, entrevu le temps d'une respiration, aurait ouvert d'infinies perspectives. Point le but ici... Ni de songer écologie (tous ces arbres abattus !), encore moins ivoire de pachydermes... Convenons que c'est beau comme milieu, convivial. Gloire aux musiciens et aux fabricants de ces merveilles que sont les pianos. Sans oublier le travail des réalisateurs pour "rendre" le son dans les salles de cinéma. La personnalité de l'accordeur fait tout le prix du film. Bon pianiste, cela s'entend. Equivalent d'un horloger dans l'art d'amortir, vissons, redévissons... Sollicité à outrance mais sans jamais se départir de son sourire de spécialiste, il fait plaisir à voir.
  • FRAGMENTS (2009)
    Note : 18/20
    Projeté au 32ème Festival des Trois Continents Nantais (2010). La voix off de Yonathan Haimovitch a quelque chose d'un grand enfant perdu. Né en 1976, année où ses parents ont quitté la Russie pour cette zone désertique d'Israël, au ras de Gaza mais sans le religieux d'aujourd'hui (et notamment les ultra orthodoxes, selon sa présentation avant la séance). De l'eau en gouttelettes sur des vitres... Un paysage enneigé... Puis des intérieurs, les chères odeurs d'antan, couleurs et motifs d'étoffe, le chien sous le fauteuil... Visages heureux sur des photos sépia... Diapositives visionnées en plein soleil devant la fenêtre... Le 33 tours d'Albinoni... "Comme nous avons été naïfs" déclare par deux fois la plus ancienne ... Ces dames semblent échouées d'une certaine façon... La folie a emporté la plus fragile. Une veuve aux cheveux flamboyants s'avoue "contre la mort", son mari l'ayant précédée dans le trépas... Frissonne au souvenir de l'aube, quand sa mère partait s'éreinter puis jubile en pensant aux soirées autour du feu... Un vétéran se déplace à l'école pour assurer la transmission à des petites têtes encore peu soucieuses de leurs racines... Le réalisateur s'est réinventé un passé proche du sien. On se croit davantage en Russie qu'en Israël. C'est chaleureux, émouvant, trop court !
  • ALAMAR (2009)
    Note : 19/20
    En plus d'être un hymne à la nature, c'est le rappel que les très jeunes enfants souffrent en silence quand les parents se trouvent trop éloignés géographiquement l'un de l'autre... Très conscient de devoir s'en arranger, le père assure son rôle, sent qu'il doit faire vite. On le voit valser avec ce bébé né de l'amour entre elle, scientifique de Rome et lui, Mexicain, surtout sauvage des mers... Beau comme une figure mythologique, il s'appuie sur ses instincts, dépasse l'absence physique à venir (ce pacte verbal) déjoue l'agressivité (corps à corps dans la cabane). Sous le regard bienveillant du grand-père en arrière-plan avec ses belles dents blanches. Il plane une rageuse oscillation entre l'élément liquide et les femmes dans ces esprits baignés de lumière et d'embruns. Le petit Natan, d'abord circonspect, s'ouvre à la vie hors du nid : guilleret mais prudent (l'oiseau en visite et l'avertissement "le crocodile va te manger"). Miracle de la pellicule fixant à jamais un moment-clé pour ces gens en même temps que la menace. Aux dernières nouvelles, la barrière de corail dans ces parages serait touchée par "le scandale BP" ! Un coin qui nourrissait si bien son homme !
  • FAMILY PHOBIA (2009)
    Note : 18/20
    Projeté au 32ème Festival des Trois Continents Nantais pour les courageux ou très curieux de la Chine contemporaine "bas de la middle-class". En noir et blanc de qualité variable, c'est un remarquable documentaire de trois heures pour décrire une famille chinoise de 2002 à 2008. Les grands-parents sont logés correctement dans un intérieur anonyme... C'est là qu'on se rend compte à quel point la mondialisation a vite fait de rendre uniformes les grandes villes de la planète : même décor, mêmes joies, mêmes peines, même linge sale en famille qu'en France, qu'en Europe sans doute... Une caméra portée, d'escaliers en couloirs pour repérer les discordes à venir (la grand-mère débranchant l'ordi !). Caméra fixe, braquée sur les repas où on jacasse devant la télé... Et ce sas étonnant, où on va se retrancher cinq minutes... Ils se parlent tous, beaucoup, ces gens élevés à la dure. On sent les petites rivalités à la faveur d'une maladie qui vient jeter le trouble... Les crises de nerfs ramènent au théâtre asiatique tellement c'est à fleur de peau, couinements et un genou en terre pour supplier... Vieux couple au bout du rouleau, rivalités mère-fille, parfois la larme à l'oeil (le grand-père furieux que l'hôpital sélectionne les soins selon le porte-monnaie). Ils ont du mal avec les ultralibéraux... Et aussi avec le petit-fils rivé à l'ordinateur : il agace mais résiste par mille bêtises... Trop investi de la déférence due aux anciens. Cible des projections maternelles (ces énièmes allers-retours lors de son entrée au pensionnat !). Caricature de la toute jeune Chine en marche ?... 2002 à 2008 défilent sans qu'on s'en rende compte... Le jeune grandit et se normalise, les anciens s'adaptent (vélo et nombreux étages sans ascenseur !)... Gros plan sur les habitudes, les expressions des visages... Et soudain, la politique au menu entre les deux enfants les plus ouverts et leur père fan de Mao, l'assaut juvénile contre l'histoire enseignée aux foules... On ne sait si le niveau de vie a dégringolé ou remonté au contraire, mais ces gens semblent reprendre confiance au fil des changements... L'essentiel se joue sur la dernière heure, ces trois débatteurs autour de la table : l'équilibre du monde... Ah ces jeunes qui vous tiennent tête... Hu Xinyu semble jouer l'avenir de la Chine sur le conflit de génération (venu d'occident) comme si c'était l'ultime espoir de libération de ses compatriotes.
  • TOLSTOÏ, LE DERNIER AUTOMNE (2009)
    Note : 17/20
    Sympathique découverte du Cycle Univerciné britannique 2010 de Nantes, cette adaptation de la nouvelle "The last station" de l'Américain Jay Parini (né en 1948) : ce drame historique obtiendrait l'approbation sans concession des descendants de Tolstoï ? Doit-on en déduire que, matériellement, ils se sont bien remis d'un héritage qui leur est passé sous le nez ?... Le film démarre comme un grand classique naturaliste. Avenants l'un et l'autre, Monsieur et Madame Tolstoï. Mais Léon, autonome et père nourricier, entend garder ses prérogatives. Il estime sa famille bien lotie (le formule dans le film), alors que sa femme mère de famille nombreuse attend le retour sur investissement de sa personne (remarquables Hélen Mirren et Christopher Plummer !). Les enfants sont partagés... En effet, il est question de léguer l'héritage au domaine public sous la pression d'un obscur intrigant. Toutefois, on ignore dans quelles proportions. Vraiment tout ou partie ? Tolstoï signe, quasi contraint, avec les mines d'un tiraillé qui craint de le payer au prix fort... Entre les éclats, le quotidien ne manque pas de sel. Pathétique scène de basse-cour autour du lit, caquètements que la bande son reprendra ensuite en sourdine avant chaque minute d'intensité... Si les scènes de ménage ont une truculence (un peu Taylor et Burton dans "La Mégère Apprivoisée" à l'envers), l'équilibre, et l'intérêt aussi, résiderait plutôt dans les personnages secondaires décidés à aimer différemment.
  • REBELS WITHOUT A CLUE (2009)
    Note : 13/20
    Projeté à "Univerciné britannique" Nantes décembre 2010. Ces copains à l'affût d'un bon coup à faire font un peu far west, c'est assez attirant d'entrée de jeu. Or, même s'il y a de l'action, du dialogue, on peut s'ennuyer ferme après un quart d'heure. Les acteurs campent pourtant très bien ces jeunes de seize ans. On croirait un Ken Loach "pour exercice". Ou alors en se bouchant les oreilles afin de focaliser sur les beaux paysages en plans extra-larges, couleurs éclatantes et mouvements de caméra judicieux ? Je me souviens qu'ils ont juste un tout petit peu avancé dans leur tête, que les dégâts sont considérables parce que les parents hein, fallait se les farcir. Sauf que "l'âge ingrat", la grosse crise ado décrite par le menu, s'il n'y a pas autre chose, bof... Le regard d'adulte m'a paru beaucoup trop identifié à la psychologie juvénile. On sent la volonté de séduire ce public-là, sûr de pouvoir s'identifier et tant pis pour les autres. Trop réducteur.
  • ORLY (2009)
    Note : 16/20
    Découvert au Cycle Univerciné allemand de novembre 2010 à Nantes. Des temps forts, beaucoup de soin à filmer les personnages en contradiction entre paroles et gestes, comme fréquemment dans la vie. C'est, avec la virtuosité globale, le point fort de ce film insolite, tout juste décryptable par moments (la lettre...), à la limite d'agacer (le récit de la jeune traveller). On admire le talent évident à filmer, on est intrigué mais guère étonné de l'incident qui balaie les va et vient et laisse songeur... Drôle d'idée, qui casse la fausse torpeur de l'ensemble (on s'y était fait !) d'avoir ajouté cette dernière scène rapide comme l'éclair. En tablant un peu trop facilement sur l'ambiguïté, elle déprécie tout le reste et invite à embarquer mentalement pour un autre aéroport d'Orly : le percutant "Stand-by" avec Dominique Blanc, Prix Cyril Collard et César de la meilleure actrice en 2000.
  • JE NE PEUX PAS VIVRE SANS TOI (2009)
    Note : 18/20
    Découvert au 32ème Festival des Trois Continents nantais (2010). Quand la télé filme le duo prêt à se jeter dans le vide sur le pont (inspiré d'un fait divers de 2003), il plane une façon de filmer "années Cinquante". Que ce soit le travail sordide chez ce patron qui s'endort ou le deux-roues brinquebalant, on se demande bien à quelle époque on est au début. En même temps, on apprend que "c'est illégal qu'un père vive avec sa fille", la bureaucratie taïwanaise exigeant double autorisation pour l'école. Le statut de père-célibataire ne peut être invoqué à Taïwan tellement la féodalité a laissé son empreinte... En attendant, le père (acteur non professionnel !) et sa fille (petite perle d'eau toute en retenue) constituent un tandem attachant. Ils échangent peu mais assez pour s'imprégner mutuellement face à l'adversité qui les frappe depuis qu'on fait payer aux pauvres... l'abomination d'être pauvres. Ainsi, le spectateur a tout le temps de désespérer dans le labyrinthe de l'aide sociale, entre hôtesses récitantes et vieux copain influent mais mollasson. D'autres plongées en apnée avec le visage de la petite fille en flash-back rapprochent de l'issue... Des ralentissements un peu forcés parfois, mais la finesse des derniers plans et même le sirop musical qui l'accompagne forcent le respect... Par ailleurs, rien n'interdit, dans ce désir de soudure inconditionnelle à un "enfant-moteur", de voir la volonté de résistance du peuple taïwanais (sortie du film en 2009, l'Ile de Taïwan venant d'être à son tour touchée par la récession économique).
  • INCENDIES (2009)
    Note : 15/20
    Quelques moments bouleversants (l'incendie du bus, les cris féminins, la naissance) et une photo superbe dans des paysages où on se sent aussi minuscule qu'une tête d'épingle. Il y a aussi un instant de vérité saisissant : ce visage masculin en gros plan, plus ferme que tous les autres. Se glissent des minutes intenses sur un ensemble finalement un peu raide. Bien trop lent, amené de manière artificielle : car le parcours se devine un peu trop comme un jeu de piste avec étapes bien visibles, trop... Les raffinements de cruauté des guerres sont pourtant envoyés en pleine face tels quels (mais ça ne suffit pas pour captiver)... Les portraits en pâtissent, comme s'il était obligatoire d'être ternes quand on représente socialement la marque de l'ennemi. Un genre d'insulte à la maternité ? Si on n'était pas féministe, l'occasion de le devenir. A déplorer, que les jumeaux soient aussi peu attachants. On compatit mais sans entrer vraiment dans le film.
  • CHEMINOTS (2009)
    Note : 17/20
    Les coulisses de la SNCF, service public grignoté déjà depuis des années, à présent sacrifié aux intérêts de quelques-uns. Il s'en passe de belles chez les aiguilleurs devant leurs écrans plus sévit le clivage pour des raisons de compétitivité. Certes, ils sont vite en grève et nous enquiquinent, mais abattent des heures de travail au péril de leur vie parfois, sous-payés, toujours plus divisés. Une régression répondant au mot d'ordre international de privatiser sans regarder les détails... Très instructif tour d'horizon laissant deviner les ogres aux commandes, ne connaissant rien au métier ni à l'histoire du chemin de fer, au final piégés à engouffrer le service public comme des gloutons inconséquents. Les réalisateurs prennent position contre ce cynisme. En effet, faute d'arguments contraires, le spectateur et voyageur occasionnel ressort de la séance inquiet que la sécurité compromise finisse par faire du vilain et convaincu du réel danger que les transports en commun disparaissent. Magnifiques extraits de vieux films projetés à même le décor (reprenant le procédé utilisé dans le documentaire sur le Mur de Berlin "Die Mauer") et témoignage capital de Ken Loach sur le rail britannique !
  • MORRIS : A LIFE WITH BELLS ON (2009)
    Note : 17/20
    Découvert à Univerciné Britannique Nantes de décembre 2010. L'accueil de ce film outre-Manche en 2009 semblerait mitigé ? Les plus chatouilleux peuvent tiquer. Entre tyroliennes et ballets féminins bien guindés... Un peu trop "old fashion" ? Ce genre d'arabesques, assez peu viriles amuse ou refroidit. Pour ma part, j'ai trouvé excellent d'avoir puisé dans les richesses folkloriques et d'en extraire des stars. Ode à "la rustication" ou exportation loin du terroir, il y a de quoi faire et le public est versatile, suffit de le dompter... C'est un bras d'honneur au show business actuel formaté par les seules classes dominantes. L'ensemble est très agréable à suivre grâce aux dialogues dans un registre rappelant Monthy Python. Dominique Pinon, en Français loufdingue, apporte son petit charme particulier aux côtés de tous, Derek Twist en tête. On rit, en tournant un peu en rond par moments. Finalement, la dérision par le folklore, pourquoi pas ? Pas plus ringard que les fanfares remises partout à l'honneur !
  • UNE CHINOISE (2009)
    Note : 18/20
    Une Chinoise plutôt grande, longiligne, avec des pensées intérieures vindicatives se traduisant par des mouvements d'humeur tout à fait partageables pour qui examine consciencieusement ses premiers refus du début de l'âge adulte. Elle encaisse en faisant de sa destinée une affaire personnelle. Des prises de vue toujours soignées (je pense à cette arche symbolique ou à cette volée d'escaliers en arrondi descendus comme en dansant). Plaisant à suivre. La musique aussi séduit, en accord parfait avec ce cri de femelle tournant du bravache au caprice irraisonné. Double lecture possible en supposant que cette grande fille illustre une certaine Chine, plus souterraine que l'habituellement montrée. On se croirait avec le meilleur de Sofia Coppola, en bien plus culotté concernant la jugeote féminine !
  • ANIMAL KINGDOM (2009)
    Note : 18/20
    Faiblesse volontaire ou fortuite du son en numérique ? C'est presque inaudible au début pour emplir la salle par vagues phoniques de plus en plus lourdes de présage. Ce film passe pour ne pas être aimable parce qu'il pointe les dérives sociétales actuelles, je trouve pourtant qu'il ménage le spectateur avec sa bonhomie du quotidien sous la fausseté... "Parce que tu es gentille", voilà pourquoi le neveu aime bien sa copine, deux ustensiles au pays de la perversité contemporaine, quand la loi du plus fort finit par échoir au plus fourbe. Autre adoucisseur de ce bain empoisonné, le flic avenant sans enfant (entre Brad Pitt et les stéréotypes de la police Eastwood, beaux et bons). Mention toute particulière à cette mère (Jackie Weaver bluffante !) dont la survie exige mille stratagèmes. Ils tombent tous comme des mouches... Un suspense à pas de velours avec de l'action toujours bien dosée. Le sursaut dans la logique du personnage central se tient dans cette implacable horlogerie de la loi du plus fort !
  • MARGA (2009)
    Note : 18/20
    Découvert dans le cadre "Univerciné" de novembre 2010 à Nantes. Inspiré du livre écrit par "Marga" toujours en vie. Qui nous explique que le Fürher avait ses limites au plan des actions... Il y eut des récalcitrants dans ce coin d'Allemagne, quand ordre fut donné comme ailleurs de séparer le grain de l'ivraie avant de procéder à l'évacuation des "non conformes"... Grâce à une mise en scène familière mais jamais tire-larmes, au contraire assez rude, le spectateur ne cesse de s'identifier à ce père planqué de son côté (alors qu'il servit dans l'armée allemande en 1914-1918 !) séparé de sa femme, d'un blond aryen confondant et leur enfant (à cicatrice au cou) recueillies dans une famille fêtant le départ du fils aîné au Front... Une suite d'épreuves qui relativise les idées reçues... Le cheval blanc moucheté aux multiples navettes rappelle la fraternité de base, peu importe qui lui caresse l'encolure, il n'exige aucune pièce d'identité. On connaissait l'exil d'écrivains allemands, leurs suicides... Mais beaucoup moins de sourds refus dans le fin fond des campagnes westphaliennes : de 1939 à 1945, environ 450 Juifs allemands auraient été cachés par leurs compatriotes non Juifs jusqu'à l'arrivée des Américains.
  • DANS LA BRUME ÉLECTRIQUE (2009)
    Note : 18/20
    Adaptation de l'oeuvre d'un écrivain qui ne s'est pas offusqué, semble-t-il, des fantaisies rajoutées à son histoire, au contraire. La grande droiture de l'acteur principal et cette manière classique, eastwoodienne, de présenter les événements font qu'on embarque sans trop de crainte. C'est pourtant une curieuse plongée dans un marigot où quantité d'aspects de notre monde en perdition défilent, l'air de ne pas y toucher. Très astucieuse boisson traficotée et non moins palpitant général fantôme, sans oublier l'ouragan de 2005 dont quelques-uns tirèrent profit. Ce qui m'a le plus accroché, en dehors de la somptuosité picturale et sonore, et en plus des solidarités humaines aussi (le couple et l'enfant), est bien le refus on ne peut plus net de la corruption ultralibérale actuelle, c'est devenu tellement rare que ça fait un bien fou de le voir affiché aussi clairement à l'intérieur d'une fiction !
  • IRENE (2009)
    Note : 19/20
    En recourant une nouvelle fois à la voix chuchotée de la confidence, Alain Cavalier convie à mettre mentalement en images la trace de ces êtres bien incarnés mais soudain météores. Remarquable introspection dépouillée du sexisme pour révéler l'individu écrasé par le temps, que ce soit le tiraillé entre ses pulsions ou le rattrapé à un moment qu'il estimait banal. Des prises de vue très soignées défilent sur la voix-off (dont je n'ai pas tout saisi tant elle s'effiloche par moments). Les objets, les lieux marquent l'empreinte tenace d'Irène que la femme plus jeune, plastique encore malléable, ne parvient pas à supplanter. Cette pièce de l'attente, la terrible nouvelle en plans découpés de mémoire... La claque physique. Etonnant qu'on en ressorte aussi délivré(e) !
  • ONDINE (2009)
    Note : 16/20
    Dès le début, le filet ramenant la sirène avec cette caméra qui balaie large ou se recentre sur la capture, on part dans le fantastique. Et voilà qu'elle vomit cette créature, répond au pêcheur... Crainte de s'orienter vers un scabreux mélange des genres, voire le désastre. Surtout que le filet d'après, cette prise saumonée inédite résultant du chant, déclenche l'hilarité. Là-dessus une petite handicapée, et puis une famille qui sent le soufre, on a décidément peur pour le réalisateur. Ne reste qu'à compter avec le caractère un peu à part du père (Colin Farrel), ce Syracuse, Circus, pour aller plus vite "le clown". Sa marginalité fait qu'on suit la petite pâlichonne (Alison Barry), une pipelette craquante... C'est elle qui inquiète le plus. Du chêne religieux lors des confessions à l'hôpital ou en pleine causerie sur route (joli plan de la petite tête de l'enfant vue de la voiture), on passe aux sauts dans l'eau pour moult raisons. En pleine vie communautaire sur une île de buveurs envahie par toutes sortes de gros poissons. Brillante et brève plongée explicative justifiant le point de départ, l'histoire s'avère plus plausible qu'escompté... Possible d'apprécier à condition de pouvoir alterner l'étrange, le grave et quelques pirouettes de pince-sans-rire. La splendide Alicja Bachleda-Curus aurait gagné à limiter ses vocalises de surface (si plates, si artificielles qu'on se boucherait bien les oreilles) et à les propulser tout de suite vers les profondeurs.
  • ADIEU GARY (2009)
    Note : 16/20
    16,5/20 : Projeté aux Trois Continents Nantais 2012. La désertification, suite logique de la mondialisation, s'étant aggravée depuis 2008, possible de trouver à ce film davantage de sens qu'à sa sortie. Le déplacement de la jeune femme jure autant avec l'entêtement du retraité bichonnant des machines qui lui échappent. Jure peut-être davantage avec la jeunesse masculine présente, sur le qui-vive, entre transgression et soumission à une trajectoire professionnelle abrutissante. Tout le désarroi d'une culture accrochée au fantasme afin de ne pas sombrer. C'est un film au charme indéniable, à la frontière du familier pour son aspect social (façon Guédiguian) et du fantastique pour son cadre, Gary Cooper en étant l'éclair ludique, les bruits de matériel qu'on déplace le sérieux bémol. Avantage certain, la présence de Bacri, ici en bourru qui s'amende, aidé par une partenaire qu'on devine revenue de beaucoup de combats, assez pour transformer la lâcheté en grâce. De la délicatesse, il y en a beaucoup de toute façon dans ce film, les démonstrations de débrouille, le désarroi de la jeunesse d'avance entravée, soit de son fait ou par quelque illusion utopiste, des notions avec lesquelles il faut bien composer aujourd'hui. Simplement le propos peut paraître court comme la durée de l'ensemble (75 minutes).
  • UN TRANSPORT EN COMMUN (2009)
    Note : 15/20
    Projeté au Festival des Trois Continents Nantais 2013. Pour ce qui est de la forme revisitée à l'africaine, on croit débouler chez Jacques Demy. Et un peu plus loin dans West Side Story... Toujours vivant, harmonieux et explicite (acteurs choisis dans la rue !), c'est un spectacle fluide, aux cadrages impeccables... La réalisatrice Dyana Gaye, également à l'origine de la bande-son confiée à des virtuoses, donne l'impression de savoir tout faire. On est pris dans son tourbillon de voyageurs. Déluge de mouvements auquel, pour reprendre souffle, manquerait peut-être un peu plus de langage parlé ? Peu de place pour l'imagination du spectateur. Le style comédie musicale made in Hollywood frôle presque le maniérisme, seul petit défaut de ce moyen métrage pour qui ne raffole pas de ce genre-là... Le bon petit coup de griffe envoyé à la France en déplorant l'inertie du Sénégal prouve en revanche qu'on est loin d'une intention frivole.
  • OS INQUILINOS (2009)
    Note : 19/20
    Découvert "Os Inquilinos", documentaire-fiction de Sergio Bianchi datant de 2009 projeté aux Trois Continents Nantais 2013. Une perle rare ! C'est comme si on s'invitait dans la petite famille et son turbulent voisinage. On est placé entre parents et enfants se préparant le matin ou peinant à dormir la nuit, identifiés jusqu'à l'os. Chaque plan dégusté, les dialogues intégrés, les silences ingurgités. Tour à tour grinçant, charmant, d'une profondeur rare. D'une bienveillance de fond qu'on décèle lors du délicieux glissement entre réalité et rêve, souvent endossé par le chien, personnage crucial. On sent le vrai talent de metteur en scène et de conteur derrière ce travail de composition. Un thriller intelligent, de l'action, des montées d'adrénaline, rien qui puisse faire bâiller. Les personnages, mi-victimes mi-espions les uns des autres, sortent de leurs gongs, vous remuent en donnant l'impression d'une presque norme entre voisins (et pas qu'au Brésil !) depuis la production du film en 2009. Cadeau suprême, comme pour moucher le cinéma d'Amérique Latine contemporain qui dit l'extrême cruauté et laisse en plan de manière grossière, "Os Inquilinos" fait qu'au lieu de sortir de la salle anéanti par l'escalade de violence, le spectateur qui en a pourtant pris plein les mirettes s'estime chouchouté.
  • GRAVITATION (2009)
    Note : 18/20
    Petit bijou de dérision découvert au Cycle allemand Univerciné de novembre 2010 à Nantes. Le réalisateur Maximilian Erlenwein instille, un peu à la manière des Frères Coen, une pointe de "trash" déclenchant l'identification immédiate au personnage central, la bonne petite gueule de celui qui débute en essuyant quelques revers. Mais s'abstient du côté "n... en riant" en revanche, ce que c'est que l'affection pour ses personnages. Le monde intérieur de son héros subit des turbulences, mais demeure soft par le flegme des dialogues. On le sent à la manière empathique de filmer. Par les temps qui courent, ce jeune tout fou déboulant dans une banque fait l'effet d'un bain frais par canicule extrême. Aucun mal à accepter la surenchère, on en rajouterait plutôt ! Très tendance aussi, la suspicion de l'entourage, pour qu'un client se tire une balle, sûr que ce blanc-bec dérapa... Jamais la porte n'est montrée, un peu de transgression relève le niveau d'une équipe, donc le faux frère a droit aux ménagements d'un poupon à ses premiers pas... Collègues ou chefs directs peu enclins à malmener un collègue s'offrant l'escalade qu'ils n'osent tenter eux-mêmes, le film ne dit pas autre chose. Grinçant mais gentil... L'ancien pote passerait bien à la vitesse supérieure. La dulcinée va-t-elle craquer, enfin, tout ce cirque c'est pour elle : "du bist meine Katastrophe"
  • WALL-E (2008)
    Note : 16/20
    Avis aux réfractaires : on est tout de suite charmé par les allures et les sons de ce sentimental-robot qui bosse en fredonnant : ses petites manières bien à lui, les trajets avec sa mascotte, les objets prélevés, la poésie de l'herbe locale, c'est dé-li-cieux, on jurerait soit un animal, soit un acteur vivant (un peu l'émotion de E.T.). Dommage que la dénommée Eve ramène tous les vieux clichés par ses formes de mannequin lisse et froid. Wall-e accroché au vaisseau et ses premiers pas sur Axiom font encore palpiter, et ensuite c'est de nouveau très classique dans le genre. Grouillant de poupées gonflables et d'automates, alors que celui qui fait clone asiatique aurait pu être exploité à fond avec moins de bruit et de circonvolutions. Les gags rattrapent de temps en temps cette surenchère, ça reste éblouissant sur le plan technique, variation des prises de vue et bande-son toujours très au point. Malgré la promesse de l'entrée en matière, on est plus diverti qu'angoissé, l'attraction terrestre n'a pas son pareil donc : on perçoit tout de même un ultime signal lancé aux spectateurs,du genre "remuez-vous, tas de larves" ! Mais ça reste gentil.
  • GOMORRA (2008)
    Note : 15/20
    Note technique, car je me demande s'il n'y a pas un brin de complaisance... Enfin, c'est très bien filmé. Utile pour connaître l'étendue des dégâts autour de Naples en matière de corruption des personnes ("Thalassa" à la télé m'avait bien mieux renseignée sur ce mélange de fascination et de terreur des populations et aussi sur le désastre écologique !). Pas du tout romancé, l'ensemble féminin devrait trouver plutôt fatigant (à la différence, dans un autre genre de malfrats, de "Romanzo Criminale" où, sans être d'accord avec eux, on tremble pour les bandits)... Ici, c'est à qui sera le plus abject pour traficoter, très froidement. Pan pan, boum boum, froissement de billets, la petite guerre entre soi...Et ils ont des gueules épaisses, souvent ingrates, sauf ce petit rêveur comme on l'est encore en cour de récréation... A chaque plan, on se demande à qui le tour, collègue aujourd'hui, à abattre demain... La loi du plus fort, les tours de cochon... Des tests de recrutement gratinés, bonjour les enfants ! mais tout cela pouvait être dit en plus court, le spectateur a intégré avant la projection que c'est "du vrai et du présent" ! De ce fatras, un enrôlé s'extrait après avoir, sur ordre, viré un cageot de fruits dans un fossé, soit une seule identification possible, et bien tiède... On sort de là expert sur la question mafieuse et gavé de l'imbécillité humaine.
  • LE SILENCE DE LORNA (2008)
    Note : 16/20
    Dès le début du film, si on parvient à s'habituer aux expressions équivoques de l'actrice, on se demande bien à quoi vont mener ces échanges téléphoniques et ces déambulations d'un blouson à col de fourrure et d'un pantalon rouge moulé sur des fesses dodues... Lorna semble avoir un objectif après lequel elle va se poser. Puis on découvre qu'elle est en mission permanente. Et loin d'être aussi dure que pressentie. D'intrigante elle devient bouleversante (ces emballements avec brusque arrêt) pour s'égarer dans un monologue qu'on souhaite transitoire. Changement de tenue, valse de billets, le pire se profilerait-il ? Belle prestation générale, scénario sinueux, une histoire qui monte en puissance, un rôle féminin captivant, tout cela appellerait un fracas quelconque. Et peu importe que les conditions de l'immigration décrite soient édulcorées, des exceptions existent bien dans la débrouillardise puisque maints trafics continuent à échapper aux autorités... Le silence de Lorna déboucherait-il sur un vide commode qui plombe tout le reste ? M'attendant à plus clinquant vu la rébellion en marche, je reste déçue du délitement final.
  • ENTRE LES MURS (2008)
    Note : 19/20
    Et pourtant...En découvrant la bande annonce, recul instinctif : une horde de sales gosses face à un prof qui tape sur la table, "hey, hey, hey !", et cet horrible jargon banlieusard "rien que des trucs de ouf"... Pire encore, notre homme parlemente avec ses "monstres" dans la cour, maso ou quoi ?... Erreur, à mieux y regarder, c'est un passionné du genre humain... Alors, répression ? Laxisme ? Démission ? Qui peut se flatter de détenir la science infuse dans un groupe multi-culturel "dissipé", avec acculturation, encore plus à effectif enseignants/surveillants moindre ?... Effet boomerang des non-dits, haines tacites, régurgitations de colonisation, de ghettoïsation, séquelles des bavures policière assortis à la "bien-pensance" ambiante ! Reste une petite porte entrebaîllée... Le professeur Marin, loin d'être un surhomme, tente le tout pour le tout, il a la chance d'être globalement soutenu dans son Etablissement. Qui garde un excellent souvenir de ses profs de français en général, se dira "mais quelle crème de prof" !... Au loin, se profilerait bien le Ministère de l'Immigration, léger trouble dans les esprits, quoique... Assez d'éléments pour cerner à froid le fonctionnement du collectif juvénile : à 14/15 ans, c'est tribal, théâtral, tous ralliés à la transgression des meneurs, or, il faut bien se colleter à une opposition pour grandir... Des parents qui, dans leur majorité, n'ont pas su ou pas pu faire, il faut oeuvrer à leur place... "Entre les Murs", merci Monsieur le Proviseur ! Vous incarnez le père si absent de nos sociétés ! Ce film représente une fiction que la réalité dépasse, mais il a l'avantage de remettre à plat la question de l'autorité sans recours à la force publique. Développer chaque jour des trésors d'ingéniosité pour conjurer l'explosion ! Ces jeunes reflètent les tensions adultes de nos sociétés à fortes inégalités, sur lesquelles repose un couvercle difficile à maintenir... De l'autre bord, qu'on s'affiche guide ou censeur, quant l'impossible a été tenté, le professeur souhaite pouvoir juste faire son travail : assainir un groupe, parfois en neutraliser l'élément toxique quand bien même il est noir et défendu par les siens, avec papiers en règle ou non... A ce jour, virer l'intrus est le seul moyen de récupérer la fraîcheur des autres élèves pour avancer !
  • VICKY, CRISTINA, BARCELONA (2008)
    Note : 16/20
    Une balade espagnole à découvrir de préférence en v.o. (malgré voix-off impersonnelle qui nuit à l'ensemble). Attention, cette analyse peut torturer les couples les plus confiants. Etonnant comme Woody Allen semble connaître le secret désir des jeunes femmes à travers sa propre libido masculine. Il y va de son air faussement léger, ritournelle spanish scandant les étapes, moiteur barcelonienne et blondeur relâchée de Scarlett Johansson (magnifiques gros-plans sur son visage, et bravo le coup de l'ulcère !). Toujours filmé avec cette virtuosité qui déboule à pas de velours dans l'intimité de ses sujets. Très peu de bateau ici, un petit avion cra-cra pour aller sur l'île où on perd la tête. Manque la surprise du cinéaste, ni vu ni entendu, il se situe donc dans le propos. Fou comme ces peintres ont l'air de gagner leur vie en claquant des doigts... Une chance que Cristina se libère, sa comparse la fausse-mariée réchappant de justesse à un changement de cap... L'épouse hystérique (Penelope Cruz) et l'irrésistible macho (Javier Bardem) d'une franchise renversante, sont la meilleure caricature qui soit du couple esclave en pays civilisé.
  • SERAPHINE (2008)
    Note : 19/20
    Retenu la phrase prononcée par Yolande Moreau, typique des autodidactes comme Séraphine de Senlis : "quand on fait de la peinture, on aime autrement". Malgré une lenteur un peu appliquée et un manque de fracas, quel beau film (comparable en intensité à l'Amant de Lady Chatterley) ! Puissant hommage à la peinture champêtre, aux arbres notamment, à la bonne vie de village. Touchante force de la nature que cette sauvageonne à chapeau, sociable avec ses chants à la vierge, mais si piètre gestionnaire, de l'or dans les mains pourtant... Prises de vue comme autant de tableaux, on voyage allègrement autour du patelin... Tableaux comme si Yolande Moreau les avait faits (délicieux instant où sa bouille surmonte ses bouquets)... Musique d'extase qui imprègne, suggérant sans fin Séraphine et ses doigts dans les couleurs... Un moment d'éternité. Bel encouragement à laisser vivre en soi le primitif !
  • APPALOOSA (2008)
    Note : 17/20
    Le western américain revisité par un contemporain inspiré : ou bien ce serait avant tout pour ceux qui, d'ordinaire, ne raffolent pas spécialement des classiques épopées de John Ford ?... Car ici, malgré la tonitruante bande-annonce, les pétarades sont modérées, on négocie avec les Indiens, les bons soldats à la misogynie de gros durs, ouste ! Seul, est invoqué le fameux calibre huit, l'arme qui tétanise... Le tout évoluant dans le décor qui s'impose (paysages étirés, félin surgissant à droite de l'image, mais aussi carreaux sales du saloon et ce train deux fois arrêté qui repart en marche arrière...). Des cow-boys new style qui n'en restent pas moins des hommes, avec de la graine d'anti-héros, pour autant on n'est pas dans la parodie totale du western. Certes les dialogues des deux amis de longue date regorgent d'humour, sentimental la plupart du temps... Si l'application des peines se heurte au passe-droit, la loyauté prévaut, (comme le feraient Costner ou Eastwood) en beaucoup plus flegmatique. D'ailleurs, si on souffre de l'étirement des images, les prises de vue et le fond sonores ravissent, aucun relâchement. Plus tard, en dvd, cela démangera de rembobiner plus d'une scène. Mâles racés, dont la caméra capte les visages sous toutes les coutures. Femme déconcertante de prime abord, attention à cette bouche en c... de poule. Sont abordés l'instinct de conservation féminin en terrain hostile et la fragilisation des vieux bourlingueurs, ce qui donne un film particulièrement équilibré ! D'intéressantes valeurs qu'on aimerait bien voir ressurgir dans notre monde actuel où l'éthique brille de plus en plus par son absence !
  • CLIENTE (2008)
    Note : 15/20
    L'entreprise était hasardeuse... Et on sent bien que Josiane Balasko, si elle a des copines sans partenaire précis (ou carrément le désert), a un mari qui la bichonne, pas trop besoin de se fatiguer à "chasser" : son regard sur la solitude morale féminine est timoré, à la différence de Nathalie Baye qui elle, s'amuse comme une petite folle (et serait bien allée plus loin, vers beaucoup plus déjanté). La complicité des deux actrices se perçoit, et celle qui dirige n'est pas toujours celle qu'on croit. Bien des femmes quinquagénaires, quadragénaires même, et pas les plus décaties, souhaiteraient dans leur for intérieur, payer un type pour avoir un contact qui leur plaît plutôt que de s'échiner en palabres, ou à papillonner dans le vide, pour connaître, si ce n'est l'ennui ou les emm..., le fiasco après consommation (mais, chut, faut pas le dire, la prostitution dans ce sens-là reste taboue). Je trouve bien du mérite à ce film qui ose dire que l'argent, dans les faits, a ses commodités dans les relations de couple. En conséquence au diable la gratuité, il convient de bien rémunérer l'escort.
  • LES GRANDES PERSONNES (2008)
    Note : 13/20
    L'atmosphère a un je ne sais quoi d'académique (cette chorale appliquée, vraiment dur de croire à ce professeur Tournesol en vadrouille avec son équipement) : j'ai très vite eu envie de coin du feu avec lumière jaune orangé. Aucune impulsion de visiter les îles suédoises si elles sont aussi austères. De plus, mille regrets que l'actrice blonde, avec son accent couleur locale, ait un si petit rôle par rapport à Judith Henry (filmée de plein fouet, dans toute sa crudité anguleuse) et la jeune adolescente testant ses appas personnels avec la grande illusion que, pourvu qu'il soit profond, "le regard tue". Daroussin pétri de maniaquerie, effrayé que sa fille devienne un peu trop femme par rapport à sa propre virilité en berne. Une situation plausible, mais qui fait dans l'amertume permanente. Prises de vue, gros-plans paternel et filial presque en exclusivité, dialogues de circonstance, sans surprise : on croirait un mélange de Bergman et Rohmer. Bien fait dans le genre effleuré, jusqu'au moment fatidique, ouf, quelque chose se modifie ! Manque quand même cette émotion qui vous emporte loin de votre fauteuil de spectateur... Les jeunes filles autour de 14 à 18 ans qui ont du mal à s'affirmer avec leur père peuvent toutefois y puiser quelques astuces pour préserver le lien malgré les tempêtes.
  • SOLILOQUES (2008)
    Note : 16/20
    Suivi avec plaisir en v.o. sous-titrée français (cycle universitaire allemand Katorza Nantes) les trajectoires mêlées des employés de ce "Call Center", boulot alimentaire très "tendance" de notre vingt et unième siècle, où il s'agit aussi de remplir les poches des puissants en se tirant au mieux de leurs exigences par chefs interposés. Alors qu'on sentirait facilement venir le piège de la division de ces employés-robots par leur un trop décontract manager, avec mise à l'index pour certains, le réalisateur André Erkau s'arrange au contraire pour que le sort de chacun surprenne, petites misères et grosses joies, le patron comme les autres... C'est mené tambour battant, du moins si vous arrivez à tenir le premier quart d'heure, assez bruyant et confus... Contrastes des situations de tous, recoupement discrets. Mais on peut rire, espérer, relativiser avec ces précaires pleins de ressources ! En réprimant parfois une sourde inquiétude concernant le monde professionnel de demain, attention à ces 5 % brandis comme un trophée... Excellente distribution, dont l'acteur Maximilian Brückner à la gueule repérable, déjà apprécié dans "Cherry Blossoms" et "Sophie Scholl"
  • L'ÉCHANGE (2008)
    Note : 15/20
    Est-ce inspiré ou directement tiré d'une histoire vécue ? On peut en douter, ça fait énorme, ce sur quoi on débouche : un gosse disparu remplacé par un faussaire, confié à la mère seulement cinq mois plus tard, la police fait un forcing à la limite du crédible... D'une part, "le ventre" ne peut se tromper sous un semestre de délai... Encore plus comme personne ne reconnaît ce petit dans l'entourage, où il n'a pas ses marques. En dehors de cette invraisemblance de taille (en tous cas tel que c'est amené sous nos yeux), tout baigne : les péripéties sont captivantes, les acteurs tous admirablement dirigés, la photo, la musique, les décors, tout est nickel, comme à l'accoutumée... L'indéniable talent d'Eastwood est bien présent, l'éthique aussi. L'horreur est affrontée, les pendules sont remises à l'heure. Juste un peu lassant que les gentils et les douteux se reniflent aussi vite et que l'énoncé du fait divers en question, si difficile à admettre tel qu'il s'est enclenché, soit spécifié in-extremis sur l'écran, alors qu'il aurait davantage aidé à "avaler" l'histoire en figurant en préambule !
  • LES BUREAUX DE DIEU (2008)
    Note : 16/20
    Il est impératif d'avoir peu ou prou connu soi-même le désarroi dont il est question dans ce documentaire pour admettre le déballage d'états d'âme, comme ça, devant une dame qu'on ne connaît pas ou bien un monsieur qui vous envoie en péninsule ibérique en planifiant tout... Peu de place pour les hommes dans ce genre d'huis-clos... Tant qu'on est à l'abri des "pépins de ventre", des confessions comme celles-ci sont indécentes. Si les apprentis de la vie sexuelle, garçons ou filles, préférant l'anonymat du planning familial français à tout autre circuit peuvent également être inspirés, l'objectif reste, suite à la pratique du sexe, les diverses répercussions d'un "spermato qui nage"... Témoignages majoritairement féminins, le ventre des dames exige surveillance et peut conduire, en catimini car c'est tabou, à des décisions d'ordre métaphysique (le souci de virginité de sa partenaire, de la part d'un olibrius survolté, fait un peu tache en comparaison !...). Quelle patience faut-il déployer ! Les surprises défilent, de l'anecdotique à la révélation, entretiens en partie inaudibles (cette manie de ne pas articuler !). La réunion et le cours représentent une diversion sur les autres angles du Planning Familial (la limite du secret pour les sans-papiers, mariages blancs, etc.). Claire Simon est d'avis que les femmes vivent beaucoup à travers parents et partenaires, qu'elles disent à la fois oui et non à leur fécondité, car pas franchement délimitées dans leur identité propre : Bureaux de Dieu, il s'agit bien d'un confessionnal des temps modernes, avec des options, mais où rien n'est jamais vraiment tranché. La présence des actrices connues ajoute un plus je trouve, car il y a des longueurs pesantes... Et puis ces quelques secondes de jazz strident en salle d'attente, fort heureusement rattrapées par la Bulgare à trois étreintes fatales (sourire permis tant que notre pays offre des solutions possibles et répétées !)... Mais déjà les violons du printemps concluent d'un seul coup, en pleine ambivalence de l'âme féminine.
  • NOVEMBERKIND (2008)
    Note : 14/20
    Cycle universitaire 2008 nantais du cinéma allemand. Une entrée en douceur dans le microcosme d'Inga, ses grands-parents étriqués mais aimants, son amie bain chaud/bain froid et autres excès, leurs habitudes bientôt bouleversées... Arrive cet escogriffe d'écrivain avec sa nouvelle (bizarre qu'Inga lui ouvre son home sans se poser de questions). L'écheveau se dévide avec économie (un peu longuet...), dans une atmosphère fantomatique où la musique alerte lors des passages décisifs : mère et fille se confondraient facilement au début, il faut bien différencier les tons chauds du flash-back et les pastels de la réalité. Des plans très reposants du Lac de Constance en bleu lavande, les fonds d'images sont souvent imprégnés de sépia, raffinées, tout comme la bande-son. Il est donc question d'un réfugié russe, il arbore une expression butée forçant à une protection qui est aussi de la légitime défense !... S'ajoute une petite tête à ménager (Inga bébé). Fuite dans un coffre de voiture conduite par un autre homme... Tout cela peut faire un bon livre... Des histoires identitaires de ce genre, nul doute qu'il y en a eu entre RDA et RFA avant que ce sacré Mur ne tombe ! Dommage que l'écrivain-enseignant au visage émacié demeure une gueule coincée, rien de rien du séducteur, rien à faire, je n'ai pas su m'attacher à ce personnage beaucoup trop sévère pour un rôle de cette ampleur (et ne dois pas être la seule). Saisissant contraste d'Inga et son regard limpide, compréhensible qu'elle fuie, son teint de pêche, ironiquement conservé par l'eau froide, espère beaucoup en la vie. Beaucoup de santé à braver les éléments, LA pulsion à foncer vers sa vérité : on croirait une Hanna Schygulla en prime jeunesse !
  • STELLA (2008)
    Note : 16/20
    Bien aimé ce regard féminin retourné sur sa préadolescence de fille de bistrotiers pas nets nets... C'est mené avec brio, peut-être quelques longueurs pour en arriver au fait et toujours le manque de clarté dans l'élocution de la jeune enfant-femme, de ses douze/treize ans à environ quinze, avec un éveil vers le partenaire plus rêvé qu'appréhendé... Magistrale présence de Benjamin Biolay, il n'a qu'à paraître et bouger le moins possible, fou le charisme naturel de ce chanteur souvent inégal, mais un véritable acteur à propulser ! L'attitude du regretté Guillaume Depardieu en dit long sur sa profonde capacité de délicatesse intérieure... J'ai trouvé les deux scènes avec le fusil inoubliables : plus faiblarde en revanche, celle avec le jet d'eau. L'émotion est souvent présente, en tous cas si on a vécu des trucs un peu analogues à cette période de sa vie...Une oeuvre qui apporte sa part de subtilité éducative sous ses airs de ne pas y toucher !
  • LEONERA (2008)
    Note : 17/20
    "Leonera" sonne comme un prénom féminin (au point qu'en sortant de la salle je restais persuadée qu'il s'agissait de l'amie et ex-compagne de cellule si précieuse) : ce mot désignerait le lieu où les prisonniers attendent leur transfert : que de tranferts justement dans cette histoire ! Talentueux couple de Pablo Trapero réalisateur argentin dirigeant son actrice-épouse (Martina Gusman) enceinte et accusée de meurtre, dont la mère (très complémentaire Elli Medeiros) détient le rôle ingrat de compatir sans étouffer. L'entourage est composé de vrais matons et de vrais incarcérés dans une vraie taule... Toutefois, sous la rudesse, perce une relative bieveillance (suivi médical respectueux, césarienne en milieu hospitalier...). Le plus terrible pour le spectateur est d'être ni dedans, ni dehors, mais un voyeur tiraillé par la cruciale question (un enfant en prison = raison de vivre de l'adulte ou "prise d'otage", sachant que le petit s'avère de plus en plus bouleversant...). Autre poids à porter : cette Julia pleure toutes les larmes de son corps mais sait aussi être violente, équivoque, a-t-elle tué ?... Côté ambiance, le réalisme quotidien du milieu carcéral aurait pu gommer certaines répétitions (ces incessantes navettes et bruits de grilles métalliques), ou alors c'est amplifié de manière à énerver, suprême habileté dans ce cas : car cela ne pèse plus rien en effet, dès que cette caméra à l'épaule cherche la sortie de l'appartement, direction le taxi, le car, la promenade à pied sur un sentier bucolique, jeune femme détendue causant à son petit dans les bras, un dernier contrôle, n'ont plus que la rivière à traverser. De quoi avoir des ailes, et quel hommage au peuple argentin qui en a tant bavé !
  • PROFILS PAYSANS : LA VIE MODERNE (2008)
    Note : 18/20
    La désertion des zones rurales est un fait dans notre beau pays, encore plus en territoire accidenté comme les Cévennes : prendre la suite de la ferme parentale devient un sacerdoce et s'imposer quand on vient d'ailleurs, quel cran ! Raymond Depardon, occitan d'origine, invite à l'accompagner dans sa "croisée des chemins". Comme à bord d'une quelconque charrette n'en croisant aucune autre, partons voir où en est "son coin"... Il avait en germe, dans son désir d'évasion adolescent, cette capacité de savoir immortaliser un moment, aurait certainement dépéri recroquevillé sur son lopin... Chemins vicinaux menant à des demeures silencieuses, quelle que soit la saison, à chaque arrêt, suspense... Le narrateur (Raymond Depardon excelle dans le commentaire et les interventions, rien de trop... Les paysans très près de leur nature aiment avoir la paix, cette caméra leur rend hommage tout en les dérangeant. Ont parfois un fort accent et l'air de vivre sans la civilisation ou presque... Ce qui surprend est leur vocabulaire français précis, et cette lucidité, en aucun cas de lourds péquenots ! On assiste à des silences têtus débouchant sur des aveux lâchés avec rage... Quelques minutes encore pour briser la glace (chien sur la chaise, café-petits gâteaux pris aux aurores, tête émue qui se retourne, yeux rougis du vétéran détrôné...). Chaque vache ou cheval qui part laisse un vide que moutons et chèvres peinent à combler ... Reste l'énergie de ces femmes, à qui il faudrait bien davantage pour renoncer tout à fait ! Une virée cévenole pour la postérité dont on sort ébloui tant les images sont soignées mais, n'empêche, désolé, fataliste vu l'habitant au kilomètre carré... Monsanto qui fait peur d'un côté, marché du bio en hausse de l'autre, il est encore permis de compter sur un compromis vivable !
  • MES PLUS BELLES ANNEES (2008)
    Note : 15/20
    Bien qu'il risque de passer inaperçu, voilà un excellent divertissement familial en cette fin d'année 2008, encore qu'il porte sa part de tragique, amplifiée par un indicible secret entre l'un des jumeaux et la virago rousse qui met le feu aux poudres... On peut redouter que ça reste un peu conventionnel (sacro-sainte famille avec ses éternelles tares, non merci !)... Disons qu'il y a des temps forts et des temps un peu plus niais, Ezer étant pour moi le personnage-clé, par sa réserve, on sent qu'il va incarner une fracture : bien des émotions masculines autour des femmes, toutes laissées en arrière-plan, à l'exception de Neta la pulpeuse... Le sursaut paternel par nécessité autant que par amour (face à la débâcle maternelle) est la minute la plus intense, souffrance ramenant à l'essentiel, penser à "sa pomme" et, partant, redonner vie autour de soi. Des "tubes" musicaux à foison (un peu trop), je me souviens de "Will you" (de Hazel O'Connor, cet inoubliable saxo) ou "Forever Young" d'Alphaville... Eparpillée dans tous les sens, cette saga peut plaire à toutes les communautés alliant modernité et traditions. Le réalisateur fait partager sa nostalgie. Il en profite pour revisiter la fibre paternelle et dénoncer les travers de la guerre. Dialogue, dialogue même houleux, car le temps, lui, n'attend pas !
  • L'AQUARIUM (2008)
    Note : 14/20
    Vu en v.o. au festival des Trois Continents nantais 2008 (serait passé sur Arte quelques jours plus tard ?). "L'Aquarium" est un jardin avec quelques poissons dans l'eau au centre : on les voit nager au ralenti dans une atmosphère musicale invitant à se laisser flotter, belle apesanteur qui promet (la bande-son ravit les oreilles d'emblée si bien qu'on décroche tout de suite du monde concret)... Quelques images du Caire la nuit, un grand malade avec des tuyaux dans le nez... Une voix féminine suave recueille à la radio les confidences masculines, entre autres celles d'un anesthésiste aux allures mécaniques, très intrigué par les secrets qu'on confie "entre deux eaux" : deux trajectoires pouvant conduire à un télescopage des plus fracassants. Mais hélas ce sera pour une autre fois, de belles images très travaillées se succèdent, un va-et-vient entre les univers respectifs, entrecoupés de plongées dans "L'Aquarium", et cette mise en parallèle avec un élevage de poules blanches en batterie. Le Caire est donc une ville grouillante de gens qui se frottent les uns aux autres en restant murés. On revient à soi quand la demoiselle danse sur une déferlante de rap égyptien (beau moment du film) : séduisant, et cela vous sort de la torpeur fatale, et ce malgré l'excellence du fil narratif. C'est pourtant fouillé, intelligent, des répliques qui accrochent, mais hélas l'ensemble reste desservi par une mise en scène beaucoup trop statique pour retenir l'attention du spectateur moyen. Comme c'est le genre de film-culte à promouvoir dans les milieux avertis, les professionnels de la technique du cinéma devraient raffoler en revanche !
  • CHANTS DES MERS DU SUD (2008)
    Note : 18/20
    Déjà primé en 2002 à Nantes au Festival des Trois Continents pour "Le Faisan d'Or" (un somptueux noir et blanc aux uppercuts tant verbaux que physiques), voici Marat Sarulu version 2008 : un cinéaste sorti de ses gonds ! Toujours autant de finesse à filmer en couleurs, par séquences entrecroisées très subtiles (jamais de longs plans fixes...), il sait comment captiver : familles qui se rentrent dedans (toutes les choses taboues sont carrément dites) et, sans trop tarder, cette fuite de l'égaré de service, hélas, que n'est-il né cheval !... Quelques informations sur des images animées de très bon goût aussi pour étayer le propos. Jusqu'à ce court morceau d'histoire qui provoque une rupture de rythme, un ton nettement plus grave. Ainsi, la difficulté de cohabitation est bien inscrite dans les gènes humains, avec mention spéciale de partages familiaux dans cette région tourmentée, aux populations écartelées par le régime en 1916... Mais retour à la verve entre les échauffourées (chants et danses, les acteurs ont dû s'aider de quelques boissons pour avoir autant de conviction à communiquer aux spectateurs !).Ce cinéaste reste fidèle à lui-même en plaçant d'un côté "le troupeau" et de l'autre, l'être à part, trait d'union pourtant... Ce film qui exprime l'indicible fait l'effet d'une drogue sans les inconvénients ! Il mériterait dans un proche avenir une diffusion grand public !
  • POUR ELLE (2008)
    Note : 16/20
    Travail très soigné. Remarquable pour un premier film ! On sait grâce à une mise en scène raffinée, à rebondissements, que le noeud coulant est mis sur la belle prisonnière. Le petit bonhomme a les yeux maternels... Quant à l'ours de mari qui donne une sorte de confiance, cette dernière doit tout à la personnalité de Vincent Lindon, ici il atteint au mutisme pataud de Bacri... Donc, après quelques secondes où on serait tenté de croire à un ensemble cousu de fil blanc, surprise, rien n'est joué... Seconds rôles (les parents de Julien) très crédibles, et tacitement respectueux de ses secrets. Dialogues intelligents, ça grince juste ce qu'il faut. Musique qui colle bien aux étapes... A un moment, ça pulse, la précipitation est très bien rendue sans qu'on soit soûlé !!! Ne pas craindre non plus les scènes de violences, rendues largement supportables (encore plus en regard de l'actualité réelle) grace à une manière de filmer qui ménage le coeur. Car le fond est très sentimental sous la rudesse. En même temps un excellent thriller. Toute la famille peut aimer, disons à partir de douze ans.
  • TWO LOVERS (2008)
    Note : 17/20
    Envoûtant par la manière dont c'est traité ! Sans doute, les plans en surplomb du début du film, les ralentis et la musique (un rien "In the Mood for love" !) sont pour beaucoup dans l'embarquement immédiat. Le héros serait atteint de la maladie de "Tay-Sachs", comme son ex volatilisée, très important pour comprendre qu'il a des exigences, avec désir intact de s'affirmer, par exemple "protéger" (la blondeur d'une silhouette juvénile en perdition reste tentante) : sans cette fêlure génétique, on pataugeait dans l'adolescence attardée, comble d'ennui... Ce Léonard - un gros ours qui sait aussi se mettre beau, attachant en diable - vit et travaille au pressing de ses parents... Cru voir Ingrid Bergman ressuscitée tant Isabella Rossellini devient copie conforme. Les amateurs des films d'action du réalisateur seront surpris par cette romance desservie par une affiche faussement légère. C'est une histoire assez noire, romantisme et cruauté ne cessant de se donner le change. La façon d'amener les péripéties est en tous points séduisante, que ce soit par l'exploration des petits gestes qui trahissent, ou sous des angles détournés, à la manière asiatique (draps en mouvement sur le miroir). Les femmes échaudées peuvent aimer, les hommes à l'aise avec leurs pulsions aussi.
  • UN BARRAGE CONTRE LE PACIFIQUE (2008)
    Note : 14/20
    Comme "Les gens de la rizière" m'avait emballée, j'attendais une qualité globale : image, retranscription d'époque, moiteur... Effectivement, un beau décor pour un retour sur les années Trente dans la campagne saïgonnaise. C'est admirable, lisse, un trio de Français plutôt las entouré d'autochtones menacés par les nouveaux riches venus de Chine (résonnance possible en 2008, où l'expropriation sans discussion possible sévit plus que jamais). Flotte une rudesse de contact, chacun défendant son bastion (intéressant sur le plan historique)... Cette veuve de fonctionnaire (Isabelle Huppert) quasi-amoureuse de son fiston musclé et affichant presque le mépris de sa fille en pleine éclosion, captive par sa détermination à vouloir garder son bien. Mais voilà, en dehors des brimades de l'envahisseur et quelques pans éblouissants de résistance, ainsi qu'un bref retour en 2007 dans ce coin, c'est "sage comme une image" : respect pour la léthargie du livre de Duras ? Un bon scandale eût pourtant fait décoller l'ensemble !
  • IL DIVO (2008)
    Note : 14/20
    Cette virée dans les coulisses politiques italiennes actuelles me laisse partagée à cause de son traitement à grandes louchées qu'on a à peine le temps d'ingurgiter. On se doute bien qu'à l'ère berlusconienne, la perversion du pouvoir est à son paroxysme, en Italie juste un peu plus qu'ailleurs de par l'officielle Mafia. Ici, le personnage d'Andreotti est presqu'une marionnette avec ses oreilles en anse d'amphore, d'un comique funèbre au bout de ses monologues (le pire étant que le vrai est vivant et en fonction !)... Certes beaucoup de mérite à dévoiler les complots dans les hautes sphères, des fulgurances ici, mais c'est vite fatigant sous cette forme, comme le sont ces perpétuels "déconneurs" qui vous obligent à leur sens de l'humour (sans vous demander le vôtre), et sinon vous n'avez pas d'humour. Dans le genre hautement réaliste de la rouerie humaine, moyennement raffolé de "Gomorra" à cause de l'outrance aussi : deux oeuvres indiscutablement courageuses !... Mais je reste plutôt adepte de "Romanzo Criminale", non pour un parti pris d'un bord ou de l'autre de l'échiquier politique, mais parce que c'est romancé afin que ça reste supportable, encore plus quand c'est aussi contemporain !
  • FROZEN RIVER (2008)
    Note : 16/20
    Il flotte une grande tendresse sous-jacente dans ce film grelottant, catalogué "thriller" plus par le fait de cette rivière gelée à franchir, que par les sueurs froides habituelles, et ce malgré la présence d'une arme à feu. Quel bled ingrat au solstice d'hiver, seul rayon de soleil dans ces contrées, les petits humains ! L'actrice principale porte tout le film avec son désir d'un Noël convenable malgré la fuite paternelle, consommer est ici crucial (possible quand même de se poser la question du choix de ce compagnon accro aux jeux d'argent, car tout oscille autour de la possession matérielle, ne vivent plus que pour consommer)... La jeune Indienne dans sa caravane porte sur les nerfs un bon bout de temps, on est loin des clichés angélistes sur les réserves d'antan... A déplorer, quelques longueurs toutefois... Le discours inviterait, de prime abord, à s'arranger des dégâts collatéraux d'une mondialisation du tout économique, du style "si ce n'est pas toi qui claque c'est moi"... Fort heureusement, c'est racheté par un sursaut de générosité universel, qui fait qu'on adhère ensuite à la démonstration ! Sera palpitant en dvd !
  • LOUISE-MICHEL (2008)
    Note : 13/20
    Quand rire devient douleur... J'ai eu l'impression d'un énorme gâteau empoisonné envoyé à la figure, au prétexte que l'époque est devenue irrécupérable... Hélas, je n'ai pas ri, tout juste souri. Car si cet humour-là colle à l'actu de Groland sur Canal, pour un film, je demande autre chose, des trucs plus fins peut-être ?... Le couple est peu attachant, la psychologie est à ras du sol et c'est plein de surcharges, avec cette guitare gratouillée en ponctuation, ou ce sifflement répété, on se sent forcé à l'adhésion pour la bonne cause. Mal à l'aise avec le sardonique, je me suis sentie égarée dans ce labyrinthe d'angoisse, dans une salle, vraisemblablement au même diapason, mes voisns ont à peine gloussé... C'est bien filmé malgré tout, et j'opte sans hésiter pour la dénonciation des impostures actuelles. Dommage que ce soit non-stop le style "Hara Kiri" dans ce qu'il avait de pire, c'est-à-dire "le bouchon trop gros poussé trop loin". Plutôt que de nier le bien-fondé de la démarche, il est permis de se questionner : de quoi rit-on instinctivement dans une époque précise, dans quel registre le rire stimule et quand commence-t-il à donner un vertige inquiétant ?
  • LES NOCES REBELLES (2008)
    Note : 18/20
    Surprise du titre français (un rien moralisateur ?) par rapport au titre original "A revolutionary road"... Satire impitoyable du couple embarqué dans le conformisme familial, ce "tue-l'amour" progressif des êtres à fort idéal affectif. Les années cinquante, et même soixante (1961, sortie du livre ayant inspiré ce film) constituent la période d'éclosion de ce sacro-saint modèle de société : difficile, dans les fifties, d'essayer de s'en extraire : père nourricier libre de ses fredaines, poids moral sur l'épouse, et surtout poids encore plus lourd sur la mère : ça s'est arrangé depuis ! Le film dessine bien le piège tendu d'avance et beaucoup moins l'usure de gens "pas assez forts", nécessitant un psy (!) pour s'accommoder de la médiocrité. Des moments exceptionnels : ce cinéaste détient l'art de tout déballer, de traquer l'hypocrisie mais toujours avec élégance (biais de ce détraqué en visite avec papa et maman)... Jubilatoire pour les célibataires endurcies (coups de gueules qui retournent les sangs !). Remarquable interprétation des héros dont on attendait la remontée à la surface de l'eau froide du "Titanic" : à peine le temps de se rincer l'oeil : Leonardo di Caprio ici macho en droit fil des traditions mais capable de s'amender, face à une Kate Winslet d'apparence lisse, plante exigeant de toujours pousser pour elle-même, si maîtresse femme dans son refus (elle est pourtant dirigée ici par son mari dans la vie) ! Feutrée plutôt que tapageuse, c'est une oeuvre qui soit replie sur sa sécurité ou réveille comme un défibrillateur !
  • ELEVE LIBRE (2008)
    Note : 16/20
    Rencontre d'un jeune et d'un trio prompt à "confondre l'amour et la gymnastique" ? Les coups de raquettes pourraient faire croire à quelque toux nerveuse... Le blond Jonas, cadré en tout par des adultes en mal de projections à plaquer, plutôt que de redoubler et se retrouver avec les tout jeunots, préfère étudier en candidat libre. Le dénommé Pierre l'accueille chez lui pour cet enseignement : une maison où on parle à coeur ouvert, de soi, comme de la copine Delphine, le premier amour, fortement idéalisé. Les trois hôtes émoustillés semblent fins connaisseurs, devanceurs de désirs, la dame est particulièrement à l'aise... Repas, baignades, soirées discothèque et études constituent le programme. Parfait, ne serait ce léger malaise global... Une histoire plus gonflée que je ne l'aurais cru ! Sur l'air du mythe soixante-huitard "être libéré", le leurre du siècle précédent... Pareil rite d'initiation existerait encore dans de rares tribus, à Bali je crois bien, mais sous nos latitudes, du fait de la socialisation, ces fantaisies primitives désarçonnent. Pour preuve, une franche tension vient s'abattre sur le spectateur à partir de Delphine à table avec la maisonnée... Et ça n'arrêtera plus ! "Plus entraîner que forcer", dit le précepteur... Armes inégales, pouvoirs incomparables. Le plus pénible pour l'adulte est bien le contraste de Pierre, être bien intentionné aux vues pertinentes avec son revers, la chair triste, cette contamination, les répercussions à imaginer peut-être sur des générations ensuite... Joachim Lafosse dénonce, il prend un discret parti pris, pas si neutre que cela... Techniquement, même art des prises de vue, même acuité que "Nue Propriété", même étau... C'est riche de détails, ça fait gamberger longtemps après la projection. Et espérer des soins pour les égarés du désir !
  • GRAN TORINO (2008)
    Note : 19/20
    Il donnerait envie de chiquer, tellement on n'est pas à ça près avec Clint Eastwood... Beaucoup d'autodérision délibérée, ça fait du bien par les temps que nous traversons, où bientôt dire "un juif" ou "un noir" sera insultant ! Walt, natif cabossé plus à l'aise avec sa douce chienne Daisy qu'avec ses propres enfants ou petits-enfants, souhaite qu'on lui foute la paix depuis son veuvage récent, sauf que la communauté asiatique est majoritaire dans le quartier, pavillons à touche-touche, plus tous ces gangs de jeunes en recherche de sensations... Si on est poli et bien lisse, qu'on ne rit pas du tout de ces aversions spontanées, on peut s'en tenir au cabotinage eastwoodien testamentaire et croire tout plié dès les premiers plans... Ce serait escamoter cette distance que le cinéaste prend avec lui-même pour entraîner vers des observations sur l'art de transmettre dans nos sociétés cosmopolites... Un humour grinçant, mais qui fait respirer... Les prises de vue semblent sortir du sol, on croirait notre homme mort, allongé caméra à la main, en train de servir ses observations. Ici cinéaste autant qu'acteur : un faciès de pittbull grommelant, l'oeil aigu du vieux fauve marquant son époque... Il a bien noté le penchant humain primitif, asticoter autrui, surtout s'il est calme, indépendant, ou encore appuyer les faiblesses plus par rapacité que charité... Le cigare mâchonné s'est changé en une chique crachée en larges salves brunes. Seule la voix, révélatrice des séquelles globales, va faiblissant, prête à l'extinction. Qu'importe, il a beau faire dans la malséance, dans le masochisme aussi, le bonhomme est presque plus fringant à 78 ans qu'à 60. Ce film rebat les principales cartes qu'il a jouées, le cow-boy, le flic implacable, le flegmatique irrésistible : une tôle dure abritant un palpitant qui l'est beaucoup moins.
  • LA JOURNEE DE LA JUPE (2008)
    Note : 16/20
    note attribuée plus pour le fond que la forme, assez brouillonne, et aussi parce qu'il s'agit d'un angle complémentaire à "L'Esquive" et "Entre les Murs", entre autres... Isabelle Adjani fait son retour : pistolet éternellement chargé en main... Le fantasme de "leur rentrer dedans" domine, c'est probablement davantage pour les enseignants que pour les élèves... Focus sur l'enseignement laïque banlieusard. Bravo pour ce Directeur d'école caricaturé, son objectif principal "être bien noté par sa hiérarchie", en droit fil du business ultra-libéral, il faut contenir ses équipes chaque jour dans l'arène : les profs soudés, et ça se comprend s'ils doivent s'arranger de "la diversité", cette bluette des campagnes de communication = sur le terrain, une bande de chiots à dresser ! Bien entendu, de l'autre côté, ce refus d'apprendre par coeur des tirades de Molière est bien sympathique pour qui n'a pas raffolé du procédé, surtout avec ce tout ou rien de la prof qui veut gaver des métis à cent lieues de nos Ancêtres les Gaulois. Cerise sur le gâteau : ce collègue usant du Coran pour argumenter en cas de controverse (même tactique que le commerçant ou l'avocat), deux signes que les programmes mériteraient "un toilettage"... Viennent ici curieusement s'imbriquer les histoires privées du flic, de l'enseignante... Jusqu'à cette affolante apologie de la jupe, à l'heure où leggings et caleçon peuvent être portés avec jupe, une mode pas si bête... Voici qu'un portable apporte d'autres révélations sur ce huis-clos donnant le tournis... Profs à bout, parents dépassés par leurs rejetons, ici fort peu attachants, excepté au dénouement. Exemplarité où es-tu ?... Plutôt que de focaliser sur foulard et casquette loin d'empêcher la transgression des adolescents fâchés avec l'autorité bornée, à quand en France les moyens financiers réels, sur le terrain, pour une éducation civique "new generation" de grande ampleur par des sociologues éclairés du style Obama ?
  • DELTA (2008)
    Note : 16/20
    Dans ce Delta du Danube qu'on perçoit ouvert à l'économie de marché, mais aux mentalités primitives, le temps s'étire, heureusement il y a la musique pour maintenir en vie... Le fils de la tavernière locale revient les poches pleines de billets, avec un projet personnel. Abrupts, "taiseux", ces gens ignorent le charme léger d'une conversation dans un café, préfèrent agir que causer... Plane une impression d'hostilité envers le nouveau débarqué... L'inceste ne l'est qu'à demi sauf obsédé du genre, car le frère et la soeur semblent se découvrir comme au premier jour et, chose troublante, la jeune fille ressemble plaqué à son beau-père. Sommes-nous plutôt en pleine consanguinité de microcosme, celle des bleds perdus où la culture brille par son absence ?... Stupeur qu'un liquide tabou coule soudain, que des passants ont pu deviner sans réagir... Là aussi se forment des barbares enragés qu'une proie leur échappe... Cette eau purificatrice serpentant dans les herbes, la tortue fétiche, la noblesse du bois, tous ces clous plantés avec patience pour rien d'autre que faire corps avec la nature, enfin pour un être content de ce qu'il a sur cette terre... On songe aux petites productions très contemplatives de l'est, par exemple, "Des chiens dans la neige", "Koktebel", la photo rejoignant la virtuosité du Turc Nuri Bilge Ceylan, beaucoup de finesse dans les cadrages, de la poésie, des violons qui signalent que le suspense a assez duré... Un peu lent à se dévider, on s'élève au paroxysme du contemplatif (ne pas dormir surtout) : tous ces malaises sous-jacents, l'alerte progressive de la bande-son ne sont pas des effets de style, ils conduisent bien tranquillement à une fin... fracassante !
  • BELLAMY (2008)
    Note : 15/20
    En sortant de la salle en ce Printemps du Cinéma, nombre de spectateurs commentent : "pas mal QUAND MÊME"... En effet, les dernières oeuvres de Chabrol peuvent gêner aux entournures... Talent de cinéaste indiscutable, à présent faussé par cette manie de surenchérir, pour enfin placer sa chute, forcément marquante après tant d'artifices : j'aimais mieux ses démonstrations par paliers bien pesés, quand, un peu comme Hitchcock, on devinait le grigou ravi de toujours bien placer ses pions... Encore que j'aie nettement préféré ce film à "La fille coupée en deux" (avec Ludivine Sagnier en cruche perverse face à Berléand et Magimel, à claquer ! )... Bellamy recèle encore de cette exaspérante facilité, intrigue faussement productive, qui ennuie... Ce réalisateur plus tout jeune deviendrait-il un vieux dragouilleur en sabots ? Toutes les comédiennes de cette histoire se répandent en démonstrations pour des hommes fadasses (Marie Bunel séductrice à grands frais face à Depardieu en bourgeois lourd vaguement allumeur de minettes, ces dames flattées de l'intérêt du commissaire "étant donné sa notoriété"... Un bon bougre de flic en vacances, qui se voudrait apparenté à Simenon... Un peu sentencieux avec son "envoyé ad patres" débité au moins trois fois... Derrière ces petits travers qu'on digère plus ou moins, le lien des deux frères (touchant tandem Gérard Depardieu/Clovis Cornillac) soutient le film davantage que la tricherie d'assurance-vie (Jacques Gamblin plus rare qu'espéré mais insolite en mangeur de cachet sans eau !). L'ensemble se suit sans déplaisir pourtant grâce à la complicité d'acteurs, au côté "chaleur du foyer" aussi, cet attirail du petit-déjeuner (les deux bols fraternels) et enfin cette chute, comme Chabrol sait si bien les faire.
  • UNA PALABRA TUYA (2008)
    Note : 15/20
    Dommage que l'on navigue sans arrêt entre macchabées et vie de m... ! Car c'est joliment démontré, interprété, profond, expliqué par le recours au flash-back régulier, classique quoi. Mais alors, ça vous borde bien serré ! Ce que c'est que de voir ces deux copines tout le temps "à rebours", rivées qu'elles sont à leur enfance, avec des carences affectives les rendant esclaves, au lieu d'envoyer valser les convenances pour se prendre en main... On rit grâce à la vieille mama qui fout le camp et aussi à ce prêtre au bon visage lumineux... Mais sinon c'est du gros traditionnel, vénération aux morts plus qu'aux vivants, élément mâle présenté comme le seul existant sur la terre, dans un microcosme où on quitte poubelles et balais pour tourner en rond sous le regard des autres, cette communauté décidant pour tous. Une histoire qui emprisonne le spectateur dans la vieille rengaine qu'une femme étiquetée "jolie sans plus" doit s'assouplir, sinon disgrâce... Peuh !
  • PERFECT LIFE (2008)
    Note : 13/20
    Tout de suite, il saute aux yeux que les trois acteurs principaux sont capables, par leur présence à l'écran, de créer une intensité dramatique, raison pour laquelle les mouches volent dans la salle, un éclat narratif ou un télescopage confirmant l'impression favorable vont venir... Cette jeune à l'allure décidée qu'incarne Yao Qianyn observe, veut savoir et aider, la tête sur les épaules, ne s'en laisse pas conter. Ce drôle d'homme d'affaires boîteux : ambigu mais toutefois bon bougre, de la bonhomie et de l'humour, même après s'être fait abîmer le portrait (Cheng Taishen), un peu d'amour flotte, intéressant... Quant à cette jeune mère en instance de divorce (Jenny Tse), elle reste sensible aux mirages, va-t-elle à nouveau se faire broyer ?... Filmée dans une pénombre qui séduit et intrigue, toute cette belle présentation se délite au profit d'une vision rationaliste de la Chine actuelle (et la place forte qu'est devenue Hong-Kong), des allers-retours où il faut jongler de plus en plus serré pour survivre. Mondialisation et traditions, ces dernières très ancrées (on ne le sait que trop bien !) : stupeur alors, quand la délurée jeune fille du début se change au bout de cinq ans en épouse coincée dans son mariage avec un rondouillard possédant magasin, business. Du coup, tout le reste passe à la trappe... Des deux autres personnages du début, l'un se retrouve aux oubliettes et l'autre noyée dans la masse des gens tous occupés à se débattre avec le système... Trois trajectoires bien cadenassées. Possible de déduire que "seul l'exil" ?... Car frilosité ou manque d'imagination plombent ce film au démarrage accrocheur... Vraiment dommage, d'autant plus que c'est bien filmé !
  • ILS MOURRONT TOUS SAUF MOI (2008)
    Note : 18/20
    Banlieue moscovite d'aujourd'hui. Logements gris alignés, la classe moyenne née de Poutine. Du mieux (par rapport aux années noires Eltsine), malgré le chômage d'un père ne lâchant pas sa fille d'une semelle : à manger sur la table, l'ado habillée comme elle le souhaite, qui a sa chambre, va au collège, copie les façons occidentales, liberté d'action, amitié sacralisée... Cette toute jeune cinéaste de 25 ans en 2009, insiste sur cette frénésie de sortir qui vous prend un beau jour comme un réveil-matin ravageur. Encore plus quand on s'estime séquestrée à quinze ans. Aubaine donc que cette boum organisée par l'école (stupeur, en effet, qu'il n'y ait aucune sauterie mixte l'un chez l'autre au stade de leur développement !). Les spectateurs(trices) marqués(ées) par ce cap peuvent revivre la soudaine allergie aux parents, eux-mêmes virant de la panique à la franche ulcération (on jurerait que l'adolescence féminine vient de naître en Russie...). Des tensions et des coups, comme dans bien des banlieues de par le monde, avec cette lubie féminine : être enlevée par le coq de barbarie du coin, s'en remettre à l'autre sexe, complètement idéalisé. Certes, des particularismes russes (dureté, obstination, si nécessaire rouerie...). Caméra nerveuse d'une échaudée brûlant de raconter telle quelle sa dégringolade de l'étagère, à une époque où se scarifier est proche de remplacer les mots... De vrais gnons, de vraies chutes pour les acteurs et actrices, on surfe à des années lumière de Mademoiselle Âge Tendre !
  • LA VAGUE (2008)
    Note : 18/20
    Oser dire qu'un retour des régimes politiques extrêmes peut encore arriver invite presque à se détourner. On peut trouver la bande-annonce exécrable... De bonnes âmes rajoutent que le prof force le trait, les étudiants sonnent faux, que mettre mondialisation et nazisme dans le même sac c'est quand même gonflé... L'avenir le dira. Ce film imagine, dans un lycée allemand une semaine de cours d'autocratie, un genre de vaccin. Ouaille !... Carte blanche à un prof "plutôt cool" (il se présente comme anarchiste !) et des jeunes, non teigneux a priori, ils aiment bien ce prof apte à les stimuler sans hypocrisie et c'est réciproque. Cours présenté comme un jeu de société : déserter d'emblée, on passe pour mauvais perdant, l'émulation joue à plein... Les élèves appliqués sont à leur affaire, quelques-uns dansent d'un pied sur l'autre... Une escalade se dessine... C'est l'âge des bandes, d'une certaine démesure qui ne demande qu'à être stimulée. Avec tout ça, voilà encore un volet de plus sur les méthodes d'éducation ! En dépit de quelques plans lancinants pour en arriver au fait parfois, au moins c'est frontal comme discours, le prof annonce la couleur à chaque séance (aucun arrêt sur signes religieux, couleur de peau, sexisme, baragouin de jeune, ça aussi ça fait du bien !). "Polizei" de circonstance, sans plus. Aspects tribal, sentimental des élèves, parallèle avec le sport de compétition. Prise au dépourvu des encadrants, ces sacrées limites qu'il faut toujours penser à poser tout de suite ! Le cinéaste va bien au-delà de l'école pour qui lit à travers les lignes cinématographiques. Il clôt son analyse par le fracas des masques qui retombent. J'en suis restée toute retournée. A "voir pour savoir" dès douze ans.
  • VILLA AMALIA (2008)
    Note : 15/20
    Un traitement minutieux et la magie Huppert bien entendu. Elle est ici peu loquace, le sourcil accentué, la chevelure en ponctuation, un visage exprimant plus une farouche détermination que la dépression, d'emblée surmontée. Privilège des musiciens qui peuvent déceler dans leurs notes qu'ils sont faux... Par ailleurs, toujours intéressant de voir une femme dire non et encore non. Qu'elle aille donc se promener, et même se perdre dans une cabane surplombant la mer, qu'elle joue à se mettre en danger histoire de renaître, son magot lui garantit gîte et couvert (d'ordinaire, ce délire vous prend autour de vingt ans)... Tout cela est bien empaqueté, fréquentes baignades, les sens se relâchent. Un ami précieux, la mère qui part peu à peu, le père déserteur lui aussi... Beaucoup de charme s'intercale dans ce lent retour sur soi-même dont on ressort partagé.
  • STILL WALKING (2008)
    Note : 18/20
    Découvert au dernier Festival des 3 Continents nantais. Sous ses allures bon enfant, cette oeuvre japonaise de 2008 fait dans le vitriol. Le rythme serait plutôt nonchalant, on voit bien qu'on est en Asie, mais attention, c'est familier, bien que nullement complaisant... Jamais triste non plus, on rit avec ces gens qui se retrouvent, parce qu'on se voit nous, les occidentaux, nos tiraillements sont identiques, camouflés derrière les petites attentions mutuelles, un éternel aller-retour d'affection teintée d'énervement, voilà nos familles la plupart du temps. Le tout décuplé par le drame d'avoir perdu un des membres qui voulait sauver quelqu'un (pourtant une drôle de tête à claques invitée annuellement à contre-coeur) ! De cette merveille de l'intimité, on sort étrangement ragaillardi.
  • CLARA (2008)
    Note : 15/20
    Les tempéraments artistes peuvent vraiment trouver de l'intérêt à cette histoire bien filmée, mais au traitement empesé comme rarement, au point que la musique est la seule à quoi se raccrocher... Dialogues en français souvent inaudible (mauvaise prise de son) au lieu d'une bonne version allemande avec sous-titres... Entêtement à montrer Robert dans l'ombre de son épouse et trop souvent le jeune (et beau) Brahms inhibé, excepté les plans où il occupe enfin et longuement tout l'écran, très touchant. Remarquable aussi l'impact féminin comme chef d'orchestre ou pianiste, une petite révolution ! Cette Clara (impressionnante Martina Gedeck) ambitieuse, généreuse, scotche le spectateur, beaucoup plus que son époux, ici dans sa phase la plus corrosive (Pascal Greggory). Nombreuses scènes avec les enfants, mais qui nourrissent peu l'intrigue... La réalisatrice, archi-documentée pourtant, s'est empêtrée à imaginer en situation ces trois monstres sacrés, et ce bien qu'il y ait quelques fulgurances dans le puzzle, cette vieille cuisinière très émotive par exemple... Seulement, ça traîne la patte... Les musiciens, les pianistes notamment, les mélomanes, rentreront tout naturellement dans cette fusion des sensibilités, y débusqueront la profondeur qui fascina ces trois êtres (d'autant qu'il y a d'excellentes pièces musicales), mais le grand public, sauf exception, risque de s'ennuyer ferme.
  • LA FEMME SANS TETE (2008)
    Note : 16/20
    Ce film très intrigant risque d'embarrasser le grand public, comme s'il manquait de codes d'accès. A moins d'avoir connu soi-même "le coup sur la tête" au propre comme au figuré ?... Avoir réchappé d'un choc violent, cette rupture soudaine, l'effroi doublé de douleur, passer du rire au pleurer, incohérence, hébétude (coma, traumatisme sévère)... Pris de panique, on s'extirpe du contexte à toute berzingue, sonné, et puis on se surprend à retourner sur ses pas. Véronica, l'accidentée dont il est question, fait partie d'une classe sociale privilégiée, elle pense avoir commis un meurtre involontaire : son entourage s'active autour de sa crainte en laissant supposer qu'il la ménage, sauf qu'on n'est jamais certain de ce qui se camoufle derrière chaque geste de ces drôles de gens à jardins secrets très comme il faut... La caméra, petite souris, focalise sur le personnage principal en espérant qu'on devinera... C'est très bien suggéré, avec des subtilités d'images, je pense à ces traces de mains bien visibles sur la vitre avant de la voiture juste après l'accident et qui me confortent dans mon interprétation... Dommage qu'à force d'équivoque de nombreux spectateurs s'égarent et détestent ça : l'un y voit une féroce satire sociale, son voisin de siège, lui, voit juste une femme qui divague... Difficile de toujours gratter derrière les images à partir de ce visage plutôt aimable, souvent servi en gros plan, blond et soudain brun... Pour public averti donc, les assommés de façon mémorable ou les intellos !
  • LE DÉJEUNER DU 15 AOUT (2008)
    Note : 16/20
    Joli petit film italien ! Musique aux cordes envoûtantes... Voici Gianni faisant ses emplettes. C'est un fringant quinqua la tête bien sur les épaules, qui vit avec Maman sans rouler sur l'or, dommage qu'il soit un peu porté sur le Chablis... Un brave type qui, contraint-forcé par un entourage embarrassé en ce mois d'août tirant bientôt à sa fin, d'accepter d'autres vieilles dames chez lui, c'est pourtant le week-end le plus "mort" de l'année... S''arranger de chipies avec chacune leurs péchés mignons, tandis que le syndic va prendre du bon temps avec une jeunesse, il flotte une tolérance bon enfant sur ce film du grand âge... Le copain médecin est appelé histoire de vérifier que le coeur de notre hôte tiendra le coup... La bonne tête de Gianni de Gregorio, son dilettantisme de façade, font qu'on rêve de se joindre au groupe féminin chouchouté, quatre personnages impossible à confondre, dont la blonde Marina, une indépendante aussi débridée qu'une ado... Scénariste et assistant réalisateur confirmés, Gianni de Gregorio (dont c'est le premier film !) possède la patte des grands de la comédie italienne et rappellerait aussi quelques ambiances argentines plus récentes ("Bonbon el Perro" par exemple...). Savoir amener un moment grandiose (ce déjeuner du quinze août) à partir de trois fois rien, tout un art.
  • LOOKING FOR ERIC (2008)
    Note : 16/20
    On sent que le réalisateur a voulu se faire plaisir en compagnie d'un sportif à carrure populaire. Fort heureusement, le foot ici n'a pas "les gros pieds", je parle pour ceux assez allergiques au football en général comme moi-même. D'abord, Eric Cantona, sorti d'une lampe d'Aladin dans la chambre d'un Anglais moyen, on jubile, le fantasme du modèle de réussite en claquant des doigts... Surtout que les scènes sur le terrain ont des allures de ballet plus que de match, la musique, enjouée (mais discrète tout au long du film), ajoutant à l'amusement. Quelque peu bizarre le pistolet sous le plancher des sales gosses et puis ça passe vu le commando de choc sous les masques ensuite... Car on se marre bien, parfois après avoir tressauté lors des secousses qu'assène le cinéaste par ailleurs fidèle à ses obsessions sur ses contemporains. Peut-être moins de profondeur que d'habitude au profit de l'humour par rafales (et encore ça dépend des films), disons que Ken Loach s'est permis de souffler un peu !
  • L'ENFANT DE KABOUL (2008)
    Note : 17/20
    Regard pénétrant de nourrisson, tchadri bleu... Alors qu'on nous bassine plus que nécessaire avec la burqa dans l'hexagone, juste avant les vacances d'été... Se plonger dans Kaboul, la polygamie d'un autre âge, alors ce pauvre mioche qui vous fixe de ses yeux déjà ténébreux... Erreur ! Il faut compter avec l'espièglerie du cinéaste, ce choix de l'acteur principal, un assez bel homme tâchant de vivre son quotidien comme vous et moi. Car Barmak Akram déroule la vie quotidienne à Kaboul sur cette période où les Talibans avaient un peu relâché l'étau... Style docu-fiction, très agréable à suivre, mais sans faire l'impasse sur l'état de siège. Sont rapidement mentionnés les contrôles, couvre-feu, attentats-suicides (à la différence du film libanais "Caramel" qui gommait toute la guerre pour s'en tenir à la légèreté). Certes, des petits orphelins livrés à eux-mêmes quémandent. Davantage d'hommes que de femmes dehors, aucune à vélo (pour le voile féminin "non grillagé" pas prêt de disparaître, possible de se remémorer le temps de la France profonde avec ses coiffes régionales... L'accent est mis sur l'instinct de vie, cette force que la vue d'un petit enfant décuple : les habitants de Kaboul s'achètent de beaux fruits au marché, les automobilistes sympathisent ou s'engueulent, la police ordonne de circuler là comme ailleurs... Ce bébé prénommé "Massoud" (!) atterrit chez un chauffeur de taxi déçu d'avoir épousé la veuve de son frère (mort au combat), celle-ci ne lui donnant "que des filles" ... Au fond, il n'y a guère que le passage "ONG" qui déçoit, deux jeunes pâlichons aux allures de stagiaires dont je me serais volontiers passée... Hormis cette faiblesse, il plane une volonté d'exister, de s'arranger des poisses qui agit comme un bon fortifiant. Khaled, le chauffeur de taxi "slalomeur", décompresse en faisant voler des pigeons dans le ciel d'été sur sa terrasse... Ambiances veloutées des intérieurs le soir, sans électricité... Ils sont tous beaux, racés (si l'on peut encore prononcer ce mot en France !). Les femmes, qu'on devine revenues d'émancipation, doivent jouer sur le bon vouloir masculin, attention, le tchadri peut donner du pouvoir dans les cas désespérés ! L'homme afghan demeure libre de s'offrir une seconde épouse, à peine destabilisé par son vieux père regrettant le temps où l'instruction primait et qui reprend du service afin de ne pas dépendre !
  • UN MARIAGE DE RÊVE (2008)
    Note : 16/20
    Easy Virtue : vertu facile. Le titre anglais fait plus dans l'ambiguïté que le français, juste ironique.Jeunes couples dans les nuages, fervents de l'ordre moral, stoïques des structures haute sécurité et respectabilité, familles pépères : vous serez vite agacé par ces gesticulations autour d'une péroxydée grillant clope sur clope... Pour une fois, père et fils ouvrent sur une situation pleine de santé, pas une seconde d'immoralité, je me demande comment. Langage châtié british ou tango révélateur ?... Colin Firth décroche la timbale alors qu'on commençait à être gavé des chassés-croisés de ce beau monde en ébullition. Il est nécessaire d'excuser les maladresses de dialogues, un peu trop "light" par moments, on est entre deux graves conflits mondiaux, dans les années vingt, dommage que certains plans ronronnent un peu à vide... Mais globalement, même si les étincelles sont inégalement réparties, c'est finement envoyé, je pense à cette tromperie de chasse à courre, de quoi rendre pacifiste et féministe d'un seul coup. Plaisir de piques gagnant en puissance avant d'en venir au fait, jolie réflexion sous-jacente sur l'amour véritable en même temps... La fin rachète la lenteur à exploser. Kristin Scott Thomas délicieuse en mielleuse racornie (bien plus belle que je n'aurais cru la belle-doche !). Sans doute un simple divertissement pour les frileux, une incitation à la liberté pour ceux qui trouvent qu'elle prime sur le qu'en dira-t-on.
  • DEPARTURES (2008)
    Note : 18/20
    Departures = départ en voyage, embarquement. L'au-delà donnant presque envie d'y être ! D'ordinaire, des soins pareils s'appliquent aux nourrissons ou aux gens de scène. Ici pour l'ultime pirouette "une fois sur l'Autre Rive, enfin la paix" : la manière dont le spectateur conçoit la chose est capitale car la caméra explore sous les couvercles, invite à se visualiser dans une autre dimension... C'est traité sans gommer les nausées des croquemorts, de celles qui décoiffent ! Saine réflexion sous ses dehors en demi-teinte. On rit et on s'attendrit, les pires drames de l'existence comportent souvent ce paradoxe. Pour le réalisateur, seul le passage de vie à trépas mériterait notre interrogation, l'enveloppe charnelle étant seulement le repère des survivants, ces malheureux en sursis... L'acteur principal (très bonne bouille de petit garçon !) incarne les mille préoccupations de l'époque présente, l'adaptation aux boulots les plus déroutants, la difficile transmission des enfants nés de parents démissionnaires... Le Japon dépeint rappellerait assez celui d'Oshima dans ses plus belles avancées. Avec un violoncelle qui berce d'un bout à l'autre (la musique ne fatigue à aucun moment), le végétal, le minéral, la bonne chère à l'honneur... Epicurien, plus que je ne l'aurais cru ! Il faut juste supporter la lenteur à se dévider, on peut parler de danse macabre du meilleur goût... Poétique, délicat, dommage que les 2h11 (dues aux plans appuyés sur le jeune couple, emblème du Japon contemporain) et le thème des macchabées fassent reculer, il faut se raisonner avant le déplacement en salle en cet été 2009... Après tout, le retour au néant n'est pourtant rien moins que notre état antérieur dont la conscience entretien le flou... Ah, passer commande de services aussi charmants sur son assurance-vie !
  • PONYO SUR LA FALAISE (2008)
    Note : 16/20
    Mignon tout plein (hélas, en version française en salle !). Le public est ménagé par cette adaptation lointaine de "La Petite Sirène", l'opacité des légendes japonaises donnant l'impression d'une histoire effleurée (beaucoup moins pertinent que "Princesse Mononoke" ou "Chihiro")... Sans doute un désir de protéger l'âge tendre en lui présentant le supportable. C'est donc parfait pour les moins de 10 ans, tous assez au courant des catastrophes pour de vrai. Solidarité, entraide, on doit s'arranger du malheur, inclus ce terrible tsunami, transcendé au mieux... Beau, poétique, charmant, point trop gonflé. La musique amalgamée aux dialogues français (vivement le dvd pour la v.o. sous-titrée !) pèse son poids par-dessus la voix sépulcrale de la déesse de la mer régnant sur tout... L'ambiance de la maison de retraite jouxtant l'école, la maman qui conduit comme un pied, le papa se faisant désirer à force d'heures sup, constituent un écho nécessaire dans le monde adulte accompagnant les petits spectateurs en après-midi, incroyablement sages d'un bout à l'autre et sans poser de questions, attention, c'est LEUR film ! .
  • QUELQUE CHOSE À TE DIRE (2008)
    Note : 14/20
    Ah que voilà encore un film divertissant grâce à ses comédiens ! Le contraste entre eux, ici, ajoute sa part de réussite... Solitude de l'individu peu enclin à dévoiler ses secrets intimes, tous les subterfuges sont de sortie ! L'histoire tourne autour d'Olivier Marchal et Mathilde Seignier (le gentil flic salivant devant la fausse dure). Toutefois, le plus joli numéro est sans conteste celui de Patrick Chesnais et Charlotte Rampling, un tandem qui ne demandait qu'à être plus mordant encore, lui campant un rescapé d'infarctus et elle en épouse trop impériale pour ne pas finir par vaciller... Judicieux contrepoints du frère et de la soeur, métiers de circonstance, milieu aisé... Une mise en place épatante, sur laquelle Cécile Télerman plaque l'improbable, cette histoire de tableaux tordue déboulant comme par hasard dans ce microcosme-là... C'est miracle que l'atmosphère soit sauve ! On peut dire merci aux rôles principaux invitant à mettre sa jugeote en veilleuse, passer sur les grosses ficelles ainsi que quelques dérapages de dialogues (l'histoire du rêve "merdique" de Pascal Elbé par exemple). Pardonner aussi ces tout jeunes acteurs causant les dents serrées, sans doute comme dans la vie : Charlotte Rampling, modèle d'articulation dû à son impeccable bilinguisme, aurait aurait pu leur donner des cours de diction !
  • ZION ET SON FRERE (2008)
    Note : 16/20
    C'est après coup qu'on mesure l'ampleur du combat livré entre les deux frères à partir de cette paire de baskets sans doute pas fabriquée en exemplaire unique ! Meir à la lèvre supérieure retroussée, une tête à claques dès les premières images. La préférence va tout de suite aux doux cadet, teigneux seulement à l'usure, ils se sont toujours heurtés depuis l'enfance, à présent voici l'apothéose... Quand la survie prend le pas sur les goûts, "nécessité fait loi"... Le conflit israëlo-palestinien est mis cette fois en sourdine, les frictions juvéniles fort répandues de nos jours sont seules à l'honneur : la responsabilité fraternelle repose ici sur la mère incroyablement sexy (Ronit Elkabetz dans un registre presque malsain par moments), abritée de ses garçons par un chaud prétendant, puisque les conflits usent et finissent par requérir un bouclier. D'autant que le père véritable s'est fait la malle, il n'existe plus qu'au téléphone, un fantôme de cabine publique toute proche de l'appartement familial. Le stade restreint de langage de Zion et Meir (insultes, coups, câlins de bébés) semble tenir pour beaucoup à cette absence paternelle. Une peinture de moeurs de l'Israël d'aujourd'hui, repérable à la dureté de son expression verbale !
  • MARY ET MAX (2008)
    Note : 19/20
    En v.o., c'est une exquise parenthèse de gros mots pour bien élevés en manque d'oxygène. Piétinés les codes sociaux, retour aux petites odeurs personnelles comme signe distinctifs, mais ce peut également être une torture si on est sérieux comme un moine... Derrière la caricature, place à la correspondance postale ou aux internautes nouant des relations approfondies : la fillette pose des questions existentielles, le vieux new-yorkais s'offusque puis se rattrape... Affects exprimés sur le mode rude d'aujourd'hui. Petitesse humaine au scalpel (la maman gâteau !), humour anglo-saxon noirissime plaqué sur de naïfs décors, old fashion et visionnaire en même temps : l'animalité enfantine mais filtrée par l'adulte lucide. Coup de pied dans les pièges contemporains, obsessions, normes, jeux de hasard. D'un plan à l'autre mais sans fatigue, on note les détails qui nécessiteront la relecture en dvd. Gigantisme planétaire et univers rétréci, le paradoxe que nous vivons ! La maladie "d'Asperdjeur" prononcée à l'anglaise constituerait la faiblesse du film, le sens échappe, le terme sonne autrement que "l'asperger" français cependant, mais je n'ose même pas imaginer la french version au plan auditif. Excellents extraits musicaux parfois raclés dans les tiroirs de la radio d'antan. Un genre de manège enchanté pour adultes en somme ! Attention en sortant d'éviter le bras d'honneur face à toute sinistrose rencontrée, revenir à soi peut prendre quelques minutes après la séance !
  • PARQUE VIA (2008)
    Note : 17/20
    Peu inspirée par l'aspect huis-clos, j'avais loupé cette Montgolfière d'Or des Trois Continents nantais 2008, la crainte de m'endormir entre repassage et tonte de gazon... Voici donc Beto (acteur non professionnel jouant son propre rôle) debout à 7h15 dans la maison qu'il bichonne depuis 30 ans. Comme replié dans la forteresse qui l'abrite, journées bien réglées, nuits réparatrices, on vient à lui sans qu'il se dérange, le dehors est devenu scabreux s'il faut en croire les infos télévisées, ce ramassis de sordide. Heureux, malheureux ?... Possible que certains spectateurs languissent de la lenteur descriptive, il faut s'appuyer sur la beauté photographique et le discret grincement sous-jacent, ces sueurs de Beto aux yeux plissés, contraste avec cette raide patronne au chignon trop droit... Rites et petites diversions alternent... Enrique Rivero, jeune cinéaste espagnol déplacé au Mexique pour son film, ose l'indicible par des chemins détournés : il instaure un flou plein d'habileté mais n'en est pas moins cinglant ! Sacré Beto, qui mijote une fin dont on saisit confusément le mobile sur le moment ou alors on n'ose pas ?... En tous cas elle décoiffe !
  • LONDON RIVER (2008)
    Note : 16/20
    Et dire que j'y suis allée attirée seulement par le contraste entre les deux acteurs principaux... Surtout ne pas craindre de voir ce film malgré la sordide actualité : bon, l'humanité y est abordée telle quelle, avec sa part de défiance instinctive et culturelle, mais le regard du cinéaste se place à distance suffisante de l'attentat pour en dégager une analyse mesurée, jamais austère. Belles images, délicate musique originale, le spectateur est promené de l'un à l'autre des deux personnages, silhouettes profilées qui laisseraient présager un clash, disons qu'ils s'éviteraient sans doute dans des circonstances ordinaires... Se dessine vaille que vaille un apprivoisement pour cause commune... On a là matière à imaginer pareille cruauté près de chez soi, devoir tâtonner ainsi rend soit humble, soit enragé... Justement, j'ai trouvé les deux parents inégaux en douleur pour cause de situations légèrement différentes par rapport à leurs enfants respectifs... Quoi qu'il en soit, Rachid Bouchareb se range du côté de la vie, peut peser par sa volonté de bons sentiments plus l'action se déroule. Au moins il prend position (avec en balancier la guerre des Malouines tout aussi meurtrière !), fustige le fanatisme en tant que plaie humaine conduisant aux aberrations sous bien des formes.
  • LA VIDA LOCA (2008)
    Note : 12/20
    Il y a des limites au désir de connaissance approfondie quand les extraits vidéo disponibles - on ne peut plus clairs ! - font le tour de la question. D'un côté, c'est courageux de se positionner entre police et gangs, (avec l'accord des deux gangs, il faut quand même pouvoir !) pour filmer au risque de se faire descendre, ce qui est arrivé, hélas... De l'autre, cette attitude révèle l'attirance pour la violence côtoyée jusqu'à plus soif afin d' être divulguée de par le monde : ça fait "oeuvre d'office méritante", on se sent sommé d'admirer... Soit, comme témoignage de notre époque ce film compte : la folie collective, encore plus quand les raisons du pugilat initial se sont évaporées en cours de route (tuer par habitude !), rejoint l'option kamikaze par sa préférence pour l'au-delà. La situation de ces gangs que nulle autorité ne parvient à démanteler dénoterait donc l'impuissance des gouvernants ou bien leur mauvaise volonté ? Trop apocalyptique... A la rigueur la vidéo plus tard, et encore en zappant plus d'une fois !
  • 36 VUES DU PIC SAINT-LOUP (2008)
    Note : 15/20
    Laisse un souvenir attendri, je m'en aperçois en retrouvant mes notes un mois après la projection. Dommage que ça soit si étiré, avec ce côté récitant appliqué, presque scolaire de Rivette. Sinon, irréprochable sur le plan technique comme d'habitude. Un petit cirque itinérant, un grillon qui lui court derrière, on est accroché... Les pics, la verdure où cavalent et stationnent ces aventuriers du lendemain, le traumatisme de la dame face au Milanais de passage, surtout qu'il offre du vin... Du mal, par contre, à avaler ce drame né d'un papa hostile aux attirances de sa fifille au sein du cirque (vieux c... ?), l'histoire que Jane Birkin confie à Sergio Castellitto, d'où cette culpabilité tenace, l'ornière d'office entretenue... L'intérêt se maintient grâce au tandem d'acteurs, les sketchs autour des assiettes, l'ambiance soudée d'une équipe qui en voit de sévères... En revanche, l'insolite, le laconique, c'est agréable un moment, mais si viennent se greffer, sur une base aussi mince, les grosses ficelles du théâtre, le spectateur avide d'un fracas quelconque se languit comme la chèvre au bout de sa longe dans son enclos !
  • FISH TANK (2008)
    Note : 17/20
    Mystère que cette jument de 16 ans bloquée dans son champ, symbole de l'absence de repère masculin dans l'enfance de Mia (la tempête Katie Jarvis crève l'écran, belle et décidée !). C'est aussi la hantise de cette adolescente de tout juste 15 ans : soit se projeter dans un avenir dare dare, soit clouée sur place pour son seizième anniversaire ! Ambivalence des adultes, perfectionnisme amical débouchant sur la solitude morale, quelques spectateurs se reverront à cet âge du désespoir faute de références fiables, plus que jamais béance paternelle ici... Alors quoi, soudain c'est le trouble, cet homme à la maison, torse nu ! Joueur, sévère et accrocheur, qui invite à danser, qui prête son camescope ! Si ce film réaliste fait penser aux Dardenne ou à Ken Loach, l'approche frontale rappellerait assez l'oeuvre russe récente "Ils mourront tous sauf moi" en plus abouti. La réalisatrice britannique Andréa Arnold décrit avec minutie le vertige saisissant hommes et femmes hors des contingences et comment ils s'en extirpent... Remarquable efficacité du langage des corps, au-dessus des mots mais sans le sordide toutefois, on a droit aux "insultes affectueuses" ! Un peu longuet comme démonstration (2 heures de projection !) pour en venir à l'ouverture pressentie. Beaucoup de tendresse sous la rudesse.
  • JERICHOW (2008)
    Note : 18/20
    Vue sur un cimetière et un grand coup de sang entre frangins pour commencer ! Mais comme la cible a une tellement bonne gueule, et qu'il lâcha l'Afghanistan pour des raisons d'honneur, on le trouve d'office fiable, avec quelque chose de Paul Newman, en peut-être encore mieux même, oeil bleu de lynx, profil racé, une belle façon de marcher, d'entourer de ses bras... Halte-là, voici la gazelle fétiche du cinéaste, ici flanquée d'un compagnon inqualifiable, tour à tour odieux ou grand copain, une débrouillardise parfois culottée, quel est le secret de ce couple si mal assorti ? ... Exactement comme dans "Yella", le train passe et repasse, il y a encore un pont, une rivière. Et la mer aussi avec une falaise Ô combien friable ! Aperçu des boulots de maintenant outre-Rhin, l'immigration, tout y passe mine de rien, la pire suspicion, la peur, une grâce infinie aussi... Interprétable de mille façons, c'est vraiment un morceau de roi que ce nouveau film de l'Allemand Christian Petzold, réalisateur qui devrait faire beaucoup plus de bruit !
  • EN EAUX TROUBLES (2008)
    Note : 16/20
    Somptueuse avalanche sonore et visuelle autour d'une disparition : "l'expiation", terme employé par l'avenante pasteure, l'inverse d'une grenouille de bénitier avec ses affolantes tenues d'été. On va jouer "Bridge over troubled water" dans cette église offrant de rebondir à un organiste engagé à force de talent et de charme... Manqueraient juste quelques retours en images sur Jan-Thomas enfant ou quelque chose précisant cette pulsion d'enlèvement (à deux) d'un innocent dormant dans sa poussette : le jeune homme confie qu'il a été déboussolé par la mort de sa propre mère à l'adolescence, mais silence complet sur le complice de ce jour maudit, évaporé du film... On s'acclimate bien volontiers à la vraie blondeur et aux vrais yeux couleur d'eau nordiques en revanche. Grande qualité picturale, des mouvements amples de la rivière aux intérieurs, tous les jaunes orange au bistre et comme voilés, jusqu'à cette blancheur extrême, ces pieds sur les draps au petit matin... Aucune ambiance réfrigérante prolongée (les films nordiques "Festen", "Mifune Dogme III", le bijou de cruauté "Open Hearts" distillent aussi cette chaleur picturale par rapport aux drames traités). La souffrance se communique sans entrave aucune par l'orgue de cette église du bonheur, qu'on rêverait tous de fréquenter. Passé et présent s'enchevêtrent en constants allers-retours un peu longuets, les craintes de la mère du disparu, le suspect qui dépasse sa terreur d'enfant abandonné sont dans la balance... Traumatismes bien décortiqués. Invitation à cogiter sur la durée des peines par rapport à la responsabilité sur toute la ligne. Rappel que nous sommes tous faillibles. .
  • A MOMENT IN JUNE (2008)
    Note : 15/20
    Techniquement très pertinent, plans aux couleurs toujours archi-travaillées, finesse dans le mouvement de la caméra, par exemple, cette esquive, dans le train, d'une scène dure, on la devinait mais elle sera juste amorcée à l'image, la déduction se fait d'office... Des personnages au physique attachant, des dégaines féminines frôlant le style "Bollywood". Des intrigues subtiles, entre autres, un fond d'adultère culpabilisant suivi d'un veuvage difficile à digérer. Des coeurs tourmentés, trop inégaux en armes affectives, ou déjà engagés, donc hésitants. L'homosexualité masculine se traduit ici par le désarroi du coeur conduisant à faire basculer le plus épris, un sentiment, pas le désir physique brut et bien viril dont on a l'habitude au cinéma gay... Très intéressant rapprochement de ces deux êtres abîmés dans un train, une femme et un jeune en pleine dévastation et qui vont s'apporter un soutien temporaire. Gros handicap de ce film, l'excès de "larmes de crocodiles" en temps réel, pitié, ça fait beaucoup d'eau... Car une fois le décor planté, l'insistance sentimentale en pleine débâcle, le bouleversement pressenti est loin de créer le suspense. Succession d'allers-retours interminables, gros-plans sur les visages défaits et, en plus, du théâtre interférant avec le quotidien... Sur le fond, très fine juxtaposition de détresses affectives intergénérationnelle. La forme lancinante est probablement due à l'extrême jeunesse du cinéaste thaïlandais O. Nathapon (si j'en juge par les photos récentes !), il devrait découvrir qu'écourter les démonstrations permet un public plus large. .
  • MY SECRET SKY (2008)
    Note : 17/20
    Le film s'ouvre sur la tante acariâtre, intéressée et qui les plante finalement là dans la case... Des enfants livrés à eux-mêmes, ils n'ont plus qu'à se mettre en marche s'ils veulent survivre dignement... Direction la grande ville à pied pour le frère et la soeur, au petit bonheur la chance, au gré des rencontres, silence sur leur détresse, ils sont tous deux bien vivants, donc ce sera pile ou face... La rencontre avec un gamin des rues loin donne soudain le vertige, bonne gueule de gavroche qui craquerait bien pour la petite demoiselle, l'occasion de se montrer chevaleresque... Hormis le danger de dormir dans un sous-sol sordide, de vivre de rapines, d'être cible de trafics, la chance ne peut que tourner, sinon il n'y aurait pas ce joli tapis zoulou symbolisant les ancêtres qui veillent... Excellente direction des jeunes interprètes, le tandem principal est crédible, le petit frère a le blues par moments, mais la fillette déjà très au fait des magouilles possède, dans sa petite robe jaune, cette droiture probablement héréditaire. Une situation critique - ce sont quand même des enfants à la merci de tous les dangers - mais émaillée de dialogues pleins de fraîcheur. Allusion au commerce équitable aussi : encore vivaces entre villes et campagnes, le troc des talents pour que chacun mange, rend moins lourd le sort de ces deux orphelins pour le spectateur : ou l'Afrique du Sud possède encore ce type de ressources, ou Madoda Ncayiyana est un optimiste né... .
  • TREELESS MOUNTAIN (2008)
    Note : 17/20
    Kim So-yong est cette frêle et toute jeune femme en casquette irlandaise et bottes de cuir clair au Festival des Trois Continents Nantais ce lundi 30 novembre 2009 pour dire quelques mots de son film "Treeless Mountain", tissé à partir de son vécu... On découvre ensuite à l'écran un splendide duo de fillettes, naturelles, avec cette grâce tranquille des enfants s'en remettant à l'adulte qui les guide. Très jolis plans... On peut reprocher que l'histoire s'étire avec ses interludes successifs (c'est ça la petite enfance), la réception des nouvelles maternelles apparaît rare... Reste ce car, vénéré régulièrement... Sans que ce soit tire-larmes, la tristesse s'empare du spectateur, on devine le drame de ces deux jeunes êtres, aucun coup de fil, des calculs de cette tante qui boit, serait-ce un abandon pur et simple ? Où diable sont les hommes du film ? Si le père demeure mystérieux dans son lien à la mère, le grand-père est ressenti comme fuyant la caméra (on "l'entraperçoit" une seule fois à récriminer...). La vieille dame à la serviette éponge sur la tête apporte enfin l'éclaircie de substitution. Raffolé du cochon en plastique comme gage d'attente, la charge des mots maternels (repères cruels s'ils durent !),les sauterelles grillées... Les spectateurs ballottés petits entre plusieurs adultes vont s'identifier, on sent bien l'angoisse enfantine tournant à vide... Parallèle avec tout parent actuel en difficulté matérielle croissante de par le monde, contraint de faire échouer leur progéniture un mois ici, un an là... Femmes seules à se dépêtrer de tout, pays sans contraception... Consolation et pas des moindres : si l'on se réfère à la réalisatrice entrevue avant le film, le résultat de pareil traitement semble bien être la force de caractère !
  • LES CHATS PERSANS (2008)
    Note : 17/20
    Iran 2009, la population actuelle compterait environ 60 % de moins de trente ans, tous ou presque idéalisant la modernité d'occident (un peu comme les Pays de l'Est du temps de l'emprise soviétique ?). Bonne humeur globale. Les musiciens "inspirés par le diable" se lâchent devant l'objectif : au verdict "prison et coups de fouets", pleurnicher s'avère payant (ou l'équipe de jeunes réalisateurs s'est fait plaisir ?)... Une caméra pleine de fougue suit ces baîllonnés qui n'en sont pas, de sous-sols divers à une étable contaminée, on se hisse à des hauteurs sans balustrade pour l'éternelle course après visas et passeports. Mais l'espoir semble plus feint que réel... Quelques pépites dans le fourre-tout musical : une voix soul féminine prend aux tripes, une gueulante façon blues américain retourne les sangs, idem ce chanteur-guitariste avec ses tout petits élèves, transmission d'une passion en lieu et place de religion ? Nettement mieux dans la langue locale, plus authentique tout en gardant la fluidité de l'anglais). Peur d'étouffer, d'être oublié par le reste du monde, de n'avoir pas vécu en somme... Les Beatles et dérivés les ont bercés, on entend aussi une version de notre "anti-social" métal, un somptueux "rock-indie" cool avec ballet masculin, leur revendiqué "rap-kon" aux accompagnements chaloupés, d'autres moins inspirés ou franchement mauvais : un ensemble toujours sacralisé parce qu'interdit !... Bien capter les paroles sous-titrées, "des voix remontées d'un puits", ou "des rêves pour réalité"... Certes enfermés sur leur sol par d'irascibles conservateurs et tricheurs, mais j'y retrouve aussi l'illusion adolescente, croire à l'eldorado systématique hors de ses chaînes originelles, si c'était aussi simple ça se saurait !... .
  • ANDER (2008)
    Note : 19/20
    Découvert au cycle espagnol nantais 2010, une petite oeuvre d'art ciselée... Contrairement à son cousin "Le roi de l'évasion" d'Alain Guiraudie avec Ludovic Berthillot et Hafsia Hersi, le film "Ander" de Roberto Caston évite "le tringlage à qui le tour entre hommes" ainsi que des relents bouseux teintés d'ésotérisme qui peuvent réjouir ou mettre mal à l'aise. Rien de tout cela ici : il existe bien dans l'entourage "une femelle" sans propriétaire précis sur laquelle s'épancher (vite cataloguée par la populace !), mais la finalité n'est pas de s'octroyer des débordements crescendo... Le personnage d'Ander émeut hommes et femmes par le choc qu'il n'a pas une seconde vu venir : au stade des concours scolaires du jet le plus performant, ça le chavire d'avoir à assumer une vérité aussi terrible. Attaché au sens moral du petit patelin, des droits, quelques débordements d'usage, mais surtout des devoirs au sein d'une famille où on ne saurait déraper au grand jour... C'est pourquoi spectateurs et spectatrices apprécient au centuple le révélateur qu'est ce jeune Péruvien, sérieux au travail et d'une patience d'ange... Assez pour contourner la matriarche, un regard pénétrant chaque oscillation autour d'elle... Avec cette soeur sur le départ, embellissant de s'être mariée... Beaucoup de verve de la part du réalisateur autour du "cas" Ander, on rit ! De plus, l'issue trouvée réjouit par sa pertinence !... Un suspense agricole palpitant, le fait d'interpeller avec douceur chacun(e) sur son ambivalence (ne serait-ce que sentimentale) n'étant pas des moindres !
  • UN FIANCE POUR YASMINA (2008)
    Note : 15/20
    Vu au festival espagnol de Nantes 2010. La raison doit prendre le pas sur la passion de bonne heure : la jolie Marocaine Yasmina veut continuer d'étudier en Espagne, le plus simple = un mariage blanc... Le prétendant sera trouvé, qu'elle dispose enfin de papiers en règle. La réalisatrice, Irene Cardona, décrit une jeune femme encore lisse, déterminée, peu sentimentale, les traditions féminines sclérosantes ayant eu raison de sa patience. Toujours polie et sûre de ses droits, cette jeune personne semble conclure une affaire. Le couple qui l'héberge offre, en revanche, plus d'intérêt par son réalisme, ces doutes entre partenaires prenant de l'âge, quelques petites épreuves bien décrites. Large place aux secrets du monde associatif aussi. Dommage que le parcours de Yasmina reste bien dans ses rails : on finit par la trouver "intéressée" (celui-là ou un autre) ou bien désabusée avant l'heure, comme s'il suffisait de regarder dans la même direction, celle de l'état civil, et après on verra. C'est oublier les surprises que la vie réserve sur d'autres plans !
  • MONICA DEL RAVAL (2008)
    Note : 16/20
    Documentaire projeté et primé au vingtième festival espagnol nantais... Très attachante entrée musicale dans les rues de Barcelone (un peu à la manière néoréaliste italienne) jusqu'à ce qu'on découvre l'incroyable physionomie, pour cause de maquillage renforcé, de la dame, un moulin à paroles... Plus de dents de devant mais le front demeuré innocent, elle témoigne d'une trajectoire de débrouille comme une autre, son gagne-pain étant aussi défendable que de servir de bonniche à la noblesse du coin... Au moins, ne peut-on lui reprocher de manquer d'authenticité et de sens du comique, le geste parfois joint à la parole... Gravitent autour de Monica beaucoup d'hommes à la trouble sexualité, dont elle semble s'arranger, infiniment maîtresse d'elle-même. Un personnage à la fois touchant et repoussant. Qui devrait laisser rêveur la gent féminine à l'heure où l'exhibition des corps peut rejoindre le glamour et qu'une députée UMP française pencherait pour la réouverture des maisons closes !
  • KOMMUNALKA (2008)
    Note : 16/20
    Somptueux documentaire projeté au Cycle Univerciné russe 2010 nantais : que reste-t-il des "Kommunalki" soviétiques (logements communautaires), dont St-Pétersbourg (ex-Leningrad) reste la ville la plus représentative ? Nés de la crise du logement de 1917 pour cause d'explosion démographique urbaine (réquisition hôtels particuliers et appartements "bourgeois", l'entretien des parties communes revenant à l'Etat) : hélas, les intentions se sont diluées en cours de route, les propriétaires aisés réalisant des travaux, les locataires subissant les secousses économiques (chute libre des années 1993-1994, pour mentionner les plus proches de nous...). Pourtant, on vit encore aujourd'hui dans ces murs (10 % des habitants de cette grande ville, selon la réalisatrice présente avant la projection), quelque peu désenchanté : cuisine archaïque, robinets défectueux, une douche pour vingt personnes, on peut aussi se bricoler une bâche quand l'eau filtre des plafonds, car peu d'espoir que ça s'arrange. Seules, les plantes, bien arrosées, paraissent défier l'usure... Chacun fait son possible ou profite de ce que l'autre s'en acquitte tellement mieux...Les loyers continuant d'augmenter, à l'inverse des allocations (et des salaires pour les rares en activité professionnelle), les lendemains taraudent. Solidarité certes assurée en cas d'urgence, mais manque d'intimité amplifié par l'inconfort. Des expériences dévoilées à demi. S'ils ne sont pas "naufragés" de l'ancienne URSS, les différents interlocuteurs avouent un traumatisme lié à des éclatements politiques. C'est filmé avec l'affection d'une vieille connaissance, on sent le mode de langage d'une excellente photographe apte à saisir l'instant. A retenir comme emblème d'une jeunesse entravée cette jeune fille un rien "clone", à l'expression parfois réchappée d'une chirurgie esthétique d'amateur. Sûrement pas écervelée (à en juger par ses déclarations et les bouquins alignés sur ses étagères) mais réfractaire à tout engagement dans la réalité, la transe chevillée au corps, identifiée à ses idoles au point d'embrasser son téléviseur... On suppose que le premier séjour de Françoise Huguier dans les lieux datait d'avant la Chute du Mur de Berlin en 1989, quand l'Etat assurait encore à peu près la part lui revenant (photos femme nue de l'affiche)?... Il eût été judicieux de mentionner la date de tournage au bas de l'écran selon les périodes abordées, ainsi que les prénoms des intervenants à chacun de leurs allers-retours à l'image.
  • DOUZE (2008)
    Note : 18/20
    Projeté le 2 mai 2010 au cycle Univerciné russe à Nantes (sortie française officielle datant de février 2010). Une version des "Douze hommes en colère" de Sidney Lumet russifiée : sans doute est-on aux antipodes du roman, qu'importe, c'est une croustillante démonstration de la dissolution soviétique dans le grand bain ultralibéral ! Telle quelle... Douze jurés (aucune dame !), douze tempéraments, douze expériences contribuant à nuancer les partis pris, le toujours craquant Nikita Mikhalkov (acteur-réalisateur-producteur-scénariste) évadé de son "Soleil Trompeur 2" actuellement en gestation) : superbe, il préside à la grande table de ce gymnase où "ça va barder", chacun étant contrarié d'être retenu... Fait penser à ces réunions offrant mille diversions avant d'en venir au fait.. Un fonctionnaire qu'on assourdit afin de l'arracher à ses marottes, un éclairage flageolant... Plus frais : un petit oiseau qui s'invite. Et surtout, la folle idée d'inclure la question qui révulse le russe moyen, trop content d'avoir salaire régulier (après le naufrage sous Eltsine) : le sort du peuple tchétchène (souvent assimilé au terrorisme d'une poignée d'entre eux), des êtres humains rejoignant l'ensemble des populations sacrifiées depuis l'éclatement de l'URSS, cette révolution internationale... On peut trouver l'ensemble complaisant pour Vladimir Poutine ou y voir un hommage aux contradictions de l'âme slave... La séance en salle dure 2h33, une chance que le dvd permette d'y revenir ensuite à tête reposée !
  • LES JOIES DE LA FAMILLE (2008)
    Note : 17/20
    Découvert à Cinépride Nantes en mai 2010. L'adoption d'enfants étrangers ou locaux a beau être permise aux gays en Suède, s'il faut en croire la réalisatrice Ella Lemhagen, facile à énoncer, plus difficile à concrétiser : aucun enfant de présenté aux postulants, plutôt quelques cas sociaux... En témoigne ce couple désarçonné par l'arrivée du "bolide", attention, pour seulement un week-end, c'est une erreur administrative, le bébé rêvé va arriver... Des scènes filmées de manière réaliste même si ça se passe dans une banlieue chic. Bien sûr, la tournure des événements se devine, cette jeune fille les cheveux sur la face, et ce chien mentionné dans la conversation... Pas si gentil que ça malgré le décor vu et revu, ça jase dans le quartier. Le trio souffre mille morts, rejet, concurrence... Soudain, à partir de quelques photos, on fond davantage que prévu. Un film plein d'énergie, qui réconcilie les genres.
  • L'ETRANGER EN MOI (2008)
    Note : 18/20
    Bouleversant Prix du cycle allemand "Univerciné" Nantes Saison 2009/2010... Quand la majorité des mères fusionnent avec leur bébé à sa naissance après à peine un coup de blues, quelques-unes se sentiraient inaptes, voire assaillies par cet étranger abrité des mois dans leur intimité ? Perdues, appelant leur propre mère au secours ? Rebekka est fleuriste, plus à l'aise avec le monde végétal qu'humain, perfectionniste, ce qu'en français on appelle "une femme maniaque" : des idées fixes du style "c'est toujours préférable d'allaiter"... La cinéaste franco-iranienne Emily Atef s'empare du syndrome postnatal, sans omettre les constats que la société traditionnaliste dresse dans l'inquiétude des lendemains, du style "tout pour être heureuse, bon sang ressaisis-toi !". Embarras, compassion, admiration cohabitent ici, tant est complet le traitement, inclus celui du père et de l'enfant. C'est joliment déroulé, avec mille petits signes à l'image (cette eau qui engloutit ou libère), on a le temps d'avoir peur malgré ce tableau d'un baiser de couple entrevu chez le vieux cousin. Beaucoup d'émotion dans regards ou évitements, la gestuelle, le réapprentissage du toucher, avec tout juste ce qu'il faut de mots... Superbe invitation à se pencher sur les tréfonds féminins !
  • SIN NOMBRE (2008)
    Note : 16/20
    Parfait pour prendre connaissance du phénomène des "Mara" et des "Dix-huit" (leurs ennemis jurés) au moyen d'une fiction, plus facile à supporter que "La vida loca" où le réalisateur y a laissé sa peau, en plein dans la logique de ces gangs ! Horreur que ces figures entièrement traversées d'un gros numéro d'identification... On déduit que ce serait une riposte possible aux ogres ultralibéraux que cette nouvelle guerre civile entre clans, une traque dont le motif initial d'inimitié échappe (il faut se pincer car on croirait lire des vieux illustrés sur les cow-boys et les indiens). Avec des "treize minutes" de castagne infligés par des détraqués (mais capables de tendresse pour leur bébé !). Adeptes du bizutage d'où l'aspirant doit sortir souriant, des litanies plein la bouche avec l'espoir de rafler l'estampille du clan sur sa carcasse... Ferait penser à la Camora italienne dans le principe, les slogans et le marquage en plus. Encore une incitation à se prosterner devant le plus fort à bras, le plus riche, le plus cynique, au vingt et unième siècle, l'esclavage est bien de retour ! Nouvelle guerre de la pauvreté par infiltration subtile dans la population nomade condamnée à errer au coeur de cette tyrannie ou crever de faim. On suppose que les forces de l'ordre sont occupées par ailleurs ?
  • BRIGHT STAR (2008)
    Note : 14/20
    Hélas, Keats était fauché, il n'aura de gloire que posthume... Sinon (en creux, si l'on en croit la réalisatrice), c'était mariage, peut-être procréation, voyages pour avoir de l'air, retours dans le giron féminin et la petite santé des torturés. L'acteur incarne bien ce côté frêle d'un cérébral à côté de ses pompes. Il faut dire aussi que la tuberculose commençait ses ravages. Jane Campion plante son décor insistant sur les résultats d'heures à coudre, le tout agrémenté de phrases poétiques assez décevantes... D'entrée de jeu, Fanny, "Bright Star", apparaît pourtant combative, sa soeurette rousse sur les talons, la mère admirable de tolérance. Fraîcheur, grâce, fascination pour le sexe opposé : tout facilite l'immersion britannique de milieux privilégiés en 1818, où l'espièglerie durait le temps de trouver l'oiseau rare... Joli environnement, un peu féérique, cadré comme des tableaux de maître, accompagné d'un revenez-y de "Leçon de Piano", les chapeaux ouvragés un rien plus transparents, sauf qu'ici l'envoûtement fonce vers le funèbre même si l'euphorie printanière alterne... Magnifiques choeurs en lieu et place d'instruments ou ce chat sur les genoux, sorte de continuité du temps... L'atmosphère générale continue à être plaisante tandis que le fil narratif s'effiloche, on sent trop depuis le début que ça va s'effondrer, et le pire est bien de ne pas ressentir d'émotion à proprement parler, à cause des vers débités comme une messe ! Nul doute que l'idylle offrira aux amoureux transis l'occasion de verser de bienfaisantes larmes. Mais être compassé prend tout son sens dans ce film, une impasse "à couper le souffle"... A l'inverse, le précédent "In the cut", obtus, égaré, faisait bouillir les sangs !
  • SOLDAT DE PAPIER (2008)
    Note : 15/20
    Pour resituer "la guerre froide", mieux vaut se souvenir que les russes ont conquis l'espace les premiers, en 1957 : le satellite Spoutnik 1 d'abord, la chienne Laïka perdue sur Spoutnik 2, la triomphale mission de Youri Gagarine le 12 avril 1961 sur Vostok 1 suivie, le 5 mai de la même année, par l'Américain Alan Shepard... Pour autant, aucune certitude que cela rende ce film plus sympathique. Car si c'est le cri d'un dissident (au demeurant palpitant à suivre et qu'on pourrait largement entendre puisque l'eau est passée sous les ponts), il s'agit d'un dialogue de sourds. Et ce, malgré le charme certain du héros. Mais voilà, on n'embarque pas... Erreur de jeunesse que d'oublier l'empathie, ce petit plus à l'intention des regardants (je pense au grand public) et qui aurait pu se trouver dans des dialogues d'une autre trempe... La facture soignée, cette mise en scène méticuleuse, les éclats de poésie ou de loufoquerie, l'ambiance tarkovskienne qui sied à ce "désert rouge" des glaces... Pour finir par s'ankyloser. Une merveille picturale, aucun doute, tous ces panoramiques d'un Baïkonour de fin du monde attestent d'un talent juste un peu trop replié sur soi... Trop de considérations rabâchées, solidarité terre-à-terre plutôt que rivalité féminine assumée, perspectives nulles déjà dans ces années-là... Quand même, des visages en gros-plan, le spectateur pouvait attendre plus de proximité d'âme ! L'angoisse de ces obligés de Khrouchtchev se dilue dans le brouillard, les volutes alcoolisées, les poses... Alors que nous devrions être touchés en plein coeur par un sujet pareil, il demeure loin de nous, faute d'identification possible. Une prochaine fois peut-être !
  • LE FUSIL DE LALA (2008)
    Note : 18/20
    Découvert au Cycle "Reflets du Cinéma Chinois" édition 2012 Cinématographe nantais (bande-annonce Lala's Song ou Gun Lala de Qiang sur You Tube). Ce conte initiatique rend justice aux arbres et invite à discuter de l'âge adulte... Pour ces montagnards rois des cultures étagées (somptueuses !) c'est 15 ans... Des troncs d'arbres sont relayés par des milliers de verticales sur fond de chlorophylle. Tout un savoir-vivre puisé à même la nature et qui ne saurait résulter de peuples bernés par défaut d'instruction ou endoctrinement religieux de tyrans successifs. Ces pacifistes que seraient les Miaos, à tradition exclusivement orale, semblent avoir échappé aux guérillas qui instillent la rage de posséder toujours plus... Peu de mots, des gestes éloquents, des démonstrations brèves. Pas l'ombre d'un rituel guerrier, pas d'arts martiaux dans ces chants et danses utilitaires tout en étant divertissantes. Le regard, les dialogues, les non dits coulent de source, rappelant les croyances indiennes ou inuits en beaucoup plus limpide. Aucune trace de féodalité à part la notion d'ordre. L'important est ce soin régulier à entretenir le lien entre âmes appelées à disparaître et âmes à venir... Livrés à eux-mêmes en cas de catastrophe, ils manquent d'extincteurs, tout en possédant de fort jolis fusils, en particulier le dernier qu'on croirait cadeau pour princesse désireuse d'apprendre le tir. Dans ce coin de Chine, le jeune mâle peut pleurer un petit peu sans risquer le ridicule... Il peut aussi s'éloigner hors de la communauté pour s'endurcir. De là à se croire autorisé à trimballer quatre fagots dans sa brouette, peut-être pas... En dehors de la poudre (qui sert surtout à tirer en l'air) les apports incontournables de la civilisation s'avèrent être les chaussures de tennis... Le brillant des uniformes masculins, les chignons sur le côté des têtes et les jupes courtes qui se balancent à chaque pas aident à garder en mémoire le message rassurant de l'ensemble. A voir par ceux, grands et petits, qui sont las des joutes entre possédants et possédés !
  • PAR SUITE D'UN ARRÊT DE TRAVAIL... (2008)
    Note : 16/20
    Si ça faisait petite histoire plaquée sur le résumé d'actualités télévisées en 2007 et rien de plus, aujourd'hui, l'eau a coulé sous les ponts de l'économie. C'est très regardable... Départ alerte, sans trop de bla-bla, vachard juste ce qu'il faut. Peut-être un peu trop de plain-pied dans nos réalités, avec son trajet voiture aussi barbant qu'un vrai. Il importe d'apprécier le tandem Berling/Timsit pour embarquer, d'accepter l'intrusion récurrente des mouvements sociaux, bref pouvoir entendre que "la grève est un droit" sans prétexter avoir quelque chose sur le gaz... User plus de deux fois du "comment t'as traversé, j'ai sauté" est une erreur par contre, tout comme le tube anglo-saxon du générique (entêtant et creux au possible alors que le reste de la bande-son est si fin !). Les deux compères au bout du rouleau finissent par accrocher, font rire et virer vers l'attendrissement le plus pur. Filmés hors manifestations tout en s'y frottant, ce sont aussi deux petits poucets perdus sans s'abreuver à la source féminine (toutes ces créatures croisées d'office offertes !). Comédie, oui et non... La lettre, le lien rugueux né des frictions et surtout Dominique Blanc en femme de tête relèvent le niveau sans dissiper l'amertume d'ensemble.
  • LE SANG DE KOUAN KOUAN (2008)
    Note : 17/20
    A l'heure où le Golfe du Mexique enregistre un désastre par la multinationale BP tandis qu'il serait question de forer en Arctique, là où on sait pourtant que les secours interviendraient avec difficulté, les déchets pétroliers recouverts de terre en Equateur, où la végétation repart en trompe-l'oeil, semblent "de la gnognote"... En plus de ces traces indélébiles, les atteintes à l'environnement peuvent dégénérer en graves accidents... Il semble clair qu'alentour, on meurt, des cancers pullulent, qu'on peut toujours mettre sur le compte d'un manque d'hygiène comme des excréments mélangés aux cours d'eau (parole de lobby !)... Le présent documentaire relate la confiscation d'une parcelle de l'Amazonie par Texaco qui céda au moment opportun son cadeau empoisonné à Petroecuador... Maintenir que les essais nucléaires de Mururoa nécessitaient juste une petite douche, ou que la radioactivité apportée tout d'un coup mais à petite dose immuniserait contre les cancers comportent le risque de ne pas être cru aujourd'hui... Pas comme au début des années soixante en forêt amazonienne : les autochtones prenaient des bains de pétrole puisque les envahisseurs assuraient que c'était indiqué pour la peau ! Ils en sont morts tout en transmettant les pires séquelles à leur descendance ! Hormis ces dégâts, on bondit quant à la permissivité des politiques !... Dommage que le film s'est détruit de manière définitive sur la fin (film cassé deux fois) et que les intervenants n'en savaient guère plus que les spectateurs sur l'actualité en ces régions... Cette coupure nette a précipité le débat. Brillant intervenant (avocat de la défense concernant l'Erika), documenté sur ces questions, convaincu que les pouvoirs (de tous bords) sont depuis longtemps aux ordres des lobbies, ces tyrans internationaux : dommage que le public ait dû s'aligner sur la langue de bois des obligés à un devoir de réserve présents dans la salle de citoyens attachés aux "droits de l'homme". Dès que le profit comme prioritaire en tout a été admis par quasi inertie politique, la jeune communicante de service a craint le pire, réancrage express sur le très jeune public présent de manière à garder une discussion présentable... Ont commencé les théories consensuelles dignes des pires chaînes de télé nationales, place à l'angélisme scolaire du style "il existe pourtant une loi"... Quand on sait que Texaco a fait traîner le procès, l'a renvoyé à Petroecuador qui le laisse s'éterniser à son tour... J'ai quitté la salle en précisant "avoir tout dit et n'avoir plus rien à dire". Ambiance !
  • CARTOUCHES GAULOISES (2007)
    Note : 16/20
    On met du temps à bien "entrer" dans cette suite de scènes présentée de manière sobre, nul doute que ça a été vécu. Mehdi Charef déroule tranquillement son écheveau, chaque plan de souvenirs amenant son énigme. Peu à peu, le spectateur s'habitue à patienter, n'est jamais tranquille... Le jeune Ali (et surtout les acteurs adultes qui l'entourent, les enfants plus ou moins...) incarne les enfants dans les guerres, ce regard trop tôt acéré mais toujours espiègle ! Un témoignage relativement modéré, Charef a su situer l'enfant, l'adulte et le parent dans son propos, il montre mais n'accuse pas. Son film, par son côté instructif, trouverait toute sa place projeté dans nos écoles à l'appui des cours d'Histoire.
  • CHARLY (2007)
    Note : 16/20
    Sans doute faut-il avoir soi-même trempé dans pareille torpeur à l'âge de 14 ans ou un peu après ? Et être sensible, depuis, à cet état chez autrui dès lors qu'il est plutôt du genre cool (surtout quand on constate les suicides de gosses murés de la sorte) ? Pourquoi ce no man's land préado, cette régression soudaine ? Hormonal ? Simple peur de se lancer ? Carence affective remontant du passé ? Grosse flemme ?... J'ai personnellement ressenti une forte émotion à suivre ce "mollusque" de Nicolas dans son errance jusqu'à sa curieuse libératrice. Et - le comble ! - je trouve que les défauts techniques contribuent au charme de ce film de famille (exquise maladresse d'une réalisatrice pressée, on pourrait croire qu'elle laisse aussi les fautes parler). Certes, une vraie tête à claques, ce Nicolas avec ses grolles traînantes, une ambivalence dans le contact (mais cherche beaucoup l'adulte à sa manière de se tourner vers l'automobiliste en stop), son "je-sé-pas" horripilant à souhait, il est en pleine mue et va être servi : d'avoir mis en parallèle la maniaquerie ménagère m'a semblé une idée de génie (actrice remarquable dans sa fausse dureté) ! Idem pour l'atmosphère, ces deux vieux dans leur univers étroit, le mystère familial des père et mère, on peut en supposer des trucs !... Rien de sordide au bout du compte, Isild Le Besco sait mettre un brin de sentimentalité aux passages les plus rudes. Des espaces poétiques assez réguliers : chants d'oiseaux, éléments marins, marée montante après le moment le plus cru, la vie palpite, et tout ce qui renvoie à la matrice originelle dans ce qu'elle a de rassurant inonde l'écran. Prestation technique d'une apprentie-cinéaste, avec un étonnant recul psychique pour une trentenaire filmant son propre frère, une bien jolie histoire : j'ai affiché un demi-sourire permanent pendant tout le film. Et noté de dénicher son premier long-métrage "Demi-Tarif" !
  • SWEENEY TODD, LE DIABOLIQUE BARBIER DE FLEET STREET (2007)
    Note : 16/20
    Le genre conte noir funèbre à grands renforts picturaux et sonores aurait peut faire fuir. Un sadisme un peu trop facile à l'heure de l'horreur économique en extension planétaire ? Rien que les coulées rouges sur le noir ambiant, voilà qui donne envie de planter là le dvd qui a l'avantage de créer la patience en permettant un visionnage en deux temps au lieu de foncer lâchement à la fin. Car ce qui "tient", bien plus que ces chutes de fauteuil, ces gorges torrentielles, c'est le mot de la fin, la morale propre aux contes. Elle se tient. Macabre à souhait mais satisfaisant, "de la belle ouvrage", enfin, si l'on veut se donner une idée du meilleur de Tim Burton celui-là fera l'affaire !
  • 7H58 CE SAMEDI-LÀ (2007)
    Note : 18/20
    Grands cabossés de la vie, vieux dinosaures, adeptes du mémorable "Douze hommes en colère" notamment, vous devriez vous cramponner à votre siège devant ce hold-up surréaliste et ses répercussions... Humour macabre indispensable. L'histoire s'adresse moins aux spectateurs lisses (risques de baîllement, sauf exception, vous l'apprécierez sans doute ultérieurement). Sidney Lumet, 83 ans au compteur, s'attaque à la déchéance du monde des affaires outre-Atlantique par le biais d'un chagrin juvénile mal digéré, qui conduirait à comploter entre frères en faisant abstraction de tout sens moral. Une santé consternante ! On se croirait avec Woody Allen par moments, des scènes de panique pimentées comme jamais... Surprise, au début, par ces retours en arrière impromptus et surtout leur réajustement en douceur avec l'intrigue : se laisser guider, tout est comme pré-mâché... On est proche d'un classique des années cinquante/soixante dans la façon de filmer, mais la technique d'aujourd'hui est omniprésente. Une construction remarquable, des méandres trompeurs, il n'est pas possible de deviner à quel point Lumet va ruer dans les brancards... (Je trouve que la bande-annonce, peu attachante, ne reflète absolument pas l'ambiance du film). Ensemble d'une grande finesse, acteurs tous exceptionnels, bande-son très douce, trop douce, la v.o. est indispensable pour capter chaque seconde, relayée en cours de route par l'oeil paternel implacable, que je n'aurais jamais osé imaginer. Ce thriller d'un noir d'encre semblerait boudé par les grandes salles, trop corrosif ?
  • LE RÊVE DE CASSANDRE (2007)
    Note : 16/20
    Différent des deux précédents de la british trilogie : un autre revers de la délinquance est traité. Une forme de variante de "Matchpoint", dont la morale était d'un cynisme sans doute pesant pour le cinéaste. L'ambiance en est toutefois comparable : la jeune fille jouant au théâtre, on dirait Scarlett Johansson version brune, par exemple. Mais alors ici, l'anglais parlé par les deux acteurs, dont l'un est irlandais et l'autre écossais, a un de ces accents de faubourg ! Découvrons ces deux frères avec leurs dulcinées, l'un peu sûr de lui qui craque tout et l'autre, qu'on jurerait plus solide, ce petit magouilleur d'hôtels américains... Le suspense se situe dans les préparatifs, dont chaque détail compte, cette famille tributaire du Tonton made in China a un côté conte de fées... Arrive un étrange complot à trois sous les arbres pour se protéger d'une pluie battante, drôle d'idée, qui sent le soufre. Après, rien ne se passe comme prévu, le pire c'est que j'ai atrocement jubilé ! Grâce à l'alchimie du pince-sans-rire Woody, et pourtant il fait une nouvelle fois dans le tragique... Cette saga serait éventuellement à rapprocher du dernier Lumet "7h58 ce samedi-là", deux frères également accrochés au magot familial. Les deux dvd peuvent offrir l'occasion de charmantes discussions dans les chaumières et, pourquoi pas, dans les voiliers !
  • UN JOUR SUR TERRE (2007)
    Note : 15/20
    il est trompeur avec sa bonhomie séculaire. Toutefois, à mon avis, du temps des reportages de Frédéric Rossif, on pouvait croire que l'ours polaire folâtrait au soleil, la chasse étant l'exercice bienvenu pour des repas réguliers. Moins aujourd'hui, en tous cas si l'on parvient à croire à ces images et au commentaire plaqué dessus, la nourriture deviendrait inadaptée, la banquise se rétrécit de toutes parts. Au sortir d'une instinctive hibernation = mourir noyé ou de faim, pire, finir tué par ses proies ! Voilà pour le Pôle Nord... Bien plus au sud, des éléphants en marche longue distance trouvent au bout d'une trotte conséquente, l'eau, non sans avoir bravé, de nuit, les lions... Ces deux situations résument la grande modification en cours. Renversement de tendances, les animaux jusque-là sans prédateurs, de plus en plus fragilisés, et ça fend le coeur ... L'observation des autres catégories animalières est spectaculaire, mais sans de telles "remises en question" ces dernières années (caribous, grues, baleines). Nouveauté commençant à faire du bruit, sur notre planète coutumière de variations de températures au fil des siècles : le réchauffement climatique serait monté en flèche à partir de 1850, début de l'industrie à haut rendement. Nulle accusation directe susurrée par la voix de fée d'Anggun, sa pointe d'accent dans un commentaire français feutré, digne d'un conte pour la jeunesse (au moins, c'est accessible à tous, aux petits notamment) : beau voyage en même temps, avec ces plantes poussant en quelques secondes, les nuages vite balayés... Rappel que le temps passe, inexorable, sur notre triviale actualité et, en simultané, sur cette nature qui n'a rien demandé : miraculeuse, cocasse, pas toujours tendre, mais en péril certain, sans doute avant l'heure, par l'entremise des nouveaux penseurs du CAC 40 pour une large part (et si peu par les robinets laissés ouverts lors du brossage de dents, entre autres couleuvres à avaler)... Des fous inconscients, sado-masochistes, sauf que la nature aura le dernier mot, voilà ce que j'en retiens, avec aucun besoin de me flageller. La présente ausculation de notre Globe, laisse entendre qu'un virage à 180 degrés serait encore possible... Moins impressionnant que "La Planète Bleue" (vu en v.o.)avec son terrifiant périple dans les abysses, ce serait plus une variante de "La Planète Blanche". S'en imprégner au mieux, pour affronter la suite, en particulier pour les générations en marche.
  • CAMPAIGN (2007)
    Note : 12/20
    La voiture-balai sillonnant le patelin avant le cirque ou le carnaval dans les années soixante chez nous ? Sauf qu'ici, il s'agit d'une campagne électorale japonaise actuelle ! Les porte-voix, la camionnette avec toute l'équipe de "Com" en vêtement jaune fluo, aux aurores, en s'excusant pour le dérangement ! Les photos du candidat placardées partout (l'envie de se boucher les oreilles démange), le même stationnant, micro en main, pour élucubrer en groupe sous les fenêtres des "braves gens" ! Un candidat parce qu'il en fallait un, baîllant en visite, à moitié raillé par les siens, s'affirmant inexpérimenté mais téméraire, il fait tout ce qu'il peut, répandu en slogans à poignées de main (rappelant certains personnages bien réels hexagonaux...), avec une voix rauque à force de brailler, et ces yeux presque fermés sur les photos... Bref, une crédibilité d'enfer : mais en faut-il vraiment dès lors que dans le parti, les forces en place sont à toute épreuve pour la suite des opérations ?... Cacophonique, brassant beaucoup d'air, dommage ! Car des spectateurs abasourdis quittent la salle, lassés des redondances... Il eût été possible de décrire la même campagne non pas en deux heures mais en une seule ! Instructif cependant, peut être retrouvé en dvd.
  • CHOUGA (2007)
    Note : 18/20
    Vu en 2007 au Festival des Trois Continents nantais en v.o. sous-titrée. Le genre de regard qui accroche : très personnel, à énigmes constantes (le voisin de siège dans la salle peut interpréter différemment de soi, comme une poésie). Et pourtant, cette histoire librement inspirée du roman de Tolstoï "Anna Karénine" s'avère simple si on y repense, juste brumeuse dans la manière de planter le décor et de ne pas boucler les situations. Aucune longueur interminable ici, l'économie de dialogues (ils suffisent amplement) est compensée par les délices de l'image et du son. Que ces gens apparaissent réservés, un brin traqués, on est à l'Est où c'est monnaie courante... Il filtre un petit filet de chaleur diffuse, dans les intérieurs, les couleurs des vêtements de Chuga, ou l'arrêt sur une plante à différents stades de sa floraison pour indiquer un laps de temps, de quoi fournir la certitude que le coeur bat à l'intérieur de ces êtres un peu statiques. En voyant ces gosses postés devant la télé, on intègre que le matérialisme règne en maître par fatalité à Astana, grande ville du Kazakhstan, un pays détaché du bloc soviétique... Première image : un jeune garçon arrivant de loin à vélo, pour pêcher, zoom sur le bouchon... Le même, adulte, ensuite chez lui, déprimé, puis si gauche avec son bouquet de fleurs face à un concurrent. Il faut accepter de se laisser embarquer avec ces bribes. Et, petit à petit, l'intérêt du spectateur grandit. Voici la somptueuse Chouga (le côté racé de l'Orientale Nadine Labaki et un peu le jeu de Romy Schneider quand elle simulait l'indifférence), elle semble invincible, faisant partie de la haute société, et réputée "très intelligente", on la croirait solide comme un roc sans cette inquiétude dans le regard... Darejan Ormibaev sait intriguer, en rendant les atmosphères équivoques, tenir en haleine par une alchimie des couleurs, d'excellents cadrages, que ce soit cette scène nocturne bleutée avant que Chouga, encore maîtresse d'elle-même, monte dans le train, ou ce plan-séquence résumant la rencontre de deux hommes dans un rétroviseur (un "oeil" qui rappellerait Nuri Bilge Ceylan dans "Les climats"). Il a aussi une façon divine de filmer la neige à gros flocons, ou de fermer des portes successives pour exprimer un constat... Beaucoup d'idée, du goût, sans jamais devenir maniéré. L'insistance sur le train, en vrai ou en jouet ne lasse pas de tourmenter... Les personnages secondaires sont tous diablement efficaces, ces deux jeunes prétendants mis en balance en jouant sur l'effet de surprise du spectateur, ce père s'avouant volage devant sa progéniture, la mère d'un stoïcisme presque inhumain, cette autre fille, plus jeune, enceinte et qui avorte : là aussi il est permis de tout supposer, jusqu'à l'inceste même, puisqu'on n'a pas de "clé"... Rien de sûr jamais, et pourtant pas le malaise du doute non plus, la tristesse est transcendée par une petite note astrologique, franchement, j'ai adoré !
  • QUATRE FEMMES (2007)
    Note : 14/20
    Vu en 2007 au Festival des 3 Continents nantais en v.o. sous-titrée. Ces quatre mini-portraits féminins se situent autour de 1940 en Inde, pays sous domination anglaise qui souhaitait ardemment l'indépendance. Le sort des quatre "suppliciées" défile devant nos yeux. Leur bonheur passe par la norme que la communauté a fait sienne : épouse, mère, servante. Une prostituée trimballe son passé comme autant de casseroles, la justice la ramène à sa condition au moindre prétexte. Pas touche à la ménagère ou à la mère de famille, modèles d'altruisme garantes de la trajectoire du sang. Celle qui accroche le plus le regard est pourtant la "vieille fille", cette jolie vierge qui commence à faner, bien pratique pour garder les enfants dont elle est proche, coquette, mais un personnage à part. Que peut-on en faire ?
  • DE L'AUTRE CÔTÉ (2007)
    Note : 15/20
    Pâlichonne, cette image du fils attendant face à la mer dans un silence à couper au couteau... Après le flamboyant "Head on" (dont j'avais trouvé les deux acteurs principaux archi-crédibles, très attachants), j'avoue rester sur ma faim... La fulgurante emballée lesbienne de ce film, trop partie de rien et juste bien jouée sans plus, n'a rien à voir avec le suspense hétérosexuel suivi de l'apothéose du précédent. Ici, c'est davantage la mère survivante, jouée par Hanna Schygulla, qui va rester gravée en mémoire, sa sagesse d'ancienne éprise de l'Inde y est pour beaucoup... Le point fort résiderait dans les allusions politiques : la question européenne, la revendication d'égalité des citoyens, avec insistance sur l'éducation pour tous, voilà bien ce que tout Européen moyen peut intégrer, du fait de la mondialisation qui conduit au travail de sape de ces droits élémentaires pour les moins nantis, dont les rangs grossissent... Manquerait quand même le distinguo entre Kurdes et Turcs pour avoir une vue complète, (et peut-être aussi le point de vue d'habitants de Turquie sur ce film ?...). Les allers-retours abondent entre Brême et Istambul, parfois on ne sait plus très bien où on est car intrigués par la tournure des événements... C'est toutefois difficile de saisir l'enjeu véritable, tout est effleuré, approximatif, on devine dans sa globalité, plus qu'on ne cerne dans le détail, que la toile de fond est l'amour de la Turquie pour elle-même. Avec volonté de fraternité appuyée (ce fils voulant payer les études d'Ayten pour racheter la faute paternelle, la mère sortie de ses larmes sans même une crise de rage contre celle qui a causé la perte filiale, aide et pardon au premier plan...). Ce que le cinéaste vit aussi lui-même dans son tiraillement entre Allemagne et Turquie, et qu'il illustre dans une trilogie dont "Head on" est le premier volet, "l'amour", celui-ci étant "la mort"... Et pour finir, tous ces cabossés se mettraient ou essaieraient de se mettre ensemble... Alors là, j'avoue avoir eu du mal à croire en la durée de pareil aménagement vu le peu de passion ambiante (principal reproche que je continue à faire au film), toutefois, je mets une bonne note car la générosité reste louable en l'occurrence.
  • VILLAGE PEOPLE RADIO SHOW (2007)
    Note : 10/20
    Vu en 2007 en v.o.au festival des 3 Continents nantais. Entrée en matière très prometteuse, image soignée, rengaine musicale pleine d'allégresse... ça se passe dans la forêt thaïlandaise, il fait chaud sur cette petite route, singes bondissants, végétation abondante, des enfants splendides sourient à la caméra... Un interlude se pointe souvent, ça contraste avec l'ensemble. Enfin, les bons visages burinés des ex-communistes de Malaisie, ils vont en raconter de belles... Hé bien non, ce qu'ils disent est plat, récité, l'interlude revient beaucoup trop souvent sans qu'on comprenne pourquoi, l'adultère de la radio fait penser à TF1, les images léchées commencent à faire tapisserie. Vraisemblablement, le feuilleton inspiré de Shakespeare que la radio diffuse partout n'a pas la même symbolique pour le profane que pour le Malaisien ou le Thaïlandais... J'ai recherché quelques détails par moi-même et, sauf erreur, avant l'indépendance de la Malaisie, pendant la traque aux communistes orchestrée par l'Armée britannique dont c'était l'obsession (Maleysian Emergency) de 1948 à 1960, il existait une radio... Le fond du propos demeure donc nébuleux, (qu'est-ce-que Amir Muhammad veut raconter aux occidentaux au juste, à part qu'il y avait des communistes déplacés au Sud de la Thaïlande ?). Rien de marquant n'en ressort, la petite musique de fin, la même qu'au début, fait l'effet de revenir d'une balade exotique à deux doigts d'une sieste... Le documentaire serait interdit en Malaisie. Est-ce une des raisons de son hermétisme global pour nous autres occidentaux ?... Résultat, ces "gueules" qui ont souffert garderont leurs anecdotes, grosse frustration pour le spectateur désireux de comprendre de façon détendue.
  • HISTOIRE D'HIVER (2007)
    Note : 13/20
    Vu en v.o. au Festival 2007 des Trois Continents nantais.L'atmosphère serait proche de la réalité d'après des cinéphiles de retour de Pékin présents dans la salle, dont l'un des enfants vit dans ce type de banlieue. Zhu Chuan Ming imprègne bien de l'ambiance, mais ne fait pas plus sordide que nécessaire, les personnages ont de la chance dans le sens où rien d'insurmontable ne leur arrive, ils survivent gentiment, résignés à leurs petites débrouilles de chaque jour. Pourtant, un jeune commerçant, faute de papiers en règle, doit se débrouiller pour manger et des jeunes filles se prostituent... Un couple se dessine, ils pourraient tomber sur des détraqués, ce que ne manquerait pas d'amener un classique film américain d'aujourd'hui. Rien de tout cela, on constate une relative fraternité dans ce quartier grouillant, où l'un des menus plaisirs est de déguster à toute heure en plein vent des bons petits bols de nourriture qui réchauffe. Reste à savoir pourquoi le réalisateur a préféré faire jouer d'assez touchantes jeunes filles aux côtés d'un acteur masculin quelconque, limite antipathique. A découvrir comme un documentaire sur la débrouille dans la Chine de maintenant (c'est plutôt une histoire pour les jeunes que pour tout public). Surtout, ne pas s'attendre à une analyse fouillée ou à un coup de théâtre, alors que tous les ingrédients appellent à quelque chose de fort venant consolider le propos. Encore un cinéaste doué à qui il manque le petit coup de pouce soit d'un scénariste, soit d'un dialoguiste, quelle misère !
  • IT'S A FREE WORLD (2007)
    Note : 18/20
    Réservé à ceux et celles encore assez solides pour affronter la réalité à peine anticipée du monde de demain, cette loi de la jungle indispensable pour décrocher un max de sous sur le marché du travail pour l'instant encore "parallèle"... Un genre de fiction-documentaire. Angie, une blonde recruteuse sur son cheval de fer (elle ne fait pas dans la dentelle, je comprends qu'elle puisse rebuter avec sa moue de fille facile et son franc-parler. Un caractère s'affinant jusqu'à devenir enfin touchante, et même acquérir une certaine "classe" à la fin. Soit, par rapport au précédent "Le vent se lève", on peut se sentir floué, à cent lieues de la distraction qu'on recherche au cinéma, cet art censé tenir à distance du quotidien (et, pourquoi pas, se dire que "chacun chez soi, les vaches..." et autres fadaises). L'élément modérateur sur lequel se rabattre, c'est Rose, elle se fâche quand sa copine, prise en étau entre tous ces intermédiaires, va trop loin... Très bien maîtrisé d'un bout à l'autre et sans orienter non plus vers le Charity Business à tout crin (fin ouverte). A elles deux, ces jeunes femmes incarnent des tendances de débrouille féminine qu'on retrouve souvent dans le milieu de la prostitution : aguicheuses, attendries, rouées, rapaces... La survie les motive. Défilent, mais jamais de façon appuyée, quelques exemples de cette pauvreté des immigrés qui terrifie : on peut s'en détourner (très tendance)! Mais que ce soit à l'intention de la Grande-Bretagne ou de ses voisins, Ken Loach tape courageusement là où ça fait mal et moi ça me fait grand bien !
  • DES CHIENS DANS LA NEIGE (2007)
    Note : 18/20
    Ann-Kristin Reyels, comme le ferait Sarah Polley (même génération) s'attaque à des sujets gênants en prenant discrètement position. Des parents se racontent des histoires à eux-mêmes, fiers de leur petit pouvoir personnel, sans anticiper l'impact sur leur fils, une silhouette nonchalante qu'on voit d'abord du dessous, visage d'ange distribuant des invitations, c'est Lars, rien de l'ado boutonneux, il est très proche de ses chiens, ressent mal les calculs de ses parents, des tricheurs qu'il aime quand même. Evidemment attiré par le mutisme et la gestuelle étonnamment vivante de la fille d'un barman local (homme d'une rudesse déconcertante) : Marie, sorte de Charlotte Gainsbourg allemande se fout du qu'en dira-t-on, personne ne s'étonnera que ces deux jeunes s'apprivoisent au fil des coups durs. Une liaison camouflée d'un père à son fils, surtout avec la soeur de maman, est-ce que cela va de soi ? Voici la mère qui arrive, flanquée elle aussi d'un nouveau venu, le jeune Robert, sorte de second fils : amabilités, embrassades, un troisième invité se pointe... La caméra offre mille détails très attachants, attention, il est important de bien s'imprégner du malaise de ce délectable repas, qui ferait songer à "Festen"... Si le réveillon devient un petit cauchemar à table, l'attention n'est pas à focaliser sur le lapin, plutôt sur les va-et-vient de Lars, ce dernier vivant une forme de bizutage local dont il se tire en général... Cinéma de l'Est fortement imprégné d'occidentalité, ça bouge constamment, quelques traversées d'écran en guise de ponctuation, ça a l'air froid mais, dans le fond pas du tout. De très jolis tableaux, notamment nocturnes, une forme de sacralisation du couple dans son innocence première, la balançoire berce, avec cinq minutes de moins, le film était également viable... Joyeux Noël ou sinistre mascarade ?... Tout amène à s'identifier au pacifiste Lars, cet échoué dans l'Uckermarch, à 60 kilomètres au nord-est de Berlin, splendide endroit où le héros se fond. Une virée locale doublée d'un portrait familial décapant, avec cette économie de mots au profit d'images autrement plus évocatrices. Encore une merveille quittant l'affiche avant l'heure... Et pourtant, cela nous change des multiproductions sur les ghettos urbains ! Sans pour cela éviter la violence, simplement elle est toute autre. A découvrir en v.o. allemande, au besoin grâce au dvd.
  • 10 + 4 (2007)
    Note : 18/20
    Plusieurs récompenses en 2007 : Faisan d'Or & Meilleur Réalisateur Trivandrum, Prix Jury Jeune Festival des Trois Continents + San Sebastian, Vancouver, Pusan... Et rien d'étonnant car cette dure plongée dans le monde de la maladie grave bouleverse. Rondement mené : on part en voiture, un peu comme dans "Ten" d'Abbas Kiarostami, sauf qu'ici le décor va changer. Une approche compassionnelle, mais pas sur toute la ligne. Mania Akbari illustre son sujet en montrant quelques scènes d'habitude gardées intimes (regard reprochant du garçonnet, bévue d'un policier prêt à sévir, sororité accrue, baisses du moral créé par la chimio, etc.), non sans humour parfois, pour arriver à une affirmation terrible à l'heure où les cancers, même si on peut en guérir aujourd'hui, se multiplient... Chacun sait que l'environnement pourrait causer de sérieux troubles sur notre santé globale, controversés comme souvent, mais que l'avenir pourrait bien préciser... Ce film dit que les femmes atteintes dans leur sein, symbole de l'origine humaine ou animale (là où le petit commence à s'abreuver) "appelleraient" la maladie. Cruel, même s'il y a une part de vrai, surtout pour les personnes malades ou revenues de très loin... Et c'est encore et toujours charger la femelle du poids total de la création. J'ai vu des femmes incapables de se lever en fin de projection tant elles étaient sonnées. Mais sans doute fallait-il avoir le courage de mentionner la part métaphysique dans cette anarchie cellulaire ?
  • INTO THE WILD (2007)
    Note : 17/20
    Inspiré d'une histoire réelle, ce film peut trouver mille interprétations selon qu'on se place dans les années quatre-vingt-dix (période de référence puisque le héros dessine sa trajectoire dans cette décennie-là), soixante-dix (grande vogue idéaliste, partir loin en auto-stop et se fondre dans la nature, sur les traces de Kérouac et autres absolutistes en réaction au système économique quasi-incontournable de maintenant s'ébauchant déjà...) ou du vingt et unième siècle, 2007 par exemple, rond-point du grand saut collectif dans le mur ou des premiers paliers d'une saine "décroissance" ?... Bien entendu, la voix-off de la jeune soeur, qui annonce l'issue, serre les tripes. Ce cabossé par l'hypocrisie familiale, et qui n'a pas su tout petit écluser son trop-plein de pouvoir personnel, va se dépouiller de l'intégralité des stigmates civilisés avec l'entêtement de celui sûr de son fait. Escamotant l'impasse à laquelle conduit la négation du bonheur partagé... Niant une fusion - même fugace !- avec une fleur bleue chantant sa propre errance, esquivant, tellement borné plus il chemine, le merveilleux parent de substitution auquel il pourrait se raccrocher pour garder l'équilibre entre son idée fixe et la réalité imparfaite... Ramené à ce ceinturon symbole, dont il resserre toujours plus les crans... Sean Penn nous pose question sur cette part de perfectionnisme né de l'esprit de contradiction, dont l'objectif demeure souvent fumeux, pour déboucher sur un lent étranglement... Très grande portée de réflexion !
  • PIECES DETACHEES (2007)
    Note : 14/20
    "Partes Usadas" : aurait un sens supplémentaire en langue espagnole par rapport au français ?... Suivi, en v.o. au Festival des Trois Continents 2007, l'évolution de Ivain, ce gavroche mexicain que son oncle Jaime dresse à la débrouille, en frôlant parfois le mauvais goût pour le spectateur tant sa conception éducative s'avère d'un goût limite. Oncle et neveu caressent toutefois le même rêve de sortir de leur mouïse matérielle pour passer en Amérique, si seulement la copine de l'adulte ne venait pas s'immiscer... La gêne dans les mauvais coups auxquels l'oncle initie son protégé alterne avec les moments délectables entre Ivain et son jeune copain dans leur petit business parallèle. Mais, hormis la surprise de l'accident dans le parking, installant une soudaine consternation, j'avoue m'être un peu ennuyée et avoir souffert de cette manipulation d'un enfant par un parent qui mériterait bien quelques baffes.
  • GARAGE (2007)
    Note : 16/20
    V.o. obligatoire pour la saveur de ce coin de l'Eire. Josie, marcheur reconnaissable entre mille se profilant sur un paysage désert, Josie vissé devant son garage, Josie blaguant au bar, avec les gars du coin qui le charrient... Lui semble incorporé au terroir tant il en a retiré sa propre philosophie, tout juste un peu d'ennui certains soirs, encore un pub dans ce patelin, un peu de chaleur humaine, et au moins voir quelques femmes à défaut de ne jamais en toucher une : "vieux gars" mal dégrossi (ces ongles éternellement noirs de mécano), l'employé trop bon que le patron reconnaît et encourage à encore plus de dévouement... Un être ultra-accommodant, un obsédé de l'adaptation, solitaire et point fou : de quoi donner mal au ventre au voisinage, "les braves gens n'aiment pas que..." : tout trouvé pour devenir le con de service. De jolies prises de vue dans la nature encore préservée, une troublante conversation avec un vieil homme bienveillant, qui pleure et s'en excuse (annonciateur de la suite ?) tandis que Josie embraye sur la météo histoire de faire diversion. Présence muette d'un cheval mangeur de pommes une fois pour faire connaissance, noyade éclair de petits chiens encombrants... Cette caméra intimiste s'insinue dans l'Irlande profonde par une plongée dans l'hostilité irraisonnée mais affichée dans son bon droit : la mère venue présenter son fiston avec le boss, et juste après le copain et sa dulcinée, un froid qui inquiète, malgré l'apprivoisement de l'ado, Josie avec son naturel de vieux poupon grandi dans la nature, ne remarque-t-il donc pas que les filles hérissent ce jeune jouvenceau ?... Au bout du compte, est-ce une machination ou juste un mauvais concours de circonstances ?... Pat Shortt (comique très populaire en Irlande), incarne cet innocent piétiné par la bienséance locale, une imprégration de siècles de calotte ajoutée aux nouvelles normes sécuritaires des années 2000... Et pourtant un gars réputé "une crème", incapable de faire du mal à une mouche.
  • LUST CAUTION (2007)
    Note : 17/20
    La forme rappellerait assez les grands films américains sortis en fin de guerre mondiale, tels "Soupçons" d'Hitchcock, dont on voit un court extrait, et les affiches placardées dans ce Shanghaï en pleine occupation japonaise (1942). Inspiré d'une nouvelle, l'ensemble a des allures de grand classique, à part peut-être cette façon d'amener habilement le flash-back au beau milieu de l'intrigue, manière de faire d'aujourd'hui. Le fond recoupe tous les tiraillements de l'âme occupée à transgresser, sauvagerie doublée de la rage de ressentir de la compassion. Défilent sous nos yeux l'inconscience du patriotisme exacerbé, ainsi que les rouages d'une société où les chefs donnent toujours l'apparence de mieux s'en tirer, de quelque bord qu'ils se réclament. Ang Lee fait prévaloir le collectivisme sur l'individualisme (ce cacheton non consommé me reste en travers de la gorge...) mais je me demande s'il n'y a pas été contraint, de manière à être accepté par les autorités chinoises. On reconnaît bien le réalisateur de Brokeback Mountain (film censuré en Chine), la prise de possession amoureuse comme un château à assiéger et ensuite, le sentiment qui s'accroît, avec cette rage à osciller entre fondre et se rebiffer. La jeune femme touche par le fait qu'elle se prend elle-même à son double jeu, mais le plus irrésistible est bien ce Monsieur Yee, quand bien même il incarne un collabo.
  • JUNO (2007)
    Note : 14/20
    La jeune actrice est craquante naturellement, commode pour faire passer un message sur lequel je reste partagée. Sous des allures faussement détachées, on est à deux doigts du plaidoyer contre l'avortement, le mauvais goût est évité de justesse. Somme toute, un sujet à moitié traité, mais un discours 100 % bien pensant ! Je mets 14/20 parce que c'est bien démontré, que ça cadre avec une réalité d'aujourd'hui en territoire privilégié : pourquoi refuserait-on une grossesse au profit de l'IVG tandis que tant de couples échouent à concevoir un petit ?... A seize ans, encore toute neuve et sous abri grâce à son père et sa seconde femme qui assurent, Juno peut, à défaut de la pilule du lendemain (même pas mentionnée !) opter pour un acte héroïque, tant qu'à faire dans la bonne humeur, et qui vivra verra... Attention aux réparties de la demoiselle, ce n'est pas elle qui parle ainsi mais les scénariste et dialoguiste qui glissent leurs propres convictions dans sa trop jeune bouche d'ado encore biberonnante... Avoir à cet âge-là un bébé qui bouge à l'intérieur de soi et en faire don à un couple d'inconnus, pour rien, me semble peu probable, même si on peut dire à l'enfant "tu comprends, ta mère était si jeune"... Car la mère adoptive est ici quelconque, limite crispante (un peu ogresse avec son mal de maternité) et son musicien de compagnon tellement plus sympa, de plus en plus gêné dans son sauve-qui-peut, il pourrait très bien se mettre avec la petite... Reste que l'ambiance est plaisante, techniquement bien fichue, la jeune actrice cartonne à coup sûr dans sa détermination, son côté petite sainte des temps modernes oblige force l'adhésion... Pour oublier les zones d'ombre, j'aurais aimé un "plus", par exemple un générateur d'émotion dans le couple des adoptants, ou une ado au vécu différent. Mieux, une femme ayant déjà eu l'expérience de la maternité. Car pour moi, l'impression de se faire faire un enfant par une enfant prévaut : trop facile, et la porte ouverte à toutes les récupérations possibles, comme des agences pour aider cette new generation de mères méritantes... Or, on est déjà trop nombreux pour l'environnement dégradé de cette planète, tous les paramètres l'indiquent... Donc, plutôt que d'encourager à procréer, mieux vaudrait faciliter l'adoption dans le pays où on se trouve, toujours honteusement récupérée financièrement et qui force les couples en mal d'enfant à crapahuter loin de chez eux, parfois pour des clous (voir "Holy Lola" de Bertrand Tavernier) !
  • SURVIVRE AVEC LES LOUPS (2007)
    Note : 13/20
    En sortant de cette histoire, un grand désir de revisionner "L'enfant sauvage" de François Truffaut... Qu'on ait enfin devant soi un exemple authentique de gosse survivant de la nature, pas de gros effets, pas d'épanchements geignards, pas de caméra appuyant les scènes comme pour les enfoncer dans la tête des spectateurs. Et pourtant, il y avait matière à émouvoir, précisément, c'est cela qui fait défaut. Véra Belmont en fait des tonnes sur le périple de cette fuite de l'homme à force de souffrances... Malgré le plaisir de voir Bedos acteur en résistant paisible mais ne perdant pas les pédales, malgré le mérite indéniable d'avoir mis des chiens et des loups en mouvement, le jeu très juste de la sévère Anne-Marie Philippe (la fille de Gérard) en notable tête à claques... Ainsi que les parents évaporés, avec cette fillette dont le destin bascule d'un seul coup. D'entrée de jeu, le je ne sais quoi qui embarque n'y est pas, ça patine, le décor, très soigné, bien filmé, la musique d'Emilie Simon en arrière-plan bien adaptée, la rencontre enfantine en Pologne marquante, les sauveurs d'un jour en Ukraine (et malgré ce slave magnifique prénommé comme la demoiselle), hé bien, ça coince tout le temps, et je le déplore... Resterait à découvrir le livre, puisqu'il paraît que c'est inspiré d'une histoire vraie. Mais pourquoi diable dans cette ambiance semi-réaliste, se sent-on à moitié dans un conte, à moitié dans une farce, avec cette petite répondant aux "ouh-ouh" des loups durant des minutes qui pouvaient être remplies d'autres considérations ?
  • PERSEPOLIS (2007)
    Note : 16/20
    En découvrant ce dessin animé pour adultes en avril 2008, comme un tas de gens plus attirés vers les acteurs en chair et en os, je me dis "que ne l'ai-je vu plus tôt !"... Voilà d'adorables dessins, rien que de gracieux dessins, ingénieusement déménagés de la version papier vers la toile, grâce à l'alchimie Satrapi/Paronnaud. Et qui en racontent ! Avec toute la technique empruntée aux studios du genre mais en faisant dans le sobre, le tout simple expressif, comme les gosses : on se balade et on est surpris autant qu'instruit. Et ça cause comme la jeunesse européenne d'à c't'heure ! Le regard étant toutefois celui d'une femme assez sereine finalement. Bien des grands-mères délurées se reconnaîtront. On comprend la complexité de l'Iran, les liens lors d'exils, avec ce fol espoir que les pays réputés libres soient plus stimulants. Etonnante fragilité de Marjane, une fois adulte, d'avoir été choyée même en territoire miné de l'extérieur. Le plus terrible est de devoir passer de la joie à la déprime, passé houleux et lendemains hasardeux. La voix de Danièle Darrieux incarne la grand-mère (mais j'ai irrésistiblement pensé à Denise Grey...), les voix parlées de Catherine Deneuve et de sa fille, Chiara Mastroiani se confondent par moments, c'est troublant comme un fil inaltérable entre générations.
  • CIAO STEFANO (2007)
    Note : 15/20
    Le titre français sera finalement "Ciao Stefano" : sous des dehors loufdingues et avec plein d'accolades méridionales, on suit ce dernier dans son pélerinage familial à la suite de sa déconvenue sentimentale. Les parents retraités loin d'être des monstres, ont délégué l'Entreprise de cerises à l'alcool à son frère, bon gros dépassé par le burlesque professionnel berlusconien actuel, mais contaminé par les ambiances "grand huit" dans les foires. Chacun des membres de la tribu affirme que tout va bien, toujours suspect... Somptueuses actrices à regarder : Caterina Murino et Anita Caprioli, les dauphins aussi sont vibrants à leur manière... Beaux spécimen masculins aussi, je pense au prêteur de la dernière chance et surtout au ténébreux suicidaire avec ses yeux clairs et humides dans son cuir noir... Sauts au ralenti, complicité avec les enfants, nécessité du défoulement face au vide ?... Le spectateur rit mais se demande s'il a quarante de fièvre ! Je trouve qu'il y a UN moment pathétique concernant l'identité du héros, cela en dit long sur l'autorité féminine suprême, celle du ventre, et qui fait aussi du dégât... A travers Stefano, j'ai situé le désarroi de l'Italie actuelle, les adultes lucides qui morflent du néo-libéralisme fou, avec sa perte de sens, pas le libéralisme des parents, la petite affaire familiale est présentée comme respectable. Une réflexion profonde derrière cette confusion (un peu pesant de ne comprendre qu'au fil répété des à-coups...) une ironie à décrypter par chaque spectateur, heureusement le quotidien reste assez bon enfant.
  • RIPARO (2007)
    Note : 18/20
    Découvert ce sidérant film en v.o. italienne à Nantes dans cadre Cinépride : par son alchimie à se dévider tranquillement, il prend en tenaille de façon comparable à "Respiro" ou "Libero", autres joyaux italiens récents : le sujet en est l'IMMIGRATION sous tous ses angles, et en dépit des idées toutes faites qu'on puisse entretenir de quelque bord qu'on se situe... Résultat, j'étais d'une manière au début du film et puis, bien baladée sans m'en apercevoir, j'ai presque viré de bord ! Avec la toujours excellente méridionale Maria de Medeiros face à la fille de l'est non moins sublime Antonia Liskova. Point n'est besoin d'être homosexuel(le), aucune scène dérangeante pour les hétéros. Intercalé entre les deux monstresses, le jeune Mounir Ouadi vous tanne avec ses questions qu'en principe nul n'ose étaler... Dialogues d'un infini toupet, charme et distinction, fond de cruauté des temps que nous vivons, attention vous qui partez en vacances à bien vérifier vos bagages avant les frontières... Un regard délicat, loin de la bien pensance affichée, voilà une équipe de virtuoses qui mériteraient beaucoup plus de reconnaissance médiatique ! En dvd, idéal pour les soirées philosophiques entre amis de longue date ouverts mais bourrés... de contradictions.
  • LA PRINCESSE DU NEBRASKA (2007)
    Note : 17/20
    Fichtre, suffit-il donc d'être femme, avec des angoisses de ventre, est-ce que je le garde est-ce que j'aurais à assumer seule ou avec qui, pour rentrer dans le sujet ? Car cette jeune gâtée-pourrie semble taper sur les nerfs un bon moment avec ses faux-ongles et ses airs nunuches. On peut rester là-dessus. En fait, la TRES JEUNE Sasha "décolle" en même temps que le ballon de baudruche, grand temps sinon on virait vers un remake américano-chinois d'une certaine " Sue" perdue dans l'immensité urbaine... Admirables cadrages, et jamais gratuits (bien aimé ces pieds nerveux qui arpentent), la caméra, parfois réduite à un écran de mobile, pour qu'on voie avec les yeux du personnage) traque la toute jeune demoiselle, du genre impassible, comme savent l'être les Asiatiques) ou ronchons (comme le sont facilement les ados des pays industrialisés, même invités). Les dehors de petite pétasse s'estompent, il faut décider. De plutôt évaporée, la voilà qui se prend en main, terrible ce visage de gosse tournée vers l'échographie... Précieuses infos sur la démographie inversée chinoise (plus assez de filles bientôt ?) et apports américains de modernité jamais trop kitch, ce magnifique Noir penché et soudain redressé, perplexe, la gynéco en écoute active, sans leçon de morale, comme une mère aimante. Ce cinéaste avoue implicitement qu'il a pris aussi ce que l'Amérique a de bon ! Voilà une réflexion très indirecte sur la nouvelle jeunesse chinoise en refus du passé, attirée par le piège matérialiste occidental, dépendance totale du gadget-portable, ça peut hérisser... Mais à y regarder de plus près : un coup de gomme magistral des racines, Tien An Men ignoré, Confucius aboli... Pour boucler, la jeune fille semble une boussole apprenant à chanter, elle est éclairée davantage du côté droit. Wayne Wang suggère toujours, par touches délicates, avec plusieurs lectures possibles, pour ma part, j'ai bien aimé cette suite de non-dits.
  • YELLA (2007)
    Note : 16/20
    Découvert en v.o. au cycle universitaire allemand de décembre 2008 à Nantes. Décontenancée en sortant de la séance, du fait des deux chutes dans l'Elbe pouvant faire croire à un faux-départ à l'ouest... Bon sang, mais c'est bien sûr ! J'ai mieux compris, plus tard, les deux sacs repêchés, eux seuls attestant du périple. L'histoire décrite ici évoque le risque couru - ou la nécessité maintenant ! - pour les ex-Allemands de l'Est, de passer vivre à l'Ouest. Encore plus criant de nos jours, cette obligation d'aller là où est le boulot, rarement garanti sur la durée, sans trop de filet. Soit stagner, soit se lancer afin d'avancer dans la vie. Le pont semble symboliser la tentation vers l'inconnu, et l'élément liquide le danger d'anéantissement. Nina Hoss est insolite dans son ambivalence, ulcérée par ce mari qui la colle en alternant pleurnicherie et violence. Décidée à se tirer d'affaire et à compter que la chance tourne. Drôle d'impression quand entre en scène ce "boursicoteur", un douceâtre très observateur, truand, sauveur, un peu des deux : et voilà que Yella se met à dérailler avec l'oseille ! La paumée de service est aussi comptable de métier : la voici muse de la finance, des plans d'arnaque que le profane peut comprendre à moitié, là n'est pas l'intérêt, il va y avoir un imprévu, tout cela entre rêve et onirisme, à cause de ce pont de tous les possibles. Encore un film qui en dit long sur le business !
  • CHERRY BLOSSOMS -UN REVE JAPONAIS- (2007)
    Note : 18/20
    Regardez bien le visage et l'allure de la belle eurasienne, âgée pourtant, qui ouvre le film, car soudain elle fait l'effet d'une lampe tamisée éteinte sans prévenir, le spectateur lui en veut de l'avoir lâché... Et peu importe que les radiographies du départ intriguent. Car le mari, ronchon patenté, n'a plus qu'à s'amender : il portera souvent un gilet de laine mohair, parfois une jupe... Voici un Japon sans austérité, accessible aux récalcitrants : ce "bûto", danse qu'on s'attend à trouver lancinante, quand on y est pas hermétique, est extraordinairement digeste ici, grâce au regard de la réalisatrice, Allemande quinquagénaire, et également veuve récente de son chef opérateur préféré. C'est "son Japon" tel qu'elle l'a vécu, en dépit des cérémonies funéraires ou de la jeune chair qui s'exhibe pour de l'argent, qu'elle montre aussi... Mont Fuji "timide" sur lequel une porte s'ouvre plus d'une fois, cerisiers menant à la sagesse par le biais de cette jeune pendue au fil de son téléphone, et puis ce grand mouchoir d'homme noué pour se repérer à Tokyo... Un voyage qui montre les Japonais plus riants que d'habitude. Ce voyage donne hâte que la saison froide passe pour vadrouiller sous les arbres en fleurs comme des gosses, si possible en picorant dans des petits bols !
  • UNE FAMILLE CHINOISE (2007)
    Note : 18/20
    Wang Xiaoshuai entend par "famille" un microcosme recomposé face à la leucémie d'une fillette. Quatre adultes soudain interpellés par la maladie gravissime. Titre chinois laconique "Droite, gauche", titre anglais "In love we trust", sans doute le plus approprié... "Une famille chinoise" en français, dommage que ce titre rétrécisse la portée de l'oeuvre (Chine ressentie par les occidentaux de 2008 comme impitoyable, archi-polluée, avec ce contrôle des naissances à partir des années quatre-vingt : aux dernières nouvelles, la diminution des filles compromettant l'avenir du pays, le rejeton unique par foyer resterait certes "encouragé" en milieu urbain, mais il serait permis d'avoir deux enfants si on vit à la campagne, et deux en ville également si le premier est une fille ou que le père et la mère sont enfants uniques). L'histoire s'annonce assez casse-cou d'emblée, Ô que la situation est délicate... Ce serait compter sans le talent de ce réalisateur, aidé par des dialogues tirés au cordeau et un art consommé du fil narratif, faussement nonchalant... Figure aussi un mélange d'ancien et de nouveau côté décor qui fait réfléchir (barres citadines d'un Pékin en perpétuel chantier, plaques de verre sur dentelles des tables, et puis ces draps rouges !). L'impression d'une caméra parlante par moments : appuyée sur un visage avec une rare intensité, ou bien annonçant l'essentiel en une seconde, jamais de plans fixes où on baîlle : quant aux personnages, ils en voient de toutes les couleurs, toujours en gardant une noblesse globale impressionnante !
  • I FEEL GOOD ! (2007)
    Note : 18/20
    Les coeurs les plus durs devraient se laisser emporter par ce groupe inédit de "jeunes vieillards" transfigurés par la musique. Il faut voir cette ancêtre barbichue entonner "Should I go or should I stay" du haut de ses 93 ans ! Cela donne des idées pour ses propres dernières années, en soufflant une possible reconversion pour les musiciens talentueux à qui prendrait l'envie de "coacher" des anciens voulant s'investir ailleurs que dans des clubs sportifs où ils s'esquintent mécaniquement (remarquable entraîneur de 53 ans ainsi que les musiciens d'accompagnement, tous de très haut niveau). La qualité va crescendo, il faut parfois souffrir aux répétitions en plus des pépins de santé intercalés comme une fatalité, et toujours le "show must go on"... Si les interprètes se fourvoient de temps à autre, quelques-uns ont le feeling naturellement, c'est toute leur âme de vieux bourlingueurs qui se lâche, ça se lit sur la tête du public en pleine jubilation lors du concert final ! Tonique, bourré d'humour, émouvant (la scène avec les prisonniers et leurs matons). Ce n'est jamais compassé pour autant. Ce film s'adresse à nous tous, d'urgence et sans restriction ! Vivement le dvd !
  • LA PETITE FILLE DE LA TERRE NOIRE (2007)
    Note : 16/20
    Découvert au Festival des Trois Continents nantais en 2008. C'est une ville minière dans la montagne coréenne, avec des fumées et crachotements d'un autre âge, enfin pour nous autres Français... De plus, il fait toujours froid si l'on en juge par la neige en contraste avec le noir ambiant, triste patelin ! Pourtant l'on y chante (magnifiquement !) de retour du fond de la terre, devant la télé ou en sillonnant le village en voiture... Zoom sur la petite famille monoparentale, un papa et ses deux gosses scolarisés (le garçon retardé dans son développement). Le père, pour une fois, plutôt gentil (à la différence de nombre de rôles masculins asiatiques lâches, désespérants)... Un père responsable, il "assure". Nulle information sur la mère. Quoi qu'il en soit, la jeune Young-lim, 9 ans, devient une aide précieuse pour le mineur le jour où une sale pneumonie vient tout compliquer... Une torpeur alcoolisée peut ulcérer un tout jeune cerveau... Il faut bien suivre la fillette dans son parcours à l'image... Une sacrée petite bonne femme, plutôt tendre, d'une lucidité qui saisit... Etonnant comme Jeon Soo-il embarque le spectateur dans un long processus descriptif, jusqu'à le faire se morfondre dans ce pays de malheur... Mais c'est pour mieux le piéger, toujours dans le monocorde (peut-être un peu terne comme mise en scène quand ça se gâte, les plans fixes demandent de la patience !)... Les spectateurs restent vissés à leur siège ou alors quittent précipitamment la salle pour prendre l'air car "la petite" dans sa très forte envie de survivre, ne fait pas dans la dentelle... Derniers plans hallucinants.
  • LA ZONA (2007)
    Note : 15/20
    Rediffusé dans cadre Festival du film espagnol, 17 mars 2009 au Katorza nantais. Description d'un microcosme privilégié vivant en surplomb de "la pègre" : caste réglant tout en privé, des pots-de-vin si jamais la police se pointe, le big boss des flics fixe lui-même le montant des chèques. Un milieu qui donne envie de cabanes en haut des arbres, loin de la civilisation... D'instinct, on va s'attacher aux rares vertueux de l'histoire, tout est fait pour... Jeunes envahisseurs écrasés, nantis têtes à claques, oui mais pas tous, dans chaque camp se trouve une âme plus pure que la majorité. La palme revient forcément à cette bouille craquante échouée là, il a besoin de baskets, fichtre, attention au protocole... J'ai mis du temps à accepter l'étau (démange une furieuse envie d'ouvrir en grand toutes les voies privées de nos villes avant que cette exclusion inhumaine devienne la norme, comme un jet de "fly-tox" sur moustiques)... Va et vient de l'écran de contrôle au noir dédale, tension dans les appartements, désaccords de ces messieurs-dames dans une salle réfrigérante, l'apnée est presque totale, à peine le temps de reprendre ses esprits : l'anniversaire, ce papa jouant au légo avec fiston... L'art de vivre traqués, sciemment, collectivement, nous devrions saliver en principe, Big Brother se charge du reste... Etant donné l'aspect enchevêtré, bien vu de revenir sur l'épisode déclencheur, ce pan de mur qui tombe... Par contre, la musique funèbre tout au long de la démonstration est en surdose et j'ai trouvé grotesque de faire du flic le plus droit un pourri de dernière heure, les femmes de toutes conditions devraient lever le poing !
  • SEX IS NO LAUGHING MATTER (2007)
    Note : 16/20
    En compétition au Festival des 3 Continents nantais de 2009. "Ne riez pas de ma romance" prévient pudiquement l'introduction... Une romance finement déroulée, avec ce talent pictural propre aux cinéastes asiatiques. Une liaison entre une enseignante et un grand dadais d'élève, coup de cœur peu encouragé par l'entourage mais sans scandale judiciaire... La prof de litho qui a 39 ans, mariée à "un brave vieux" qui la sécurise, en paraît 20, d'où son penchant à se rapprocher du grand jeune homme qui lui court après on ne peut plus ouvertement. C'est proche des atermoiements de Rohmer : désir impérieux, feu d'artifice, l'un veut continuer, l'autre s'esquive... Attention, il faut quand même tenir (2h17 en tout !) entre allers-retours, une reprise, des ratés... Pour peu que la proie s'éloigne, cette manie qu'on a jeune, de transformer une liaison sans avenir en chimère lancinante alors qu'à portée de main une timide concurrente languit... Iguchi Nami décrit bien la souffrance sentimentale du jeune fougueux loin d'imaginer son revers de médaille : la bobo vacataire de l'enseignement, artiste exposante aussi, tellement à l'aise dans sa peau, un jour ici, un peu plus tard en Inde, toujours mariée... Par deux fois, on voit ce coin d'école surélevé loin des regards des copains, où Mirune vient observer, ruminer aussi. L'émotion est de la partie, on voudrait aider ce grand enfant que notre chienne de vie abîme de ses crocs !
  • NOS SOUVENIRS BRULÉS (2007)
    Note : 19/20
    Dans quel état serions-nous à leur place ? Ce que j'aime bien chez Susanne Bier, c'est qu'elle prend son temps pour amener les pires drames et sans trop d'images en avalanche, au contraire, une douce musique de guitare ramenée du cosmos... Pour peu que le sirop vienne parfois surcharger les dialogues, on sait qu'à la première occasion, une vacherie sera dite, rattrapée dès que possible par cette douceur qui est sa marque de fabrique, tout comme ses péchés mignons à la caméra (les gros-plans sur les yeux et rien que les yeux, parfois un seul oeil, suivi de la plongée du thé dans la tasse, ou encore l'alliance qui manque tomber du doigt, se rattrape...). Les deux acteurs principaux, effondrés par la même perte, s'apprivoisent, de manière assez inégale car elle est plus dure que lui à bien des égards. Les enfants constituent le nécessaire point d'ancrage. Mais le mort aussi ressuscite à plusieurs reprises qui sont autant de régressions... Audrey, a détesté ce Jerry, grand ami de son mari, il s'intercalait trop comme un danger avec ses addictions... Alors, entendons-nous bien : "aider à dormir" se limite à un massage d'oreille. Dommage, il est pourtant bien craquant, par le fait d'être aussi faillible, rien que ça. De respirer l'authenticité dans chacun de ses actes (à mi-chemin entre notre Bedos national et un Brad Pitt au poil noir), étonnant de générosité quand il revient du pire... Dans son genre et une fois délivré de son mal, aussi attachant que "l'original" disparu !
  • TRAIN DE NUIT (2007)
    Note : 18/20
    Une femme-bourreau à l'écran attire, surtout quand le cinéaste en dévoile la sensibilité sous le masque. C'est comparable à la violence que se font tous les responsables de par le monde dès lors qu'ils optent pour l'application d'une sentence inhumaine. Splendeur de chaque minute à l'image. Etrange douceur en creux. Bercement du sirop musical. Des ombres plus que des présences dans un entrepôt d'automates qui répètent leur numéro : jouer à être plusieurs. Et soudain, un strip-tease raffiné se décalant en très gros plan sur l'oeil embué de cette solitaire à vie, qui se prête pourtant à un corps à corps périlleux, fuit vers un animal battu à mort et revient pour la virée en barque d'un romantisme incertain... Ce regard acéré, toujours esthète malgré la noirceur du sujet, est loin d'émaner d'un monstre froid. Le cinéma chinois indépendant, encore trop méconnu en France en 2011, offre mille visages, c'en est un, dont curieusement les spectateurs sortent prostrés, les spectatrices un peu moins.
  • DANS LA VILLE DE SYLVIA (2007)
    Note : 15/20
    Découvert au festival espagnol nantais de mars 2008. Culte du beau et goût du lancinant. Le plus pesant : les longueurs inutiles. Le plus accrocheur : le physique de l'acteur masculin, il rêve d'absolu et on se demande bien sur quoi ça va déboucher. Parfait évaporé, rempli d'entêtement amoureux adolescent(e), cette névrose alimentée par le fantasme et qui fait se décliner les partenaires comme autant de modèles féminins à immortaliser sur papier. Voyeurisme de bon ton. Suite de tests à partir d'un souvenir édulcoré. Convoitise (du peintre ou du photographe ici, accessoirement du mâle). Délire de l'assaut sans cesse remis pour préserver l'enchantement de petit garçon tout-puissant, volonté de se diluer dans l'extase obsessionnelle. Les esthètes peuvent adhérer, dommage qu'il y ait ce brin de maniérisme, cette non-vie dans les personnages réduits à l'état de pantins par moments (splendides jeunes filles cependant). Bavards, hyperactifs, passez votre chemin... C'est austère et plein de vacuité, mais savamment orchestré par ce "plus que Rohmer" espagnol. Peut-être comme moi, tiendrez-vous toute la séance grâce au jeune Apollon, mince mobile, digne des midinettes ou des grands dadets des Ecoles de Dessin snobs. Le personnage principal est la seule carte de ce cinéaste (un peu comme dans le film "Mort à Venise"), en plus de savoir filmer avec art. Il importe d'avoir beaucoup gambergé soi-même à des périodes par ennui ou suite à des déceptions cuisantes (rupture, exil, pensionnat, longue maladie, emprisonnement)... Flatteur et/ou exécrable pour Strasbourg en tant que ville ! Envoûte, endort, tiraille ou fait hurler !
  • LIBERO (2006)
    Note : 19/20
    Quel talent (v.o. obligatoire) !... On est embarqué dans cette famille aimante et Ô combien tourmentée... La mère enfantine, responsable trop tôt et "qui a le feu au c..." au dire du père désespéré (craquant, Mesdames !) qui sort de ses gonds, les deux enfants sont comme deux otages... Le jeune Alessandro Morace, acteur non professionnel dans le rôle du fiston mène le film de bout en bout avec son petit visage sensible, sans concession si ce n'est "pour survivre" en collectivité. Ce vertige symbolique... Mettre sur le grill ces petites perfidies qui empoisonnent l'enfance, résultats des projections parentales, merci d'avoir osé ! Nous sommes bien secoués (l'atmosphère rappelle Nanni Moretti en beaucoup plus clair) entre tendresse et violence, la peur commence à contaminer la salle : ce jeune cinéaste serait-il plus implacable qu'on l'aurait cru ?... Voici la nuit décisive pour le petit bonhomme, si peu de clarté tout d'un coup... Bon point pour la musique de Bando Osiris, ces larmes libératrices donnent envie d'applaudir... Il s'agirait d'un premier film ? L'acteur Kim Rossi-Stuart était déjà une merveille (il ne joue pas n'importe quoi !) : le voici doublé d'un réalisateur audacieux, sain dans sa tête, sachant s'entourer, pourvu qu'il aille loin !
  • HORS JEU (2006)
    Note : 18/20
    Surtout courez voir ce film étonnant, que vous aimiez le foot ou pas. Pour nous autres occidentaux, l'interdiction de stade aux filles laisse ahuri, mais de façon sous-jacente, ici, ce grand match est le point de ralliement des sexes : une certaine tendresse plane entre ces flics hommes arrêtant leurs "frangines", un genre de marivaudage s'instaure, ils ont du mal à sévir, elles semblent à moitié les narguer dans leur rôle de garde-chiourme, seul un papa égaré ramène un semblant de protocole. Peuple paternaliste, fier, dur au mal, mais qui sait aussi faire exploser sa joie pour peu qu'on lui en laisse l'occasion !
  • JE VAIS BIEN, NE T'EN FAIS PAS (2006)
    Note : 18/20
    Déjà, j'avais apprécié "L'Equipier" du même cinéaste, et je dois dire que celui-ci m'a conduite - avec joie ! - là où je ne pensais pas aller, mais alors pas du tout ! Sacrés parents ! L'absence du jumeau auprès de sa soeur "paumée" est compensée, pour le spectateur, par un jeune homme tout à fait bien dans ce rôle, ça aide à faire face aux événements ! Un beau et grand film intimiste, à ne pas louper !
  • LES CLIMATS (2006)
    Note : 14/20
    C'est admirablement filmé, les stations sur les visages féminins ne lassent pas, la musique de Domenico Scarlatti accompagne bien ce "je te fuis, tu me suis" et vice-versa qui occupe tout le film, mais justement, c'est ça qui fatigue vite fait. On croirait des ados en train de se mesurer, ça ne décolle pas de ce stade. Lui, parfaitement macho, mais à grand besoin féminin, elles qui rigolent bêtement et font tout le cinéma dévolu aux femmes, minauderies, larmes, en veux-tu en voilà. Expériences amères, dialogues de sourds, seule la violence apporte un peu de piment... Pourquoi ce cinéaste-acteur éprouve le besoin de se coucher la tête en arrière dans un tiroir ? Une question qu'on peut se poser.
  • LA VIE DES AUTRES (2006)
    Note : 19/20
    Pour ceux qui ignoraient cet étau germanique qu'était la Stasi à l'est avant la chute du Mur. On est en 1984, clin d'oeil à un bouquin aussi, où il est question d'espionner autrui. Voilà à quoi les extrêmes conduisent, ça doit remonter aux cavernes... Et qu'on soit de gauche comme de droite. Mené avec beaucoup de finesse pour un premier film, suspense et coups de frein alternés, le spectateur a peu l'habitude d'une violence aussi insidieuse mais marche à fond... Parmi tous ces morts vivants qui traquent la population pour une idéologie transformée en diktat, le couple d'artistes, sensuel et qui représente l'idéal sur cette Terre, est l'unique réjouissance, jusqu'au dénouement, qui relativise tout le propos, franchement, on en reste baba.
  • LES PETITES VACANCES (2006)
    Note : 14/20
    La Mamie, sous ses allures respectables d'instit en retraite, est une fieffée ! On suit la tignasse blanche de cette intrigante, mi-agacé, mi-apitoyé, en priant le ciel que les deux petits (un peu trop caricaturés affreux jojos...) en réchappent vivants. Quelques belles peurs, des petites joies tournant parfois à l'aigre, et une invraisemblance de taille (la jeune fille ne peut changer de cap ainsi, ça fait bizarre). N'empêche qu'au final, le personnage de Bernadette Lafont, actrice toujours excellente, finit par attendrir.
  • MOLIERE (2006)
    Note : 8/20
    Encore une oeuvre bien troussée sur le plan technique, la faiblesse est dans le scénario, avec ces sorties qui tombent à plat sur des situations peu convaincantes. Le Grand Homme doit se retourner dans sa tombe tellement cet hommage est vain ! Car l'idée de reprendre des extraits de son oeuvre sous forme libre est bonne, mais un rien scabreuse : résultat une grosse farce ! J'avoue y être allée par curiosité, beaucoup pour les comédiens, or, à peine sur l'écran, ils sont massacrés ! Après bien des rallonges pour masquer la vacuité des propos, la séance où Duris et Luchini jouent interminablement "au cheval" m'a achevée. Allez-y seulement si vous collectionnez tout ce qui a trait à Molière.
  • ZONE LIBRE (2006)
    Note : 17/20
    Christophe Malavoy, dont la famille a été meurtrie par la dernière guerre, éprouve le besoin de rappeler les aberrations qu'engendrent les haines collectives pour peu qu'un régime odieux s'installe. Mais aussi qu'il y a toujours la bonté humaine qui se faufile, telle une rose sur un tas de fumier... Ce très beau film est construit sur le mode réaliste, des images soignées, le quotidien de fugitifs et de ceux qui les cachent, mais on va à l'essentiel, des alertes suivies d'accalmies. Personnages attachants, de très bons acteurs ! Les scènes de "la soupe" et "les dominos" valent leur pesant de pommes de terre... Des critiques seraient gênés par le silence fait volontairement autour du petit garçon parti au collège : pour ma part, je le trouve très adroit, laissé pour qu'on réalise la dose de cruauté des guerres, et il y en a de par le monde, des exterminations de ce type, en ce moment !
  • VOLEM RIEN FOUTRE AL PAÏS (2006)
    Note : 15/20
    Une analyse nécessaire pour tous ceux qui, plutôt que de s'exporter au gré du marché, restent dans leur coin et font des boulots sordides comme scier un porc en deux à longueur de journée. Peut-être chaotique, tellement on passe d'un essai d'autarcie à l'autre, mais enfin, après la précédente caricature "Attention danger travail", celle-ci est une autre facette de ce désir émergent à condition de refuser d'être un commode parasite qui ne tente rien : rester créateur (ou à peu près) de son cheminement personnel, refuser de devenir ces éponges qui absorbent ce qu'une élite marchande a décrété. Les pistes explorées ici, crédibles pour certains d'entre nous, qui ont déjà bien bourlingué, ramènent toutes aux sources. Tout cela reste relatif, maladroit, pourrait même faire "grand luxe des pays civilisés décadents". Soit, mais loin d'en sortir désespérée, j'y décèle un instinct de conservation réjouissant : ON RIT FRANCHEMENT d'un bout à l'autre, de la petitesse et aussi de l'ingéniosité humaines !
  • CHRONIQUE D'UN SCANDALE (2006)
    Note : 13/20
    Encore un film où tous les ingrédients figurent mais où la surcharge nuit. Trop d'images en avalanche, une musique dramaturgique : que de foin sur un incident qui n'est pas si gravissime en soi, une fois le choc encaissé, les protagonistes se reprennent, pas de grossesse, pas de maladie honteuse... Autre bémol : la perte féline chez le vétérinaire est triste, mais de là à devenir cette furie qui s'acharne sur la famille constituée pour capturer sa proie,pitié ! Les deux actrices, talentueuses et complices pour pareil sujet, méritaient mieux comme situation, les seconds rôles aussi !
  • LA MÔME (2006)
    Note : 12/20
    Dommage que l'auteur se soit autant focalisé sur l'aspect dépressif de la dame. D'où ce côté "tire-larmes" pour vieilles dévoreuses de romans photos. Je suis sortie de la salle lessivée, au secours, les biographies laissent un tout autre sentiment !... Ces allers-retours en désordre dans la chronologie, harassants... La caméra sur les derniers instants, presque en temps réel, indispensable ?... L'apprentissage du chant (on a surtout la gestuelle), ce "coffre" qui donne la chair de poule, tout cela est présenté comme inné, on peut tout de même en douter ! Marion Cotillard investie à fond dans le rôle, reste l'attrait incontestable du film, un grand classique franchouillard, sans plus.
  • ODETTE TOULEMONDE (2006)
    Note : 16/20
    Ce petit divertissement n'a qu'une parenté restreinte avec l'esthétique mais creux "Amélie Poulain", loin d'être ces cartes postales alignées : entre autres, on y apprend comment venir à bout d'un oeil au beurre noir, enfin, d'une porte, et que si femme n'accepte pas qu'homme "renifle", qu'elle prenne un chien ! J'ai beaucoup ri, Catherine Frot, aussi réaliste que candide (elle semble une "Yoyo" qui se referait une santé en Belgique, au point qu'une bande dessinée pourrait commencer à partir de ce film)... Bref, ça suggère le cinéma francophone du temps de Bourvil, Gabin, Pauline Carton, Raimu... Quant "une bonne histoire" consistait à mettre en situation des comédiens dont le public raffole en le tenant en haleine par de bons dialogues et quelques surprises. Très agréable moment donc pour ceux qui s'en contentent, et facette étonnante de la part de Schmitt l'écrivain... Bluette, futur film télé du dimanche soir repassé chaque année ? C'est tout ce que je lui souhaite.
  • ENTRE ADULTES (2006)
    Note : 13/20
    Ce déballage, aux antipodes du fascinant "Je ne suis pas là pour être aimé", consiste en un défilé de couples avec une petite ritournelle de boîte à musique entre chaque, le spectateur, devenant voyeur de duos à moitié branchés ou débranchés et qui se racontent des salades. C'est une caméra résolument machiste dans le choix des situations et dans les déductions(mais tout est bien ficelé sur le plan technique et les acteurs amateurs jouent à merveille). Donc, haro sur les stéréotypes homme et femme, ce qui les a toujours séparés : la façon d'appréhender le sexe et les sentiments, le premier les différencie facilement, pour la seconde, c'est autrement plus complexe.Peu séduisants ces acteurs aux fusibles qui lâchent, j'avoue que ça aide (le recruteur et sa candidate, en particulier, atteignent des sommets). Une suite plus réjouissante s'imposerait à cette intrusion forcée, afin que les couples encore complices évitent le retour au célibat.
  • NUE PROPRIÉTÉ (2006)
    Note : 18/20
    L'inscription "à nos limites", sorte d'épitaphe à droite de l'écran au début du film, laisse perplexe. D'abord la mère dont les paroles jurent avec les actes, en compagnie de ses jumeaux, demeurés en barboteuse sur le plan affectif. Ensuite, le père fugace, reconstruit ailleurs, fileur de biftons à défaut de pouvoir s'impliquer davantage. Crispants tous autant qu'ils en sont ! Vient le jules de maman qui fait un semblant de morale aux deux grands puis se trouve déplacé : dès lors, le regard devient tiraillé... Et ça n'arrêtera pas. On s'engouffre dans le huis-clos, aidé par les acteurs mais aussi par cette mise en scène façon documentaire, et des dialogues qui sonnent juste. Car ce drame, pressenti comme tel grâce à la bande-son, "parle" au spectateur passé par des crises inter-générationnelles, la maison n'est qu'un prétexte.. Admirables techniquement, cette musique et cette caméra tout ensemble, qui invitent tout d'un coup à quitter la bâtisse dont on s'aperçoit que les dépendances n'en finissent pas !
  • GOLDEN DOOR (2006)
    Note : 16/20
    A voir en v.o. anglo-italienne pour ajouter à l'impression de voyage, notamment pour les claustrophobes... Car ceux qui s'attendent aux grands horizons maritimes habituels risquent d'être déçus. Sauf s'ils ont aimé "Respiro", puisqu'ils retrouveront le côté âpre du cinéaste italien, sa sauvagerie, cette façon de suggérer le sentiment et de ne jamais s'y perdre. D'abord une escalade symbolique, assez longue et pieds nus, de pauvres hères indécis, la distribution toujours aussi rude de hardes, quelques salamalecs suggérant la misère locale... Enfin, le périple collectif, les premiers contrôles, une voie d'eau, un bateau quitte une terre, mais aucun plan d'ensemble... C'est amené avec une infinie lenteur, toujours cette caméra en permanence tournée vers l'intérieur des situations, comme soulignant l'absence de perspectives tant que toutes les épreuves ne sont pas surmontées, elles seront nombreuses, dont une tempête inattendue ! Fort heureusement, il y a aussi (outre des mirages de récoltes grand format et de trempette lactée) cette intrigante rousse Anglaise jouée par Charlotte Gainsbourg, et toutes les réactions des passagers à son égard, agrément indispensable à cette traversée repliée sur elle-même. Ce film a le mérite de livrer les coulisses d'un voyage de l'Ancien Monde vers le Nouveau, comment, alors qu'on ne s'aime pas sur commande, il faut bien s'apprivoiser vers le but commun. Et imaginer, notamment pour les femmes, des astuces permettant d'espérer rester une fois débarquées... Le spectateur peut au moins apprécier son confort de n'être pas contraint à l'exil.. Les tests interminables infligés à ces émigrants frôlent le tragi-comique. Mais on constate que les plus vaillants en apparence restent de tout temps et n'importe ou, d'office favorisés.
  • LE VIEUX JARDIN (2006)
    Note : 16/20
    Admirablement filmé, comme apparenté, au plan cinématographique, au film "Les climats" de Nuri Bilge, autre virtuose de la caméra. Et encore une fois sur le thème du tiraillement séculaire, cette difficulté à concilier l'amour pour une femme (qui finit par emprisonner) et la pulsion de mouvement vers la communauté (risques inclus). Evidemment ici, l'emprisonnement de 17 années ravive la flamme amoureuse au détriment de la conviction politique... Quelques images dures, un peu trop appuyées parfois pour nous autres occidentaux (ce côté hara-kiri du cinéma coréen), pour illustrer la guerre, les luttes sociales, et aussi pour massacrer un prétendant trop gamin (les crachats répétés) et cette pauvre cancéreuse par accumulation de chagrin... Mais l'ensemble est bien cohérent et conduit vers une réflexion élargie (couple/société)... Les deux acteurs principaux ajoutent au questionnement par leur charme indiscutable, le héros ayant gagné en séduction avec l'âge, ce qui est rare au sortir de prison ! Les retrouvailles avec l'enfant apportent une note tonique imprévue, cette ressource qui bouscule le père, et devrait faire rire toutes les mères !
  • J'ATTENDS QUELQU'UN (2006)
    Note : 17/20
    Caravaca/Devos/Darroussin magnifiques de justesse... Mais c'est surtout Sylvain Duaide et Florence Loiret-Caille qui entêtent pendant et après le film (personnalités très bien mises en valeur par les plans de visages et de silhouettes). On voudrait les voir et les revoir encore, sublimes dans leur tristesse de beaucoup tâtonner et ce doute qu'une bonne fée passe les arracher au vide répété des jours ou à des attirances stériles. Contrairement à l'innocent chien noir qui traverse l'histoire avec bonhomie, tous les personnages veulent garder l'amour une fois qu'ils l'ont éprouvé (au besoin par une fuite très digne). Jérôme Bonnell a beaucoup de classe et ce don de consoler du banal quotidien qui inquiète, patine, chagrine... en donnant à voir, plutôt que des psychopathies, ces miracles que sont les rencontres avec l'autre, muré autant sinon plus que soi-même dans sa solitude intérieure.
  • LE MARCHÉ DE LA FAIM (2006)
    Note : 18/20
    Voilà un documentaire pour réduire "la politique de l'autruche" (= se fourrer la tête dans le sable en comptant sur la Providence). C'est inquiétant, mais j'y verrai un avantage global, une mise en garde nécessaire : le titre est "WE feed the world", il s'agit de nous-mêmes, les populations de ce globe, notamment celles qui peuvent encore se payer une place de cinéma...Voulons-nous continuer à servir de hochets à des stéréotypes comme "Monsieur Nestlé" ou prendre notre destin à bras-le-corps pendant qu'il en est encore temps ? Comment ? Cette suite d'infos offre juste à se creuser le ciboulot à ceux qui, pour l'heure, ont encore la faculté de penser, de consommer aveuglément ou avec ne serait-ce qu'un soupçon de discernement. D'autres documentaires, plus saignants, devraient suivre, pour bien enfoncer le clou... et je m'en réjouis.
  • STILL LIFE (2006)
    Note : 15/20
    J'ai largement préféré "The World" de Jia Zhang Ke, je m'y étais amusée, parce qu'il est moins pénible (grâce aux musiques sirupeuses et aux pirouettes animées qui interfèrent), et tout aussi dénonciateur d'un système qui n'a plus d'âme. Ici, hormis l'ambiance panoramique des prises de vues, l'alternance du moderne et du décrépit, on baîlle un peu, que va-t-il arriver au bout de tout ça ?... Le fait que le héros, qui a une bonne tête et ne se laisse pas impressionner par l'adversité, surplombe le barrage à plusieurs reprises, laisse pantois, puisque ce qui prévaut, c'est le poids de la chaleur, avec ce boulot bête et usant auquel il va être convié. Long, appuyé, oh que ça ne rigole pas... Deux images se veulent poétiques : la tour qui s'envole et le funambule... Elles relativisent ces portraits de travailleurs qui peuvent tout juste boire, manger, fumer à tour de bras, autant de moments de convivialité de pris. Aucune philosophie ne sous-tend quoi que ce soit, la seule loi de la jungle (est-ce dû la jeunesse de ce réalisateur de 36 ans ?). Enfin, le fait de bosser ensemble, à la fin, laisse supposer qu'au moins l'amitié soit possible, question de survie. L'homme et la femme qui cherchent chacun leur repère familial dans le même coin, sans jamais se rencontrer, illustrent bien la déshumanisation ambiante. Il est dit aussi qu'on achète les femmes, dont certaines sont également jugées valeureuses... Barrage maudit, empoisonné, constructions méritant de la dynamite pour qu'on bâtisse autre chose. L'ensemble reste tout de même très instructif. Du sordide, esthétiquement filmé.
  • LOIN D'ELLE (2006)
    Note : 19/20
    Elle avait déjà marqué sa préférence d'actrice pour les sujets tarabiscotés, en particulier dans "The secret life of words" et "Ma vie sans moi" de la cinéaste Isabel Coixet. Sarah Polley, pour ses premiers pas de réalisatrice, s'inspire d'un livre qui traite de "l'Alzheimer"... Charmant, qui va avoir envie de se déplacer pour ça ? Rassurez-vous, on est mieux en sortant qu'en entrant ! Le fait qu'il s'agisse d'un couple de la bonne société nord-américaine à l'abri du besoin y est pour beaucoup, mais pas seulement. L'intrusion du spectateur se fait sur la pointe des pieds. Une fois passé le choc de découvrir cette femme si éblouissante qui perd le fil mais le retrouve, et avec quelle lucidité !... Ensuite, plus l'action avance, plus c'est difficile de s'en tenir à la compassion. La maladie, cause de souffrance de la patiente et ici, son revers, cette occasion inespérée de régler de vieux comptes... Le plaisir est immense de retrouver Julie Christie incarnant cette femme de toute beauté, oscillant entre l'innocente et la garce. Voir dans les longueurs autant de paliers de la maladie, avec quelques personnages secondaires bienvenus, car il importe de respirer un peu en marge du tandem. L'ensemble est remarquablement déroulé, on est anesthésié par moments, habilement noyés dans une sorte de coton....dont émerge finalement le mari, bien vivant. Rempart pudique, mais aussi forme d'élégance, d'une cinéaste-actrice à peine trentenaire qui devrait continuer à faire parler d'elle, avec cette "patte" inimitable qu'elle a.
  • UNE JEUNESSE CHINOISE (2006)
    Note : 15/20
    Tien an Men se devine en arrière-plan, derrière l'agitation estudiantine qu'on n'arrive pas à interpréter comme les premiers chagrins d'une jeunesse sans repères, à l'esprit étroit, juste capable de se raccrocher au premier amour venu, on voudrait qu'il y ait davantage à creuser. D'emblée, le corps semblerait le seul et unique baromètre grâce auquel l'héroïne exulte pour très vite s'en défaire de peur que... Et on tourne en rond avec cette notion, plaisir d'amour ne dure qu'un moment, sauve qui peut. Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse en même temps, les deux partenaires de la jeune fille n'ont rien d'exceptionnel pour qu'elle en tombe à ce point dingue (pas une seconde elle se reprend, puise en elle-même de quoi contourner ce besoin pire qu'une drogue). Je retiendrai donc plutôt une allusion au contexte politique (comme dans ces films russes axés sur le thème guerre/amour, un prétexte pour contourner la censure), c'est plus le désarroi des jeunes générations chinoises face à la répression du pouvoir en place (attraction/répulsion pour son propre pays) qu'une obsession du lien amoureux en soi, les intrigues étant trop minces pour être déboussolantes, l'aspect intellectuel à peine ébauché grâce aux citations. En tous cas, la violence ne peut se transcender dans sa totalité, elle couve... L'effervescence juvénile est bien vue, de très bons moments malgré les excès, je déplore l'absence totale de philosophie des jeunes dépeints, ils ont vraiment très peu, trop peu de force intérieure personnelle. La chute du mur berlinois fait un curieux parallèle dans ce récit de comportements... L'auteur veut-il, par tous ces détours, souligner la faillite du collectivisme ou le désespoir face à la mondialisation ? Les paris sont ouverts.
  • LES CHEMINS DE SAN DIEGO (2006)
    Note : 15/20
    Si vous avez apprécié "Historias Minimas" et "Bombon el Perro", courez voir cette nouvelle perle argentine (en v.o. pour en apprécier le charme), tout réside dans cette façon faussement anodine, de masquer la détresse matérielle en affichant une volonté de s'en arranger, tant qu'à faire avec un large sourire. Le héros, Tati, désire se surpasser une bonne fois dans sa vie trop prévisible, en vénérant sans effort un footballeur comme d'autres la Vierge, ou bien les deux... Bien entendu, "il y a loin de la coupe aux lèvres", mais malgré quelques longueurs, le film accroche par sa poésie, la fraternité sans détours de cette population de rescapés argentins, souvenez-vous que le grand Capital leur a fait le plus sale coup qui soit... L'icône Maradona aide à espérer en l'être humain, apporte au quotidien ce petit grain de folie indispensable... L'art de Carlos Sorin est bien de réussir à entraîner son public dans le sillage d'un genre de magicien des temps modernes, bien plus réaliste que l'apparence qu'il donne.
  • LE BONHEUR D'EMMA (2006)
    Note : 19/20
    Un morceau de roi, à déguster en v.o. allemande d'urgence, du sur mesure pour les moroses, les déçus des élections, les grands malades, il vaut tous les médicaments. Vous feriez une erreur en le boudant s'il passe dans votre coin, l'affiche peut faire un peu kitch, or c'est profond et on rit. L'Emma dont il est question ici serait presque la riposte au cas Bovary... Et Max ramène au premier homme, sans tous ces hochets dont le progrès l'a affublé. Alternance d'âpreté et de douceur, à la fois bon enfant et diablement corrosif en ce qui concerne nos sociétés industrialisées, j'oserai même dire que c'est globalement... jouissif ! Le genre de film digne d'être emporté avec soi sur une île déserte ou à la place du missel dans la tombe... Chaque seconde compte, l'essentiel de la vie de couple y est, c'est bucolique comme sait le faire Isabelle Mergault, et bouleversant à la manière de Sara Polley. Courez-y ! Je guette déjà la sortie du dvd pour me le passer les jours de cafard.
  • LONDON TO BRIGHTON (2006)
    Note : 17/20
    Surtout ne pas avoir peur d'assister à de la violence pour des clous, avec force hémoglobine, style grosses productions américaines complaisantes qui vous laissent k.o. : certes, un filet de sang de temps à autre montre qu'on n'est pas à la noce, l'angoisse est présente, il faut bien... Mais davantage de suggestion que d'étalage, ce qui arrive a des relents de vérité, ça prend aux tripes tout de suite... Voilà un jeune cinéaste britannique recommandé par personne pour l'instant mais qui a quelque chose à dire, il offre là un thriller de choix, ce qui s'appelle "ne pas se f... du monde". Car qui ne tremblerait pour cette petite à la peau encore transparente de l'enfance (très jeune actrice absolument remarquable, la petite jeune fille candide mais point sotte qui va découvrir que la vie n'est point un jardin de roses). Une balèze d'embrouille, tout ça pour avoir fait confiance aux gens de la rue en se disant qu'il faut bien ! Nous voici partagés cependant, en présence de ce type supposé du bon côté de la barrière, et qui a quelque chose de terrifiant... Et puis la prostituée aussi : est-elle cette brave fille ou va-t'elle se révéler plus faible au fil de l'épreuve ? Enfin, ce maquereau aux yeux d'un homme bon, tellement à la botte de celui qui l'a débusqué... C'est la loi de la jungle, cette fiction d'un réalisme total dit aussi "osons un monde sans flics" ! Film noir, aride, qui sait où il emmène ses spectateurs, mais ce n'est jamais de la violence gratuite, même si j'ai eu l'impression d'une tension à la limite du supportable, cette arrivée au bord du gouffre avec les pelles... La caméra est maniée de façon assez musclée, mais avec un art consommé de sauver la mise... Aucune syncope dans la salle, au contraire, les spectateurs médusés causaient beaucoup une fois dehors !
  • HALF MOON (2006)
    Note : 13/20
    Effectivement, je me demande encore en sortant de ce film, pourquoi nous sommes laissés sur notre faim à ce point-là suite à l'intro musicale sur combat de coqs, suivie de ce bus qui conduit vers "le concert" imaginé à l'avance fracassant... La scène des 134 chanteuses exilées avec leurs tambours infiniment prometteuse, l'enlèvement de l'une d'elles pour sa voix précieuse... L'aspect politique insoluble est-il illustré par cette forme d'impasse déplorable ? Quelle frustration ! A noter dans cette horde masculine bornée, suivant comme des moutons leur vieux chef irascible, quelques gags entre archaïsme et actualité à la limite de l'absurde, mais qui font rire. Le must vient surtout de l'intrusion des deux déesses orientales dont les regards ne peuvent se détacher : sans leur mystère, le film laisserait le souvenir d'une errance difficile à comprendre.
  • LE DERNIER VOYAGE DU JUGE FENG (2006)
    Note : 17/20
    Profitez-en avant que ce petit bijou (en v.o. sinon aucune allure) soit retiré de l'affiche ! Il est lourd d'enseignement quant au respect des lois, arrangées selon les circonstances, mais en tous cas, on juge ici, avec les moyens du bord, le souci d'avoir la paix, un peu comme des parents le feraient d'enfants chahuteurs. C'est en plein vent comme dans le film malien "Bamako", avec des péripéties un rien déconcertantes, toujours entre archaïsme local et ce qu'on devine de récente importation occidentale (jeans sous la robe de mariée, par exemple, découverte de l'existence des voitures à la télé). Le démarrage est un peu déboussolant, mais le conflit entre le vieux juge et le jeune étudiant meuble largement, avec cette greffière toujours très digne et qu'on jurerait l'épouse et la mère... Dialogue croustillant, somptueuses images de la région, angoisse permanente des chemins sans balises, porcelet renifleur et cheval fugueur, ça se passe là-bas très loin au bout du monde, là où on ne sait rien des violences de la civilisation pour cause de difficultés d'accès : une parenthèse insolite, que vous auriez tort de louper.
  • DARATT SAISON SÈCHE (2006)
    Note : 15/20
    il importe de dormir son content avant de voir ce film lancinant mais somptueux (ça démangerait d'accélérer le rythme). Un vieux sage intime l'ordre à un jeune buté de supprimer quelqu'un. C'est filmé dans le détail, avec de courts extraits musicaux (Wasis Diop et une chanteuse à la voix remontant des tripes). Je n'ai pas trouvé que les péripéties soient violentes en elles-mêmes, aucune scène qui peut vraiment heurter, il est question de l'honneur familial, incarné par le grand-père, une stature pleine de noblesse, ce jeune au front vertical, à la mine mi-butée, mi-effrayée, a tout à gagner à se colleter aux duretés de la vie, donc on s'y fait, à cette mission pour le moins barbare... On se demande juste comment va être le troisième homme, "la cible", le voici : un gars qui distribue du pain, il a vécu et semble revenu de bien des certitudes : la rencontre est impressionnante, du coup, le spectateur ne peut croire au pire, les alternatives à la peine de mort commencent à tarauder... Les dernières images coupent le sifflet, dans le bon sens du terme !
  • DÉMENCES (2006)
    Note : 18/20
    Vu en v.o. tunisienne sous-titrée au Festival 2007 des Trois Continents nantais. S'accrocher à son fauteuil pour tenir pendant les 104 minutes que dure cette pièce théâtrale adaptée au cinéma, ça chauffe !... Nul doute que la prestance de la psychiatre (Jalilia Baccar, épouse de Fadhel Jaïbi et co-réalisatrice) contribue pour une large part à soutenir certaines scènes particulièrement fracassantes, encore davantage du fait du décor, où les vides sont la règle, immenses salles dénudées, déambulations d'êtres en perdition rien de tel pour une angoisse entretenue... "Nun" ce diagnostiqué schizophrène hurle, bave, prisonnier de son imposante carcasse, qu'il apparaisse et c'est le commencement de la fin... Circonstance atténuante : sa famille, autant dire un concentré de toutes les "tares" sociales possibles, plus le fantôme paternel en arrière-plan. La troupe masculine des psys fait bloc (et ça démange de les assimiler au gouvernement tunisien actuel, façade officielle tournée vers la modernité depuis vingt ans, et dissidence interdite sous peine de représailles musclées). Madame la Psychiatre, sous sa tranquille assurance, incarnerait plutôt les opposants une fois poussés à bout. Convaincue que la parole extrait de l'individu les pires blocages. Ce "cas" la passionne. La voilà trahissant ses pairs, démissionnaire, mais investie dans les soins du monstre, qu'elle sort du bastion maudit pour des rencontres à la limite du rendez-vous galant, à moins qu'elle se positionne comme mère courage... Quelle audace, c'est effrayant, mais quelque chose dans ses éternels "pourquoi" donne espoir. Atmosphère certes agitée, parfois à la limite de la surenchère, mais prise de position à plébisciter par ces temps de répression rampante !
  • INTERDIT D'INTERDIRE (2006)
    Note : 16/20
    Vu en v.o. au Festival des Trois Continents 2007, ce film a une réelle santé. D'abord, ce saut dans les favellas brésiliennes, bien qu'à peine pénétrées, mais où on enregistre un drame qui est probablement courant là-bas, hélas... Les jeunes présents dans la salle nantaise ont apprécié tout particulièrement l'humour et la dérision du jeune urgentiste qui fait face à bien des drames, dont le cancer à un stade avancé. Certes, le titre, et quelques allusions, ravivent la période de révolte Che Guevarra, et on se dit houlala, ça va déboucher sur un message utopique un brin stérile... Une belle jeune fille évolue entre deux copains attirants, le premier est noir, pacifiste, plein de fougue, le second est blanc, apparemment généreux mais tellement mystérieux. Les circonstances feront tout le reste, assez loin du marivaudage habituel. Généreux message global, l'amitié vient à la rescousse de l'amour et c'est crédible pour ce trio passé par tous les stades émotionnels.
  • QUATRE MINUTES (2006)
    Note : 17/20
    Les mélomanes, les musiciens studieux, respectueux des traditions, mais aptes à déjanter à leurs heures, devraient apprécier ces deux harpies que sont Monica Bleitbreu (la vieille prof) et Hannah Hertzsprung (la jeune enragée). Milieu carcéral tel quel, avec les cruautés, tant du côté des détenues que des matons, on croit survoler un camp de concentration. La livraison du piano semble miraculeuse, avec sa part de transgression. Dans la mesure où on accepte quelques libertés envers Schumann, Schubert, Beethoven, l'histoire se tient, bien menée sur le plan technique, avec des images qui parlent autant que les dialogues, des à-coups suivis d'accalmies (un peu comme Sophie Scholl, ça pulse !). Il est nécessaire que ça cogne, saigne, les plaies sont ensuite pansées afin que ces dames fassent connaissance par biais. Des moments peut-être un peu délayés pour expliquer le passé, flash back d'un côté, papa de l'autre, déséquilibré. C'est rattrapé par un humour très subtil, en particulier concernant la vieille prof, moins racornie qu'il n'y paraît. Quant à la jeune élève, elle en a bavé, quel crime a-t-elle commis au juste ? Dès que la musique atteint ses oreilles, de boxeuse suicidaire, elle devient immensément radieuse, assénant un vrai coup de poing au clavier... Espérons que les prisons s'ouvrent à des pratiques aussi défoulantes envers les détenus possédant le feu sacré !
  • DES TEMPS ET DES VENTS (2006)
    Note : 16/20
    A la fois tendre et redoutable. Filmé avec minutie. Infinie poésie des cieux nocturnes et de ces vents diurnes, autour de cette tour parlante (rappelant les petites églises hexagonales). Finesse picturale de ces enfants figurés "à terre" suite aux chocs. Pépiement des oiseaux rappelant que la vie s'égrène... Naissance d'un veau plus riante que reproduction des humains, présentée comme source d'émotions perturbante (adorable petit favori du père, mais aussi ce bébé qui pleure et finit par tomber des bras de sa jeune soeur d'office seconde maman...). La nature, l'intérieur des habitations bien mis en valeur, peut-être enjolivé, la niaiserie toujours évitée grâce à une ironie sous-jacente, par exemple autour de l'institutrice. Etrange qu'ils soient en bord de mer sans jamais aller à la plage ou pêcher... Atmosphère entre fraîcheur enfantine et ténèbres (monde adulte pas très affriolant !). La dramaturgie musicale figure le poids de naître près d'adultes terre-à-terre pleins de projections... Fibres paternelles plus ou moins réussies, les femmes s'en arrangent, seule l'aïeule ose enfin l'ouvrir... Traditions ancestrales possédant aussi une part d'altruisme mais on devine que "l'extérieur" pointe le bout de son nez (radio et télé absentes toutefois) : j'ai beaucoup aimé qu'après chaque éclat, le réalisateur prenne une position d'homme adulte. Dommage qu'il y mette autant d'âpreté avec cette manie de marteler au lieu de faire diversion, mais c'est le grand défaut du jeune cinéma turc actuel !
  • BACK SOON (2006)
    Note : 16/20
    On sent fortement les influences multi-culturelles de cette cinéaste. D'emblée, une affiche de Mona Lisa le joint au bec... Escapade entre rêve et loufoquerie, avec pourtant quelques événements graves. Une mère-célibataire semble détenir le filon pour se racheter un avenir, un peu comme ces oiseaux qui pépient autour d'elle sans qu'il y ait un seul arbre. Marre d'avoir froid sur son île destabilisante. Sa maison prise d'assaut comme un hâvre de paix. Les légendes polaires et leurs bizarres réincarnations affleurent... Mais le spectateur a droit à un trop petit bout de chanson, cette voix rauque accompagnée d'une guitare sortie du haut de l'écran méritait qu'on s'y attarde. Plus toute jeune mais encore très avenante, cette quinquagénaire miraculée contient son besoin de réchauffement si l'on en croit le reggae couleur locale, on a les soleils qu'on peut avec une nature impitoyable, dont seuls les touristes peuvent goûter les charmes puisqu'ils passent... Ce qu'elle pense est écrit sur sa tête qu'elle a bien sur les épaules, ce qui fait qu'on croit à son projet, plausible encore plus avec cette lampe-globe dont il ne reste plus qu'à mettre l'ampoule. Prudence de la réalisatrice d'avoir introduit cette brève description d'un consumé par le tabac face à l'herbe locale, qu'on n'aille pas croire qu'elle prêche de fumer n'importe quoi !
  • LE DEAL (2006)
    Note : 17/20
    Serait-ce devenu un signe de fêlure latent, ou de santé au contraire, d'apprécier ce dvd en 2008 ?... Bouffée d'oxygène que cette outrance de Mocky. Il s'adresse de manière délibérée à un public d'initiés, et tant pis pour les spectateurs "raisonnables". Il y a un brin du journal "Hara-kiri"(rire du pire) avec un soupçon de Francis Blanche, Pierre Dac, Coluche, ou Siné en ce moment... Beaucoup de tendresse pour le genre humain derrière l'aspect mal élevé. Poésie et cruauté mariées, mais vers l'improbable. A moins d'être atteint de sinistrose aiguë, le gloussement est irrépressible (cette porte qui pleure comme un nouveau-né quand on l'ouvre, j'ai mis du temps à réaliser...). Dans un genre apparenté, le court-métrage qui passa à la télé : "Morts Sur Commande", un face-à-face Bohringer/Mocky, vaut également le détour. Mais il faut aimer le registre frappadingue, la dérision du moins tant qu'elle se situe à ce niveau-là, il y a des limites à la provoc'...Imaginons les parties de rigolade que ces acteurs ont dû vivre sur les tournages !
  • RENAISSANCE (2006)
    Note : 16/20
    Graphisme éblouissant. Avec des vraies gueules, un sujet et des répliques du polar américain des années cinquante, mais "à la française". Ambiance futuriste, glaciale, tension et divagations, dialogues laconiques, quelques éclairs scientifiques, un travail d'orfèvre. Goûté particulièrement le style de pub de cet "Avalon" qui emprunte des bouts de Paris. Certes, l'atmosphère est pesante, entretenue par une musique aux relents d'apocalypse. Et les déductions, aujourd'hui en 2008, peuvent laisser rêveur... Qu'importe, d'un bout à l'autre l'aspect technique force l'admiration. Possible d'accélérer quelques minutes d'action qu'on voit venir de loin, sauf UNE poursuite en bolide, avec cette fillette surprise, un morceau de roi. Le bonus du dvd offre aux novices de comprendre (des dessinateurs aux acteurs en passant par les musiciens jusqu'au studio final) comment ces passionnés ont réussi leur coup. A voir au moins une fois dans sa vie !
  • JOUER LES VICTIMES (2006)
    Note : 18/20
    Pièce de théâtre à l'origine : une reprise du genre alerte, avec plusieurs scènes franchement hilarantes. Ensemble filmé avec beaucoup de finesse, l'image est remuante mais lisse, quelques dessins animés intercalés, au trait vengeur : il est question de meurtres à élucider, humour noirissime sur le mode comique de situation, avec des dialogues souvent cocasses, à moins d'être vraiment mal luné ou très très raisonnable...Le point culminant est bien la diatribe de ce policier, ah, si les flics disent ce qu'ils ont sur le coeur ainsi, il y a de l'espoir ! Avec l'air de traiter le conflit de génération, celui-ci crache tous les maux des sociétés actuelles se vidant de leur histoire en même temps que de leur sens (la Russie, mais pas seulement), le travail d'aujourd'hui peut rendre stupide ou fou, le pire est bien que sa tirade provoque toujours plus de rigolade dans la salle... Voici maintenant que le jeune Valentin, "spécial" mais bosseur, se voit reprocher par son oncle (et beau-père) son gagne-pain, soi-disant "indécent pour se marier et avoir des enfants"... Aïe-aïe-aïe, la jeunesse doit travailler, prendre le boulot qui se présente sans discuter... Exécution ! Mais le revers est qu'à force de répéter des consignes absurdes, créer un numéro bien à soi peut devenir réflexe!
  • LA FILLE COUPÉE EN DEUX (2006)
    Note : 12/20
    C'est rondement mené sur le plan technique comme toujours, les acteurs s'amusent ainsi que Chabrol lui-même, mais bêrk, je n'aime pas ces délires de vieux bourgeois libidineux qui s'en prennent à une fraîche jeune fille, non pour créer avec elle une complicité au lit en lui apprenant "des choses", mais pour en faire une dépravée (vieux fantasme masculin qui a la vie dure). Et alors, quelque temps après, la relance parce qu'elle convole avec un jeune fada, quel raffinement ! Monsieur Chabrol, cinéaste respectable, technicien très au point, dépeint le démon de midi des hommes coincés, usés par le manque d'imagination et qui rallient le sexe à la meute... Sauf que c'est d'un goût ! Il y manque la finesse d'un Hitchcock, le maître dans ce genre d'exercice par acteurs interposés. Se répandre moins, déjà... Berléand ne me fait décidément pas l'effet d'un séducteur pour qui on se jetterait sous le train... Une jeune fille aussi lumineuse, même de la télé, pleure un peu mais claque vite des doigts pour récolter de nouveaux soupirants... Quant à Benoît Magimel, il surjoue ici de façon hallucinante... Ludivine Sagnier singe à outrance la grande Marylin par son côté éthéré la bouche ouverte, l'oeil mi-clos... Trop c'est trop ! Une série d'outrances qui sabotent l'effet escompté, car rien d'abouti dans cette misère sexuelle où gravitent les seconds rôles mi-apitoyés mi-rapaces, si ce n'est ce constat de la coupure en deux... Mouais... Déplacez-vous ou visionnez le dvd par intérêt cinématographique hors de ce chassé-croisé un peu vicelard, car il y a quelques temps forts qui rachètent l'ensemble.
  • LITTLE CHILDREN (2006)
    Note : 17/20
    L'intérêt réside bien dans ce que Todd Field met en scène autour d'une peur dans notre société. Tous les points de vue sont approchés. On a le temps d'avoir un peu peur de la suite, mais jamais trop, l'humour vient à la rescousse quand ce n'est pas la bande-sonore explicite (le réalisateur est scénariste et également compositeur, ça se sent). Si on trempe dans l'actualité sécuritaire dont justement on préfèrerait s'éloigner, l'avantage est d'ouvrir sur de l'inattendu, exemple la prétendue beauté féminine qui "ne donne que ce qu'elle a" mais à grand renfort de vigilance, les sommets qu'atteignent les fantasmes du citoyen lambda... Sans oublier ces adorables petits vécus par moments comme des sales gosses ! Dérangeants détails que l'on camoufle avec soin d'habitude, les adultes s'évertuant à afficher une patience sans bornes malgré certains délires secrets. Très prenant malgré un démarrage un peu abrupt. Splendide interprétation, le contraste entre Kate Winslet et Patrick Wilson, l'acharnement du flic pas clean, tout le monde à un tournant capital de sa vie. Et c'est traité, rien ne reste en plan... Des tiraillements permanents pour les spectateurs : j'ai beaucoup compté sur la voix-off, très judicieusement plaquée, assurant l'équilibre de cette étude de moeurs à la morale archi-sauve, il fallait s'y attendre.
  • LITTLE WHITE LIES (2006)
    Note : 16/20
    Découvert au cycle britannique nantais "Univerciné" de décembre 2009 (où il a d'ailleurs remporté la palme !). Le spectateur est petite souris qui s'introduit dans cette famille de la classe moyenne galloise où couvent bien des conflits, dont la xénophobie de comptoir, qu'on pourrait croire banale, un mouvement d'humeur d'ivrognes occasionnels ne prêtant pas à conséquence. Le plus fort, le pilier, et d'entrée de jeu, est cette femme, épouse et mère, mais aussi psychologue, la conscience générale. Bonne jusqu'à faire abstraction d'elle-même une bonne partie du film, l'énergie faite femme, sauf qu'elle en aura un jour sa claque... Une fois habitué à la bande-son quasi constante (bien que discrète) avec ces alertes aux moments cruciaux (un cinéaste sans doute jeune pour appuyer autant, ou alors la musique évoque l'indicible par mesure de précaution ?), c'est plaisant à suivre, joliment filmé d'un bout à l'autre, mais, je le répète, l'actrice jouant "la mother" porte le film sur ses épaules, hyper attachante ! Heureusement, car si la fille laisse perplexe avec son chemin tracé d'avance, père et fils sont à claquer !  .
  • BELLE TOUJOURS (2006)
    Note : 19/20
    Ah, le vieux Husson, avec son ricanement de moraliste et la vieille Esther, élégante rangée des amours tarifées ! Manoel de Oliveira sert un condensé de ses meilleurs moments. Un bijou qui s'imbrique naturellement à la suite de "Belle de Jour" (alors que très casse-gueule comme procédé). Je m'attendais à plus pompeux, à beaucoup moins décapant. Certainement pas à autant de subtilité dans tous les domaines, dialogues, son, cadrages, lumière, impressionnant silence de la dégustation, jusqu'à cette pénombre avec la boîte rouge du grand enfant, ce sifflet dévastateur... Je n'aurais jamais deviné non plus où allait déboucher l'humour corrosif de l'ensemble... Merci au volatile lourd de symbole de remettre l'amour courtois à l'honneur en offrant ses quelques pas de promeneur... Une histoire contée par un homme au soir de sa vie : au mieux de sa forme ! On peut même avancer qu'il est "tout sauf amer"
  • DANS PARIS (2006)
    Note : 17/20
    Visionner le dvd de ce film de 2006 en 2011 vaut, en plus des acteurs tous bien à leur place, pour son approche des contextes familiaux contemporains : on est revenu des épinglés "Tanguy", voici les domiciles parentaux comprenant la présence des jeunes adultes désoeuvrés pour cause de récession économique aiguë. Avec un deuil pour surligner la paralysie, Paris pour décor de repère, rive illuminée de Noël longeant une eau noire tentatrice en parfait contraste avec ce balcon dominant les toits... Remarquable interprétation de Guy Marchand auprès de ses grands garnements aux ailes coupées. La mère recasée ailleurs, aussi toxique qu'attirante, maintient le frein (Marie-France Pisier récemment disparue très attachante dans ce film). Inspiré Nouvelle Vague pour la manière de filmer le côté intimiste surdimensionné, cette suite d'humeurs changeantes chacun dans son monde plombé malgré les passerelles. Côté spectateurs, la même succession d'attendrissements et d'agacements mais quand même rapportés à une époque régressive au centuple !
  • MAINLINE (2006)
    Note : 16/20
    Réalisé par un homme et une femme iraniens bien avant la présidentielle 2009 mettant le cadenas que l'on sait. Voici donc un milieu privilégié, la mère ingénieure, le père ex jouisseur aux jambes entravées mais pas le jugement. Entre eux cette petite aux traits butés, bien régressive à exhiber sa robe blanche... Très agréable photo sépia pour décrire l'intimité familiale, des acteurs plutôt convaincants dans l'entêtement qu'ils montrent à avoir des idées bien personnelles (et cette beauté digne du visage maternel !). Une nouvelle fois la modernité (portables), la vie trépidante des grandes cités (scènes en voiture), les rendez-vous sordides, l'inévitable mépris du dealer pour "la bourgeoise"... Avec son "qu'est ce que je vais faire ?" au plus fort des crises, la jeune fille évoluée redoute l'union qui se rapproche... Son zéro plaisir en dehors de l'addiction donne le vertige. Côté spectateur, étau politique et drogue dure forment une double peine pour l'Iran contemporain sous couvercle. Un film méritant, terrible, dont on est content de s'éloigner.
  • LES HOMMES (2006)
    Note : 18/20
    Sous la forme du dvd, avec l'interview de la cinéaste en renfort, j'ai trouvé ce documentaire saisissant. D'abord, l'arrivée dans ce désert glacé avec le "pü-pü" comme fond sonore crée une ambiance. C'est émouvant, ça rappelle les vaisseaux spatiaux ou sous-marins qui débarquent en zone inconnue. Et ensuite, bien d'autres langages viennent remplacer le verbiage humain : quel repos ! Une toute petite caméra pour capter ours polaire, phoques, oiseaux, au même titre que les scientifiques, ces derniers sûrement pas vus avec indifférence comme je l'ai lu, la scène des plantes aux noms latins rejoint le fantastique après avoir été travaillée au montage, on se sent extra-terrestre ! Ariane Michel est plasticienne et le fait savoir dans ses plans agencés comme des petites oeuvres d'art. Son idée de filmer surtout à partir de la terre aussi, outre qu'elle a souffert du froid, de l'eau à attendre "les hommes" pour réembarquer, donne diverses approches successives, relativise le temps qui passe et balaie modes, artifices, batailles d'égos, toute la petitesse des sociétés esclavagistes, même la mort semble faire partie du grand tout. Plusieurs lectures à ce voyage envoûtant qui ne peut déplaire qu'aux hyperactifs sans cervelle.
  • LE CAIMAN (2006)
    Note : 16/20
    Déçue de cette manière brouillonne d'amonceler les pièces de puzzle, ulcérée par le flot de bavardages, j'ai soupiré pendant la longue présentation, à peine touchée par les gags et les coulisses du monde cinématographique. On rit souvent jaune dans cette tragi-comédie. Ce couple avec enfants qui se sépare souffre pour enfin connaître la libération (très joli face-à-face entre ex en voiture). Forte aussi la bévue masculine, et pan une arme habituelle en moins ! Berlusconi qu'on croirait statuette du Musée Grévin parlante est montré dans l'un de ses dérapages publics les plus savoureux. Qui va le singer à l'écran, ce bel homme mûr ou cet autre plus quelconque quoique habité par ses tics ? On tient le coup grâce à la jeune scénariste, d'apparence douce (toujours irrésistible Jasmine Trinca !), ses audaces d'individu sain et déterminé, ses silences blasés offrent de quoi s'identifier. Très habiles tours (tout bien considéré) pour égarer le spectateur afin d'en venir au fait... Moretti qu'on avait aperçu dans l'hésitation, débarque soudain de dos et à grands pas, pour se retourner plein du jargon et des mimiques du Cavaliere traduit en justice. S'ensuit une salve à l'intention des électeurs italiens, moins d'Etat, tout au privé, déjà en 2006... Un discours magistral dans l'Hexagone qui vient, en ce 6 mai 2012, d'évacuer sa copie conforme du maestro !
  • LE LABYRINTHE DE PAN (2006)
    Note : 15/20
    Un mélange de deux genres aussi enchevêtré comporte des écueils. Passe pour l'insecte invitant au refuge dans l'imaginaire, la magie des lieux dès les premiers plans. Il faut bien contrecarrer l'horreur par quelque défense du cerveau. Hélas, quand les elfes virent au délire (la grenouille !) quand bien même le réel bascule dans l'épouvante, léger recul... Le labyrinthe peine à angoisser par des subtilités visuelles ou sonores, recours aux ficelles des grosses productions étasuniennes. Egalement convoqués les objets énigmatiques de scénarios à tiroirs (clé, robe, couteau...). On peut donc accélérer le dvd pour n'en garder que la trame utile, ce camp retranché dans la forêt, ses anecdotes au quotidien, la terreur, les trompeuses accalmies, bref la survie humaine. Ce Duval à lui tout seul, parfaite illustration des guerres (admirable Sergi Lopez !) il donne pleinement la mesure des haines recuites sur les foules crédules ou trop isolées les unes des autres. Les ravages d'un psychopathe en roue libre, avec répercussions sur les générations suivantes. Ainsi on retrouve dans le commentaire du bonus la tendance à basculer vers le trash de nombreux réalisateurs d'expression latine. Guillermo del Toro, sans mentionner leur traitement, affirme détester les chevaux du tournage (les vaches aussi !)... Ses sautes d'humeur font alors mieux comprendre combien les guerres civiles laissent de cicatrices à oublier par une rêverie quelconque (film interdit aux moins de douze ans, c'est pour le moins paradoxal !).
  • DEWENETI (2006)
    Note : 16/20
    Projeté au Festival des Trois Continents nantais 2013 sous le titre "Deweneti" (= bonne année en wolof ?). Joliment filmé par le tandem Dyana Gaye (Franco-Sénégalaise) et Rémi Mazet, chef opérateur-scénariste. Un conte qui invite, avant Noël, à se pencher sur ceux qui n'ont rien et se consolent avec les croyances qu'on leur a léguées. La morale de fond s'adresse aux enfants, ou aux adultes persuadés que l'éducation religieuse console de tous les maux (une brève réflexion et l'on réalise que les prières d'un jour ne sauraient empêcher la faim au ventre le lendemain de Noël, le surlendemain et les jours d'après)... Heureusement, la petite bouille d'Ousmane, qui n'est pas un enfant-soldat mais un échantillon d'enfants des rues de bien des nationalités possibles, invite à prendre conscience que la charité, valeur d'origine bourgeoise, devient la norme quand le Grand Capital broie les pouvoirs publics, les protections sociales, l'aide à l'enfance, avec la barbarie au bout du processus... Les dialogues, la façon de cadrer Dakar sous tous les angles, la verve de l'issue veulent laisser une impression de légèreté. On n'était encore qu'en 2006... Ce court-métrage remplacerait avantageusement la publicité dans les salles !
  • MICHOU D'AUBER (2005)
    Note : 16/20
    Hommage à ces gosses déménagés et ré-emménagés de par le monde, une tendance encore actuelle et qui pourrait bien s'amplifier ! C'est inspiré d'un fait vécu, et ça se termine en queue de poisson, une fin logique, ça me démange de dire "dommage" en même temps... Joliment tourné (un quotidien bon enfant mais où l'instinct de destruction couve toujours prêt), ponctué par les doctes discours télévisés de notre Général... Certes, Depardieu pèse une tonne quand il siffle directement au goulot et qu'il casse tout... Le petit décoloré fait un peu baigneur en plastique quand il sort de dessous la table... Quant à la mère de remplacement Nathalie Baye, charmante, active à son foyer mais jamais soumise à son ogre de mari (excellent Mathieu Amalric en pourvoyeur d'oxygène), elle serre le coeur : point fort de cette histoire : la fin touchante. Et aussi le fait d'afficher en ce printemps 2007 mais par un chemin détourné, la tendance humaine première mais qu'on peut combattre, qui est de rejeter celui qui est trop différent de soi. Souhaitons que les écoles l'expliquent et le projettent largement !
  • LE GARDE DU CORPS (2005)
    Note : 17/20
    Réservé à ceux qui ont éprouvé la solitude du larbin, celui qu'on voit quand c'est nécessaire ou qu'on oublie comme un meuble. Non que Ruben soit à proprement parler "maltraité", jamais en paroles, juste de petits dérapages quelquefois dans les comportements, mais il les perçoit au plus profond de lui-même, enfin de ce qu'il lui reste de vie personnelle, car il travaille quasiment non-stop. Il doit veiller sur son ministre, et aussi sur sa progéniture, l'innocence teintée de perversité. Comment évacuer son mal-être ? Un bon bain de mer froid ou autre chose ? A voir en v.o., cette étude de moeurs se passe en Argentine, mais ce pourrait être n'importe où. C'est un film lent, méthodique, efficace, aux prises de vue (caméra féminine) remarquables. Peu bavard, une musique savamment dosée. A découvrir bien réveillé et à voir une deuxième fois pour apprécier la poésie de la mer, qui a ici un rôle inédit.
  • UN COUPLE PARFAIT (2005)
    Note : 13/20
    Vu au cinéma à sa sortie en 2006... et failli m'endormir...A la différence du splendide "M/OTHER" de 1999 dont le dvd peut être dégusté en deux temps pour bien apprécier, il est aussi long mais plus vivant (grâce aux enfants, notamment "le petit Shun" qui ne fait pas ses 8 ans !), celui-ci est éreintant de statisme. Que les acteurs japonais tournent à démonstration modérée passe, c'est davantage dans leurs gènes et leur culture, mais les occidentaux font tout de suite constipés, pas sympas, sauve qui peut !... Dommage car le propos est digne d'intérêt, mais alors ce couple que forment Valéria Tedeschi-Bruni et Bruno Todeschini donne envie d'être secoué comme un cocotier !
  • VIVA CUBA (2005)
    Note : 19/20
    Toujours plein de santé, ce road-movie de 2005 projeté au Festival des Trois Continents Nantais en 2009 (applaudissements dans la salle) ! Il faut dire qu'on se rue sur les oeuvres les plus vivantes, le bouche à oreille y invite : splendeur que cette aventure de deux enfants en désaccord avec leurs parents, toute la tragédie cubaine à présent, rester sur l'île telle qu'elle est ou prendre le risque de s'expatrier... On rit, on s'étonne et on fond devant tant de créativité, la meilleure musique accompagnant chaque étape franchie par les deux fugueurs. Virtuosité de caméra, dialogues truculents, c'est familier et il n'y a pas une seconde d'ennui. L'art de rendre ludique un drame plus que jamais d'actualité.
  • COMBIEN TU M'AIMES ? (2005)
    Note : 17/20
    Bertrand Blier, tout particulièrement dans ce film, est bien le fils de son père, grinçant de tous ses gonds, avec ce kidnapping improbable, mais tellement bien amené... Ici, il est toujours question du désir éprouvé par l'homme (hétéro), cette perpétuelle usine à fantasmes féminins. Le gars quelconque qui va oser le grand jeu parce que ça fait un bout de temps qu'il est fasciné par une icône (Bellucci) et se dit qu'il doit se foutre à l'eau... Personnellement, j'ai bien ri, sur ces envolées d'opéra aux moments les plus truculents, ou bien cette ritournelle classique du grand Chopin qui donne une note très romantique ... Depardieu, cette baraque, a dû aussi beaucoup s'amuser, il offre là de très bons gags, seuls les vraiment très coincés devraient le bouder. Campan dans un registre inédit, et une tirade de Daroussin, grandiose, l'apport d'un revers tragique dans cette course à décrocher la timbale. Légèreté de l'excellente petite Sara Forestier, échappée de son trop habituel registre banlieusard. Peut-être une petite faiblesse dans l'hystérie de Monica Bellucci, sa façon de prononcer le mot "manteau" jette un froid, mais comme sa plastique est admirablement mise en avant, ça passe, elle est comme sacralisée, loin de l'horizontale peinturlurée à porte-jarretelles... Un ensemble caustique à souhait, on arriverait presque à admettre l'horrible sentence "toute femme (attitrée d'un compagnon) est toujours femme et aussi "un peu pute", hum !... Une boutade qui cacherait ici, au contraire, une forme de vénération doublée d'une interdépendance séculaire qui va de soi. Jolis échanges verbaux, la vulgarité passée du cinéaste semble désamorcée, le temps où il poussait un peu trop le bouchon, créant une vraie dégringolade juste après des scènes sublimes. L'ensemble reste déjanté en permanence, à ne pas trop prendre à la lettre par les spectateurs réservés. Le mérite est de laisser chacun et chacune penser au besoin instinctif de "l'autre", différent de soi, périlleux, jamais acquis mais qui change un peu de s'occuper encore et toujours de sa propre gueule !
  • LA VIE SUR L'EAU (2005)
    Note : 17/20
    A condition de parvenir à garder la distance nécessaire, celle qu'on réserve aux cinéastes empêchés de dire les choses directement, c'est tout d'abord une captivante description de la débrouille collective filmée sous le soleil d'Iran avec la réverbération de la mer comme amplificateur. Beau, lumineux, parsemé de gags visuels (la montée de l'âne !). A noter la fibre paternaliste du "maître à bord", certes défenseur des faibles, mais désireux d'endurcir les jeunes pour une saine relève (les cruelles immersions filmées en temps réel !). L'issue laissait espérer un sursaut démocratique encore possible dans ce pays à jeunesse dominante à 60 %. Le cargo échoué prenant l'eau, s'il n'a pas sombré, doit être gardé en permanence par la milice.
  • ILS NE MOURAIENT PAS TOUS MAIS TOUS ÉTAIENT FRAPPÉS (2005)
    Note : 17/20
    Certes pas parfait mais indispensable (encore plus depuis cet été 2008 où le Code du Travail français subit quelques accrocs à découvrir au fil du temps). La caméra sur pied limite les angles, il est permis de décrocher des récits très personnels de ces dames (pas un seul monsieur parmi les plaignants, ça manque).Cela n'en reste pas moins UN DOCUMENT, et il s'agit de l'ANNEE 2005 : en 2008, ce phénomène d'isolement des salariés s'est encore amplifié, à des degrés divers toutefois, les patrons ne sont pas tous à épingler impitoyables parce qu'ils ont toujours plus de droits, les exceptions existent. Ce reportage montre les mises à l'index des récalcitrants, affaiblis, niés. Il a le mérite de mettre l'accent sur L'AIDE EXISTANTE, il suffit de trouver le courage et les bonnes personnes, rien n'oblige à subir le pire, et jusqu'au suicide. Personnellement, mon passage préféré sur le dvd, c'est surtout cette Madame Khôl si digne et en même temps si théâtrale, dans "Mon diplôme c'est mon corps" descendue au fin fond de ce que le travail représente pour l'individu identifié à son rôle professionnel sans reconnaissance aucune : faire le ménage comme on peint un tableau de maître, sans cesse recommencé dans l'indifférence, une machine parmi les machines, au point de considérer ses maux, son usure personnelle, comme des pannes venant troubler le cours normal de sa vie.
  • HARD CANDY (2005)
    Note : 12/20
    Sans doute suffit-il maintenant de savoir filmer et de prendre des acteurs talentueux pour faire passer les pires pilules ? Voici une pub ou un clip made in America, effets de suspense, esthétisme avec musique invitant à l'effroi. Entrée percutante, après ça disjoncte sérieux... Mais côté prises de vue et du son, continuité du haut de gamme. Jolis plans sur un oeil, accélérés lors de joutes, profils d'ombre se détachant avant plongeon, raffiné.... Mais alors bonjour la complaisance ! Cette prise en otage du spectateur dans le délire de celui qui commande à la caméra dont l'unique slogan sera "il n'y a pas pires bourreaux que les victimes"... Ouais, mais vite malsain ! Un sympathique surfer du net supposé abuser des jeunes mineures, fichtre, il aime leur fraîcheur globale, se délecte à les regarder, "shame on you", nombre d'hommes devraient se trouver à l'ombre pour moins que ça ! Pater familias soigneusement évité ici ! Et l'écclésiastique, chttt.., voulez-vous vous taire ! Or donc, est-il coupable ou seulement anéanti sous torture, ce brave garçon ?... Quant à Ellen Page, la face de candide faite ado, elle incarne une monstruosité trop adulte une fois de plus, exactement comme dans le "Juno" qui suivra. Jeu excellent. A l'intention de qui gobe toute perversité comme du petit lait, les autres peuvent zapper.
  • LA VÉRITÉ NUE (2005)
    Note : 13/20
    Vu dvd version anglaise en octobre 2008. Il s'agit des années 1950/1960 dans le showbizz américain. Accrocheur surtout par le tandem d'acteurs, deux pointures très complémentaires, les numéros volent assez au ras du sol, une castagne dans les coulisses vient soudain jeter un froid... Ensuite, j'avoue avoir été estomaquée par tous ces cachets pris avec de l'alcool pour s'adonner au sexe, vécu comme une chasse quotidienne ou un entraînement sportif, on ne sait trop. Failli tomber à la renverse en découvrant lors de scènes hot, le terme "calcer" (en sous-titre français) ! Autour du meurtre dont il est question, beaucoup de fébrilité, sans doute une souffrance, un vide, derrière autant d'ébats, pour l'un des deux hommes devenu venimeux ou apathique, quoique l'autre aussi semble avoir un secret bien gardé. Que c'est long... Quelque chose cloche depuis le début... La jeune énamourée des deux compères, le principal rôle féminin, tenu par une actrice trop quelconque, horripilante dans son application d'étudiante qui prépare sa thèse alors que l'ambiance est sulfureuse à souhait ! Dommage pour Kevin Bacon et Firth Colin !
  • DE L'OMBRE À LA LUMIÈRE (2005)
    Note : 15/20
    La légende de Jim Braddock, un type ayant particulièrement morflé des retombées du krach boursier de 1929 aux Etats Unis. Ce n'est sans doute pas le meilleur film sur la boxe, en particulier pour le regard sur la vie privée, avec cette bondieuserie titillant d'office la fibre charitable de tout un chacun... Un personnage force le respect : l'entraîneur, exemple de ténacité bienveillante envers le boxeur qui, lui, vit "la totale", affichant tour à tour rage et apathie : le spectateur médusé va douter de l'issue de chaque round... L'épouse en mater dolorosa joue ici un grand rôle, car elle se veut pieuse mais a aussi du caractère, en dépit de sa voix de chatte courroucée... Les petits guettent, de leurs grands yeux innocents cet Homme Cendrillon (Cinderella Man) qui rentre autour de minuit avec la meilleure ou la pire des nouvelles (le côté désespérant du crève-la-faim peut parfaitement trouver son écho en octobre 2008, où nombre de surdoués chargés de famille doivent accepter n'importe quel boulot pour tout juste survivre). Comme rarement au cinéma, l'intérêt grandit au fur et à mesure que le film se déploie, plus de deux heures durant pourtant, assez bien remplies pour que, plus notre homme prend de gnons face à celui qu'on nomme "le tueur", plus on reste rivé à l'écran !
  • THE CONSTANT GARDENER (2005)
    Note : 15/20
    Vu en salle en 2005 : ressortie assommée, saturée d'images. Mieux apprécié sur dvd en janvier 2009, moyennant quelques pauses. Le jardinier arrosant ses plantes lors de la terrible nouvelle déchire le coeur, et il y a comme ça, dans cette oeuvre, des minutes intenses assorties de silences ou de dialogues bien sentis. Le cynisme des labos pharmaceutiques "faisant leur beurre" sur le dos des l'Afrique serait en dessous de la réalité ?... Hormis quelques frémissements de révolte, les lobbies pharmaceutiques bénéficient toujours de l'impunité à l'heure qu'il est... Héroïque de divulguer cet aspect du bouquin de John Le Carré par le biais du cinéma, dans un constant déluge de prises de vue d'un esthétisme indéniable. Domage qu'on s'enlise dans les différents constats, à chaque fois nos yeux pour pleurer... Je revois cette jeune noire qui court parce qu'elle n'a pas eu le droit de rester dans l'avion même moyennant finances, scène déchirante, encore plus quand on pense que l'Afrique serait le berceau de l'humanité... Rappel que de petits innocents crèvent comme des mouches malgré le secours de quelques bonnes âmes de par le monde (enfin, quand l'aide parvient au destinataire). Scandale médicamenteux ajouté à la famine, aux pressions communautaires qui installent dans l'ignorance, ça fait beaucoup asséné au spectateur, sans aucun espoir de mieux... Stérilisation des mères multipares africaines ? Implication masculine dans la limitation des naissances ? Reste à nous arracher les cheveux de désespoir car tout cela est tabou. Dans ce film, l'intrigue amoureuse offre le seul ancrage, des adultères supposés, surexposés... Finalement, les seconds rôles sont mieux incorporés à la narration. En résumé, un pan de l'actualité africaine désolant, et mille détours avant le mot de la fin auquel on n'osait plus croire tant c'est enchevêtré. Techniquement, toujours très haut de gamme si on supporte les avalanches picturales.
  • C.R.A.Z.Y. (2005)
    Note : 16/20
    A part quelques sous-titrages qui manquent pour les durs de la feuille - je n'ai pas saisi par exemple ce que la psy dit sur Jésus dans le désert et ça m'a gênée - c'est mené d'un bout à l'autre de main de maître, avec sensibilité, ce n'est jamais bête, et qu'est-ce-qu'on rit ! Langage cru, vocabulaire pittoresque, chansons bien posées sur les situations, je suis moi-même retournée un instant à cette époque où les disques vinyl étaient un genre de baromètre, une référence sociale, que je qualifierai presque "d'inconscience" certainement disparue à jamais ! La famille vaut son pesant de cacahuètes, le regard est réaliste quant à la fratrie cependant, bref, qu'on soit plus parent qu'enfant ou ado, plutôt homo ou hétéro, on replonge dans le labyrinthe de l'adolescence sans se faire prier ! Le constat de l'homosexualité masculine, au milieu des bondieuseries (choeurs excellents !), avec cette lutte terrible, c'est remarquable !... Quant au portrait des parents, le bonheur total, autant la mère que le père, je retiendrai cette scène particulièrement croustillante de leur conversation à deux dans l'intimité d'une salle de bains, brosses à dents en main !
  • VIEILLIR FEMME (2005)
    Note : 17/20
    "Vieillir femme", la hantise, encore plus depuis la menace de sabrer les retraites ! Trois jolis portraits qui se résument en quelques déclarations, les principaux changements par rapport à "avant"... Avec des scènes du quotidien. Toujours dans des endroits de rêve grâce aux prouesses à la caméra... Points communs de ces dames : proximité de la nature, volonté d'entretenir sa vitalité, intensité du quotidien. Des livres, la plasticienne et l'écrivain les ont en arrière-plan, alors que la petite mémé dans sa bicoque en haute montagne avec "ses bêtes" prie la sainte vierge quand elle daigne s'arrêter un peu et feuillette "Le Pèlerin". .. L'une pointe un retour sur soi-même en tant qu'individu ("Mensch") un peu comme l'enfant encore vierge de tout autre rôle, l'autre préfère la tranquillité à la guerre de son jeune temps... Ces trois personnes représentent trop peu pour dresser des généralités ("Vieillir hommes", le dvd jumeau serait indiqué en complément...). Observé qu'elles ne fredonnent ni ne dansent, aucune crise de rire ni souvenir ne vient les égayer. De dignes missionnaires, une atmosphère un peu monacale par moments. Sont escamotés les souvenirs qui maintiennent en vie... Que diable, l'expérience apporte aussi le recul nécessaire, ce gain qui fait se sentir vivant, témoin de son temps, sachant qu'on peut être balayé par l'accident brutal, la maladie sournoise à n'importe quel âge. Après un bon verre de vin, la citation d'un auteur, une chansonnette de naguère eût peut-être fait sauter les verrous, oser dire les désagréments les plus criants ? Sautes d'humeur, mémoire capricieuse, tenaces bouffées de chaleur, libido fugace ou éteinte... : hélas, ces joyeusetés sont restées coinceés dans les corsets !
  • TROIS ENTERREMENTS (2005)
    Note : 18/20
    Hormis quelques artifices scénaristiques brouillant la chronologie, c'est du western classique côté image. Les deux larrons centraux très typés dont le plus jeune semble incarne le blanc-bec civilisé qui commence à gangréner côté cerveau, louvoient longuement à distance. Ils se révèleront seul à seul dans l'épreuve. Une vraie traversée du désert (scène hallucinante de ce fantôme réclamant du plomb !) doublée d'une allusion aux bienfaits des brassages et de la solitude qu'il y a à fréquenter celui trop différent parce que dépendant du bon vouloir local. Ici l'immigration mexicaine (en 2012 l'immigration planétaire). Amitié désintéressée entre deux hommes égratignés par la vie dans le bon sens, au spectateur de déduire ce qui a pu arriver. On a surtout un savoureux parcours éducatif. Non sans l'ironie tacite qui rappellerait les rôles d'Eastwood à bien des égards dans ce genre-là. Le dvd gagne à être vu au moins deux fois, d'abord pour se re-passer le film sans malaise d'enchevêtrement scénaristique et ensuite pour s'imprégner du bonus, des interviews du réalisateur entrecoupés de morceaux de roi et appréciation amusée de Barry Pepper).
  • THANK YOU FOR SMOKING (2005)
    Note : 15/20
    Jason Reitman souhaite (bonus du dvd) que les spectateurs différencient une fois pour toutes formatage et libre arbitre. Comme dans "Juno" deux ans plus tard, c'est délibérément page de pub et à destination des accros au petit écran... Compacté, rapide, on tape fort et bas de préférence... Cinq minutes de plateau télé et c'est la salle de classe, même incitation au discernement et en mettant au fait côté business comme un cours sans trop d'états d'âme... Après une précision verbalement musclée du géniteur, le spectateur n'a d'autre choix que d'emboîter le pas du fils qui suit son fantasque paternel. Divers conciliabules, au vol quelques chiffres propres à classer les populations en maternelle pour l'éternité... Et voilà que, mallette à la main, l'érudit qui moulinait les addictions dans des démonstrations clouant son auditoire, à peine focalisé sur une première blonde face caméra, et la seconde lorgnée en altitude comme accessoire, connaît, après dégustation de château-margaux le coup du "bébé requin". C'est ce talon d'Achille et non son baragouin qui le rendent soudain, lui et le film entier, plutôt sympathiques.
  • LE PETIT LIEUTENANT (2005)
    Note : 19/20
    Beaucoup aimé à sa sortie en salle. Le dvd sur janvier 2013 procure exactement le même plaisir. Amateurs du polar traditionnel, si vous affectionnez les traditionnels fracas de pétards, patience, l'action se distille avec d'autres ficelles... Xavier Beauvois explore les coulisses policières en y glissant psychologie, réalisme, un soupçon de dérision. De la faiblesse, des débordements, pas de gros effets, juste des faits. Et avant tout un hommage à la profondeur féminine. Le réalisateur s'octroie le rôle odieux pour mieux mettre en valeur le petit nouveau, frétillant, prêt à tous les défis, convaincu de sa supériorité par rapport au commun des mortels (avec sa copine ou dans Paris à fond de cale ôte-toi de là que je passe, il est à claquer !). Nathalie Baye s'amène soudain à gauche de l'écran, plus de première jeunesse et sans maquillage. Avec ses jambes fines, son colt à la ceinture, admirée et crainte, un peu pète-sec en interrogatoires, sans détours face aux experts qui finassent, avec des sursauts d'humanité, du découragement... Une double vulnérabilité révélée pas à pas. Nulle grivoiserie autour d'elle, Jacques Perrin, Roschdy Zem aux petits soins... Jalil Lespert, qui démarrait sur les chapeaux de roue, écope du pire concours de circonstances qui soit. Des scènes très pointues restent en mémoire, toutes les étapes de "la bavure", le baptême, les dépositions avec interprète d'une diction hallucinante... Inoubliable aussi, la complicité affectueuse entre le jeune qui se fait les dents et la quinquagénaire qui transfère sur lui son fantôme. Pas tous les jours que le cinéma offre une vision acceptable de ce tandem (ironique scène du joint !)... Les derniers plans, plage et ressac, ce regard vers la caméra, donnent envie au spectateur de courir envelopper "Vaudieu" d'une grosse écharpe de laine mohair !
  • KEANE (2004)
    Note : 19/20
    Visionné le dvd (v.o.) en octobre 2007. Pour ma part, je n'ai pu y voir un psychotique, un homme qui se serait inventé une fillette disparue. C'est un type fou de douleur, il en a tous les stigmates. Pour avoir moi-même failli perdre ainsi un être cher, il me semble que si la situation se prolonge, arriver à déjanter ainsi fait partie du processus de révolte contre le sort. Pendant longtemps, j'hésitai à voir ce film, de peur d'avoir mal, justement. Mais au contraire, si on reste rivé à ce père déboussolé d'un bout à l'autre, la petite Kira, par l'adultisme dont elle fait preuve, et sans perdre de son charme enfantin, vient mettre un sérieux baume sur tout ça... Une caméra penchée à hauteur d'homme sur la fillette, bouleversante scène où le drame va jusqu'à se rejouer afin que le deuil se fasse. Des émotions amplifiées par le talent exceptionnel du tandem, la mère comme avant tout "une intendante". Et dire que ces disparitions d'une seconde à l'autre existent, le plus terrifiant réside bien dans ce constat que nous pouvons tous faire, bien davantage que dans les excès de cet homme meurtri ! A voir en urgence, pour la compensation que cette histoire offre face à un drame, que trop fréquent.
  • TROPICAL MALADY (2004)
    Note : 16/20
    Vu au Festival des Trois Continents 2007. La démarche est déroutante, bien qu'on soit prévenu par l'entrée en matière. Donc, "nous passons notre temps à dompter notre nature animale, naturellement féroce". Partis d'une rencontre assez soft de deux hommes dans la réalité, on vire vers le voyage sulfureux et cela peut dérouter à partir de la descente à l'intérieur du temple. Mais pour peu qu'on parvienne à se réconcilier avec son moi animal relié ici à la forêt primitive, et admettre le mythe du jumeau dans sa propre personnalité, embarquement possible (car de vaguement inquiétant, ça peut devenir envoûtant). Références chamaniques, poésie, tendresse et cruauté, un beau travail côté image et sons, le noir de la forêt tropicale avec aussi peu de lumière est un régal, les interférences avec tout appareil de liaison radio assez inhabituelles au cinéma... On bascule dans le fantastique (attention au soporifique si on n'a pas assez dormi) et se doubler d'un léger malaise, l'idéal est de se croire en train de rêver, ne pas rationaliser surtout, c'est le pays d'où l'on ne revient pas qui envahit la conscience... Les interventions du grand félin, du bovidé en superposition, ainsi que du singe dialoguant avec l'homme en mutation représentent une merveille de sauvagerie renvoyant à d'autres mythes de la réincarnation, tout aussi effroyables mais sous forme plus civilisée, Alien ou Dracula, voire même en 2007, quelques hommes d'Etat toujours plus hallucinants, suivez mon regard.
  • MAR ADENTRO (2004)
    Note : 17/20
    Revu en v.o. sous-titrée au 18ème Festival du Cinéma Espagnol de Nantes (mars 2007). On répugne tous à imaginer la dégradation physique sévère pour soi-même ou un de ses proches, un retour au néant semble doux en comparaison (bien dans l'air du temps en France actuellement avec ce scoop journalistique d'une malade incurable demandant qu'il soit légiféré, un genre d'autorisation avant passage à l'acte, ça remue les tripes des autorités, on est à cent lieues du Droit !). L'instant du passage sur l'autre rive ne saurait être légiféré, y participer au grand jour (et en dehors des guerres !) implique qu'on n'en pipe mot, à la rigueur, invoquer le "cas par cas"... En dehors de la souffrance décrite ou sous-entendue ici, s'ouvre cette fenêtre sur "celui d'avant l'accident", serait-ce un petit fil vital suffisant ?... Pour l'ultime vieillesse, quand les jours sont comptés, que "le corps n'est plus votre copain", admettons. Mais rien à voir comparé au calvaire d'un être encore jeune, sans autonomie depuis des années et qui réclame l'apesanteur une bonne fois pour toutes. Dans les esprits, la personne l'aidant à passer de l'autre bord oscille, quoi qu'on y fasse, entre la damnation pure et simple et la fraternité absolue, je pense à cette mère d'un jeune accidenté de la route du Nord de la France réduit à l'état de légume... Autre traitement de ce sujet qui attire et fait fuir en même temps, le film canadien "Les invasions Barbares". Mar adentro est une prouesse d'acteurs indéniable, les dialogues aussi sont de haute volée, rien d'étonnant que Javier Bardem ait été récompensé de toutes parts.
  • MONDOVINO (2004)
    Note : 16/20
    Edifiant "tour du vin", quoique un peu longuet. Rien d'étonnant que les acteurs de la mondialisation se soient emparés de cette manne ! Voyage à rebondissements, rendu palpitant par ce visiteur-goûteur qui a de l'humour et une bonne gueule, posé, mais sans complaisance. Le rire du dénommé Rolland porte très évidemment sur les nerfs, catalogué "camelot du vin" pour la planète, admiré pour "le sport" que cette mission implique, méprisé pour l'atteinte au patrimoine, ce saccage de la vigne traditionnelle qui méritait un sort moins humiliant. Hormis la noblesse des considérations des exploitants français (vin né sur tel sol perdant son identité sur tel autre) il m'est arrivé d'hésiter une seconde entre confiscation vinicole par le marché mondial et profits démesurés des gros viticulteurs français de père en fils, mais une seconde seulement, car du vin usiné au lieu d'être bichonné, quel gâchis ! Relevé une alternative intéressante, présentée comme à mi-chemin entre terroir et ouverture au monde, celle de l'acteur Depardieu, une manière de ne pas totalement trahir son sol. Au final, si on préfère croire ce qui ressort de ce reportage, l'ensemble fait complot de longue date : la triche que la mondialisation permet s'applique au plus sacré ! Horreur, le Bourgogne serait artificiellement coloré "pour plaire au consommateur", le marketing parle pour tous... Ainsi, si on ne les délocalise pas en Californie, les vins les plus prestigieux seraient trafiqués, main basse sur tout ce qui peut rapporter. Mais le pire est bien que ça se fasse en toute impunité ! Reste à se ruer sur le vin bio ou les rares vins de pays hors du rouleau-compresseur, seuls créneaux à peu près fiables. Impossible de se contenter de la piquette locale pour autant (ce verre bu avec une grimace chez le petit paysan d'Amérique du Sud). Autre attrait et non des moindres ici : LES CHIENS ! Sorte de non-dit de leurs propriétaires gagnants ou perdants dans ce cirque vinicole. La caméra les incorpore aux commentaires, des poses les plus débonnaires au plus scabreuses, un régal !
  • GARDIEN DE BUFFLES (2004)
    Note : 16/20
    Si l'on visionne le film en 2008 sur dvd, il importe de se transporter dans cette "Indochine" de 1940 (la discrète présence française peut faire un peu folklorique en comparaison des aléas du climat...). Zone inhospitalière en diable que ce Viet-Nam du Sud recouvert d'eau une partie de l'année, alors qu'on est encore loin du réchauffement climatique amplificateur d'inondations d'un côté du globe et générateur de sécheresse de l'autre... Le jeune homme dont il est question ressemble à s'y méprendre au réalisateur, sans doute y a-t-il une bonne projection de sa part, c'est son premier film, en co-production avec l'Europe, et la censure est sévère dans son pays. Ainsi, la difficulté économique taraudait bien avant notre époque dans ce coin, les buffles étant le principal atout pour payer l'impôt surhumain, mais qu'on ne discutait en aucun cas. Le film vaut par sa photographie très soignée, ainsi que le mérite qu'il y a à filmer dans l'eau, avec une équipe technique locale imposée : il s'agit d'un mix de nouvelles sur l'adaptation aux circonstances décrites, une éternelle oscillation entre putréfaction et renaissance, comment tirer son épingle du jeu. Le regard est réaliste mais subtil, invite à prendre le temps de s'arrêter sur cette philosophie très sage, notamment l'acceptation de la mort et ses rituels de fortune, placée au même niveau que les petites joies et la bagarre de tous les jours ! Les acteurs sont beaux, il plane une part de romantisme, des comportements tout ce qu'il y a de contemporain (cette femme âgée plaquant son homme, le garçonnet naturellement proche du héros). Un voyage en clair-obscur certes humide, mais lumineux quant à la philosophie.
  • JOUR ET NUIT (2004)
    Note : 16/20
    Stimulant de revoir un tel chef-d'oeuvre, en plus que ça permet une seconde lecture : certes toujours un peu lancinant pour nous autres occidentaux, mais carré, très au point : photo parfaite, aucune surcharge, l'action se déroule en toute logique, à l'exception de ce nuage noir tout au fond de l'image, qui surprend... C'est toujours bourré de générosité, encore plus palpable sous l'austérité des rôles à tenir, et de la rudesse du froid en Mongolie (l'équipe de tournage aurait souffert mille morts des conditions climatiques)... Incroyable scène de l'aide à s'habiller contrastant avec les privautés nocturnes, mais on sent bien qu'il y a accord tacite (le chef dit carrément à sa femme quoi faire !). Charmant rappel aux consciences : toujours écouter sa petite voix intérieure si jamais se pointe le "tu ne dois pas"... Wang Chao filme la crudité des situations que la pulsion de vie engendre (brutalité des ébats avant civilisation progressive !). La gueule du fils, d'une tristesse de basset sur fond de mine ferait presque rire s'il n'était aussi gentil... La notion de destinée très présente au départ semble laisser place à davantage de libre arbitre. Etonnant comme le personnage principal va trouver à s'affranchir de sa faute à l'initiative de la jeune promise, l'ultime entorse vers une élégante éclipse !
  • TONY TAKITANI (2004)
    Note : 19/20
    Enfin une analyse juste de la solitude apprise dès l'enfance et qui donne le vertige à l'idée de toute attache... Indispensable de se laisser porter par ce film (tiré d'une nouvelle écrite en 1996) sorti en France en 2004... Le style se situerait dans le "majestueux-fataliste-funèbre". Il emprunte un brin du recueillement de la cérémonie du thé nipponne, le temps s'étire en peu de mots, les lourds silences donnant envie de rire font place à une délectation aussi contagieuse que muette... Un petit tour de l'Histoire japonaise = "guerre sur guerre" dont, avant la paix actuelle, des enfants sont nés un peu perdus... L'écran peut rester d'un noir d'encre quelques secondes, la caméra se plaît à tourner en rond... Si on n'est pas conquis, il sera toujours possible de penser aux jumelles à diapositives circulaires d'antan... Le réalisateur Jun Ichikawa entrelace passé et présent, jour et nuit, exactement comme un enfant ressent notre monde, les notes de piano lancinantes s'arrêtant s'il y a un fait nouveau marquant... Vrai que c'est lent si on n'est ni mélomane, ni poète, ni enfant blessé, ni parent attentif... Images ralenties, flottantes, dans un demi-sommeil mais il va y avoir plus percutant à partir de la jeune épousée, apparition comme la mère évaporée, sauf que celle-ci aura le temps de se chausser, ses adorables petits escarpins jaunes s'agitent, à la recherche de nourriture vestimentaire. Singerie de nos villes où les fringues sont censées remplacer la matière grise ?... Les contemplatifs, les curieux raffinés, les sociologues, ainsi que les bambins dont la menotte n'a pas trouvé où s'agripper en temps opportun trouveront leur bonheur dans ce flash du Japon aisé happé par la gadgétisation états-unienne. Amer comme un vieillard ou arborant le petit sourire des nouveaux-nés, quoi qu'il arrive, Tony Takitani rebondit.
  • ROUGE COMME LE CIEL (2004)
    Note : 15/20
    . Découvert avant sortie officielle (au Cinéma Concorde de Nantes le 26 août 2010). Voilà une pertinente étude sur l'enfermement longtemps réservé aux jeunes aveugles italiens. Mais c'est avant tout un vibrant hommage à un ingénieur du son lui-même non voyant. J'ai admiré le formidable transfert d'énergie, mais trouvé le montage des bandes magnétiques un peu longuet... Et eu mal pour ces parents privés du jour au lendemain de la présence de leur fils mis dans la seule institution spécialisée possible : face à l'enseignant ouvert, un directeur fermé... Les personnes handicapées pourront puiser un réconfort certain dans ce long chemin vers une manière d'exister qui en vaut largement une autre. Sur l'aspect éducatif, le message est bienvenu alors que tout porte à durcir le ton à notre époque. L'aventure est menée de manière classique, avec des intervenants très typés car c'est plus pour enfants que pour adultes. Drôle d'idée pourtant de distribuer pareil message en version française alors que la langue italienne est si musicale !
  • VIEILLIR HOMME (2004)
    Note : 19/20
    Dvd visionné en avril 2011. Beaucoup plus emballant que "Vieillir Femme" de la même réalisatrice (qui taisait complètement la libido sexuelle et/ou les petites gênes de l'âge en repoussant la mort, cette traîtresse). C'est un plaisir de découvrir l'état d'esprit de ces trois hommes : André, 86 ans, le plus attirant dans sa manière de s'exprimer (mal aux jambes, me casse la gueule au jardin) les révélations sur son lien avec sa compagne. Ensuite, Camille, 83 ans, en direct d'un roman de Proust, peintre sans trembler, accompagné d'une dame lui aussi et qui, tellement en acceptation de son sort, se dit "émerveillé chaque fois qu'il y arrive"... Plus terre-à-terre est Bertrand le bûcheron, 75 ans en paraissant dix de moins. Trois indépendants qui tâchent de se maintenir corps et âme. Revenus de l'hyperactivité par prudence. Trois exemples seulement, certes il en faudrait d'autres pour dresser des statistiques... Déjà bien, à l'heure du jeunisme, de l'activisme, du retour puissance mille du sexisme, que ce documentaire mette en scène le grand âge masculin. On a l'impression de découvrir l'homme dans ce qu'il a de plus noble et qui le rapproche de la femme.
  • LES ENFANTS DE BELLE VILLE (2004)
    Note : 14/20
    Moins abouti, moins universel que les deux plus récents du réalisateur, "plus typiquement iranien" en somme. Sans coup de théâtre genre "A propos d'Elly". Plutôt les tergiversations qu'on retrouvera dans "Une séparation". Quelques scènes étirées sans vraiment apporter de plus si ce n'est l'atmosphère, de constants allers-retours du jeune homme, un bébé ballotté de bras en bras et dont on comprend qu'il incarne la douleur des jeunes générations. Il y a heureusement, outre le soin technique à tous niveaux, inclus les dialogues, l'attachante Taraneh Alidoosti et la bonhomie du quotidien, une fois quelques bagarres assouvies. Tous se frictionnent dans cette course à la peine commuée, leurs raisons réciproques louables seulement en théorie, car "qui dit Iran dit entraves". Le collectivisme contrôlant chaque acte, on est vite en dehors du chemin tracé (exemple, la femme qui divorce) sans que l'idée de révolte effleure. L'ensemble mène le spectateur, tel un juré obligé de se prononcer face à deux alternatives. Et là, seule l'abnégation amoureuse séduit. La femme que je suis en a eu assez de cet écheveau du pardon à partir d'un meurtre de femme, que de salamalecs en plus du compromis douteux... Il faut dire que maison, femmes, sauver sa tête ou racheter une existence ingrate se brassent comme au temps de l'âge de pierre dans cette histoire... Très inconfortable !
  • 2046 (2004)
    Note : 16/20
    Thème musical lancinant parmi différentes pièces de choix, des scènes bouleversantes filmées avec minutie autour de la voix-off de Tony Leung, cette fois en instable écrivain dont les conquêtes s'affichent à des moments précis dans des lieux caractéristiques (le balcon de l'hôtel par exemple). Très beau, lent à se dévider, on peut se lasser de ce déballage non stop, ne retenir que les scènes les plus bouleversantes, il y en a... Le stylo court sur le papier tandis que d'autres images continuent de se superposer. En plus de l'esthétisme enchevêtré, reviennent des effets labyrinthiques, un genre d'ascenseur entre 2046 et l'antériorité, ce puits de souvenirs que Wong Kar Wai remonte. Autant de beautés sculpturales dont l'une, à bouche marquée de rouge baiser semble la douleur faite femme... Les effets spéciaux, les prouesses de montage, tous les empêchements qui ont contribué à retarder la sortie du film n'empêchent pas qu'on puisse le trouver hormis l'aspect technique admirable, surchargé de personnages, bavard, bref nettement moins accessible et abouti que "In the Mood for love"
  • THE WORLD (2004)
    Note : 19/20
    Un bonheur bu comme du petit lait à sa sortie française en 2005. Toujours plaisant à condition de se laisser emmener dans un système qui dédouble. Berce d'emblée par une musique venue du cosmos, réplique terrestre où s'imbriqueraient des images virtuelles. Rien à voir avec un conte de fées. Plus proche de la fête foraine. Y défilent les tendances monstrueuses des conditions de travail et l'envie individuelle d'exister quand même (besoin d'être respecté, soigné, éduqué, aimé, consolé). Sauver la face quoi qu'il arrive. Curieux mélange de paillettes et de misère. Pointe la détresse humaine derrière l'apparat. D'une rare élégance pleine d'humour pourtant, signal que le réalisateur assume. Il semble dire, tenez, voici de quoi anticiper la mondialisation à son paroxysme. Depuis le tournage (2004), sa vision du monde s'avère moins caricaturale. Au point qu'on puisse s'en offusquer tant la réalité tend à y conduire nombre d'entre nous.
  • LOS MUERTOS (2004)
    Note : 12/20
    Festival des Trois Continents nantais 2013. Pour être morts, ils sont morts... Quoique les grands mouvements de caméra du début forcent l'admiration. Chacun est happé, se dit que ces magnifiques morceaux de nature vont recéler quelque autre merveille. Point du tout. Voilà l'écrin d'humains décérébrés. A part l'ironie grinçante du titre, ne pas compter sur la joie. Encore moins sur l'humour. De l'intrigant on vire au sordide. Respect pour le choc énorme qu'on devine à la base, sauf que le réalisateur fonctionne comme un avare. Le quinquagénaire Vargas, belle g..., petit bedon, la liberté hors des murs. Or, impossible de s'identifier à ce drôle de zigue, il finit par révulser. Et puis tous s'avèrent trop mécaniques chacun à leur manière. La splendide nature prend des allures de pieuvre. Le cinéma argentin contemporain maniant le cynisme pourrait bien, du rire sardonique escompté, virer au rejet pur et simple de ses plus fervents spectateurs. Attention à la surdose, celle qui met dans un état nauséeux... Les amateurs d'effets sophistiqués, les techniciens de cinéma, les snobs peuvent aimer, raffoler même... De nombreux spectateurs, de réjouis à l'introduction devraient passer à l'hébétude... ou dormir. Trop lancinant, cru, pervers... Fortement déconseillé au grand public.
  • COLLISION (2004)
    Note : 16/20
    16,5/20 : C'est spectaculaire. Totale schématisation étasunienne, bons et méchants visibles à l'oeil nu, grivoiserie appuyée, abjection crescendo en veux-tu en voilà... Le processus "Orange Mécanique" de départ fouette bien les sangs, accrochez-vous à votre siège pour le décollage. En chemin, des adoucissements, bribes d'empathie, savantes réparties, viennent compenser ce traitement de choc. Depuis la sortie 2005 en France de ce film, le sordide, la violence gratuite et autres irresponsabilisations nées du chaos politico-économique ont déferlé. Heureusement, certaines acrobaties signent le réalisateur qui provoque plutôt que le sadique, et l'oxygène de dernière ligne droite le confirme, tel bouc-émissaire au pifomètre est trouvé aussi dans l'entre-soi. A la bonne heure !... Sans cet effet boomerang, l'humain encore digne de ce nom louait auprès de son animal préféré un recoin de tanière !
  • LA PLANÈTE BLEUE (2003)
    Note : 17/20
    dans le genre, c'est à ce jour ce que j'ai vu de plus saisissant, et tout n'est pas forcément alarmiste, quantités d'espèces resteraient toujours à découvrir (le tout est de croire ou non à ce qui est raconté, ça ne se commande pas)... Disons que, tant pis pour les perfectionnistes, les froussards (?), s'ils s'ingénient à prendre pour des faussaires les intrépides se risquant à ce genre d'exercice à l'heure où la Terre a une petite fièvre, qu'ils aillent faire le planton avec leurs caméras et leurs micros devant ces paysages, qu'ils descendent donc eux-mêmes dans les abysses, qu'ils trouvent les meilleurs commentaires et les musiques les plus appropriées ! Pour ma part, je reste baba face à cette actualité-là, admirative des auteurs de la démarche, indulgente sur les à-côtés, encore plus quand je me dis que ça se passe simultanément à notre petit passage d'humains un rien somnambules, toutes ces merveilles et toutes ces horreurs... Il semblerait que la notion de territorialité reste un trait commun entre l'homme et l'animal, quelle que soit l'époque. La v.o. anglaise m'a à la fois éblouie et terrifiée (les orques d'entrée de jeu, par exemple, et aussi cette caméra au fond de la mer, noirceur et bestioles translucides multicolores, brrrrrrrr !!!).
  • EAUX SILENCIEUSES (2003)
    Note : 14/20
    "Eaux Silencieuses" ou "Khamosh Pani". Date de 2003 (prix festival Locarno). Projeté en v.o. au Festival des Trois Continents nantais en 2007. Sabiha Sumar, jeune cinéaste née à Karachi en 1961, alerte sur les retombées dont les femmes écopent lors de guerres décidées par des hommes. Comment une soudaine "partition" en 1947 fait des frères ennemis d'un groupement humain vivant en harmonie jusque-là : Musulmans et Sikhs (plus proche de nous dans le même genre de partage, songeons à l'ancienne Yougoslavie). Le pire est bien qu'il s'agit de populations certes conditionnées par des usages religieux, mais instruites, de pensée alerte, adeptes de l'entraide, capables d'affection mutuelle ! Or, côté femme, l'obscurantisme le plus total règne, à croire qu'elles sont le déversoir commode des haines, et hors de question de broncher, elles suivent les préceptes édictés par leurs geôliers ancestraux... Des enlèvements féminins ont eu lieu dans le camp adverse, viols, tortures, extermination (comme allant de soi !). On suit Ayesha, paisible survivante un jour repérée par son frère... Elle est vivante, c'est présenté comme une anomalie à corriger tout de suite ! ... Une traque de tous les instants, dont seul un geste désespéré est l'issue, car on suppose que toute fuite hors des murs est inimaginable. J'en ai encore d'occidentales et agnostiques suées...
  • LES ÉGARÉS (2003)
    Note : 17/20
    Loupé en salle à sa sortie, je suis enchantée de la découverte en 2008 grâce au dvd (que je vous recommande aussi pour l'explication énergique de l'auteur du livre, Gilles Perrrault, favorable aux modifications que demande l'adaptation au cinéma). L'action démarre assez lentement mais avec ce réalisme qui flanque la terreur, sans scènes trop effroyables toutefois, la petite fille, son pouce et sa litanie rassurent. Et plus l'action se déroule, plus on a peur de nouvelles violences... Réussite picturale totale dans cette campagne ensoleillée, avec ces bains et le linge sur le fil. Jeu parfait des acteurs. Dialogues intelligents, cette instit répond aux gosses sans complaisance, pète-sec par moments... Lucide mais animale comme on l'est en pensant mourir à la minute suivante. Au chapitre sexuel (qui a tant froissé les Cannois), Ivan ébloui par la féminité se réfugie dans la seule pratique qu'il connaisse afin d'éviter aussi une maternité peut-être ! Enfin, le dénouement et le mensonge maternel signent le retour à la vie réglementée : là aussi, le dvd est un baume rien que pour l'interview commune de Téchiné avec le jeune Gaspard Ulliel, jeune homme bien en vie et très prometteur, je regrette son absence du grand écran depuis !
  • PAS SUR LA BOUCHE (2003)
    Note : 18/20
    J'y allais surtout pour voir le numéro de Darry Cowl ! D'ordinaire rebutée par la Comédie Musicale et/ou l'Opérette en tant que genres... Seulement voilà, c'est très bien envoyé si on démysthifie le premier quart d'heure assez "cucul la praline"... Ce "thé" survolé par la caméra est juste une amorce. Les roucoulades font vite place à une mordante ironie que la concierge de la garçonnière viendra signer : la joie de rire l'emporte sur les larmes de crocodile. Remuant, alerte, espiègle, jamais creux car ce qui est déclamé (chanté mais aussi parlé) fait avancer l'action. Aucun anachronisme non plus, des dialogues d'époque, et qui sont d'une grande élégance, je le précise pour ceux qui craindraient l'apport de tournures du vingt et unième siècle déplacées... Interprétation où l'on perçoit le délice des comédiens sous la houlette du Maître Amuseur... Re-survol de la caméra pour conclure théâtralement... Oeuvre exportable sans doute ent tant que parodie très frenchie des comédies musicales américaines, malgré l'acide, c'est assez gentil pour ne froisser personne. Je me suis surprise depuis à imiter l'accent de Lambert Wilson : "bien pronouncer "Pâs sû' le Bouche", tout un programme.
  • RENCONTRE AVEC LE DRAGON (2003)
    Note : 12/20
    Quelque chose coince dans ce film. Bien que tous les ingrédients y soient ! Merveilleuse région permettant des paysages grandioses, formidable idée que ce légendaire Dragon Rouge marqué par un incendie et un secret de famille à une époque barbare, quatre acteurs têtes d'affiche, un petit garçon attachant et même un tout petit bébé... Beaucoup d'inventivité, des moyens, de la sueur. Une équipe de professionnels des plus pointus à la technique. Le pire est que le scénario se tiendrait. Sont-ce les dialogues un peu téléphonés ? Ou le fait d'osciller entre la farce et le drame ?... Trop gros traits... Au final, juste quelques fulgurances. Hélène Angel s'est emparée à grands frais d'un film d'hommes. Au gré de sa fantaisie. Sans imaginer que c'est trop personnel pour emporter l'adhésion : une mère supérieure de couvent (Emmanuelle Devos) accouchant au milieu des bois, hum ! Un cavalier en robe plissée métallique déposé avec cérémonie sur son cheval : bizarre ces attitudes et ces costumes (voulus d'inspiration orientale d'après le bonus du dvd) plutôt que d'approcher la réalité de l'époque dans nos contrées. Excès de zèle ! Un peu plus de sens commun et cela devenait une épopée grandiose !
  • LES SENTIMENTS (2003)
    Note : 14/20
    Assommante chorale, non qu'elle soit mal filmée, mais elle casse les oreilles ! Autre bémol, le côté excessivement nunuche d'Isabelle Carré, l'ingénuité trop insistante, on n'a qu'une hâte c'est qu'elle redescende de son cocotier vite fait. Un peu de ce surjeu aussi chez Nathalie Baye, l'épouse très classe qui boit chez elle en dansant comme une folle après avoir tiré les rideaux (drôle d'idée de la faire se trémousser telle une pauvre ado sortie de ses gonds)... La réalisatrice Noémie Nvovsky a des choix musicaux et des outrances pour ses actrices qui peuvent faire hérisser le poil féminin. En découvrant le film, on peste ! Au diable ces parasites qui font patiner l'action plus qu'ils ne la servent ! Beaucoup mieux goûté l'ensemble à la deuxième lecture donc, sur dvd, zapping de tout ce qui porte sur les nerfs. De très bons moments pleins de tension, avant de déboucher sur la question cruciale : comment faire le moins de dégâts quand quelqu'un d'autre que sa douce moitié s'installe dans votre périmètre et vous tape dans l'oeil ? Melvil Poupaud fait merveille par sa discrétion, sa capacité à tempérer. Bacri au contraire, fend le coeur ici du fait qu'il passe d'homme ranimé à ni plus ni moins forçat.
  • LE RETOUR (2003)
    Note : 18/20
    Une splendeur cinématographique, lente à se dévider la première fois qu'on la voit, le grand public est rebuté. Passionnant à redécortiquer si on a l'âme esthète. Le dvd est assorti d'un précieux moment d'interview extrait de "Tam-tam" (France Inter) avec Pascale Clark... Portrait d'un père de retour au foyer après 12 ans à faire on ne sait trop quoi (autre femme, prison, travaux forcés, métier dans la Marine russe ?...). Tension tout de suite perceptible dans la maison. Il embarque ses deux fistons pour renouer, l'un conciliant, voire admiratif, le plus petit carrément hostile (manque de souvenirs paternels, admet mal ce retour équivoque), pour aller vivre "à la dure" sur une île récupérer une cassette enfouie (on doit à nouveau supposer ce qu'on veut, en Russie, fréquent de "se débrouiller" !). Ce cinéaste reconnaît s'inspirer d'Antonioni et Tarkovski, disons qu'il en a pris le côté énigmatique et le même soin dans le traitement. Cameraman dans l'épure également... Scénario et dialogues au cordeau, un plaisir de chaque instant pour peu qu'on ait la volonté de ne pas en perdre une miette. Envoûtant, mythique, ce beau travail force le respect, chaque instant a du sens, il n'y a vraiment aucune surcharge complaisante... Si tous les photographes issus de la pub étaient aussi rigoureux, on saliverait plutôt deux fois qu'une devant le grand écran. On perçoit l'enseignement sévère, le respect du spectateur comme leitmotiv... On nage dans l'ambiguïté avec ce paternel (qu'on exècre de prime abord) se rendant touchant, jurant avec sa dureté de façade : j'en veux pour preuve ce moment où il est désemparé devant le feu... L'apprivoisement pourrait se faire après ces deux grosses crises par lesquelles les trois personnages doivent passer. A noter qu'un an jour pour jour, après le tournage, l'un des jeunes acteurs s'est noyé accidentellement (il avait 16 ans), petit détail mais qui vous attache le film une fois que vous le savez. Musique aux frontières du bruitage mais toujours fluide comme l'eau habitant l'histoire (ça ne tonitrue jamais), le son s'imbrique au drame inexorable, une atmosphère de "conte noir" mentionne le bonus... Long-métrage délectable, surtout en dvd !
  • BLIND SHAFT (2003)
    Note : 19/20
    Attention chef-d'oeuvre ! Âpre, imparable. Tellement alarmant sur les dégâts (déjà en 2003 !) dûs à la propriété privée dans la Chine profonde, en l'occurrence les mines de charbon, cette caméra descendant sous terre après la dernière cigarette dans le froid met vite en condition. Patrons devenus de purs gestionnaires. Plus ou moins sympas, mais fatalement de mèche avec les autorités pour pouvoir durer (mais non, ça ne nous rappelle rien ici à l'Occident, zone d'ultralibéralisme propre et civilisé...). On paie le prix en cas de pépin et ouste, un mineur ça va ça vient ! Peu regardants sur les identités, un turn-over commode même, quant à la santé mentale de la main-d'oeuvre, aux manigances dans les cerveaux un peu frustes, des points de détail par rapport à la rentabilité. La part belle est faite à l'instruction, comme le seul espoir des Chinois de la campagne, mais un espoir coûteux... Qui force au travail rude, incite aux complots aussi, ah, se sentir exister ! Mais rira bien qui... Attention, ce n'est pas triste à mourir toute cette noirceur des puits, la chaleur humaine côtoie la scélératesse. On sait que Li Yang s'est compromis en réalisant ce long métrage interdit en Chine (comme beaucoup de dissidents potentiels, il avait déjà un pied en Allemagne)... A moins d'avoir l'âme d'un tiroir-caisse, on peut dire que ce film constitue une réjouissante condamnation du capitalisme sauvage, cette plaie mondiale. .
  • SAMARIA (2003)
    Note : 17/20
    Mieux aimé au plan philosophique que "Printemps, Automne, Hiver, Printemps". Pourtant, autant de cruauté, mais envoyée de manière plus universelle (sans cette impression d'ancestral ou même de féodal asiatique qui ajoute de la pénibilité). Il s'agit d'un microcosme coréen contemporain. Deux enfants-femmes tellement elles font jeunettes, la prostitution décidée par des lycéennes (aucun souteneur ici) à partir de rencontres organisées sur le Net pour s'offrir un voyage. Un adulte, le père de l'une d'elles, veuf (important aussi). J'ai trouvé capital qu'il soit flic (le réalisateur déclare dans le bonus que c'est accessoire pour lui), car ses attitudes jettent un trouble bien spécifique : on baigne dans l'esthétisme, toujours dans la demi-mesure... En fait, jamais sûrs de quoi que ce soit, les spectateurs étant promenés entre tous les tiraillements moraux possibles, chaque bilan de situation toujours interprétable. Devrait peser aux trop rationalistes qui jugeront que cet excès-là ne peut exister grâce à la police justement. Pour tempérer le brin de machiavélisme que le réalisateur laisse planer, le bonus du dvd gagne à être visionné, Kim Ki-duk est un pragmatique, observateur de son époque, ferme hors de tout sadisme, beaucoup plus humain que la face sombre de ses oeuvres... On le voit assis face à l'une de ses petites actrices en larmes, trop pétrie du personnage qu'elle joue, il lui explique que la destinée les a amenés à tourner ensemble, que c'est un rôle inspiré de la réalité, que si elle est triste, alors il est triste aussi... Voilà qui met du baume !
  • MA VIE SANS MOI (2003)
    Note : 19/20
    Toujours aussi bouleversant de regarder en dvd cette préparation au pire mijotée par une partisane d'aménagement de destin, aussi cruel soit-il. "Encaisser le choc, ne pas se cabrer, oeuvrer". Sarah Polley et Mark Ruffalo sobres, équivoques, éblouissants de présence. On plonge dans le drame de cette jeune femme qui, pour tenir son pari intérieur s'octroie aussi une friandise, non sans avoir appréhendé la voisine, frais visage de fillette (Maria de Medeiros), dont le lourd secret laissera une empreinte à la limite du supportable à son tour ... Il faut le génie d'Isabel Coixet pour faire passer autant de drames sans basculer dans l'indigeste (on comprend qu'elle ait pour défenseur Almodovar lui-même) ! A l'image, au son, l'ensemble vous agrippe en douceur, cette maladie qui gagne, la joie et les énervements du quotidien déjà assez scabreux. Seul, le spectateur est mis au courant du travail souterrain de cette femme soudain réveillée et qui prépare des cassettes et encore des cassettes... Dépouillement total déclenchant émotion et admiration, surtout qu'aucun rite mortuaire ni d'allusion à la religiosité n'appuient le propos !
  • ETRANGERES (2003)
    Note : 16/20
    Qu'elles viennent des pays de l'Est, du fin fond de l'Orient, d'Amérique Latine ou préfèrent se réclamer "d'Afrique", ces immigrantes légales en Espagne de 2001 à 2003 défilent... Présentation discrète puis sérum de vérité... Ne pas se méprendre : fardées ou portant voile, elles décèlent du machisme et de l'obscurantisme là où on est réputé les combattre... D'autres, déçues en entrant, se rattrapent, telle cette jeune Polonaise ravie du changement, au diable ses compatriotes... Des rencontres collectives ont lieu entre déracinés pour parler, quand la police ne vient pas interdire de vendre sa production familiale... Aucun trafic louche de mentionné dans ce documentaire. Si certaines cumulent trois métiers, en voici une qui placarde "Flor de Canela" sur son restaurant, son rêve enfin réalisé (le milieu d'origine est aisé dans bien des cas). Rarement dans l'ombre d'un homme, elles pleurent de laisser leurs petits au loin mais s'occupent des enfants d'autrui à la place... Les repas, la messe, la musique rassemblent et mélangent les genres... Patientes pour se fondre dans la population et contourner la bureaucratie (visa maternel suivi de plusieurs années pour le visa de son bébé pourtant né en Espagne)... Mais les portraits brossés par Helena Taberna de ces conquérantes semblent encore "soft" comparés à l'immigration clandestine venue s'y rajouter avec toujours plus de trafics louches : un véritable dilemme pour le gouvernement Zapatero, encore plus depuis la récession économique. .
  • 21 GRAMMES (2003)
    Note : 15/20
    C'est un film à s'arracher les cheveux. Valeureux quant à ses obsessions. Ereintant de par sa facture toute en cadrages savants et surtout innombrables en première partie, où le vrac des situations jeté à l'écran peut agacer les tempéraments peu enclins au zapping télé... Fort heureusement, on peut recoller les morceaux du puzzle au fur et à mesure du déroulement. Très hollywoodien avec son côté appuyé "bons et méchants" dont seule la ferveur religieuse peut adoucir le sort. Les hyperactifs s'y retrouveront, leur hantise étant bien d'être coupés dans leur élan ! Terroriste dans le tire-larmes car on a les yeux braqués de force vers les drames les plus terrifiants de la vie courante, caméra scotchée longuement sur les charmes de l'enfance pour mieux se vautrer ensuite dans le pathos, qu'on s'imprègne bien du côté vain des rachats, de la vacherie des parcours humains, de la relativité des petits bonheurs familiaux... Du spectaculaire asséné dans l'éparpillement qu'on retrouvera au zénith dans "Babel"... Travail considérable, n'empêche... On devine un scénario très foisonnant, qui fait languir les spectateurs en étouffant l'imagination... Il faut aimer les sensations fortes. Acteurs du box-office à la hauteur de l'enjeu. Cette rage de persécuté vise le public télé dont addiction, bons sentiments et peur sont la nourriture (attention, j'entends bien que des malheurs extrêmes puissent s'abattre sur la plus paisible des trajectoires). Je déplore cette nouvelle école cinématographique, cette forme qu'Inarritu multiplie, prendre en otage les regardants (il n'est pas le seul)... En deuxième partie, les dialogues, la musique atténuent un brin la surenchère d'effets. La sobriété des films de l'est beaucoup plus avare de grandiloquence et on avait un chef-d'oeuvre !
  • GOOD BYE LENIN ! (2003)
    Note : 15/20
    Vu le dvd en mai 2011. Le titre déjà montre les espoirs de la jeunesse des pays de l'Est. L'intention est excellente mais sans doute faut-il être concerné de près pour embarquer et rester du voyage. J'ai fini par m'ennuyer avec le personnage de la mère (la censure longtemps pratiquée se devine bien dans ce symbole maternel figurant la RDA, mais quel dommage d'avoir maintenu l'artifice au-delà de l'aveu de la jeune fille !). Car après l'admiration pour le fiston (cette ultime scène de la mère qui regarde son fils continuant à la préserver), les dialogues et interversions agrémentent à vide en jonglant avec la période d'avant et d'après la Chute du Mur. Pour le profane il manque les extraits historiques qui feraient faire la part des choses, encore plus en regard de l'actualité depuis la Réunification des deux Allemagnes !
  • LES SOLDATS DE SALAMINE (2003)
    Note : 15/20
    Projeté au Festival Espagnol nantais 2012. C'est assez laborieux d'entrer dans ce récit inspiré de la nouvelle de Javier Cercas (Actes Sud). Parce que le fil conducteur qu'est la romancière-journaliste déconcerte... On sent la volonté de rendre accessible, charnel, d'apporter de l'assimilable à destination de la jeunesse qui "zappe" si facilement. Résultat, une dérive qui vire au délayage... Le jeu de séduction entre les deux jeunes femmes figure un angle hédoniste marqué de la société contemporaine espagnole, soit. Que la demoiselle reste de marbre face à ses rencontres dérisoires par rapport à son sujet, soit. Sensibiliser le spectateur le plus récalcitrant afin qu'un fasciste en sale posture puisse l'émouvoir demande certes des gants... Pari tenu ! Elle se fait désirer la séquence d'une beauté qu'on sent à couper le souffle ! Autre diversion longue durée, le périple vers Dijon. Des à-côtés aidant à accepter les paradoxes gênants de l'histoire, ceux-là même que les enseignants hispaniques ont eu longtemps ordre de taire. Dommage que ces excès fatiguent au détriment des archives et des reconstitutions. Quelques coupures et on avait un chef-d'oeuvre ! Exceptionnelle chanson sous la pluie, soldat qui tourne sur lui-même, ces deux regards rivés l'un à l'autre après le summum de l'horreur, merveilleux ralenti, de quoi rêver de la bonté faite homme !
  • TWENTYNINE PALMS (2003)
    Note : 16/20
    Concentré autour du mythique désert californien Joshua Tree, l'histoire abonde en périples automobiles et en étreintes dont la première, après les larmes, alerte, glace... Le couple n'en reste pas moins familier avec ses sautes d'humeur résultant de la fusion toujours laborieuse pour les caractères affirmés. Curieux duo d'amis-ennemis, ils sont volontairement pieds et poings liés (d'autant que l'actrice Katerina Golubeva, parfaite borderline ici, est morte en août 2011). On arrive à craindre la copulation tant, dans sa sauvagerie, elle jure avec les éoliennes de la première halte. Hommage régulier aux cailloux, chaud, froid, une tendresse fugace, qu'ils sont donc agaçants... Ce chauffard qui insulte, cette voiture blanche qui vrombit, ce sont là billevesées pour ces zombies... Ils ne se droguent pas pourtant, finissent par s'éprouver frontalement. Choisissent-ils la mauvaise direction une fois perdus sur les hauteurs ?... Ce road-movie admirablement agencé, truffé de mises en abymes picturales ou sonores (ces ronflements de moteurs !) laisse un goût de ciguë... L'allusion à la dangerosité des zones désertifiées est certes pertinente, Ô combien d'actualité et pas seulement du fait de la nature. Immensité vide, possible mirage pour l'errant lassé de l'espace urbain, voire... J'ai trouvé un peu "pieds pris dans le tapis" ce couteau brandi plusieurs fois et trop inaudible le chuchotis policier. Dommage !
  • ALILA (2003)
    Note : 16/20
    Alila, titre et tête d'affiche se confondent... Avec l'événement de "La Flottille" au large de Gaza, la droitisation d'un régime israélien qui s'isole de la scène internationale, on aurait vite l'impression en 2010 que ce film est une antiquité... Avec sa cohabitation de bric et de broc, ses trafics, ses drames de couples, son amazone centrale flanquée d'un courant d'air (un type même pas sexy), circulez !... Renseignements pris, le scénario serait librement inspiré d'un livre décrivant la promiscuité vécue par les Israéliens. Une trame respectée à l'écran, chacun des principaux personnages vivra une transformation, utile pour supporter le labyrinthe qui y conduit... On peut déplorer l'atmosphère anecdotique, l'utilisation de constantes métaphores en complets zigzags, la mise en valeur de la belle plante qui s'allonge sur commande, les coups de gueule incessants... On peut regretter pareilles diversions et ne voir que la tension croissante dans ce coin du monde aujourd'hui (ce que la presse veut bien en rapporter)... Ou bien accepter le va-et-vient que le réalisateur utilise avant de préciser sa pensée (l'interview d'Amos Gitaï en bonus sur le dvd est plus touchante que son film à bien des égards)... Chaos pour moeurs trop différentes, réveil après des années de futilité, des points de détails si on veut... Quant à la croyance ancestrale comme quoi "la guerre fait l'homme", le débat est plus ouvert que jamais.
  • AIME TON PÈRE (2002)
    Note : 18/20
    Vu en dvd en juillet 2007 et agréablement surprise ! En effet, cabotinage absent, tiens donc, au contraire, admirablement joué par Depardieu père et fils, avec Sylvie Testud en travers de leur délire, dans cette Suisse qu'on croit toujours aseptisée... C'est le père du réalisateur qui est visé dans le propos. Et pourtant on jurerait que ces deux rivaux à l'écran rejouent leur propre parcours ! Tout du long, une oppression due à la façon de filmer, avec ce fond musical très atténué, calqué sur des bruits de véhicules, plus des échanges verbaux comme si on y était. D'accord, le spectateur est assez voyeur, ça chauffe en gros plan sous notre nez, mais après tout, c'est très bien mené et si l'identification le temps du film opère, apporte une nuance à sa propre vie, ça vaut un médicament. Idem pour cette audace d'avouer qu'on n'est pas tous nés pour éduquer ses enfants (plus ou moins doués ou autre passion qui tenaille !) et pas plus qu'on les aime d'office et tout le temps parce qu'ils sont issus de nous : évidemment, au prix de comptes à régler plus tard. Le film met le paquet pour offrir une piste dont on peut s'inspirer, sachant que mille autres resteraient à explorer afin de parvenir à s'arranger de sa propre condition d'adulte.
  • L'ENFANT DU PAYS (2002)
    Note : 16/20
    Exactement les hauts et les bas des familles dans ce qu'elles peuvent recéler de plus intime autour de la table ou en visite. Avec ici un accident qui ne cesse de miner tellement il est arrivé de façon culpabilisante. D'une facture soignée, le fouillis des scènes jetées pêle-mêle gêne un peu par son côté naturaliste flirtant avec le trivial. Toutefois, quand on fait le compte des émotions traversées par le réalisateur (le bonus du dvd y aide amplement), c'est tellement universel, bien interprété aussi, que l'adhésion l'emporte sur les petites réticences de départ.
  • QUAND TU DESCENDRAS DU CIEL (2002)
    Note : 16/20
    Encore un petit bijou sorti en 2003 passé inaperçu ! Découvert en dvd en 2007 : après l'incident "Malodor", curieuse résonance ! Un jeune paysan quitte les jupons maternels, deux jumeaux (ressemblant aux Dalton à s'y méprendre) et son décor sécurisant de la ferme où il travaille, il a des dettes et mise sur le travail en ville... Gentil, pas que des bons sentiments, c'est brusque, avec une certaine crudité, non sans rappeler Bertrand BLIER parfois. Des vérités dures à admettre (fausseté du maire pour plaire à ses électeurs, femme à l'embonpoint ulcérée par une plaisanterie, stagiaire-journaliste reportant à un rédacteur suffisant, clochards souffrant du froid et du mépris, mais pouvant aussi en profiter largement...). Quelques maladresses dans le dosage des situations, ce qui peut froisser, ou représenter un charme supplémentaire. Beaucoup aimé la petite musique "bienveillante" et la couleur des images, ce filtre jaune/orangé qui réchauffe l'ensemble et fait "péter" bleus et verts, la fraîcheur générale... Ce cinéaste est bien intentionné. Il invite à se ressaisir avant que ça dégénère encore davantage. Non qu'il ait des solutions, mais on peut saluer cette bonté consistant à alerter ses compatriotes sur la folie d'une société à deux vitesses.
  • LE FILS (2002)
    Note : 18/20
    Avec leur caméra ultra-légère portée à bout de bras, les Frères Dardenne scrutent Olivier, ce menuisier un peu sévère de prime abord, qui transmet le métier à des jeunes en difficulté sociale. Il y a du suspense dans cette intrusion au ras des faits et gestes, dialogues brefs, pas de musique du tout. Autre particularité, cette étrange ceinture évitant à l'artisan-éducateur d'en avoir plein le dos. Drôle de volte-face pour s'encombrer du meurtrier d'un des siens... Rester du côté de la vie, c'est le propre des éducateurs les plus purs, mais alors cette tension resserrée sur les personnages n'annonce rien de bon au contraire... J'ai trouvé que le jeune Francis (Morgan Marinne, dont c'est le premier rôle) incarne avec force ce délinquant enfant qui a purgé sa peine et serait apte à renaître. Il forme, avec Olivier Gourmet, le tandem apprenti/patron que le boulot oblige au respect mutuel : de l'application, de la discipline, le métier met en valeur les hommes... Mais voici quelques détails sur le meurtre, cet instant qui jette toujours un froid... Les jours passent, à l'occasion de trajets dans la région, la fibre père-fils semblerait se déplacer par pulsions, comme si l'instinct était plus fort que la raison ou le souvenir. A les voir complices, à l'épreuve ou concentrés sur leurs planches, deux murés qui se comprennent... Qui sait, toutes choses restant relatives, si le fils légitime, dans le noble travail du bois, aurait approché cette grâce avec l'adulte, j'en suis venue à me le demander !
  • OPEN HEARTS (2002)
    Note : 19/20
    Les balises du "Dogme" pouvaient laisser croire à une limitation des effets pour cette série de secousses signée Suzanne Bier,l'adorable coupeuse de cheveux en quatre du cinéma nordique. Une tritureuse de poisses comme si elles nous arrivaient ici-même dans notre existence ballotée mais qu'on suppose exempte du pire. Tout sonne vrai, franc du collier et sans jamais outrepasser le supportable à l'image. On est mis en situation et on finit par admettre qu'on ferait à peu près la même chose... Sauf que ça ne peut pas, ne doit pas, nous arriver. Assez tendre comme regard mine de rien, la cinéaste se tient à distance malgré la caméra fichée sur les situations, et point de morale ou alors celle qu'on se forge dans l'intimité des tréfonds, s'il te plaît la vie, tout mais pas ça. Une lumière chaude sur les visages dans les intérieurs,les occupations banales et, loin en dessous, la glace des reniements. Solitude de l'individu tenu de rebondir et tant pis si la cruauté prévaut. Actrice principale ainsi qu'épouse larguée très marquantes, la petite Stine déchirée. Les hommes piégés dans leur rôle de jouer facilement double, n'en jetez plus... Le comble est que c'est d'un bout à l'autre délicieux par l'étrange envie d'en profiter que cela procure.Quel talent! .
  • YOUNG ADAM (2002)
    Note : 17/20
    Toujours agréable en 2009, grâce au dvd, de se laisser dériver sur, dans et aux abords de cette péniche appartenant à une dame à l'expression rude dans son genre, elle devient pourtant l'attraction irrésistible (sur fond de noyade d'une autre femme "en pettycoat")... Se superpose le flash-back d'une liaison qui s'avéra houleuse... Ewan Mc Gregor incarne ce "Jeune Adam", le specimen des "oiseaux de passage" dans les trajectoires féminines, il ne s'embarrasse jamais, aujourd'hui ici et demain le sac sur l'épaule, bye-bye. Mais coupable ou pas coupable pour ce fait divers ? Voilà une scabreuse histoire écrite par un écossais des plus tourmentés disparu aujourd'hui (Alexander Trocchi)... Les dernières scènes atteignent une intensité dramatique qui fait s'agiter sur son siège... En parallèle, on vit une belle balade dans la campagne britannique, avec cette succession de plans toujours impeccablement amenés, dans un déluge d'ombre et de lumière parfaitement accordé au sexe, une fois admise que l'inconfort physique fait partie des fantasmes des personnages). Côté bande-son, elle distille juste ce qu'il faut pour qu'on s'attache à l'escalade qui fait froid dans le dos quand on y repense. Un thriller de grande valeur datant de 2002, fort méconnu : on peut le trouver lent à l'allumage, court côté action.. Ah, cet emballement collectif à se restreindre à une attitude afin de punir dare-dare le premier tombant sous la main ! Dans les années cinquante, la peine de mort sévissait encore largement en Europe ! .
  • VENDREDI SOIR (2002)
    Note : 18/20
    L'envoûtement bien réel et immédiat entre ces voitures filmées très finement dans leur façon de cahoter entre chien et loup peut rappeler des fulgurances avec l'inconnu d'un soir qui sommeille en chaque femme... Alors, était-ce du temps de l'autostop pour aller au bal ou en revenir ? Ou bien après avoir dansé, sans même échanger une parole ? Serait-ce encore possible depuis 2002 de se laisser aller ainsi dans une parenthèse tacite parce que, dans le cadre d'une grève générale où chacun(e) chamboule ses programmes en toute liberté, tout simplement on se plaît ? Autant de questions que Claire Denis invite à se poser. Certes, on peut toujours dire "c'est rien que du c... finalement". Sauf que la dame filme différemment, avec plus de tendresse que les as du porno, tellement plus de finesse, ces yeux interrogateurs, cette petite poursuite entendue. Elle filme son duo d'acteurs comme des rescapés des temps modernes. Ils ne se doivent rien. Ainsi, j'ai trouvé adorable qu'il soit encore un peu endormi au petit matin, et pourtant toujours aussi câlin, à cent lieues de ces prédateurs repus reprenant pied avec le bassement matériel. Sans doute faut-il s'appeler Vincent Lyndon pour incarner cette délicatesse dans l'adieu. Valérie Lemercier surprend dans ce rôle de femme qui s'en paie une bonne tranche. Pas étonnant qu'après ses mines résignées, elle se sente soudain légère, pleine de forces nouvelles ! Ô temps, suspends ton vol.
  • DANCER UPSTAIRS (2002)
    Note : 18/20
    Abrupte introduction, qui incite se frotter les yeux tant il faut ingurgiter alors que c'est montré comme limpide. Est-on bête, de mauvais poil ou mal réveillé ?... Non, on mérite ce film, enfin il est construit de telle sorte, le dvd s'avère précieux pour remonter la mécanique, faire partager une pertinence pas si commune ! Le début vous empoigne, fascinante mise en scène, choix d'acteurs attachants d'office, énergie, variété d'ambiances, des dialogues très informatifs, tendresse et cruauté mêlés, tout cela déballé par rafales séduit... Dédale narratif éprouvant sur des situations familières, c'est contradictoire. Derrière la caméra, se devine une personnalité lucide, affectueuse sous ses dehors en veux-tu en voilà. On en arrive à se dire que ce type à regard oblique (Javier Bardem) calqué sur les déroutantes façons du réalisateur en interview, va nous amener le truc qui terrasse... Surtout que se précise la danseuse (Laura Morante) entrevue par petites touches avares jusque-là. Le premier ballet derrière elle jure avec sa grâce globale, pas pour rien certainement... Les fusées éclairantes se multiplient sur la dernière partie, récompensant le spectateur au centuple. Au diable donc cette impression d'être largué ! C'est un film difficile, le premier de Malkovich. Il aborde l'engagement politique que vient troubler l'aimantation mutuelle homme-femme. Ici dans le terrorisme d'Amérique Latine (l'occasion de regarder d'un peu plus près les aléas des dictatures de ce côté-là du globe). Pertinence et charme fou habitent ce film riche de paradoxes, j'en redemande !
  • IN AMERICA (2002)
    Note : 19/20
    Les deux petites soeurs portent le film, secondées par papa et maman dans des alternances de retenue et d'émotions dont nous découvrons peu à peu l'origine longtemps édulcorée par la magie E.T... Résultat d'un vécu de Jim Sheridan transcendé en une direction d'acteurs époustouflante d'humanité, on peut en juger "sur pièces", les larmes gagnant même les cuirs les plus patinés, et le vérifier par les bonus. Une douleur au demeurant amortie, qui ne cesse de remonter par éclairs... N'empêche, on s'amuse aussi beaucoup dans cet immeuble de Manhattan parce que la vie tire à elle la couverture. Toujours mené au plus près des situations, avec juste quelques approches tout en douceur sur ce qui revient bloquer. Famille irlandaise bien attachante échouée dans un milieu où chacun survit à sa manière, au besoin en le payant au prix fort. Rarement petite fille n'a été aussi vraie au cinéma que cette gaffeuse de service Ariel (Emma Bolger), minois et caractère "nature" (un souhait, la retrouver dans d'autres histoires même grandie !)... Les séquences autour de l'homme qui crie ou cet autre assis au bas de l'escalier peuvent surprendre, vite considérées comme traverses pour amener le pourquoi du film, un parcours d'exilés en reconstruction doublé du lien-parents soumis à rude épreuve. Vraiment dommage qu'aucune distinction ne soit attribuée à Sheridan pour cette oeuvre plutôt exceptionnelle !
  • LA PIANISTE (2001)
    Note : 16/20
    Il est des actrices qui donnent envie d'aller très loin dans l'anormalité. Charlotte Rampling ou Isabelle Huppert en font partie. Très inspiré par la monstruosité sexuelle à la limite du vampirisme, résultat d'un lien à la mère très tourmenté, Haneke visite une nouvelle fois le registre psychiatrique qui lui arracha l'insoutenable "Septième Continent". Mettre en plein soleil son coeur ou son c... c'est pareil" chantait Brassens. On coule à pic dans les tréfonds du fantasme au féminin. Le scalpel du chirurgien dans la tripaille. Même si ces penchants malsains existent, une telle descente aux enfers plombe le personnage central et fait qu'on supporte le film une fois mais sans doute pas deux.
  • JE RENTRE A LA MAISON (2001)
    Note : 15/20
    Un défaut qui peut décourager tout de suite, mais c'est souvent la faille de Manoel de Oliveira : long, notamment les tirades théâtrales (qu'on peut abréger en dvd), baîllez donc un peu, mais ne décrochez pas car le texte déclamé, les ombres en coulisse, amènent une descente en flèche. A la réflexion, un ensemble assez grandiose que ce paradoxe entre le jeu de comédien sur la vie et la mort et un TRIPLE deuil "pour de vrai" d'un seul coup d'un seul... De quoi faire une apoplexie... Donc, après une demi-heure, c'est beaucoup mieux avec Piccoli s'efforçant de s'habituer, et tout cela sans un flash-back sur les disparus... Beaucoup aimé les petites scènes, grand-père et petit-fils téléguidant leurs bolides, solitaires à place préférée au café parisien, les chaussures neuves pour rester debout, avec l'insistance de la caméra sur le pied droit et sa chaussure flambant neuf puis, plus tard, ces vieilles pompes noires d'avant.. Autre aspect instructif de ce film : les coulisses du grand ou du petit écran, tous ces rôles ingrats à apprendre dare-dare, là aussi on est donc "aux pièces" (exigence du metteur en scène joué par Malkovitch, intervenant mécaniquement, au mot près) un rappel que le métier d'acteur comporte les mêmes écueils que le business !
  • LAISSEZ-PASSER (2001)
    Note : 14/20
    Des moments très émouvants, je pense à ces petits terrifiés pendant les alertes et qui pleurent toutes les larmes de leurs corps... On assiste donc aux prouesses des professionnels de "La Continentale", dirigée par l'Occupant : ou comment réussir à forcer le respect du maître des lieux et des financements sans trop se compromettre ni se rebiffer. Bertrand Tavernier préfère retenir que les Français, dans cette difficile période, acteurs, tout autant que scénariste ou réalisateur faisaient leur métier au mieux, en laissant de côté un possible "fayottage". Il s'arrange pour que les autorités allemandes soient beaucoup moins irascibles à la fin qu'au début... De jolies scènes entre les couples, ces dames apportent chacune leur piquant aux deux passionnés de cinoche, à l'origine du film qui se tourne vaille que vaille. Des instants lugubres alternent avec l'endurance du cycliste réalisant un nombre de kilomètres humainement héroïque ! En zone occupée ou en zone libre, c'est l'occasion de rencontres sur la route, des accalmies, des retrouvailles, on rit et on s'amuse dès que l'occasion se présente et il y a ce petit trip en avion, le clou du film : dommage que l'ensemble soit beaucoup trop long et foisonnant pour maintenir l'intérêt du spectateur moyen : c'est sans doute davantage réservé aux professionnels du cinéma.
  • UN HOMME D'EXCEPTION (2001)
    Note : 12/20
    Assez bien filmée, cette retranscription d'une histoire vraie aurait pu être palpitante avec un message clair concernant la trajectoire de John Forbes Nash. Et pourtant les acteurs font ce qu'ils peuvent ! On est loin de l'émotion ressentie par "Rainman" par exemple. Le réalisateur s'évertue à appuyer sur l'anormalité de ce prodige en maths isolé de ses camarades étudiants (il a des copains quand même, et un confident !), déclare ne pas vraiment aimer son prochain, lequel le lui rendrait bien. Compétition de l'école oblige, il faut se trouver un créneau pour décrocher une palme quelconque, "exister". Redoutable pour les caractères concentrés sur leur marotte... Vient flotter une culpabilité de bon aloi, la difficulté à mettre les formes avec les filles, et puis cette fixation sur le colocataire avec sa nièce orpheline, le refus de pardonner (un peu gros !)... Détestation des faux-semblants du collectif et refuge dans des décryptages à l'origine du mal pour moi... Le solitaire idéal à enfermer dans des missions secrètes. Prodige ou fou, deux entités qui se confondent après ce sinistre et seul emploi de John Nash, à présent étiqueté "schizophrène paranoïde" parce qu'il l'était en puissance... Hum ! Pour moi, la dépression s'amorce quand l'homme est utilisé par le Pentagone, rôle ingrat d'espion sous le McCarthysme, avec ce choc émotionnel dans la voiture lors de la poursuite. Ajoutons le séjour à l'asile, la série d'électrochocs étant l'apothéose : sans cet engrenage, le gars restait un original, juste un peu carapaçonné, mais sans le délire hallucinatoire qui s'ensuit (très difficile d'ailleurs de démêler l'écheveau entre vrai et faux !). Le film force sur le compassionnel de manière à ménager le politique, grave erreur. Il est de bon ton de pleurer en découvrant ce Prix Nobel remis en 1994 à grand renfort de protection de l'épouse. Je trouve que c'est prendre le spectateur pour un gros niais.
  • LE FAISAN D'OR (2001)
    Note : 16/20
    En noir et blanc et son mono (faute de moyens), cette Montgolfière 2002 au Festival des Trois Continents a été projetée une nouvelle fois à Nantes ce samedi 29 novembre 2008 (en parallèle avec le dernier Marat Sarulu de 2008 intitulé "Chant des Mers du Sud"... Premières prises de vue, des gosses gobant avec délice des perles de rosée sur... je crois bien de l'aubépine ! Lâchés dans la nature, ils jouent et se mesurent, le plus grand commence à avoir des fantasmes, et on craint déjà pour le plus petit (nous autres occidentaux dirions vite "mais où sont donc les parents ?"). A part les coins encore boisés où oiseaux et poissons batifolent, le paysage a beau être La Route de la Soie, il y a de quoi se morfondre... Tous les espoirs sont donc dans le train que ces rêveurs espèrent stopper en posant quelques cailloux sur les rails (vite réduits en poudre !). Certes teigneux entre eux, vite émerveillés aussi, des poussins attendant un déclic quelconque... Mais voici, tout à trac, que la caméra bifurque vers les voyageurs de ce Transsibérien se faisant attendre : scènes de tracasseries du monde adulte, projections sur les enfants qui grandissent, hargnes de couples aussi, enfin à peu près tout ce qu'on ne formule qu'en cas de sérieuse attaque de nerfs... Peu habituel de voir l'intimité masculine déballée ainsi (les dames les plus retenues dans la salle ont souvent pouffé !)... Pire encore, une bande de gros malins s'acharne soudain sur le plus attachant de tous, un calme dessinateur... Ejecté du tortillard en pleine vitesse, il a peut-être perdu une chaussure mais les gosses échoués sur le bord du rail lui doivent une fière chandelle ! A déguster comme une curiosité, en pardonnant la fragilité du support (rudimentaire, donc fatigue à prévoir) rien que pour la liberté en germe du cinéaste, qui s'est bien affirmée depuis.
  • THE BARBER : L'HOMME QUI N'ÉTAIT PAS LÀ (2001)
    Note : 17/20
    Somptueux noir et blanc en plans larges, photographes et cameramen, vous auriez tort de louper cette oeuvre réputée lancinante... Pas tant que cela d'ailleurs : on alterne des peignes et rasoirs à la quiétude du pavillon de banlieue sous la brise printanière, avec ce type retenu, une bonne gueule, mais alors, l'enthousiaste par excellence !... Un drame à retardement se mijote, car il est question de trahisons qui ne pardonnent pas... Avec tellement de signes annonciateurs, la marque implacable des Coen que le pire, bien qu'il prenne son temps, va se pointer, par paliers ici, la scène pour garder le film en mémoire est bien cet enjoliveur roulant au ralenti dans les hautes herbes... Présents dans l'escalade, Billy Bob Thornton, flegmatique à hurler, Frances Mc Dormand bien empêtrée (épouse à la ville de Joël Coen) et Scarlett Johansson toute jeune, en pianiste déroutante, avec ce morceau de Bach, part lancinante du film... Plaisir toujours très vif aussi de retrouver une fois de plus le tandem Michael Badalucco en coiffeur pipelette et Jon Polito en truand à perruque... Quelques longueurs si on le voit une deuxième fois (un défaut des Frères Coen)... Mais si vous le découvrez, l'esthétique, le suspense, procurent de quoi s'armer de patience.
  • SE SOUVENIR DES BELLES CHOSES (2001)
    Note : 16/20
    Faire se côtoyer deux êtres insolites, dont l'un va retrouver la mémoire et l'autre la perdre toujours plus. Pari risqué. Et tenu grâce à Bernard Campan, Isabelle Carré et Bernard Lecoq, Zabou Breitman aussi, à la fois réalisatrice et comédienne (ici en psy serrée de près par le directeur du Centre). On est à la limite du trop-plein d'émotions du spectateur pourtant avec le survol permanent de tous ces "cas" à traiter, pétages de plomb inclus, mais enfin, pour peu qu'on accepte de s'y pencher, il faut pouvoir seulement : sujet ardu, embarrassant que ce malaise d'autrui étalé. Voici un duo d'amoureux de la dernière chance, certes miraculeux mais vertige assuré de par son issue cruelle... Bernard Campan un peu trop "répandu" parfois, à la différence d'Isabelle Carré au regard céleste, excellentissime dans le registre de la femme qui s'évapore tout en s'armant de repères, retarder l'échéance, une malade à phases critiques, mais réfugiée dans une forme d'organisation, j'admets que c'est difficile de se projeter soi-même dans cet état régressif, ce peut être... répulsif. D'autant que Zabou Breitman ne nous fait grâce d'aucun détail intimiste, forte de son idée de privilégier le sentiment (toujours son défaut d'en faire des tonnes à ce niveau). Les retours de lucidité après que la mémoire a omis les détails les plus vitaux, sauve qui peut, ça donne envie d'aller à la pêche tant qu'on a toute sa tête ! Beaucoup d'ouverture que cette volonté d'expérimenter large : côté encadrement, prendre sur soi la protection de ces deux épaves, leur faciliter un bonheur temporaire en se disant que ça se passera pour le mieux... Domaine réservé là aussi. Au fond, c'est une intrusion pleine d'audace dans l'univers secret des soignants, approche frontale des têtes dérangées, en progression comme en rémission, concertation d'équipes, désaccords, butée de l'autorité, quand lâcher du lest, etc. Un univers qui dérange par sa complexité. D'où (déjà en 2001 !) l'importance des structures à taille humaine (hein, si jamais ça nous arrivait...), octroi de moyens financiers suffisants sans obsession de chiffre. Film débordant hors du cadre réservé. Il permet (dans la France de 2009 notamment), de réaliser l'étendue de mauvaise foi ultralibérale dans sa mise à l'index de toute déviance en faisant dans la répression plutôt que dans le soin.
  • L'ÂGE DE GLACE (2001)
    Note : 19/20
    Le dvd en version originale sous-titrée convient parfaitement à ceux qui ne se précipitent pas de gaîté de coeur dans les salles pour "seulement" des films d'animation (avantage, ils gardent une relative "virginité" quant aux prouesses techniques ou aux thèmes rebattus). Délicieuse entrée en matière que cet écureuil et son gland sur la glace. Ce qui accroche tout de suite est la causticité du monde décrit. Gag sur gag, mélange de caricatures animales, des fables de La Fontaine, à "La Vie des Bêtes" de Reiser mâtinées d'un zeste de Tex Avery avec la rondeur de Disney... Aucun ennui, aucune fatigue. C'est très expressif, les dialogues brillent par leur efficacité. Les scènes accélérées bénéficient d'angles différents pour qu'on se croit "en vrai"... Après les travaux d'approche, on suit ces grands benêts et leur bambin aux gazouillis piochés chez de vrais bébés. Premiers pas, hommage aux fossiles dans la grotte, Mammouth en arrêt, du grand spectacle pour les groupes humains aptes à faire une trêve tous âges confondus... Un travail d'équipe s'adressant peut-être plus aux adultes qu'à la jeunesse du fait des subtilités humoristiques. A consommer jusqu'à plus soif, Ô combien en 2009 où on cause environnement à tous les menus... Les thèmes sont usés, mais peu importe si leur traitement amène l'inquiétude, le frisson, qu'on rit et qu'on pleure même, alors qu'il s'agit seulement de dessins ! En réalité, de savantes images de synthèse honteusement négligées au plan des récompenses, c'est vrai qu'en 2002 on n'osait encore pas.
  • CET AMOUR-LÀ (2001)
    Note : 15/20
    Imaginer Marguerite Duras vieillissante dans les aspects les plus triviaux du quotidien, il fallait Jeanne Moreau pour incarner pareil phénomène : craquante grâce à sa littérature, toujours un peu avinée... et tellement rosse ! Le jeune fan qui a failli se supprimer dépasse ici la ligne jaune de la dignité, devient "la chose" de Madame, à moitié son tendre (et un peu pot de colle) enfant, son amant de quelques fulgurances sans doute. On en déduit que cet épisode a dû les remuer tous deux, qu'on s'attache bêtement à force de se connaître quand on clame un peu trop fort que c'est mieux de vivre seul... Peu de citations grandiloquentes, des dialogues plutôt plats... On sent l'usure de la dame qui jette l'éponge face à l'incommensurable misère humaine, l'inexpérience de l'admirateur, ce qui donne envie de connaître le livre de Yann Andréa, le vrai jeunôt entiché de la romancière. Par-dessus tout, dommage qu'il y ait à se colleter en cours de route ce "Capri c'est fini" appuyé à l'excès ! .
  • OUI MAIS ... (2001)
    Note : 16/20
    Le titre reste en travers, comme la musique de début et de fin, à voir le dvd de ce film sorti en 2002, on s'attendrait à un navet, à moins d'avoir repéré la distribution... Accroche impersonnelle donc, contrairement à la démarche, d'utilité publique ! Une audace de cinéaste qui peut fâcher les vrais psys (interdit par la déontologie de rappeler un patient) !... Tant pis et même tant mieux car, grâce à la bonhomie de Jugnot face à Emilie Dequenne en ado pimbêche, le spectateur peut, s'il n'est pas trop atteint, élaborer quelques astuces pour améliorer ses échanges. Ou avoir au moins de quoi comprendre "les mécanismes de défense inconscients qui empoisonnent l'existence". Un ensemble plaisant, aux dialogues bien enlevés. Les recoupements d'attitudes et l'analyse qui en découle, toujours sur le mode ludique, sont aptes à alléger de bien des poids dans les chaumières, et sans l'ombre d'un denier versé à un soignant ! Autre point fort, les explications claires : je pense à ce saut dont le spectateur est prévenu de la simulation en un tour de passe-passe, un quart de seconde à l'image, une délicatesse rare par ces temps d'enchevêtrements visuels lourds à décrypter !
  • SALVAJES (2001)
    Note : 16/20
    Projeté au festival espagnol nantais de mars 2010. Si en 2001, ce film frôlait le grand-guignol par excès de noirceur, il passe peut-être mieux aujourd'hui que le stress est devenu une seconde nature ... Une fois la rudesse d'ensemble admise, j'ai bien aimé "le fond" en forme d'avertisseur concernant cet "autre", que les économies vacillantes exhortent à affubler de tous les maux comme si colonisation, esclavage étaient dans l'ordre des choses. Certes, des maladresses à vouloir trop appuyer le propos, je pense au documentaire final bizarrement plaqué sur la fiction, mais c'est quand même assez bien enlevé si on l'entend comme un polar (caricatural du réel)... D'autant que Carlos Molinero filme bien et a le mérite d'alerter sur ce qui peut déferler à toutes époques sans prise de conscience suffisante. Grâce à la vieillissante mais encore très attirante Marisa Paredes en infirmière et son patient machiste irrésistible, il est possible de gommer le néo-nazisme et autres dérapages d'un inconfort total.
  • CHERE MARTHA (2001)
    Note : 17/20
    Toujours réconfortant ce dvd avec sa lumière dorée et ses bons petits plats. Une jolie histoire qui fait voyager dans la cuisine en ramenant constamment une mélodie de Keith Jarrett dont je ne saurai me lasser. Bien supérieur à un téléfilm du dimanche soir, car la caméra a su magnifiquement approcher à travers un quotidien "tout sauf glamour" deux êtres fracassés en-dedans. Merveilleux restaurant tel un soleil dans une ville allemande plombée par l'hiver. Martina Gedeck et Sergio Castellitto en froid du nord contre Italie torride... Perdre une soeur et héberger sa toute jeune nièce en catastrophe : on suit cette femme embarrassée, obligée de se durcir pour tenir... Des trajectoires de survie, une description très juste de ces instants où tout semble inscrit dans l'à peu près vers une forme de déshumanisation. Et soudain la magie d'une complémentarité avec toutes les étapes qui la rendent incontournable.
  • LA FOLIE DES HOMMES (2001)
    Note : 18/20
    Les catastrophes de ce type existeraient encore. Décevant donc que ce thriller sorti en 2001 n'ait récolté aucune distinction. Trop anxiogène dans le mauvais sens du poil... L'intérêt est tenu de se focaliser sur les prestations Serrault-Auteuil-Morante. Nions cet accident, il ne peut plus se reproduire ! Si l'on mesure le degré d'emprise des lobbyistes de 2012 ces procès de multinationales qui traînent), possible d'y trouver écho hélas ! Ce vertige en haut du pont d'abord, défi à la nature, oublions les sacrifiés sur l'ouvrage surtout (une quinzaine !). La manière d'appeler l'inéluctable, par à-coups, le collectif pressent, ne veut pas voir... C'est un thriller architectural qui a exigé moyens et minutie pour égaler son témoignage journalistique. "De tous les ouvrages construits de main d'homme les barrages sont les plus meurtriers", parole de l'ingénieur décédé 6 mois après la catastrophe de Fréjus en 1959 également mentionnée dans ce film. Depuis, des dispositifs de protection par les autorités séviraient, probablement fragiles face aux tenants du marché autoproclamés maîtres du monde. A retenir que si la rupture d'un barrage est réputée progressive, perdre la face est de tous temps mortel... Ce film édifie sur les détails camouflés de l'entre-soi, sur l'interdit d'objection qui régit la compétition aux générateurs d'emplois et génère les troupeaux dociles. Les peines plus ou moins purgées par les décideurs ne peuvent faire oublier quelques 2 000 innocents rayés de la carte !
  • LES AUTRES (2001)
    Note : 16/20
    16,5/20 : Entre Hitchcock, Kubrick, Tarkovski, oscillation lumière-ténèbres, brrrr.... C'est la manière de diluer qui désarçonne dans la virtuosité globale d'Alejandro Amenabar. L'enfer où entrerait régulièrement un petit coin de paradis, qu'on reste danser d'un pied sur l'autre à la porte grinçant sur ses gonds, c'est entendu. Large part à l'intendance quotidienne, une Nicole Kidman vampire malgré elle, deux enfants en voie d'extinction dont le garçonnet cultivant déjà l'humour macabre... Si le fond de l'histoire distille le mobile féminin de la réclusion, la dérive vers le fantastique de début et d'issue ne va pas de soi à moins d'en rester au stade du conte pour enfants. D'où admiration réflexe mais sourire dubitatif persistant après le film... Ces ombres venues faire leurs trois petits tours auraient peut-être gagné à virer burlesques pour que le plaisir soit total.
  • STAND-BY (2000)
    Note : 16/20
    En découvrant ce film en 2008 sur dvd, je me suis dit qu'il vaut encore mieux se faire abandonner une bonne fois dans l'adolescence plutôt que d'y croire sur des années et d'être plaquée ainsi, après les épreuves supposées rendre le couple indéboulonnable... Passée la stupeur, l'histoire aurait un rien de "La Fiancée du Pirate" de Nelly Kaplan, par sa morgue, le cynisme nécessaire, celui qui permet de revenir à soi. Magnifique prestation de Dominique Blanc et de Roschdy Zem, savante descente aux enfers ! On peut dire que cette femme a eu chaud !... Etrange comme le mari de retour a pris quelque chose de notre Bigard national qui fait que le surplace à Orly (aéroport-refuge très bien filmé !) passerait presque pour vertueux !
  • DRÔLE DE FÉLIX (2000)
    Note : 16/20
    Sans ses cachetons conscieusement avalés, on pourrait le taxer de gros naïf ce jeune Beur, quelques critiques ne s'en sont pas privés, mais je les trouve rosses : Félix a une conscience plus aiguë que la normale, il va opter pour l'intensité tous azimuts car il se sait grignoté de l'intérieur. D'autre part, ce film agréable mais sans trop d'états d'âme non plus, prend une toute autre tournure en 2007, de par la création du ministère de l'immigration, il y a un passage avec l'actrice Ariane Ascaride, où l'on retient son souffle, par empathie pour Félix et pour l'acteur Sami Bouajila qui l'incarne, porter plainte quand on est témoin d'un meurtre parce qu'on passait par là, il est des cas où la conscience s'y refuse... Joli symbole de liberté que ce cerf-volant donné à un pêcheur du dimanche pour "se supporter" lui-même, à lui seul, il peaufine la reconstruction du jeune homme. Hétéro ou homo, chacun peut trouver sa place dans cette virée déconcertante, et même y trouver du fortifiant.
  • ERIN BROCKOVICH (2000)
    Note : 16/20
    Connotation différente en 2008 par rapport à 2000 où on pouvait encore croire à l'éthique du monde des affaires. La plastique de la belle sauveuse mère de trois petits pour avoir cru au mariage, ou la joute de démarrage avec cet assureur subjugué mais marié, sont des poncifs certes gonflants, ça sent bon l'américanisme racoleur sans lequel le film ne peut "impacter"... Voisin à moto disponible et consommable, il va garder les enfants, à noter surtout la petite dernière attendrissante, passant de bras en bras... Derrière ce folklore, le sujet serait plutôt "tendance", une ex-reine de beauté décidée à user de ses appas à travers une cause (pour la petite histoire, la vraie Erin Brockovich, énergique en diable, était à l'époque tout aussi tapageuse côté accoutrements si l'on en juge par le complément dvd)... Démanteler une multi-nationale créatrice d'emplois mais qui propage des cochonneries dans les sols, mission de haute voltige ! Bien dans l'air de la mondialisation où l'individu est responsable de sa santé, les Etats de plus en plus désengagés, l'Assistance Publique un souvenir. Avec une sécurité proclamée, le fameux "c'est bon pour vous" mais sans l'ombre d'une preuve à l'appui. Seuls les assureurs non véreux font espérer le pognon qui adoucit les pires préjudices, cancers, morts... Cette incroyable intimidation des personnes prises une par une, l'audace pouvant seulement venir du nombre... Des dossiers en béton afin de contourner les sabotages inévitables. Erin Brockovich, hormis ses tenues affriolantes, incarne l'intermédiaire sachant se mettre à la portée d'autrui. Cette question de chromes à toxicité variable fait songer au scandale de l'amiante, ou au tabou nucléaire, pour ne citer que les exemples les plus en vue !
  • EUREKA (2000)
    Note : 17/20
    17/20 si on découvre ce film en deux fois afin d'éviter la fatigue qu'immanquablement 3h37 occasionnent. Mais 16/20 si je l'avais vu au cinéma d'un seul tenant, il y a une limite à la tension nerveuse sur pareil sujet... Dommage en effet que le très créatif cinéaste Aoyama Shinji et son excellentissime chef opérateur Tamura Masaki, éreintent ainsi par leur entêtement à repousser toujours aux fins fonds... le fin mot : je reste convaincue qu'ils pouvaient en suggérer autant en écourtant bon nombre de plans, aussi magnifiques soient-ils... A part ce côté "supplice", c'est une merveille de subtilité, et qui tient aussi du western, donc en même temps, un divertissement, moyennant quelques précautions vis-à-vis des enfants peut-être... Quoique ce soit un médicament pour les grands traumatisés en général, et peu importe leur âge. Comme les oeuvres d'art sans prix, on est remué, agacé, envoûté, on en reste baba longtemps après la projection. Toutes les facettes de la condition humaine défilent sous nos yeux et pour la postérité, enfin, on a l'impression d'avoir été bien décortiqué. Interprétation sans faille, c'est aussi une analyse de la toux d'irritation, ce révélateur que quelque chose coince... L'achat du dvd est un placement assuré sur le long terme, à visionner comme un feuilleton, en plusieurs soirées au besoin.
  • LE CHANT DE LA FIDELE CHUNHYANG (2000)
    Note : 14/20
    Cela a beau être une merveille picturale, je continue à nourrir une allergie à l'arrière-plan litanique, en droit fil du "pansori" (tradition orale musicale coréenne), sorte de théâtre chanté, dans le genre monocorde de vieilles voix, interminable... L'action se situe en pleine féodalité coréenne, on va passer d'un régime jugé modéré à la tyrannie dans ce qu'elle recèle de plus cynique. Il faut donc affectionner les fables, la tradition populaire, les rituels collectifs, pour vraiment adhérer. Mais on peut aussi se contenter de la beauté des plans (architectes, historiens, décorateurs...). Possible qu'une fois les beaux paysages visités, l'intrigue nouée, le couple identifié, on s'attarde encore sur les étoffes, la délicatesse du déplacement d'objets, toujours à grands renforts de commentaires récités sur le même mode... Ultime recours sur le dvd : accélérer, en privilégiant l'avancée de l'intrigue, cette dernière héroïque, bien plus gratifiante que notre Roméo et Juliette occidental... Un titre difficile à retenir, la scène autour de la balançoire résumant à elle seule la difficulté de braver les usages reste gravée, commode pour resituer le film.
  • O' BROTHER (2000)
    Note : 17/20
    Toujours avec des obsessions du même type, une autre variante de la vision "Coen" de l'Amérique du Nord rurale. Impossible de prendre au sérieux le périple de ces lurons, hormis peut-être la question des travaux forcés à dominante noire ici, qui semblerait en dire long... Cavaler ainsi enchaînés reste un exploit en revanche ! Bons coups de griffe des campagnes électorales locales au passage, tous ces palabres ont un fond de vrai encore aujourd'hui... Pour le reste, c'est un voyage plein de surprises (bévues et traîtrise présentée comme la grâce, je pense à ces trois naïades et leur philtre magique)... S'endormir pendant les accalmies ou craindre de basculer dans le vrai drame... Ce serait oublier les gags Coen, souvent à contrepied des poncifs : les trois larrons deviennent vite des anti-héros plus ils se connaissent, l'épouse à six rejetons du gominé de service, "compte jusqu'à trois", sûre de se faire désirer, et sans être une bombe... Quant à la musique avec sa part d'ironie sous le solennel, elle permet tous les luxes !
  • RAIN (2000)
    Note : 18/20
    Une Nouvelle-Zélande torride... Très dérangeante sous ses dehors de clip publicitaire, attention, si le rythme est celui des vacances en bord de mer avec quelques débordements du style soixante-huitard attardé, c'est un scénario qu'on peut qualifier de "traître"... Familles lisses ou enrégimentées, pour vous, cette histoire sera la rançon des ambiances trop permissives, vous direz "voilà c'que c'est que de trop se relâcher devant les gosses"... Vite dit ! Peuvent s'y retrouver : les enfants affranchis de parents plus sur la même longueur d'onde et qui en ont fait les frais, les foyers en deuil brutal, les adolescents pressés de devenir grands tout de suite, les père et mère dont l'un(e) se sent pris au piège de la corde au cou un peu trop serrée... Points forts : le suspense, la réserve du papa largué (un homme qui serre le coeur à baisser ainsi les yeux en silence), les scènes de jeu entre la grande soeur et son poids plume de petit frère (vraiment délicieuses, et on mesure à quel point le petit est en quête de chaleur humaine quand tout bascule). Point faible : l'alcoolisme sous la forme festive répétée, cette caméra voyeuse à bon compte, je pense aux danses en solo où on prend des poses alanguies, la parade amoureuse de l'animal sûr de sa superbe... Eléments féminins très exposés par rapport au jeune homme qui n'a de compte à rendre qu'à son bateau !
  • À LA VERTICALE DE L'ÉTÉ (2000)
    Note : 16/20
    Un cinéma d'atmosphère. On est un peu surpris du réveil du premier couple pas pressé de prendre son petit-déjeuner... Les trois soeurs apparaissent peu après, aussi racées l'une que l'autre, complices de longue date incapables de se trahir. Large part est donnée à la gent masculine libre de ses mouvements, mais la communauté privilégie les apparences lisses... Ces dames vouées à l'élégance doivent donc ruser. Chahuter, pleurer un bon coup entre elles, mais en société halte-là : le réalisateur insiste beaucoup sur ce maintien féminin tout en mettant le spectateur dans la confidence, la salle sait toute la vérité de chacun des couples... Beaucoup de douceur autour du petit garçon (dénommé Petite Souris). Eclairages de peintre, chaque plan réjouit le regard, couleurs chatoyantes choisies avec minutie, presque tout se passe dans des intérieurs douillets, baignant de soleil, ouverts sur la verdure. Indispensable de s'imaginer au Viet-Nam l'été, un rythme ralenti du fait de la chaleur moite entre deux pluies torrentielles. Pathétique chant féminin, choeurs d'une grande fraîcheur à la guitare (mais horrible flûte grinçante, rappel de la féodalité d'antan) : infiniment de charme dans les tubes américains lors des intrusions dans l'appartement du frère et de la soeur. Comme le déroulement est assez décousu et que les acteurs asiatiques sont fort ressemblants, il faut bien suivre les péripéties de chaque couple formé pour être sûr de ne pas en perdre une miette. Le bonus du dvd, avec son "Mékong off", instruit sur l'ambiance de tournage avec ce cinéaste, sûrement exigeant avec son personnel mais donnant beaucoup de lui-même.
  • HAPPY TIMES (2000)
    Note : 18/20
    D'emblée, les deux attablés envahis de lumière annoncent du grabuge davantage qu'une union... Plus proche du spectateur que "Le Sorgho Rouge" ou "Epouses et Concubines", cette tragi-comédie colorée servie par des dialogues aussi percutants que grinçants accroche tout de suite. On sent bien l'imprégnation occidentale des moeurs mixée aux moeurs locales. Suffit donc que le débrouillard enveloppé et la frêle créature parachutée là se croisent (scène d'intérieur où les deux jonglent avec leur corps !). Un humour virant du trivial de départ au délicat avec des pointes de tragique jugées Zola en Chine à la sortie officielle française. Une dizaine d'années plus tard, la misère psychologique refaisant surface dans les foyers, ce film fait moins conte pour rassurer avant endormissement. C'est certes tristounet sous le propos enjoué, emberlificoté ce qu'il faut pour que la censure soit bernée... Qu'importe, la jeune fille et sa façon d'évaluer l'espace marquent autant l'esprit que par exemple "Qiu Ju une femme chinoise" du même réalisateur.
  • IN THE MOOD FOR LOVE (2000)
    Note : 19/20
    Ils sont "d'humeur à", présentent tous les symptômes, sauf que... "ceinture" ! Envoûtant chassé-croisé de deux trahis, une pépite de l'an 2000. Quelle distinction pour aller seulement acheter de quoi manger ! Ils se devinent puis s'attendent, consentent à flirter avec le vertige pour le plus grand plaisir du spectateur. Beaux du fait de leur empêchement. On plaint leurs triviaux partenaires occupés à s'user, leur histoire est autrement plus éternelle, pleine de variations musicales superposées tout naturellement aux images sans qu'il soit besoin de bavardages ou de frotti-frotta qui gâcheraient tout. On voyage dans l'univers de la jeunesse de Wong Kar Wai le virtuose, rien à jeter, c'est l'excellence. L'indicatif, cette valse aux intonations plaintives, revient serrer toujours plus le coeur, on en redemande. Une nostalgie qui réjouit comme si quelque opium immortalisait ces deux stoïques pour l'élégance bien plus que par peur de tomber dans une trappe. Ne manquent plus que des poupées phosphorescentes à l'image de Maggie Cheung et Tony Leung sur les tables de nuit des couples pour entretenir leur flamme.
  • BILLY ELLIOT (2000)
    Note : 17/20
    Sortie en salle en 2000, passage à la télévision française en 2011. Un film tous publics. Toujours aussi gracieux ! Comment gommer l'émotion de ce récit par paliers soigneusement empilés, intermèdes cocasses, pointes de tristesse, jusqu'à ce bouquet final qui convainc les plus sceptiques ! Un volet social fourni, la famille et ses drames, les grèves minières déjà à l'honneur dans "Brassed off" ("Les Virtuoses") de l'également britannique Mark Herman. Avec le recul, Billy s'apparenterait assez à Alex de "Flashdance" d'Adrian Lyne (1983), même volonté de sortir de sa condition par le domptage du corps, ici d'une façon plus naturelle, la rudesse "gym tonic" des eighties en moins. La Grande-Bretagne a connu quelques années d'embellie après le thatchérisme qui transpire dans ce film, pour régresser à nouveau comme toute l'Europe, avec ce revers qu'est la radicalisation des esprits. On peut déplorer leur foisonnement, sourire de la naïveté de certaines scènes ou trouver que le jeune Billy jamais abattu, tout en pirouettes, incarne la jeunesse par définition pleine de ressources !
  • MIFUNE DOGME III (1999)
    Note : 18/20
    Drôle d'idée de coller au "Dogme 95" du cinéma danois jusqu'à en estampiller le titre ! Sinon, c'est très plaisant à suivre, cette ébauche de famille champêtre... grâce à un mort ! Bien aimé ce faux-stoïcisme pour amener pas à pas un bonheur qu'on croirait inimaginable. Cette photo adoucie de la blondeur nordique qui gaffe, s'ébroue, pour finalement se rendre, bénéficie de dialogues qui changent de ce qu'on entend habituellement, avec des fous rires auxquels on adhère d'office. Le handicap sous l'angle de la familiarité comme dans "Rainman"... Et il y a quand même quelques baffes bien envoyées ! Mention spéciale pour les hurlements de la régulière qui ne peuvent qu'augurer de la suite, on le sait avant Kresten, que ça va déjanter... Bien sûr, on pense aussi à "Festen" dans la façon de filmer, cette forme de gravité sous le quotidien trop sordide... En tous cas, si "Mifune" n'est pas un chef-d'œuvre tant il est trivial, c'est toujours mille fois plus stimulant que n'importe quel Lars Von Trier !
  • GOUTTES D'EAU SUR PIERRES BRÛLANTES (1999)
    Note : 12/20
    Fait partie de ces films techniquement aboutis, mais au genre indéfini, sérieux ou loufoques ? Le malaise va croissant, et c'est froidement conclu... Un ensemble trompeur, cruel, je dirais presque "pour détraqués", et que ce soit du côté homo qu'hétéro, masculin ET féminin... Déjà, ces popotins qui se trémoussent sont d'un goût... Sans doute le personnage joué par Giraudeau fait-il fausse route en brandissant sa séduction comme arme suprême et en poussant les situations au paroxysme ? Admettons que le jeune influençable succombe en regard de son passé : mais que les deux femmes venues de l'extérieur, aussi nunuches soient-elles, se damnent pour le monstre, tout de même... Et même avec des acteurs au mieux de leur forme !
  • HAUT LES COEURS ! (1999)
    Note : 19/20
    .
  • RESSOURCES HUMAINES (1999)
    Note : 19/20
    Toutes les grosses hypocrisies à quoi conduit le monde de l'entreprise pour que l'individu entre dans un moule, de quelque bord qu'on se place. Et la commodité d'intercaler un stagiaire pour faire passer certaines pilules... Jouissif pour ceux qui ont morflé de ce conditionnement patronat/syndicats quand il devient absurde. Laurent Cantet est très inspiré de "La Honte", bouquin d'Annie Ernaux, il en profite pour ajouter dans son analyse la difficulté entre un père ouvrier rampant devant son patron et son fils jeune cadre émoulu. Une relation qui explose, sur fond de grève. Admirables acteurs amateurs au chômage et qui revivent leurs émotions du temps où ils y trouvaient leur identité sociale (cette larme parternelle !). Jalil Lespert, seul professionnel, incarne bien, avec sa gueule de jeunot au courant des affaires, et qui croit tout possible, le fils qui mue vers la réussite, mais sans se trahir tout à fait... La déléguée syndicale d'abord à claquer, mais soudain humaine ... Le boss et les contremaîtres comme si on y était... Franchement, c'est peut-être empreint de sérieux, ou même un peu clinique, mais en 2007, à l'heure où les 35 heures en tant que telles (au lieu de leur discutable application) sont presque considérées comme une hérésie, ce "documentaire" est un joyau !
  • L'AUTRE (1999)
    Note : 17/20
    Dvd assez inégal au plan de la mise en forme mais clair quant au message politique à l'oeuvre pendant le tournage, en 1998 ! Il faut s'habituer aux enjolivures orientales, les personnages lisses, ces rituels un peu conte des mille et une nuits avec leur mélange de voiles et de modernité hollywoodienne. Surtout si on ne raffole pas spécialement de comédies musicales. Toutefois, si on parvient à se laisser bercer en guettant au passage les piques qui affleurent, c'est une romance de longue portée, bien plus féroce que prévue. Les dernières images de ce visionnaire mondial sidèrent : fidèle à son affirmation "j'aime l'autre dans sa différence", que n'eût fait Youssef Chahine aujourd'hui !
  • UN DÉRANGEMENT CONSIDÉRABLE (1999)
    Note : 16/20
    Vu en vidéocassette en 2008 ce film de 1999. Il y a de quoi rire et s'attendrir plus d'une fois. A retenir, ces frères se retrouvant au lit à remonter leur couette ensemble, avec les anecdotes du plus gueulard des deux et le p... d'accent de banlieue qui déferlait (bouffon, bâtard !), quand on parvient à saisir leur baragouin... La mère bourrue, en manque d'affection en sort aussi de belles, la mère-grand échouée là en souvenir d'un des papas ! En prime, une astuce féminine pour se sortir d'un seul tenant des impasses sentimentales : la jeune journaliste (Mireille Perrier) ne reste pas languir dans sa chambrette. C'est gentiment mené surtout côté dialogues et atmosphère, avec ce fils obtus qui brouille les cartes, la crise vers ce curieux équilibre, le tunnel de clôture jouant l'apaisement. Un dérangement certes, mais présenté comme passager, le temps que jeunesse, avec tous ses égarements, soit bue jusqu'à la lie.
  • UNE BOUTEILLE À LA MER (1999)
    Note : 13/20
    Une envie de voir Kevin Costner et Paul Newman me motivait. En lisant le résumé de l'histoire, je m'attendais à beaucoup plus cousu de fil blanc. Ce serait tiré d'une nouvelle : le mythe du message dans la bouteille découvert par une belle qui s'identifie à la destinataire au point de s'investir après avoir alerté le journal où elle travaille : du périlleux et du maso. Plus étrange, elle ne dit rien de son entreprise à l'émetteur lors de leur rencontre (assez incroyable qu'il ne soit pas plus intrigué dès qu'elle débarque comme ça un beau jour dans sa vie). Mais à part ça, les grosses vagues du début indiquent plus trouble, Paul Newman et Kevin Costner alertent dans leur joute de têtes dures... Les dialogues, les élans suivis de réticence, ce bateau bravant les éléments, j'ai fini par tolérer l'intrigue, la grosse ficelle du début mènerait-elle donc à beaucoup plus noir ?... Plus ça va, plus la petite blonde lasse des aventures foireuses, habituée à compter sur elle-même et qui a "repiqué" à l'amour devient touchante dans le oui-non qu'elle essuie, elle est bien patiente, surtout que le vieux semble aussi beaucoup vouloir qu'elle reste... Bref, c'est émouvant du fait de l'interprétation, et aussi parce que c'est bien compromis tout ça, comme souvent quand dès le début ça part de traviole !
  • SCÈNES DE CRIMES (1999)
    Note : 14/20
    Vu en dvd mars 2009. Les deux têtes d'affiche parviennent à préserver l'intérêt, car ça part dans tous les sens, surtout dans la deuxième partie du film, l'ordonnance avec le collyre, hum !... Pourtant finement envoyé, ce plongeon sur la fenêtre avec, soudain, la jeune fille en tenue légère rivée sur sa musique au casque, des écouteurs changeant ensuite d'oreilles... D'autres moments étincelants, je pense par exemple à l'acteur Dussolier effondré intérieurement jusqu'au choc de sa disparition de l'écran, plantant Berling en quelques secondes (des minutes intenses !). Image soignée dans l'ensemble, les dialogues, les silences aussi sont éloquents. J'ai moins raffolé de cette caméra appuyée sur le sordide (le chien qui couine, les cadavres visités, les têtes repêchées...). Quelques choix musicaux ajoutant à la nausée qu'on ne ressent que trop m'ont fait soupirer, en dépit des moments de familiarité, bref, j'en suis sortie bien amère... A froid le lendemain : l'ensemble représente un polar respectable, Frédéric Schoendoerffer a de qui tenir, il aime la précision, les bases très authentiques (tourné après séjour Quai des Orfèvres ?). Disons que les intentions sont louables, à souhaiter que leur présentation se bonifie avec l'expérience.
  • M/OTHER (1999)
    Note : 18/20
    Maniérisme discutable ? Cette écriture particulière du titre en complique la recherche ! Cela dit, les 2h27mn de "M/OTHER" (1999) visionnées en deux temps sur dvd passent comme l'éclair. Sûr que le violon grinçant annonce la fêlure, et que les "trous noirs" destabilisent... J'ai trouvé les vitres-miroirs rassurantes en revanche... Caractéristique à privilégier: les plans-séquence, capitaux, à écourter s'ils pèsent, toutefois l'avarice de mots fait qu'ils portent. Stoïcisme de rester ainsi à se regarder en chiens de faïence pour la bonne cause... Et pourtant mille fois mieux que la réalisation suivante de Suwa, "Un couple parfait" en 2006, grâce à un contexte infiniment moins plombé. Ici la tension s'accompagne de brusques crises (productives) dues à cette intrusion enfantine que le savoir-vivre commande d'accepter... "Petit Shun", fort de sa vulnérabilité (ne fait pas ses 8 ans, plutôt 6), oblige Aki à passer outre ses idéaux tout en la vivifiant (savoureuses contorsions sous le canapé pour faire une surprise au père, ou encore ce refus de dormir en pensant aux accidents)... Arrive aussi cette copine marié et mère de deux bambins, l'occasion de confidences utiles... Tetsuro et sa compagne peinent à y voir clair, ce n'est pas gagné... Malaise alternant de plus en plus avec fraîcheur et re-malaise, et ces interruptions qui font croire que c'est bouclé... Mais non, voici des rallonges, dans un univers fonctionnel où l'intendance est reine, avec cette lumière sur les boiseries acajou et tissus qui amortit le non-dit (qui est l'intrus)... On y fume sa cigarette, pizza et sphaghetti sont aux menus... Japon moderne revenu des traditions séculaires dont l'éducation peine à lâcher les stéréotypes ? Pas seulement ! Ce cinéaste affichant largement "multi-cultures", chaque occidental peut y trouver de soi, suffit d'avoir la patience.
  • LA LETTRE (1999)
    Note : 17/20
    Une fois dépassé l'académisme des premières images, soit une petite demi-heure entre fascination et agacement, c'est divin grâce à la subtilité de traitement. Une profondeur rare, qui fait qu'on a envie de se pencher sur cette "Princesse" remontée des oubliettes à nos jours. Minutieuse mise en scène du cinéaste insistant sur le contraste du musicien et de la jeune aristocrate élevée dans la retenue... Les dialogues en droit fil du roman, une articulation irréprochable, cette réputation à préserver coûte que coûte... Mais sous le vernis, les préoccupations de tout un chacun. La tentation, quand y succomber et pourquoi la désamorcer. Madame de Clèves (Chiara Mastroiani) héroïque, parfaite oie blanche pour son coup de coeur tout en s'épanchant auprès de son régulier... De prime abord, l'amie religieuse paraît moins austère que cette raide chapeautée, coupable d'avoir seulement ressenti, pas même failli... Deux scènes déboulant comme un cheveu sur la soupe dans l'intrigue (billet spontané au mendiant, séjour africain) indiquent que Manoel de Oliveira tient à un rééquilibrage des richesses entre nord et sud, on n'était encore qu'en 1999, où le terme bling-bling aurait fait rire... En prime, Pedro Abrunhosa sur scène, à mi-chemin entre Joe Jackson et Paolo Conte. D'énigmatiques accidents de la circulation aussi.
  • UNE LIAISON PORNOGRAPHIQUE (1999)
    Note : 18/20
    Possible que le titre ait fait du tort au film. On est dans l'érotisme, bien davantage que dans le porno. Ce n'est pas parce que le langage du corps amorce un lien qu'aussitôt ça doit être catalogué bassesse, suggérer la prostitution, cet égoût de la société. Hé bien non, ça peut arriver que les partenaires, au bout de leurs pérégrinations, se plaisent assez pour jouer mutuellement à se faire du bien. Ensuite on avise ! Quelle audace de nos jours ! C'est pourtant la génération sida que celle de Frédéric Fonteyne ! Or, on baigne dans la fraîcheur enfantine, oser ce registre-là sans jamais que ce soit obscène, surtout pour la dame (la gent féminine trimballe tellement de qualificatifs tout prêts en ces circonstances !), ici la femme en recherche masculine y va sans détours. Elle pousse son partenaire dans ses retranchements... Le genre d'aventure que les faux-communicants du verbe ne tenteraient sans doute pas, l'absence de maîtrise, l'impro totale dans ce domaine les terrasserait, de la grivoiserie que diable, que n'a-t-on à faire de ces rituelles galipettes hôtelières... J'y verrais un exercice précieux pour les fleurs bleues rivées à leurs chimères, ouste le prince charmant et place à l'homme ! Ni plus ni moins la démonstration que les petites annonces charrient parfois des sentiments à orienter, mais représentent surtout l'arrêt des illusions. Baye et Lopez acteurs en pleine intimité scabreuse, sans nom ni prénom, se prennent et se reprennent dans la classique gamme des liaisons, une histoire d'amour éclair mais complète, rattrapée par le fait divers qui tue... Reviennent souvent à l'écran l'hôtel aux tons rouges, le ralenti de ce troupeau qu'est la foule vaquant à ses affaires... Un climat crédible que ces rendez-vous au bistrot. Dialogues loin de sonner le creux, peut-être juste une faiblesse dans le bon mot sur Adam et Eve... Etrange que le bonus du dvd (Gérard Miller) s'apesantisse sur l'aspect "petit trou de la serrure", autrement plus tabou en effet d'aborder les raisons poussant l'individu de nos sociétés évoluées à prendre des raccourcis hors des chichis d'usage et que "le corps exulte" sans attendre !
  • MAGNOLIA (1999)
    Note : 16/20
    Magnolia, fleurs à neuf pétales comme les neuf personnages de cette histoire. A la sortie officielle en salle en 1999, je me souviens avoir quitté la salle après le premier numéro de Tom Cruise en slip kangourou blanc. J'étais convaincue d'une imposture. Encore une complaisance de cinéaste envers la mauvaise graine sans la moindre tentative de rachat... Le dvd donne envie de résister à la fuite. On s'y attelle donc en deux temps (3 heures au total !). L'avantage est le soulagement d'avoir réchappé des clichés chers aux réalisateurs étasuniens en vogue, ceux qui garantissent le pactole avec les seules bassesses humaines comme terreau. Même les personnages les plus insupportables montrent leur limite de manière productive (rôles ingrats de Tom Cruise ou Juliane Moore, l'animateur télé, ou le jeune prodige des jeux descendu en flèche par sa vessie). Tous capitulent, des innocents paient le prix fort (le chien)... Des minutes mettent les nerfs à vif (le plaidoyer de la journaliste !), le summum étant atteint au chevet du patriarche qui confie avoir aussi aimé tricher... L'ironie perce enfin derrière l'étalage. Emergent de petits bonheurs comme une tasse de café prestement versée dans un évier, sans omettre l'infirmier qui commande des revues porno, juste ciel !... L'épouse douchée par une révélation dont elle se serait passée semble le coup de grâce en même temps qu'une sacrée renaissance ! Epouvantable constat du rêve américain écrabouillé, à l'instar des liquidations énumérées d'entrée de jeu. Le "selon que l'on est puissant ou misérable" reçoit ici une bonne claque. Attention, c'est longuet mais soigneusement mené. Un régal à l'image. Le laborieux va et vient des personnages comme leur démesure finissent par être payants. C'est une sorte de silex informe à regarder froidement se polir au fur et à mesure. Ou bien une méga raclée suivie de récompense. Un film plus profond qu'escompté.
  • DANS LA PEAU DE JOHN MALKOVICH (1999)
    Note : 17/20
    Revu en dvd, aidée du bonus pour mieux cerner la démarche. En effet, lors de la sortie en salle j'avais vécu "l'épreuve" comme une démonstration d'égocentrisme forcené sans plus, l'autodérision m'ayant complètement échappé. Je voyais du Malkovich complaisant, point. Tout compte fait, suffit de se laisser porter. Alors c'est assez amusant de revenir sans cesse à l'ouverture mystérieuse qui mène les quatre fers en l'air tout en tournant la question qu'on est à la fois rien et beaucoup. Quelques passages métaphysiques qui peuvent déboucher sur une réflexion personnelle pertinente. Pour ma part, écho certain concernant la différence à faire entre nos fantasmes et la pratique réelle des expériences avec notre corps... et celui d'autrui. Bref, le délire poussé d'un créatif (un peu trop redondant cependant, léger essoufflement scénaristique ressenti dans le déluge d'images en toute dernière partie) mais qui n'enlève rien à la vitalité d'ensemble.
  • RATCATCHER (1999)
    Note : 14/20
    Présenté au Cycle nantais Univerciné Britannique 2013. Une réalisation des nineties traitant des seventies dans une zone populaire de Glasgow. La direction d'acteurs et l'excellence de l'interprétation touchent un long moment, invitant à revenir faire un tour dans son propre labyrinthe adolescent. Chemin faisant, l'alternance d'images somptueuses avec compensations sucrées, tout cela fait qu'on est comme lors d'un repas où on sent son estomac faire des remous. Une dérive mentale aussi saignante vue par le petit bout de la lorgnette, cela passe difficilement. Le regard personnel de cinéaste s'évapore à chaque fois qu'il pourrait s'exprimer. Les effets restent cantonnés à l'intime du protagoniste, à qui manque un mur contre lequel se heurter... Brut, sans parti pris réel, on rejoint le film de jeunes à l'esprit de tribu. Malgré le décor planté (grève des éboueurs résumant l'atmosphère générale), c'est trop un filmage d'esthète, refuge dans l'espoir sociétal de mieux, et point. Manque de cran pour la dernière partie, même si, lors du tournage (1999) Lynne Ramsay ne pouvait prédire le choc économique outre-Manche décuplé par "la globalisation"
  • MARY À TOUT PRIX (1998)
    Note : 5/20
    Suis-je devenue une vieille racornie allergique aux blagues made in US ?.. Hélas, je n'ai point adhéré à ces jeunes benêts aimantés par la blonde incendiaire (on croirait le film fait pour exhiber Cameron Diaz et son prétendant, point). Ai même trouvé l'ensemble affligeant, gags archi-téléphonés, cumul de toutes les grossièretés de potaches, le summum à partir de la braguette coincée sur laquelle on est tenu de s'attarder longuement (ouaffe ouaffe !), hé bien c'est à vous dégoûter du sexe.Pauvres acteurs obligés de surjouer dans l'espoir de faire hurler de rire, malheureuse Cameron Diaz, trop large sourire creux, primée pour avoir incarné une nunuche pareil ! Quant aux handicapés, on est prié de rire de toutes leurs lubies. Le pire est bien que ce soit filmé avec application, belles prises de vue, romantisme sous-jacent, bons sentiments genre glu... Mon indulgence serait purement technique, le reste ne vaut pas tripette à moins d'être une éponge qui ne pense plus.
  • KARNAVAL (1998)
    Note : 19/20
    Silhouettes découpées sur les dunes... Le petit matin à Dunkerque, ville glaciale en état second une fois l'an... Entrée picturale et musicale feutrée, d'une élégance ! Couleurs pétantes, petites ombrelles perchées au bout de piques tournicotant au-dessus du sable, à gauche les immeubles gris tremblottants qui attendent, ces hurluberlus marmonnant encore quelque couplet se lèvent ou se couchent ?... La caméra virevolte comme un insecte sur les tenues : perruques rougeoyantes, plumeaux fluo, un défilé clownesque empruntant au théâtre italien, savant mélange offert aux sens... InKroyable Karnaval avec un K immortalisé efficacement par Thomas Vincent ! On croirait le prolongement contemporain du cinéaste Renoir fils du peintre... Plein de promesse et ensuite aucune déception, "ça assure" à chaque plan ! En contrepoint de la liesse des cafés ou des rues, quelques intrusions dans les intimités, qu'on capte bien la réalité des trois qui nous occupent... Minutes angoissantes, et de nouveau il faut tendre l'oreille sur ces chansons entonnées depuis des générations et sans doute remises au goût du jour. Un débordement entendu, jamais trop abject pour autant, le collectif "tient" les participants pendant un mois et demi (!), durée nécessitant un juste équilibre des énergies (compacts, ces petits groupes, comme pour se tenir bien vivants dans le froid hivernal). Excellente thérapie annuelle, car au boulot ou au chôme-dû, loin d'être la joie, déjà en 1998 dans le Nord !... Comme on les comprend, Béa et Larbi, complices à mettre ensemble l'époux Christian au plume, le voici bientôt à l'état de fauve, ce que c'est que de côtoyer un chien dressé à l'attaque...Franchement, cette épopée carnavalesque a gardé toute son intensité, encore bien piquante en 2009 sur vidéocassette !
  • LICENSE TO LIVE (1998)
    Note : 16/20
    Oeuvre insolite projetée aux "Trois Continents" nantais de 2009 : quelques mots de Kiyochi Kurosawa présent dans la salle, réservé mais chaleureux, ravi de la pertinence de ce festival, concluant qu'avant ce film sur la famille, le polar et le fantastique étaient ses domaines de prédilection. Analyse autour d'un coma ici : Ceux "qui reviennent de loin"... Quel sens donner à cette "fausse-mort" ? Comment rebondir de part et d'autre après une aussi longue interruption ?... Voilà que le ressuscité déclare se souvenir en voyant des photos, de ce dix-septième anniversaire fêté par les siens autour de son lit d'hôpital... Repérable à ses "pantacourts" parmi les ombres sillonnant l'écran, mental au stade ado et voix bien grave, Yataka fait presque peur par les questions qu'il se pose quant à son futur... Un cheval sacré et des repas familiaux rappellent l'harmonie d'antan, ultimes références... Une fois habitué à l'austérité du propos, aux style haché, au clair-obscur jetant le trouble sur les visages, on suit cette trajectoire heurtée sans résistance par la magie du cinéaste, plus fin sociologue qu'il n'y paraît d'entrée de jeu.
  • LA PETITE VILLE (1998)
    Note : 19/20
    On sent le photographe épris d'absolu derrière la caméra de Nuri Bilge Ceylan. Découvert en dvd ce film en noir et blanc salué à Nantes, Angers et Berlin à sa sortie en 1998. Le réalisateur turc revient sur les sensations les plus marquantes de sa jeunesse. Jamais de béatitude mais un sentiment que tout file entre les doigts et qu'on n'est jamais à l'abri d'être déraciné, exilé de force et tous ses biens perdus au retour. En aucun cas album de famille. Des bribes qui tranchent avec une musique semblant ordonner de bien se fourrer dans la tête ces instants-là. De fantomatiques portraits tard le soir dans la nature, à peine un rayon de lumière, mais c'est toujours du grand art. Le dvd permet d'observer la minutie déployée pour placer la caméra exactement là où elle doit être et pas à côté (les enfants attendent sans bouger, on pourrait les croire punis si on ne voyait ensuite le cinéaste plaisanter avec eux)... Plus personnel mais de la même veine que "Climats" (2007) qui a fait couler bien plus d'encre.
  • GADJO DILO (1997)
    Note : 13/20
    pour la musique, la défense du peuple tzigane en général, bien davantage que pour la forme, ça m'a gênée qu'il n'y ait que le regard d'un ado sur cette communauté (y compris ce vieil Isidore, dur à l'alcool, gueulard et encore vert). Constat aussi que Gatlif réutilise les mêmes ficelles, ce qui fait qu'en suivant Gadjo Dilo en vidéo-cassette (novembre 2007), je pensais à "Vengo" et "Transylvania". En souhaitant que "Latcho Drom", restant à découvrir, offre un angle supplémentaire à celui de l'errance avec grands numéros musicaux et danses endiablées, très bien exécutés mais un peu justes dès lors qu'il n'y a pas plus à se mettre sous la dent. Note discordante de taille, ici, Romain Duris avec son rire niais s'amusant à faire répéter "Nique ta mère" au vieux patriarche du coin ! Franchement, il a fait mieux depuis... Par ailleurs, l'ambiance de ce coin de Roumanie est déjà rude naturellement, chaotique, point n'était besoin d'insister à ce point sur la formulation verbale du désir ... Ce cinéaste semble posséder une facette énergique, émouvante, ce désir de fraternité, qui permet des moments d'intense beauté, et puis une autre facette brouillonne, tonitruante, ce regard "éternellement jeune" sympa mais un peu lourd, étroit, qui vient gâcher l'ensemble, observation toute personnelle !
  • SUE PERDUE DANS MANHATTAN (1997)
    Note : 18/20
    Sue représente justement ce qu'une femme redoute, à juste titre d'ailleurs si elle a une carence affective prononcée, un traumatisme de l'enfance et qui resterait inexpliqué. De quoi perdre tous ses repères et se saboter constamment. J'avais du mal à revoir ce film en dvd, ayant interprété les dernières images la première fois comme la fin de tout) : en fait, on ne sait pas vraiment le fin mot, tout en s'empressant de repartir sur la pointe des pieds dans notre home bien douillet... Car Sue qu'on trouve d'abord un peu p..., finit, au fil des épreuves qu'elle traverse, par conquérir le spectateur. Le plus étonnant dans le personnage est l'absence de peur, plutôt un fatalisme empreint de tristesse. Ambiguë,"borderline" sans concessions mais aussi le coeur sur la main, avec toujours ce non-dit qui semble un appel au secours. Pâle et grêle, avec un visage d'enfant extra-lucide et des cheveux d'ange (l'actrice est rendue physiquement très attachante par le réalisateur au fil de l'action). Après avoir éclaté en sanglots parce que tout s'écroule autour d'elle (il faudrait la perfection au stade d'exigence où elle est rendue), la voilà sans cesse repartie dehors, look toujours "très star" pour tenter de parler à défaut de coucher, ou bien les deux... On a tous un peu de "Sue" en nous à bien y regarder, mais en général on s'est domestiqué à force, elle fait partie de ces caractères qui continuent à croire au Père Noël.
  • OSCAR WILDE (1997)
    Note : 17/20
    Facture classique, biographie partielle (silence sur l'enfance du héros) : cette brillante description de "la faille" sentimentale d'Oscar Wilde adulte donne envie de lire l'homme en dehors de ses citations. On plonge en pleine hypocrisie victorienne, quand le rang social seul situe l'individu, il faut contourner les interdits, le plus aristocrate demeurant en même temps à la merci du sadisme paternel. J'ai trouvé le grand homme (acteur Stephen Fry de haute stature) davantage mère ou père de substitution qu'amant du jeune au regard d'eau (Jude Law, tout gracile à côté). La cruauté juvénile face à la patience du vieux sage, déjà affûtée par ses rejetons lors de contes qui semblent narrer son propre destin. Voici "Bosie" qui illumine l'écran, le type même de l'intrigant à fuir après consommation pour l'individu maître de ses actes, avantagé par une foule de prétendants, des étudiants, parfois narquois mais toujours envoûtés... Permissivité sexuelle de mise à l'épreuve. Complicité du personnel hôtelier. Le femmes spectatrices d'une société intellectuellement éclairée mais puritaine jusqu'à l'os. Dialogues en v.o. sous-titrée exceptionnels, je pense à cette première rencontre des deux "combattants", à la tirade du Maître au théâtre ou à la barre... Nul doute que Wilde maîtrisait l'art de dire les choses sans les dire, toujours armé de sa verve littéraire. Il impressionnait même les perruqués des courts tant il restait poli. Homos ou hétéros peuvent se retrouver tellement c'est la passion faite de nécessité et de ruine, mais empreinte de romantisme. En 2008, ce pourrait un échantillonnage des nuances entre sexe et sentiment en pédérastie. L'élégance d'un homme d'exception : jamais rien de trop trivial si Oscar Wilde était dans les parages, même l'intimité la plus nauséabonde, du moins si l'on en croit ce portrait.
  • POST COITUM ANIMAL TRISTE (1997)
    Note : 15/20
    Tout le drame d'une créature "dans la force de l'âge" prise dans l'étau de la chair fraîche quand s'offrir une parenthèse devient un exercice périlleux à cause des battements cardiaques. Embûches monumentales. Femme jeune avec un vieux beau, oui. Dans l'autre sens, les réussites sur le long terme sont l'exception, bien que Jeanne Moreau ait pu soulever la question il y a fort longtemps "pourquoi pas un poussin chez une vieille poule ?"... Jeune homme à l'horizon = élixir, passade bonne à "faire des souvenirs", attention aux fixations stériles. Hélas ici, le pli est déjà pris, qu'il est doux de redevenir une jeune fille convoitée quand la tiédeur physique du quotidien pose question. Acquis, compagnon de route, activité professionnelle, tous ces gardes-fous volent en éclat soudain, au profit de l'embellie qui redonne vingt ans. Engluée dans le remake du prince charmant, Brigitte Roüan excelle dans sa douloureuse descente aux enfers. Emouvante, si vraie dans sa douleur viscérale. L'équivalent du "démon de midi" masculin, l'extase irraisonnée pour un jeune homme, ce dernier était soucieux avant tout de se prouver que "c'est dans les vieux pots"... L'éternel tiraillement entre l'image du père et du fils venant hanter chaque femme normalement constituée. Et la force décuplée que procure le renoncement.
  • L'ANGUILLE (1997)
    Note : 16/20
    Adapté d'une nouvelle et somptueusement mis en scène. Le Japon rural, avec cette nonchalance entre occupations terre-à-terre aux côtés d'une épouse et la pêche réservée aux hommes, de jour ou de nuit, rite immuable. L'eau toujours toute proche agirait-elle en purificatrice ?... Ce jeune égaré tue sa femme par coup de sang et se livre tout de suite après aux autorités (en fredonnant sur le trajet !) dans une logique qu'on doit payer pour ses bêtises, en porter le poids afin de renaître en s'aidant comme on peut, au besoin d'une anguille, comme un estropié d'une béquille. Tout au long du voyage - on s'évade très loin avec ce virtuose de la caméra - la question demeure : qui donc a écrit la lettre anonyme qui fit tout basculer ?... C'est POETIQUE (le symbole du poisson dans l'eau, celui d'un enfant à naître), COMIQUE (pas de l'oie des prisonniers, flamenco en territoire japonais, cérémonial du casse-croûte salué par un crapaud espiègle, tandis que le bonze avec son visage d'otarie affiche une bonhomie désopilante). C'est ESTHETIQUE, je pense au petit seau rose fluo assorti aux fleurettes, à la jeune suicidaire allongée dans l'herbe verte de verte, à ses pieds quand elle bondit de sa bicyclette, ou encore à l'ambiance du salon avec le petit garçon qui s'éclate...). Il y a aussi de la profondeur : l'indice PSYCHOLOGIQUE (mère dérangée) justifie bien le désespoir qui peut s'insinuer dans une jeune tête... Avec tout ça, c'est TERRIFIANT : la colère contre lui-même de cet incorrigible impulsif, et puis ces déchaînements de violence physique, celle du début, et les autres, collectives ! Atmosphère pittoresque dans cette reconversion de coiffeur assisté, et une forme d'oxygène inattendue sur la fin ! Déroutant mais délicieux.
  • WILL HUNTING (1997)
    Note : 16/20
    Le début est un peu convenu : castagne de gamins, réprimandes adultes en conséquence, homosexualité latente du cinéaste perceptible à travers ses gags... Matt Damon captivant dans ce rôle de surdoué à part, bien qu'invraisemblable dans sa virtuosité, mais on choisit de marcher, c'est carré, quelque chose va se passer... J'attendais Robin Williams de pied ferme et n'ai pas été du tout déçue ensuite. Car le film prend alors de l'épaisseur, le doute s'insinue, une certaine poésie aussi, et on approche de l'explication justifiant les turbulences appuyées du début. Jusqu'à l'émotion véritable, ces barrières tellement tenaces, à faire sauter obligatoirement. Atmosphère toujours supportable, la bande-son apporte sa juvénilité comme "en direct de la côte californienne", tout en restant d'une discrétion feutrée. Autre talent de l'équipe de Gus Van Sant, savoir "couper" quand il le faut. Jamais de surcharges, avec une psychologie qui tient la route sans fatiguer les méninges ! Hé bien finalement j'ai bien aimé, ri et même pleuré une fois, moi la quinqua qui croyais, d'entrée de jeu, avoir affaire à un film-culte réservé aux 15/30 ans grand maximum !
  • EN CHAIR ET EN OS (1997)
    Note : 16/20
    Projeté au 21ème Festival du Cinéma Espagnol de Nantes en mars 2011. Un bon classique d'Almodovar singeant les moeurs espagnoles de 1997. Volontairement appuyé côté décoration, truffé de coups de sang et de raccommodages. Les pistolets sont de sortie. Présente aussi cette adresse à placer corps et visages dans des écrins, parfois en postures à fort assaisonnement (et sans que jamais ça vire au mauvais goût du fait des situations respectives, Javier Bardem en handicapé par exemple). Des enchaînements qui subjuguent par leur efficacité. A retenir, trois femmes-spectacles : Penelope Cruz en toute jeune mère-la débrouille, la sublime Angela Molina en épouse lucide et celle dont la plastique irréprochable et les yeux clairs de fauve restent hanter, Francesca Neri.
  • THIRTEEN (1997)
    Note : 17/20
    Un cinéaste blanc qui filme en majorité des noirs là où séparation nette entre blancs et noirs n'existe pas. Une relative aisance matérielle, un niveau de culture et d'éducation comparables de part et d'autre : on est en 1997 dans une zone étasunienne calme... Pas de racisme du tout. Des frictions ni plus ni moins qu'ailleurs cependant. Une "mamma" épongeant les maux de la collectivité. Elle a une voix un peu pleurarde qui doit copieusement agacer sa fille de treize ans. Toutefois, on peut se croire dans un conte de fées, le traquenard appréhendé passant comme une ombre... La fixation de la demoiselle sur les voitures a de quoi faire sourire comme antidote à son vertige intérieur que le film "Lilian" permet de comprendre (autre dvd complémentaire du même cinéaste). On sent le plasticien dans les prises de vue alignées comme autant de tableaux dans l'agencement des scènes. Le scénario ultra-mince qui tire vers le documentaire peut gêner les fervents d'émotions fracassantes. C'est cependant assez juste comme regard, le passage à vide de la jeune fille, le lien à la mère lui révélant ses doutes personnels, cette façon de lui dire qu'elle a ses failles elle aussi... Tout cela dans un milieu d'accueil avec ses hauts et ses bas. Il faut pour apprécier l'ensemble réussir à s'extraire de 2011-2012 et ses clivages systématiques. Beaucoup de chaleur humaine chez David Williams.
  • UN INSTANT D'INNOCENCE (1996)
    Note : 16/20
    Depuis quelque temps, le très controversé cinéaste Mohsen Makhmalbaf choisit de préférence l'Afghanistan pour réaliser ses films de manière détournée par rapport à son Iran natal, au régime à nouveau durci depuis le Shah, période qui lui avait valu 4 ans de prison... Ici, on découvre, sous forme de petites scènes décousues et dans le froid hivernal iranien, les valeurs de "L'Atelier de la famille Makhmalbaf" (père, épouse et filles, un clan de cinéastes passionnés que le monde entier reconnaît en 2008...) : au programme, école, culture, bref, le savoir et le discernement, tout cela dans la bonne humeur pour les deux sexes. La forme peut rebuter d'emblée, s'habituer aux claps, aux tergiversations... Mais plus ça avance, plus c'est espiègle, généreux, on sent le gars qui s'est forgé sa philosophie et tient à la transmettre. Sous son regard, on apprend à être soi et "No matter what they say" !... Voilà que les femmes voilées sont épanouies, toujours superbes avec leur auréole autour de la tête, sans fard et discrètement admirées, avec le must inattendu : être instruites pour elles-mêmes. Grande qualité d'image et de son, ces larmes du jeune acteur impressionné par le couteau, nul doute qu'il l'a ressenti ainsi... Régler les conflits latents sans mentir, et sans pour autant exploser, on est loin du stress qui grignote l'individu, ça fait du bien !
  • L'APPARTEMENT (1996)
    Note : 12/20
    Un dvd qui a considérablement vieilli en 2008, tant le contenu fait évaporé dans cet appart courant d'air : le dragueur impénitent des eighties/nineties à l'oeuvre, concrétisant ses désirs, l'enjeu étant de posséder une femme sinon vertige existentiel. Bref, le dernier partenaire en qui croire pour se marier (pauvre chère Sandrine Kiberlain en rade d'office, très vite perceptible que le fiancé est un coeur d'artichaut). Les acteurs font ce qu'ils peuvent pourtant avec les dialogues de circonstance (Ecoffey, second rôle réaliste, il en fallait un). Quel intérêt de suivre ce macho sans maturité et pas du tout le drame que la musique laisserait entendre ? Pauvre petit bambin subjugué dès que femme paraît, encore plus si elle est sculpturale avec un adorable accent italien... D'un bout à l'autre, j'ai eu l'impression qu'il s'agissait surtout de mettre en valeur Vincent Cassel/Monica Bellucci (futurs mari et femme à la ville !) par Romane Boringher et Jean-Philippe Ecoffey interposés ! C'est bien filmé à part ça, mais vraiment trop léger aujourd'hui.
  • FARGO (1996)
    Note : 18/20
    Tous caricaturés autant qu'ils en sont : le temps passe vite pour peu qu'on adhère à l'humour sous-jacent, parfois lent à se faire comprendre, parce que ça cogne dur, et saignant. D'accélérations en fausses-pistes, on essuie donc quelques chocs dont l'écho se prolonge dans les tympans... Si les hommes affichent des expressions révélatrices de leurs impasses, honneur aux dames ici, particulièrement croustillantes, accent et mines rappelant Betty Boop... Cette femme-flic flanquée d'un mari la couvant elle et son oeuf (épouse du réalisateur à la ville !) vient subrepticement troubler le business des lascars englués dans leur complexe projet. Le froid, constant, ajoute au cauchemar... Lancinant et tout à coup haletant, toujours avec un relent d'hilarité, le téléphone sous la porte, le rideau de douche, ce coup de pelle, "l'opération broyeur". Et le clou, cette gendarmette dans le vacarme, pistolet dans une main, de l'autre désignant son képi... Les frères Coen évitent l'imposture par le contraste du "cocooning" en contrepoint de ces frasques à la limite de l'hallucination parfois, ce qui fait qu'on réchappe de ce plongeon dans le banditisme nord-américain bien plus médusé que meurtri. A voir et revoir quelle que soit l'humeur, rien que pour l'art et la manière !
  • LA BUENA VIDA (1996)
    Note : 19/20
    Magnifique production de 1996 sortie en France en 1998 et projetée au Festival Espagnol nantais de 2012. David Trueba ferait d'abord penser à Woody Allen dans ses hommages appuyés à la France. De ferventes démonstrations et une ironie grivoise typiques d'une adolescence qui a beaucoup gambergé. Attention, on embarque vers plaisant, grisant même. Les parents partent une semaine en laissant pépé au fiston, tout s'annonce bien des deux côtés... Soudain, incroyable, on tombe de très haut avec cette nouvelle qui donne pleinement son sens à l'innocente chansonnette de Trénet de départ... Par miracle, ou au contraire proportionnellement au choc, la survie prend le dessus. Le tempérament encore plus intériorisé qu'avant le drame de Tristan (Fernando Ramallo) fait merveille auprès des autres si répandus, ce vieux bougon et ses chères lentilles... Les demoiselles redoublent de soins, chacune dévoilant des secrets parfois originaux (l'amour du frère !). Reste cette peste de cousine, une ex strip-teaseuse de village. C'est un film tendre qui a l'énergie du désespoir. Nombre de spectateurs se reverront adolescents, tout est fait pour et ne saurait vieillir, boosté par cet événement gravissime qui oblige tous les personnages à se surpasser... Sexe et sentiment alternent, avec toujours toutes prêtes les bouées de secours. Alerte, merveilleux de fraîcheur à l'image, émaillé de bout en bout de surprises et de gags, il rend également nostalgique de l'avant 2000.
  • L'ANGLAIS QUI GRAVIT UNE COLLINE ET DESCENDIT UNE MONTAGNE (1995)
    Note : 13/20
    Fort bien filmé, Pays de Galles vert grâce à ses pluies et ici rapproché de la Bretagne quant aux us et coutumes (le côté bourru des manières et les noms affiliés au métier ou aux caractéristiques de l'individu). Assez truculent par moments donc malgré quelques exagération (le pasteur !), quel gros branle-bas pour ce monticule, difficile de croire que tout le village se soit mobilisé pour quelques pouces entre colline et montagne, des déambulations un rien longuettes, so british ! Dommage pour les personnages de tête aux allures pittoresques, je songe au patron du pub, et aussi à cette Elizabeth à la voix rauque : vraie ou fausse tavernière, elle saute littéralement sur le jeune cartographe (Hugh Grant) !
  • CASINO (1995)
    Note : 11/20
    Revu en dvd v.o.en 2007. Une avalanche d'images et un bavardage non-stop, plus des querelles et sévices, que de palabres, il était possible d'en mettre un peu moins... Chaotique donc, mais bien construit, avec ces chansons des Rolling Stones en contrepoint. Une visite dans un lieu mafieux, en compagnie de ce "bon" appuyant tellement sur la confiance au point que c'en est suspect, beaucoup de suspense quant à sa survie (mais étonnant silence du sort de l'enfant du couple). Belle prestation de Sharon Stone face à de Niro, bien que marre chez Scorcese, des femmes bellissimes et putissimes, on les sent trop d'office perdues, hachées menu à petit feu... En tout pour environ 2h50 (mais j'ai parfois accéléré le déroulement). De bonnes scènes cependant, en particulier des passages désopilants (j'ai ri !), ces commandos qui débarquent canarder tout le monde (sauf à la fin où c'est vraiment trop dégueu)... Sinon, c'est magouille sur coup fourré, vacherie et gare à ta gueule...Un ensemble très instructif sur l'étendue de l'imbécilité humaine à courir après le factice jusqu'à plus soif.
  • MOLOM CONTE DE MONGOLIE (1995)
    Note : 15/20
    Yonden raconte son parcours initiatique. Le chamane fait penser à Dersou Ouzala à bien des égards. On a les beaux paysages désertiques appropriés, ce charme du petit abandonné que les loups acceptent. Il y a bien l'alternance d'affection et la rudesse volontaire pour endurcir le jeune homme. Bien aimé l'entrée en matière, les choeurs musicaux du début. Mais ensuite je suis restée un peu sur ma faim dans cette marche initiatique, sans doute parce que l'issue reste dans le vague. C'est pourtant bien filmé, digne d'être projeté aux scolaires contemporains, mais l'ensemble est trop lisse, à visée éducative seulement (ou parce que c'est avant tout à l'intention de la jeunesse ?), il y manque une prise de position ou alors un imprévu quelconque.
  • PROFESSEUR HOLLAND (1995)
    Note : 14/20
    Les musiciens peuvent trouver des qualités à ce film, qu'on aurait vite épinglé, en France, comme série télé états-unienne bien pensante à sa sortie. Difficile aujourd'hui de nier les bienfaits de l'enseignement musical, discipline au même rang que la littérature, les maths, les sciences, la gym, etc. pour forger l'individu, son aisance dans un groupe, son sens artistique... On retrouve ici un peu du "Cercle des Poètes Disparus", ce mélange d'effort à faire récompensé par le plaisir de tous. Notre prof, passionné mais homme de devoir, se heurte aux restrictions budgétaires en fin de carrière, la musique se trouvant gommée dans les bahuts (Etats-Unis = une longueur d'avance sur nous autres Français de 2008...). L'enseignant va aussi se heurter à cet enfant rivé à sa mère, le sien ! Richard Dreyfus a la séduction rassurante sur une trentaine d'années. Il est attachant. C'est l'éducateur habitué à composer avec le quotidien tel qu'il se pointe, comme un second père s'il en est besoin (et pourtant désarçonné par la surdité filiale !). La jeune prodige qui pourrait faire déraper inquiète, vite sublimée à travers la musique... Autant de cours sérieux, souvent humoristiques, où on se lâche et se reprend pour la bonne cause. Des événements politiques jalonnent le propos, c'est là qu'on réalise l'apport de la culture US sur nous autres Européens, et comme le temps passe... Particulièrement aimé les quelques "piques" à l'intention des pouvoirs institutionnels, et puis cette collègue du début, indulgente pour faire bonne mesure... Dommage que des manies de troupeau, très "american way of life" viennent gâcher les prises de position un peu plus gonflées. Longuet aussi, mais tout de même assez honorable sur le fond !
  • LA DERNIÈRE MARCHE (1995)
    Note : 16/20
    Ce film date de 1995, les mentalités évoluent, on serait presque obligé de se prononcer pour ou contre la peine de mort en 2008 avec l'aggravation des délits ajoutée au renforcement de leur exposition médiatique. Tim Robbins décrit les deux aspects du meurtre crapuleux. On y baigne sans ambiguïté, on peut même dire "sans pitié", comme si on était juré au procès : au lieu de prendre parti contre la barbarie d'une exécution organisée (la peine de mort sévissant majoritairement aux Etats-Unis), une part d'ombre invite à la clémence et puis s'évapore : attention, folie latente chez tout être humain (idem la religieuse si l'on en juge par le témoignage maternel). C'est par la bouche du condamné que le cinéaste évoque la suppression du châtiment ultime (cet "oeil pour oeil" au profit de "perpète"). Mais jamais question de soins !... Susan Sarandon et Sean Penn incarnent le couple platonique au bord du goufre, en ange et démon réconciliés : elle reflète aussi, par son visage lumineux, quasi virginal, tous les états d'âme par lesquels passe le spectateur face au dérapage... Un seul reproche peut-être : le parallèle faute/punition des dernières images, qui en remet une couche, à la limite de la complaisance...En complément, il existe sur la peine de mort en Amérique du Nord, un long-métrage noir et blanc de 1958, beaucoup moins "téléphoné", qui marque pourtant le spectateur au fer rouge : "I want to live" ("Je veux vivre") de Robert Wise.
  • RICHARD III (1995)
    Note : 18/20
    Quelle teigne ce Richard III shakespearien déménagé dans les Années Trente ! Le pouvoir, le pouvoir ! Et tout ça pour contrecarrer une angoisse existentielle. Les proches attendent leur tour car il se trouve toujours assez d'exécutants protégés le temps nécessaire. On fait des fêtes, on danse, habitué aux tensions, sous la montée de ce danger public. Les premiers plans donnent à revisiter les monstres de l'histoire ou ceux qui officient dans le genre loin de chez nous et l'avancée des images pointe nombre de trublions du 21ème siècle, ces contemporains inspirés par la prédation pure et dure. Tous générateurs de la même électrisation, bâtie sur une morale faite d'opinions personnelles enchevêtrées jusqu'à l'absurdité. Peu de contradicteurs dans ce film où seule la génitrice se distingue. Jamais terrifiant pourtant, assez divertissant même par ses dialogues "so british", mais pas comique pour autant. La diabolique issue invite à veiller que ce genre de punaise aux plus hautes fonctions reste en nombre très restreint sur la planète.
  • POWDER (1995)
    Note : 15/20
    Film de 1995 vu en dvd en 2012. Grosse faute que cette musique grandiloquente façon nouveau western étasunien. Elle sonne histoire pour la jeunesse. Une qualité majeure en revanche d'avoir sorti progressivement de l'ombre le personnage deviné dans le dolorisme de sa couveuse, autre chose que "Rosemary's Baby" ! Un visage de talc aux récepteurs frémissants, dégaine exploitable dans une série télévisée, encore plus quand il donne la réplique à cette rousse à peine effleurée. Les aspects scientifique, métaphysique, pratique s'entrechoquent, le médiateur-sauveur, le flic borné, l'humour potache estudiantin avec la grosse bagarre, la bonne panoplie compassionnelle, tout ce qui justifie la bande-son lénifiante affaiblissent les capacités qu'on sent chez ce personnage insolite. Ce qui rend les éclairs orageux sur commande aussi attendus que des respirations. On est sans façons du côté du rescapé de la foudre (Sean Patrick Flanery) quand il court vers le faisceau fatal. Non parce qu'il a raté sa vie mais parce que ce qui était prometteur perd de sa superbe en cours de route à cause de l'ancrage conventionnel.
  • CHUNGKING EXPRESS (1994)
    Note : 15/20
    Ce que je trouve éblouissant chez Wong Kar-Waï, en tous cas dans ce film : sa manière de laisser planer. Agacer positivement en servant des images entrelacées, chaotiques, ralenties, avec des touches à la limite du stupide pour nous occidentaux ("California dreaming" rabaché jusqu'à plus soif, dialogues de sourds entre hommes et femmes, mystère des yeux derrière les lunettes de soleil, ou jouer à l'avion comme un tout petit). Et pourtant, au bout du compte, et avec l'aide de très beaux spécimens à l'écran (mis en valeur dans le secret de leur âme par quelques images bien ciblées) une intrigue touchante se dessine (personnage de la jeune fille hyperactive fascinante dans son esquive constante). Une frustration cependant : mille regrets que le jeune homme de départ, très sexy comme pourrait l'être un Léonardo di Caprio asiatique, cède soudain l'écran à un deuxième, plus quelconque, auquel j'ai eu du mal à m'habituer.
  • L'APPÂT (1994)
    Note : 15/20
    Malgré l'effroi ressenti face à ces trois jeunes monstres ne reculant plus devant l'impensable, cette oeuvre de Tavernier, partie du quotidien d'un trio d'amis débutant leur autonomie à tâtons mérite qu'on s'en imprègne. Toujours mieux que de rêver sur l'angélisme que la jeunesse devrait incarner. Voici des adolescents à priori gâtés par l'origine et par la nature, on ne sait trop si c'est l'ennui, toujours est-il qu'ils s'amusent à déraper légèrement, et vont au bout d'un fantasme plus corsé. Orgueil idiot, manque d'imagination, ils semblent insensibles à la douleur d'autrui et visent le pouvoir rien que lui, exactement comme des délinquants à force d'en baver, parfois de naissance. Charmante équipée changée en petites frappes du jour au lendemain, la fille peut-être plus hideuse que ses deux comparses. Tous trois affublés de leurs travers de gosses gâtés, voilà qui est constant en revanche. A claquer. Une réflexion sur les revers d'une éducation où actes et paroles adultes sont en sérieux décalage, laissant croire qu'on peut rester petit dans sa tête et jouer éternellement avec les situations et, pourquoi pas, son prochain, ce nigaud ! Rançon d'une société qui use de répression trop souvent sans impunité. Sans doute un peu de tout ça. Très actuel en 2008 !
  • LE FRANC (1994)
    Note : 16/20
    Projetée au 32ème Festival des 3 Continents nantais (2010), cette "débrouille sénégalaise" datant de 1994. A première vue, le réalisateur Djébil Diop-Mumbéty (mort d'un cancer du poumon en 1998) veut amuser par le biais de Marigo, le "Buster Keaton local", un chanceux en marche dans Dakar avec sa porte (il circule allongé dans un taxi). Ahuri ou halluciné, on ne sait trop, le gars n'est qu'automatismes et chutes. Ses familiers, un nain et une logeuse. Trois portraits bien croqués... Derrière le billet de loterie, l'accablement : le franc CFA fut dévalué de moitié en 1994 par rapport au franc français. Il s'agit donc d'un "pansement" comique sur le malheur d'un peuple. Une naïveté de pure forme pour démontrer bien plus grinçant. C'est égal, on passe 45 minutes de bonheur visuel et sonore à trembler pour ce grand escogriffe.
  • BAD BOY BUBBY (1993)
    Note : 15/20
    Une chose insolite que ce Bad Boy Bubby... A condition de tout de suite se positionner dès le premier quart d'heure - entre gravité et hilarité, avec des oscillations - c'est certes d'un goût abrupt, mais sans choquer au-delà du supportable (j'ai eu peur au début avec le chat, cette mère dégoûtante, et le père de retour d'on ne sait où, leur grand coup de gueule donne le ton à adopter, j'ai pu rire comme en France avec certains films de Mocky, mais d'autres peuvent très bien aller dormir...). Surprise que cette philosophie qui monte soudain très cohérente, sans appel, négation pure d'un Dieu "tueur d'enfants", que Bad Boy Bubby, transcendé par la musique, ne s'embringue jamais dans la foi religieuse une fois à l'air libre (le film date de 1995). L'ironie de ce masque à gaz pour aller hors du bouge maternel prend alors tout son sens, dehors, bienveillance et scélératesse ont le mérite d'ouvrir des horizons... Un certain effroi que cette plongée dans le handicap lourd, + cette baffe chez les parents très "collet monté". Les enfants à l'honneur sur les dernières images donnent la santé qui manquait et laissent augurer que Bad Boy Bubby sera proche d'eux bien plus qu'un père ordinaire... Dommage que des lourdeurs, des redondances font virer au grotesque sur le plan musical scénique car cet errant à la trajectoire improbable finit par faire croire qu'on peut remonter des enfers !
  • LE FILS DU REQUIN (1993)
    Note : 16/20
    La cruauté de l'enfance, la "mauvaise graine" en action... On ne sait trop si la mère en fuite en a bavé, de ses deux loupiots (ou bien davantage de leur père ?), ou si c'est suite à son départ qu'ils font les 400 coups. C'est poignant, hardi (ce car conduit par les monstres !) mais par bribes, c'est néanmoins tendre sous la carapace. Bien relevé la terreur du père chez le plus jeune, à elle seule elle justifie son désir de transgression. En revanche, j'ai un peu souffert de la déferlante poissonneuse, redondante à l'excès, exception faite des têtes sanguinolentes simulant la souffrance énorme des gosses, dépressifs plus que fêlés à mon avis... Danger de transférer sa peine sur la gent féminine à portée de main, violence gratuite ouvrant sur la délinquance véritable en marche. En tous cas si aucun adulte ou événement ne viennent adoucir cette période fracassée (surtout le grand plus atteint que son frère). Ils semblent d'ailleurs plus jeunes que 14 et 12 ans ces mômes, j'aurais plutôt dit 8 et 12 ! En espérant que ce film soit projeté aux enfants en difficulté suite à des traumatismes graves, et débattu, débattu.
  • DANS LA LIGNE DE MIRE (1993)
    Note : 19/20
    Jamais thriller n'a égalé en trompe l'oeil cette incursion dans le clan des bodyguards au plus haut niveau... Certes, ça date de 1993, bien avant les attentats de 2001, ça faisait concentré de feuilletons étatsuniens vus et revus... La peur des psychopathes est montée d'un cran en politique, ce qui paraissait fictif hier rejoint notre monde quotidien archi-fliqué de 2010... C'est pourquoi on décolle sans peine avec ces deux monstres que jouent Eastwood (réchappé d'une oisiveté peu rédemptrice) et Malkovich (parfaite tête à claques Ô combien répandue depuis "la mondialisation") quand bien même on devine que la morale sera sauve, as usual... Quoique le bon essuie quelques revers, son passé se retourne contre lui, il frise la mise au rebut définitive... Flotte de manière heureuse l'humour décalé de Clint sur notre monde compétitif d'aujourd'hui (ces deux scènes de suspension dans le vide à la merci de l'autre, ou cet effeuillage militaire filmé à hauteur des pieds). Elégance suprême (à l'heure où se retirer des affaires passe pour indécent) de refuser la limousine au profit des transports en commun... A peine terminé le visionnage de ce dvd très équilibré (avec des bonus fort éclairants), on souhaite y revenir, si possible avec quelques amis, rien que pour la virtuosité d'ensemble, encore plus si on ne raffole pas spécialement des films d'action. Jamais trop rude : toujours crescendo, moyennant quelques sueurs froides, chaque plan toujours chargé de sens, avec un fond sonore des plus subtils.
  • LILLIAN (1993)
    Note : 17/20
    Bien davantage que dans "Thirteen" couplé à ce film qui lui est antérieur (1993), on sent les difficultés matérielles et un semblant de racisme communautaire. Si le personnage de Lillian, mère courage rejoint sa mission professionnelle, elle affiche une étonnante virulence envers les institutions comme avec son compagnon attitré sans pour autant se défaire de cette intonation geignarde qui agace d'emblée. On s'y habitue en vérifiant l'extraordinaire aplomb physique de la dame face aux coups du sort. Aucune scène violente, la mise en scène toujours délicate avec ses plans d'un esthétisme sobre. La religiosité de la dame peut toutefois peser, en particulier ce dérapage vers la superstition, manière de se dédouaner du peu de place faite à son intimité personnelle, un domaine où elle s'épuise des différences de valeurs entre les deux sexes. Sa fille Nina semble avoir épongé ce déséquilibre si l'on en juge par sa fugue peu après avoir soufflé ses treize bougies (voir film complémentaire "Thirteen" du même cinéaste afin de se faire une opinion d'ensemble).
  • MONTPARNASSE PONDICHÉRY (1993)
    Note : 15/20
    Incroyable comme le film a vieilli côté atmosphère ! Tous ces mâles qui draguent une seule, la jolie Miou-Miou de retour sur les bancs de l'école. Elle ploie sous les hommages, effusions, y compris avec sa grande adolescente, pas une anicroche entre les deux... L'amitié amoureuse qui tolère la liberté de l'autre malgré la rage intérieure, l'attirance bien maîtrisée du prof qui attend une période plus propice, etc. C'est beau et tendre, bien cadré, avec quelques bons mots, les cours de Dussolier, "un bon tour de jupe", celui de Miou-Miou dans le couloir du métro... Un peu surjoué parfois... L'un des plus convaincants moments éducatifs débarque avec cette harpiste qu'il faut remettre sur pied. De la générosité à l'état pur donc... Sauf que l'état d'esprit d'alors a déserté nos existences pour ce qui est de la forme. Il subsiste de ce film un peu trop gentil en 2012 (malgré le traquenard incarné par Perrin) les problèmes de décalage horaire dans un couple attaché bien que plombé par la différence d'âges. Le réalisateur Yves Robert (décédé en 2002) désirait probablement fixer sur la pellicule la fraîcheur globale de Miou-Miou comme ultime hommage soit à l'actrice, soit à son type de femme ?
  • LA CHASSE AUX PAPILLONS (1992)
    Note : 14/20
    D'un style apparenté à Tati, en plus foisonnant. Il est permis d'être d'emblée désarçonné d'entendre la langue de Molière et de la lire sur les bouches, car majoritairement acteurs français... Je m'attendais à une v.o. géorgienne sous-titrée, déception donc... Heureusement, il y aura ensuite un pan soviétique, non traduit mais très expressif, en droit fil du cinéma muet de l'est. Donc, cela se trame entre Moscou et le centre de la France. Bizarre mais agréable somme toute, très animé, avec quelques bons mots, des étincelles culottées même, mixées à une forme d'anachronisme destabilisant. A retenir, une remarquable scène musicale, des choeurs au milieu de perruches et perroquets qui ajoutent leurs trilles... Chants, danses, messes, obsèques, banquets générant l'affluence, satire de la vénération mortuaire aux intérêts sous-jacents (valable sous toutes latitudes), un religieux aux allures de fonctionnaire bon vivant. Au quotidien, on souffle dans des cuivres pour se défouler et le château entier se brade, avec une suspicion vite désarmorcée... En fait, l'idéal serait de voir ce film un peu allumé par un bon verre de gnôle, histoire de privilégier l'aspect anecdotique sans se poser de question sur la finalité... Outre les Enfants de Dieu qui s'ébrouent là ou ailleurs, sont également à l'honneur les belles vieilles guimbardes et le vélo, une incitation à faire en sorte que le sang circule dans les veines : slaves, franchouillards ou japonais défilent, chacun imprimant sa marque. Otar Iosseliani dit adieu à un monde d'iconoclastes révolu, en y glissant déjà (1992) le spectre de la mondialisation.
  • LEOLO (1992)
    Note : 15/20
    Certains êtres portent en eux le tragique de leur destinée : Jean-Claude Lauzon a disparu avec sa compagne dans un accident d'avion en 1997 à l'âge de 44 ans... Quand on le sait, son grincement tourmenté semble nous prévenir. A mi-chemin entre tendresse et insupportable. La personnalité de l'enfant "Léolo", forcené du pot face à maman itou sur le trône : charmante scène qui se répète dans cette famille de "moitié timbrés" (sauf la valeureuse mère ?). L'ignorance crasse des peu instruits et "qui s'creusent pas"... Non qu'il soit maltraité mais Léolo est un intello réfugié dans son monde, il se dit "déjà mort"... C'est filmé avec délicatesse, beaucoup de cocasserie, l'accent québécois de la voix-off amenant sa poésie craquante... On voudrait être ce témoin qui ressasse les écrits du jeune dépressif qui a rendu les armes, mais avec plus de pogne ! Une trajectoire marquée de quelques étincelles et on descend en enfer. Une petite remontée aurait été la bienvenue en regard de la qualité d'ensemble... Pire, le tableau devient d'un goût douteux à partir des bambins autour du chat, en matière de comptine, est déclaré fêlé celui qui rit encore après cette scène "too much"... Ce film sur la cruauté enfantine s'apparente à celui d'Agnès Merlet "Le Fils du requin"
  • LUNES DE FIEL (1992)
    Note : 15/20
    Une croisière qui vous embarque contre votre gré dans un tourbillon limite malsain à cause de la chaise roulante mêlée au sexe torride. En vérité, derrière les frasques de "Mimi" dont on est abreuvé à grosses louchées, piquante Emmanuelle Seignier, égérie (puis épouse) du réalisateur que j'ai personnellement cent fois préférée dans "Frantic", se dessine un autre stratagème, que rien ou presque ne laisse supposer. Armez-vous de patience, il va falloir tanguer sur ce rafiot en récoltant mille tours de la part d'un torturé à un réservé qui se laisserait bien tenter... Même si le duo le plus exhibitionniste prend tout l'écran, focus sur le couple british surtout, la dame notamment (Kristin Scott Thomas). Talentueux Polanski, un peu éreintant dans l'outrance qu'il se plaît à étaler, la durée pouvait être moindre sans saccager le livre de Pascal Bruckner... Qualité des cadrages, musique de mal de mer, amusement perceptible des comédiens tous chauffés à blanc dans leur rôle, on pense à Hitchcock en se rappelant les meilleurs passages du film. Merci au petit écran d'avoir diffusé cette oeuvre, bien qu'elle soit une petite épreuve nerveuse.
  • LE CHEVAL VENU DE LA MER (1992)
    Note : 18/20
    Découvert aux "Goûters de l'Ecran Univerciné britannique 2010" du Katorza nantais : le traitement emprunte au réalisme de Ken Loach mais tout vient de la présence du cheval "Tir Na nog" (éternelle jeunesse) chargé du fantôme maternel... Au début, on s'attend à un gentil conte du style Crin Blanc ou Poly, le cheval indomptable qui fascine à force d'échapper aux humains pour galoper... Déjà plus impressionnant quand l'équidé stationne au ras du plafond dans les intérieurs, s'égare avec les deux frères dans la campagne irlandaise ou entraîne l'enfant Ossie vers l'élément liquide... C'est remuant, rude, sans concession pour les a priori des policiers locaux et en même temps féérique virant au fantastique par moments... De Dublin, on passe à l'ouest de "l'Eire" (sauf erreur, l'aride Donegal agrémenté d'un miraculeux carré boisé et les falaises de Doolin)... Au moment où chacun croit l'histoire pliée, une femme paraît et déclenche un deuxième film dans le film ! Pour enfants avec explications sur deuil, exclusion... Ne pas s'y méprendre : en sortie de salle et à lire les témoignages des spectateurs d'Arte, adolescents et adultes en ressortiraient aussi chavirés si ce n'est plus !
  • SINGAPORE SLING (1991)
    Note : 16/20
    Le breuvage "Singapour Sling" datant de 1913 au légendaire "Raffles Hotel" de Singapour serait devenu ensuite "Straits Sling", un cocktail destiné aux femmes, une boisson bien raide... Quelle épreuve que d'avoir à noter cette fulgurance de 1990, on se demande si Nikos Nikolaïdis, ses deux actrices et leur homme-jouet ont survécu à l'épouvante... On est envoûté par l'image en noir et blanc et les cadrages suggestifs, la lumière, l'eau abondante, la terre à pleines mains. Du grand-guignolesque que ces accoutrements de dentelles et broderies, la maison sanctuaire, et le lit de torture... Délire annoncé par mille détails, mais classe picturale, musiques raffinées, voix off masculine et féminines insolites, du français aussi dans le texte, une atmosphère tendue, quelques accès de tendresse sensuelle, qui font qu'on continue à regarder en se disant "bienvenue chez les fous". Crescendo s'infiltre du "dégueu", "trash", ou "gore", enfin, "bêrk" ! Ou alors "ah ah ah !", le rire libérateur, trop drôle ce cinéaste, il va si loin qu'il se ramasse ! Bon, c'est un film empoisonné à coup sûr, à éviter si l'on est un peu nervous breakdown tout seul chez soi par temps gris mais... Une rare occasion de visiter les recoins d'alcôves de notre société amortisseuse de chocs : séduction et toute-puissance, inceste et psychose, pulsion de vie et de mort... Elles sont folles à lier et on s'évertue à craindre pour lui et sa Laura chimérique, soit... C'est un humour de fossoyeur à bien des égards, quoique braquer ainsi pleins feux sur les pulsions primitives de l'animal humain force le respect, une fois remis de ses émotions on s'en aperçoit.
  • DANCING MACHINE (1990)
    Note : 14/20
    Une ambiance de danse esthétique mais jouée en "surcoach" avec un Patrick Dupont qui commence un peu trop prétentieux (ça s'arrange heureusement ensuite). De très très grosses ficelles et pourtant un cadre attachant que cette petite place ronde ! Le pire est ce revirement pas du tout crédible sur les toits, ces larmes de crocodiles de notre Delon en danseur tortionnaire pour raison sentimentale (peuh !)... Malgré ces handicaps, quelques bonnes réparties, les piques de Monsieur le Divisionnaire et Brasseur par exemple. Divertissant pour les jours d'indulgence.
  • MILLER'S CROSSING (1990)
    Note : 16/20
    Vu en février 2009 au Cinématographe nantais. Film sur le milieu mafieux, où le sardonique l'emporte sur le pathétique grâce au dosage des effets, avec cette ironie des parodies de western (à la différence par exemple du récent "Il Divo" dont je goûte moyennement l'artillerie lourde...), ce qui fait qu'on s'en fout de ne pas tout comprendre, la confusion faisant partie du processus. Somptueusement réalisé, non sans poésie (travelling sur les arbres par deux fois pour qu'on comprenne l'instant décisif), la musique est divine, les deux rivaux très attachants, les raclées ne se comptant plus pour le plus jeune, qu'on croit vite fait pour "la belle venimeuse", une pulpeuse à la voix de velours échouée dans cet univers de brutes avec lequel elle doit composer, peu aidée par un frère qui l'entrave... Tous baignent entre deux eaux... Je retiens surtout une suite de joutes qui vont crescendo, d'une logique particulière (le fer rouge !) auxquelles on trouve un vif intérêt au bout d'une bonne demi-heure de chaos (que le dvd, parfois supérieur au grand écran, permet de zapper).
  • LE MUR (1990)
    Note : 19/20
    Les manuels d'histoire enseignent que le mur de Berlin fut "érigé en une nuit de juin 1961" : une trame bien métallique (esprit "Rideau de Fer" !) qui rendit la casse laborieuse ! Des passants s'arment de marteau et burin afin de prélever des morceaux comme on le ferait des fragments d'une météorite... D'autres se recueillent, telle cette dame collant son oreille pour capter une dernière fois les frémissements de l'autre côté, zone encore en pénitence... La scène se passe entre le Reichstag et la porte de Brandeburg... Quartiers et parfois familles coupés en deux, emplois perdus, fuyards fracassés sur ce mur, abattus ou bien arrêtés derrière les trois mètres, où existaient des dispositifs encore plus radicaux ... C'est très émouvant... Vagues silhouettes très loin de la caméra côté Est... Bien plus de vie en RFA, devant les brèches, on échange avec les gardes de RDA dont l'un manque donner ses coordonnées à une belle jeune femme blonde, la caméra l'a freiné... Passons aux lugubres sous-sol : "Alexanderplatz", qui fut une station de métro grouillante avant la séparation, surveillée nuit et jour, la grille descendue sur la sortie... Bruit de moteur qui se rapproche, mauvaise plaisanterie du cinéaste ? Non, c'est le tortillard, à vive allure sans s'arrêter, avec des voyageurs, même répétition sans doute depuis 1961 ?... Des messages d'espoir recueillis ça et là, une savoureuse tirade journalistique pour CNN, quelques blocs de pierres à graffiti sont enfin par terre ! Premier cris de libération, feux d'artifice, bière gratuite, un baiser symbolique et... la liesse ! La grande porte s'ouvre sur une marée humaine en ce novembre 1989, certains plantés devant l'objectif, conscients que c'est historique... Vue d'avion, une foule dense, des méga-concerts sont annoncés... Sauf que voici, "à même Le Mur", d'autres découvertes : entre autres, les premiers barbelés d'avant sa construction, une armée au pas de l'oie, le Berlin d'avant la seconde guerre, la montée nazie voulue par "la majorité", des personnalités au maintien raide, au passage "le petit monsieur à moustache" à l'origine des folies du monde (fracas de pierre en guise de bande-son, surréaliste mais petite oeuvre d'art !) : ces projections improvisées en attente du bulldozer permettent de réaliser la portée de cette page de l'Histoire, dont subsisteraient maintes traces encore aujourd'hui çà et là... Plus loin, quelques gravats épars en pleine campagne, là où les clochers égrènent les heures au milieu des gazouillis d'oiseaux, une frise proche des dessins d'enfants : six pans de mur dressés vers le ciel témoignent... Imaginons "die Mauer" debout en 2009, la Russie demeurée URSS, le monde entier aurait quel visage ?... Certes, là ou ailleurs, on mesure la lâcheté d'enceintes érigées pour enclaver les populations égarées par le discours économique de sanguinaires, voire de psychopathes... Cependant utile de se remémorer le "Pont Aérien" berlinois par les alliés en 1948 afin d'éviter le blocus, la fuite incessante des populations allemandes d'est en ouest jusqu'aux années soixante et qui conduisit les pouvoirs de RDA (très "russifiés" comme on sait...), à couper Berlin en deux le 13 août 1961 : du moins, le "Mur de la Honte" empêcha-t-il les autorités soviétiques de s'accaparer la ville en totalité !
  • LA FRACTURE DU MYOCARDE (1990)
    Note : 12/20
    L'histoire, très connotée année 1990 par le langage, les façons, a vraiment mal vieilli... Surtout le début, entrer dans cette maison avec une mère morte subitement, son visage immobile sur le lit, ouille... Vraiment, ça fait trop délirant ces écoliers qui prendraient tout en charge pour épargner la DDASS à leur copain. Trop invraisemblable, ou bien trop mal envoyé pour qu'on gobe à l'hameçon ? Ces enfants jouent trop en vase clos des scènes qui devraient se voir comme les yeux au milieu de la figure. Ce qui fait que l'émotion continue à se diluer et finit par faire espérer que quelqu'un vende la mèche... Une chance que l'ensemble soit un tantinet racheté par le dénouement, enfin du réalisme venant supprimer cette tension que l'on sentait vaine de toute manière. Quelques moments de copinage assez frais. En dehors du petit orphelin (le jeune acteur fait de son mieux), le meilleur rôle reviendrait à Dominique Lavanant en mère à l'écoute de sa fille en résistance comme on l'est souvent à cet âge, j'ai bien aimé sa bonne volonté à la contrer, surtout son ferme "mais je suis responsable de toi". Le personnage (très insistant) de la grande pubère maternante finit, fort heureusement, en image suspendue. Maladroit bien qu'il s'y glisse, par ci par là, quelques secondes qui accrocheraient, mais avec un autre scénario.
  • MISSISSIPPI BURNING (1989)
    Note : 14/20
    Vu le dvd en octobre 2008. Un thème délicat que celui du racisme traité de manière frontale. Surtout quand il n'y a aucun fait, aucune interprétation, proposés en début de film, qui justifient cette haine raciale. C'est un pur rappel historique d'après quelques infos recueillies : résultat, ça fait un peu "fourrez-vous ça bien dans la tête puisque je vous le dis", enfin tant que la situation ne se renverse pas : le spectateur est pris en otage pour patauger dans les violences gratuites répétées sans pouvoir s'attacher à un Noir précis, si ce n'est peut-être au plus jeune. Très maladroit que ce bourrage de crâne... Mais à la décharge du cinéaste, l'attention est captée par ces deux envoyés spéciaux sur les lieux, le vieux briscard sous les ordres du jeune qui en veut - étonnant pouvoir de rameuter des hommes à son secours ! - mais sans trop se croire arrivé quand même. Ils vont apprendre à se colleter. Autre intérêt et pas des moindres : la chanteuse de gospel, d'abord entendue et enfin vue, c'est tout le peuple noir qui chante pour finir dans ce visage au milieu de l'écran !
  • LA CAPTIVE DU DESERT (1989)
    Note : 16/20
    L'ensemble vaut surtout pour l'aspect pictural (assemblage des couleurs, petite robe rose saumon, très jolie couverture de nuit) et le fait qu'on voyage sans les inconvénients de la fournaise ! Des plans fixes, très larges, aux étonnantes couleurs, ces points minuscules se dessinant sur l'horizon et qui se rapprochent à vitesse réelle, la caravane en marche lente d'un bord à l'autre de l'écran, on situe bien les trois derniers qui nous intéressent... Bien sûr, on pense au cinéma asiatique. A noter aussi qu'on serait assez loin de ce qu'a vécu Françoise Claustre. Le cinéaste, grand reporter en Afrique, voulait transcender l'histoire de cette capture finalement très lâche, la rendre moins âpre qu'en réalité... L'interview de l'otage elle-même révèle une colère sourde pour tous ceux qui l'ont négligée avant l'avion de la délivrance... Quant à l'actrice Sandrine Bonnaire âgée de 22 ans à l'époque du tournage, elle dévoile (bonus au dvd) qu'elle a passé trois mois et demi loin des siens sans téléphone, occupée à beaucoup, mais vraiment beaucoup marcher, très peu dirigée. Avec tous ces états d'âme retransmis à l'image par Raymond Depardon. Une expérience grandiose, mais qu'elle serait incapable de renouveler... A déplorer : l'abondance de séquences vraiment très statiques, ou bien trop pauvres dans leur portée, par exemple ce chant à peine personnalisé "il était un petit navire" entonné de A à Z aux autochtones, alors qu'il existe tant de comptines moins galvaudées ! J'ai beaucoup goûté, en revanche la communication minimaliste que la captive entretient dans son rôle avec l'un des "gardes-du-corps" (ce dernier partagé entre une douceur bienveillante et la rudesse de sa mission, ces subtilités se sentent bien à l'image).
  • NE TIREZ-PAS SUR LE CERF-VOLANT (1989)
    Note : 19/20
    Classé parmi les oeuvres pour la jeunesse, voici un plaidoyer pour les tout-petits (2 à 3 ans d'âge) vivant en prison pour raisons familiales. Les adultes seraient bien inspirés de s'attarder sur les trésors d'imagination déployés par la détenue Inci pour garder en vie Baris, une chance que leurs âmes se répondent, car il faut faire avec les moyens du bord, en particulier une mère qui a ses nerfs et, comme modèles d'hommes, les chasseurs de ce cerf-volant, symbole, avec les oiseaux, d'un semblant d'extérieur. Emouvant au possible, jamais misérabiliste, ce voyage dans l'incarcération aide à mesurer combien c'est cruel d'enfermer les jeunes cerveaux dans un univers réduit, mais aussi que la créativité peut avoir son mot à dire, y compris lors des adieux à la bienfaitrice libérée, suffit que les symboles s'animent des meilleures intentions... L'interprétation du petit bonhomme est remarquable de naturel. Sa silhouette trottinant dans les couloirs les mains dans les poches et son visage en gros plan aux moments de vérité resteront longtemps hanter le spectateur. Sorti à la Médiathèque des Trois Mondes en vidéocassette, dommage que ce film se restreigne au seul public de l'enfance car il constitue un enseignement sans prix pour l'âge adulte !
  • L'ENFANT DE L'HIVER (1989)
    Note : 16/20
    Même si le traitement fait un peu "has been", ces valses-hésitations ont toujours cours en 2010. Le culte de la mère célibataire n'est plus, depuis qu'on s'est trop rendu compte que nombre d'enfants sans pères disjonctaient. Mais ce film, intimiste comme le serait un Rohmer mais avec des dialogues moins académiques, fait bien le tour de "comment préserver l'attrait sans se renier". Assommants pourtant, ces couples indécis, dont l'un court après l'autre qui cavale après sa chimère et revient à son port d'attache, détestables immatures pour qui (homme ou femme) n'a pas traversé l'intensité d'une grossesse. Deux personnages sont embarqués dans un rôle au-dessus de leurs forces, trop satisfaits de jouer à séduire : la décoratrice de théâtre, vraie tête à claques, fait basculer dans la dramaturgie, tandis que le "père malgré lui" cherche à s'amender, au début en cachette... Des situations fort bien retranscrites, certes crispantes dans d'incessants chassés-croisés (et que dire de ces contractions en pleine solitude !) mais toujours aussi humaines. .
  • LET'S GET LOST -CHET BAKER- (1988)
    Note : 17/20
    Remarquable biographie en noir et blanc, et en sons jamais discordant, enseignement précieux sur le bonhomme et son époque (archives très foisonnantes, on ne s'ennuie pas), une splendeur photographique de tous les instants, et qui donne envie de replonger dans cette ouate propre à Chet Baker, toujours plus ou moins bercé par une ou deux dulcinées, mais attention : si de jeunes chiots folâtrent à un moment au premier-plan pour évoquer sa fraîcheur de base, le virtuose est décrit plutôt du genre félin, c'est à dire trop doux pour ne pas cacher aussi des griffes, du moins si l'on en croit Ruth Young, qu'on jurerait son double féminin au plan vocal... Toutefois,l'ambiguïté règne dans ce film. Trop peu de tapage sur cette rétrospective à mon avis, dommage, car elle ravive bien le mythe (un peu comparable, dans un style différent à celui de James Dean). Chet Baker était un irrésistible comme lui et sa musique perdure sans une ride, je vous la conseille les matinées de gueule de bois par exemple.
  • ROSE DES SABLES (1988)
    Note : 17/20
    Produit par la la Médiathèque des Trois Mondes, cette vidéocassette (visionnée en mars 2009) échappe au fréquent classement "pour enfants" des oeuvres traitant des aléas de guerres : nous sommes en présence d'un personnage bien touchant, un adulte dans un corps handicapé-moteur sévère (la cassette mentionne "infirme de naissance") mais tout le reste est intact, un être plutôt brillant même : Moussa et l'élégante Zineb (qui travaille dans une usine de transformation de dattes) cohabitent dans le désert qui avance toujours davantage... Entre modernité et traditions, la solidarité alentour les assure d'avoir nourriture, eau, soins. Habile réflexion sur l'ironie du sort, en contournant à l'aide d'une autre femme que Zineb, cette option pressante pour toute créature féminine de se marier (on aime après la cérémonie...), parole biblique et hommage au sang familial au-dessus de l'individu. Magnifiques cadrages dans le désert, ombre, lumière rosée, je pense aussi à ces clapotis près du lac, à la rose à arroser comme un rite emprunté à St-Exupéry... Complicité du quotidien de ces deux êtres purs, soudés par les épreuves. Peut-être un peu trop de va et vient dans le sable, en voiture-bus, ou sur Mercédès, la bien-nommée... Le rythme immuable peut donner envie de forcer l'allure, que cela n'empêche pas de saluer la fraîcheur de Moussa, sa philosophie de rescapé (on rit beaucoup en sa compagnie de cet homme réfléchi, amoureux, au beau visage serein), cette démarche qui le caractérise aussi, un exploit physique sans l'ombre d'une plainte. Le regard de Mohamed Rachid Benhadj est d'une infinie délicatesse en dévoilant aussi des domaines où l'être trop différent est tacitement hors jeu... Mais voici qu'une toux réveille le spectateur assoupi : pour le virage final, assez corrosif dans ses étapes, Moussa bouleverse comme ces amis monocordes qu'on a eu tort de négliger. Larmes des dernières minutes, mais aucun misérabilisme pourtant dans ce film d'où l'on ressort avec une profonde envie de vivre !
  • LA VIE ET RIEN D'AUTRE (1988)
    Note : 17/20
    Enquête sur l'origine du fameux "soldat inconnu", une lâcheté pour gommer les autres, innombrables "morts pour la patrie" à la guerre de Quatorze, sortez ou je tire... Oeil de lynx de Tavernier, à travers le portrait d'un officier honnête mais écoeuré de ce que sa fonction exige. Tout le contraire de funèbre, ce film a donné le vertige aux producteurs (ils prétextaient que la mort planait ou craignaient plutôt de remuer la m...). Quoi qu'il en soit, depuis le ministère de l'identité nationale sarkozyste, ce film interpelle comme jamais... Ce n'est pas guerrier (aucun combat interminable comme dans "Capitaine Conan" par exemple) et on est aidé par la petite intrigue injectant du romantisme, jamais trop non plus car tempéré par la relative fidélité des militaires : houleuse intrigue s'il en est, dureté de la situation, infinité de détails historiques autour de l'administration des disparus, le tunnel aux abords de Verdun, cette usine épargnée par l'ennemi, etc. Une reconstitution cinématographique saluée par des éminences comme reflétant au plus juste l'endroit ainsi que les événements de 1920. Certes un peu troufion au début, "La digue du...", mais ça s'humanise, on en bave et on festoie dans le cadre des recherches autour de la table à reliques, les personnages sont à vif... Scénario plein de profondeur grâce à une pointure de la télé repérée par Bertrand Tavernier, le méticuleux Jean Cosmos. Jargon du coin repris (pur bonheur) ainsi que cet orchestre de dixieland avec Zanini... Duchaussoy en grinçant supérieur, le regretté Noiret déchiré entre devoir et penchants, Azéma hors de son faciès de minaude, ici en suffragette de milieu privilégié, fondante sous la voilette, la voix à la limite d'être étranglée, une actrice mise en valeur par une caméra de peintre. Outre la matière historique qu'il dispense sur un pan de notre Histoire, ce film, plus de dix ans après sa création, devient en dvd "un excellent Tavernier" !
  • LE SEPTIEME CONTINENT (1988)
    Note : 18/20
    Même frayeur, même écarquillement d'yeux que pour Je veux vivre, de Robert Wise (1958) sur la peine de mort... Mais c'est tellement bien fait, Haneke sait doser les effets de son histoire inspirée d'un fait réel, on est embarqué dans ce qu'on pressent comme une secousse à retardement. Ambiance pesante, mais la nourriture comme l'amour (même maladroit) sont présents, il s'agit d'un milieu réservé, où le stoïcisme est la vertu première, lenteur à la détente, avarice de mots, on espère donc un compromis en cours de route... Ah, cette voiture et ses occupants passés et repassés au lavage, cet écran noir comme une intercalaire insérée, les mûles rouges enfilées par la maîtresse de maison. L'intrigue commence par cette fillette qui entend tout et s'adapte, en droit fil de l'éducation reçue... Tout est bien cadré par le réalisateur, une mécanique de précision appuyant les quelques détails annonciateurs. En même temps, on découvre des larmes réprimées, des mouvements de tendresse (apothéose dans la voiture, la douleur formulée par les gestes). On admet que laisser le passé est difficile, que l'Australie mérite sans doute cet effort, parce qu'on la voit par moments, l'Australie du rêve, vagues en mouvement et ciel orangé... Mais à partir de ces poissons hors de leur aquarium, suivis des billets de banque déchirés, qu'une châsse d'eau emporte, l'inquiétude envahit, amorcée par cette curieuse lettre d'un fils à ses vieux parents. Devant la télé familiale égrenant ses chanteurs d'Eurovision, l'amère potion pour la petite fille en direct vers l'Eden... Ses parents dosent et re-dosent, certains bruits de fond (Ô combien suggestifs !) restent tournicoter dans l'oreille longtemps après visionnage du dvd.
  • DAMNATION (1987)
    Note : 18/20
    Découvert en dvd v.o.octobre 2007. Avec mille regrets de ne l'avoir pas vu à sa sortie en 2005 sur grand écran. Drôle d'ambiance que ces "berlines" qui passent et repassent, leur craquement inquiétant (qu'allons-nous donc voir ?), et toute cette eau ! Les plans sur un mur qui s'humidifie deviennent une oeuvre d'art, on croit voir quelque tissu passé au crible. La pluie elle-même, qui a filmé aussi bien le ruissellement pluvieux sur un sol, une fenêtre, un bar comme le Titanik, inspiré d'une tragédie de fond de l'eau ? Et attention, ce n'est pas du tout creux même si c'est statique et très bizarre ! On retrouve les affres de la communication inter-sexes, de l'impatience, un rire fourbe (alors que l'on stationne sur les verres qui attendent). Et puis trêve de lugubre, ces gens dansent aussi et la musique console des compromis (très bon moment de saxo). Il y a aussi largement de quoi se délecter des bruits, tous amplifiés comme pour indiquer un travail de broyage non-stop (pas, mastication). Des chiens errent sur ce décor, on pense un peu au "Désert Rouge", entre futurisme et apesanteur, c'est noir et blanc, pesant et fascinant au point d'en vouloir encore et encore.
  • LES GENS DE DUBLIN (1987)
    Note : 17/20
    Découvert en v.o. dvd décembre 2007. Le long commentaire de Michel Ciment en prime est précieux : ainsi, John Huston octogénaire très malade, tournait avec tuyaux et oxygène sur le plateau, rien d'étonnant que tout, ou presque, se soit déroulé dans cette grande maison ! D'emblée, l'histoire (librement adaptée d'un roman irlandais) pourrait rebuter : entrons dans un intérieur de la bonne société irlandaise de 1904 où une petite communauté a l'habitude de se retrouver chaque début d'année. Présentations très "soft" ambiance presque piano-bar de ce temps-là... politesses, petites gênes vite réprimées par l'humour mais avec une pointe d'agacement... Quelques retardataires, vite, la principale maîtresse des lieux demande un peu d'animation en attendant que l'oie rôtisse : un couple danse parmi d'autres en causant fort comme s'ils étaient seuls, un poème est déclamé, une chansonnette amène l'émotion, tandis que la caméra serpente dans l'escalier jusqu'aux manteaux à l'étage, station sur les bibelots de ces dames, pas un gramme de poussière... Redescendons à table, où les conversations deviennent de plus en plus animées, parfois piquantes... C'est déjà l'heure de flamber le pudding, avec un dernier petit verre... Fort bien, que va t-il pouvoir arriver de plus croustillant puisque tous ces braves gens sont sur le perron à prendre congé ? Que fait Gretta (Angelica Huston) en statue sur les marches alors que son mari l'attend ?... Il m'a fallu visionner deux fois pour réaliser que le chant venait bien de l'étage... Pour terminer, une petite balade en calèche vers l'hôtel, magnifiques images de ce cheval longeant la rivière dans la nuit après la neige (que de patience ce cinéaste demande !)... Huis-clos sur deux solitudes face à face, la minute de vérité.
  • LE SACRIFICE (1986)
    Note : 18/20
    Découvert cette splendeur en v.o. en 2008 : 2h20 de voyage dont on revient comme d'une nuit fructueuse, de celles où on a rêvé en long, en large et en travers. On croirait l'essentiel de la condition humaine dans son environnement, l'impression que l'éternité peut survenir juste après. Toutefois, impossible de s'arrêter à UNE SEULE explication, PLUTOT MILLE. Les spectateurs médusés sentent bien que ce n'est JAMAIS n'importe quoi, ce qui se dévide sur l'écran remue jusqu'aux tréfonds, on est intrigué, charmé, désarçonné, sonné mais toujours en prise avec une réalité tangible, surréaliste par moments, ou bien même fantastique. Si le trouble et le léger cohabitent dans cette presque fin du monde, l'indicible est juste "soulevé", le personnage principal serait-il dérangé tout compte fait ? Chaque plan accroche tellement c'est bien boutiqué, vie quotidienne, qui parle à chacun d'entre nous, malgré ces atmosphères de pays perdu dans la brume au bord de l'eau et de nulle part. Magnifique caméra s'approchant à pas de loup des cibles, avec des effets d'une étonnante subtilité, ce qui fait qu'on se laisse glisser d'un cadre à un autre sans broncher, au diable la manie de tout s'expliquer, on est comme une voiture dont on lâche le moteur sur une route légèrement en pente... De l'émotion plus qu'il n'en faut, plus de grandes vérités sur l'amour humain ! Le son aussi chatouille l'attention, aucune stridence, de la poésie et du mystère. Un univers ouaté, bizarre mais jamais franchement lugubre. Certes, "petit garçon", avec ses cordes vocales entravées comme si quelque chose ne "passait" plus, attriste par son questionnement final... Le plus fort est que l'ensemble réconcilie avec le genre humain. Cette oeuvre magistrale, trop méconnue du grand public, daterait de 1986. Incroyablement actuel en 2008 !
  • BASHU LE PETIT ETRANGER (1986)
    Note : 19/20
    Revu en vidéocassette en 2009. LE film à emporter sur une île déserte ou au tombeau plus que jamais... Particulièrement éclairant, alors même qu'il reste dévolu aux enfants, le comble : il s'agit du sort d'un rescapé de la guerre Iran/Irak, loin de France et de Navarre, certes... Miraculeux petit camion se faufilant au milieu des déflagrations, on le suit dans son périple, à son bord se trouve un fuyard : Bashu, "noir comme du charbon", livré à lui-même, revenu à l'état sauvage, tous les siens ayant disparu... Ce film est l'un des premiers du style (le cinéma iranien reste très attaché à montrer le sort des enfants de la guerre), filmé avec une virtuosité rare, ce charme un peu naïf d'apparence, voire "charmant", mais qui en dit, des choses ! Couleurs, symboles, manies de ce petit monde dans son quotidien. Contraste saisissant que cette succession d'images entre dévastation frontalière et arrivée dans l'oasis, plus au nord, brouhaha et soudain silence pastoral... Film personnalisé, dont la signature est cette femme au voile blanc venant barrer l'écran (époustouflante Sussan Taslimi). Dialogues sans tabou, aucune peur de dire que l'étranger embarrasse ! Que d'énergie ! Que d'espoir ! Plus précieux encore maintenant qu'à sa sortie ! Les adultes feraient bien de déménager d'urgence pareille splendeur au rayon "POUR TOUS" !
  • POUSSIÈRES DANS LE VENT (1986)
    Note : 16/20
    Film naturaliste s'il n'y flottait une brise ironique typique de ce réalisateur passé maître dans l'art de ménager quelque gag dès que le sentimentalisme s'englue... C'est familier (l'habitation filmée constamment à gauche de l'écran avec son escalier, les gosses qui piaillent un peu plus bas), nostalgique comme des photos de famille, grave comme une série de deuils. Approche de l'autonomie, ces pertes qui vous tombent dessus en dépit de toute l'affection et malgré l'instruction. Les scènes se déroulent en zone rurale taïwanaise. Le lien avec l'extérieur est le train dans le tunnel, toute cette ombre n'augure rien de folichon, ils n'ont pourtant pas été élevés dans le coton, ce garçon et cette fille copains d'enfance. Ils ont connu rudesse physique et devoirs communautaires (offrandes religieuses), leurs proches les veulent fidèles aux traditions. Tels deux pigeons fébriles au bord de leur cage, de plus en plus rarement au diapason...Chaque spectateur pourra se souvenir de ses balbutiements dans le monde des grands, les premiers boulots où on marche au radar le temps que ça arrange, ravis de claquer la porte sur des avenirs plombés, le soulagement de se rabattre sur des études longues, le premier vrai cataclysme qui fait rentrer au nid familial sans trop présumer de l'accueil... Et puis cette habitude que les filles soient vouées à vite convoler et procréer... C'est un peu étiré dans l'ensemble (1h49), riche de séquences en temps réel fort heureusement compensées par des minutes de fraîcheur comme la complicité des copains, les tirades du grand-père, ce "non" du petit.
  • WELCOME IN VIENNA (1986)
    Note : 18/20
    On plonge dans la guerre sur cette dernière partie de la trilogie. Les combats occupent l'écran tout de suite et longtemps. On fuit, on se canarde, on triche, on se débrouille dans un chaos sans fin (les images de désolation, ces villes par terre, peuvent rappeller "Le pianiste" de Roman Polanski). Intervient une jolie blonde, bien campée dans sa fusion entre scène et réalité, contrepoint habile pour qu'on comprenne que le caméléon sommeille en chacun de nous, quoique à des degrés divers. L'escalade dans la folie collective atteint son apogée ici. On se noie dans l'alcool pour oublier son déni de soi-même. La jeune fille aide à cerner combien la survie post-guerre requiert d'arrangements. Ferry en deviendrait presque raide dans son refus de la compromission. Il force le respect du spectateur et pourtant devient terne. Car impossible de ne pas trouver sympathiques ces déjantés, traîtres à eux-mêmes mais si humains, si conformes aux monstres engendrés par une société à son point culminant de putréfaction. Pour autant, on restera tergiverser. Il va où finalement ce brave Ferry trop pur ?... Entendu que les guerres sévissent depuis la nuit des temps, la découverte de ces trois oeuvres d'Axel Corti permet de comprendre l'arrivée d'une guerre. Comment cela s'ébauche, les paliers qu'on ne peut ou ne veut pas voir et qui conduisent au paroxysme avec, en bout de chaîne, les séquelles qu'endossent les générations suivantes... Une sorte d'avertissement. Guerres raciales, religieuses, environnementales, toujours plus ou moins économiques.
  • PALE RIDER (1985)
    Note : 16/20
    Des galopades, un petit chien paniqué, la terreur sur les visages, la tension du film qui vous saisit et ne saurait vous lâcher... Facture classique, c'est justement ça qui accroche, pas besoin de gros effets spéciaux avec une bonne histoire, en v.o., c'est un excellent divertissement sur dvd. Clint Eastwood s'approprie ici le mythe initialisé par Sergio Leone, "le bon", mais avec la discrète ironie qui le caractérise. C'est bien le seul des rescapés du western spaghetti à pouvoir se permettre des prolongations. Cavalier miracle en attente posé sur le paysage ou réduit à un chapeau posé par terre... Sourire du spectateur au début de "l'apparition" : encore possible d'adhérer ou est-ce que l'égo du cinéaste va transpirer et reléguer ce mythe du vertueux insaisissable au rayon Jeunesse ?... Mais voici que point l'inquiétude pour ce voyageur déboulant dans le génocide local, trop beau qu'il arrive à ses fins, va se faire avoir... Fripouilles éliminées, population terrifiée, femmes (devant et derrière l'écran) rien moins que tétanisées... Eastwood est ici pasteur, l'être impossible à posséder, il doit rejoindre les drogues dont il faut vite se sevrer. Hymne à la séduction naturelle, à l'intensité de communication, à la responsabilité des personnes une fois le minimum de protection recouvré. En arrière-plan, on sent une équipe choisie avec minutie et dirigée en toute autonomie de A à Z par Eastwood... Chaque plan, chaque dialogue, sèment de la profondeur et mettent le nez dans les ravages du profit, d'actualité à toutes les époques, en 2008 aussi... Pour ceux qui aiment l'action émaillée de suspense, pour celles qui raffolent d'un romantisme de fait plus que de bla-bla. Faussement racoleur sur la forme, attachant sur le fond. L'équivalent d'un message biblique de la part d'un homme libre, et au talent qui ne lasse pas de surprendre !
  • UNE FEMME EN AFRIQUE (1985)
    Note : 15/20
    "L'Empty Quarter" : c'est ce grand désert aride au sud de l'Arabie Saoudite (pas de pluie, pas de sources, températures avoisinant les 45 degrés...) où, en décembre (période choisie par le cinéaste en 1985), le thermomètre descendrait parfois à 15 degrés. Un endroit mythique où emporter en jeep une jeune fille invitée à partager une chambre d'hôtel, au prix d'une libido exacerbée : qu'elle "craque" enfin. Ne plus jamais s'ennuyer sans référence à l'autre, être rassuré par la possession physique. Quelles que soient les répercussions, au moins voyager à deux et non plus tout seul. On sent bien l'expérience du photographe de presse, reporter dans le monde entier, qui s'est forgé une obsession à partir de chimères et sait qu'il va la digérer par le biais du cinéma. J'ai souffert de la superposition des dialogues, cette voix-off mâle sur le débit féminin, fort heureusement le dvd permet de revenir en arrière pour tout capter, y compris ces magnifiques plans sous la lumière rougeoyante ou dans la pénombre. Ai été un peu heurtée par la violence du monologue mâle, au plus près de ses pulsions. mais tout autant par la riposte de la belle, elle y va fort... Il reste une part d'insolite, le cinéaste et sa monteuse (Franssou Prenant), fervents globe-trotters dans la vie, créent quelques énigmes, comprend qui peut. Mais j'ai bien voyagé, les images (cette lumière !), les atmosphères africaines diverses, et ce besoin d'amour de chacun doublé de la terreur de dépendre, tout ce travail d'orfèvre de la caméra, rachètent LE GRAND ABSENT sur l'écran, en tous cas pour la femme que je suis et qui aime également se rincer l'œil et le cœur au cinéma : un personnage masculin INCARNE...
  • LE DECLIN DE L'EMPIRE AMERICAIN (1985)
    Note : 16/20
    Il semblerait qu'à notre époque puritaine et pourtant très pornographique (2008) on doive éviter de rire de soi, comme le faisaient les Canadiens et les Canadiennes de ce film américain DU NORD en 1985. Car il y a une incontestable bonne humeur globale : ces hommes préparant le gueuleton pendant que leurs dulcinées soignent leur forme en papotant du sexe opposé. Charmant inversement des rôles traditionnels ! Certes, quelques instants surjoués dans l'hilarité, ça frôle le trivial, mais est-ce si glorieux de papillonner à ce point (le cavaleur impénitent) ? Fort heureusement, ces dérapages sont compensés par les petits travers féminins, notamment le masochisme de la dame la plus à l'aise en apparence ! Le pompon : cette célibataire qui lâche le morceau afin de retrouver un semblant d'équilibre... L'ensemble reste une comédie de moeurs, vache, et pourtant plus tendre qu'il n'y paraît, par ces petites misères de part et d'autre, la rigolade, c'est ce qu'ils montrent de préférence d'eux-mêmes, pavoiser surtout. Oui, les maris ont parfois des pulsions et peu de scrupules. Oui, les compagnes permettent des fantaisies dehors, enfin tant qu'elles font partie de l'équipée, oui, elles minaudent plus qu'elles ne mettent en pratique.. Reste qu'on compatit pour celle qui a bu du petit lait pendant deux décennies : un choc à faire sa valise !
  • LE COUREUR (1985)
    Note : 17/20
    Il a élu domicile dans un bateau désaffecté (car il aurait perdu sa maison lors de la guerre Iran-Irak) : toute la journée le jeune Amiro (petite bouille sauvage au sourire radieux) s'active, s'assume comme un petit homme responsable. Il dispose d'une vitalité étonnante, sportif endurant, comme sa bande de copains, des hyperactifs heureux dans un coin qui leur est à peu près favorable. Amiro sait se tirer d'affaire, incapable de "lâcher le morceau" s'il estime avoir raison, question d'honneur... Amir Naderi offre des images riches, bien cadrées, aux couleurs ensoleillées, c'est une suite d'ébats juvéniles qu'on sent nécessaires à la fois pour gommer le passé et s'inventer un présent de bric et de broc en Iran... Survivre, transcender... Les bateaux, avions, trains, vélos, sont des jouets grandeur nature (Amiro jubile en allant simplement toucher un avion au sol sur la piste voisine !). Travailler, étudier, hurler devant la mer, les navires, le feu, et puis courir pour vérifier ses limites. Rester fort. Outre la morphologie de cette petite bouille de "Poulbot iranien" et son désir de suivre des cours du soir, l'aveu mutuel que "les copains manquent" et surtout le départ de l'ami, cette petite larme, révèlent aussi la capacité d'aimer, miraculeusement intacte... Rappel bouleversant qu'il existe foule de ces innocents livrés à eux-mêmes sur notre chic planète !
  • MON CHER PETIT VILLAGE (1985)
    Note : 19/20
    Découvert cette perle de 1985 en janvier 2009 grâce au dvd. Que de fraîcheur ! Que de bonne humeur (d'une veine comparable à "Pleure pas la bouche pleine" de Pascal Thomas ou à "Chant des Mers du Sud" de Marat Sarulu) !... Si le réalisateur emprunte d'abord à Tati le climat villageois bon enfant, à Laurel et Hardy la complémentarité de deux silhouettes contrastées, ses deux personnages affichent un plus : le petit gros est un artisan bourru, tuteur du grand maigre "retardé", un être qui attire d'emblée la sympathie car ça chauffe pour ses oreilles, délocalisation à Prague en vue : fort heureusement les figures locales, laborieuses autant que débonnaires, pèsent sur les décisions ! Peinture de la Tchécoslovaquie sous la bureaucratie soviétique (la santé communautaire fait qu'on se prendrait à regretter les changements politiques advenus depuis) : charmant village avec cimetière au ras du jardin où on se rince souvent la cloison l'après-midi en dégustant quelque grillade... Les travers sociaux universels sont abordés avec minutie, la mise en scène joue sur plusieurs tableaux (la nouvelle de l'adultère sur fond de télé et maquette de bateau !). Des dialogues d'une grande saveur, une sensualité pleine de joie du fait des entraves. Bien capter les petites intrigues car elles s'inscrivent dans un fil narratif sinueux mais précis. Beaucoup de poésie "couleur locale" aussi (je pense à ce "Dormeur du Val" de Rimbaud ânonné par le médecin, et quel médecin !...). Un beau voyage dans une dérision de tous les instants, quelques allusions à la grande ville, et retour immédiat vers les aléas de la technique, les merveilles de la vie champêtre. La musique est sur mesure, toujours entre Marche de Radetzki et fête foraine, plane aussi un brin de romantisme allemand... Dans ce milieu préservé, tout de suite familier au spectateur, la philosophie fait songer à Marcel Pagnol le méridional. Plusieurs sources d'inspiration font la richesse globale. Pour les réfractaires à la démesure de certains cinéastes de l'est, on est dans une forme d'absurde, mais les excès ne franchissent jamais la ligne jaune ici... Vraiment dommage que ce morceau de roi, antidote puissant à la morosité collective, ne puisse ressortir en France à nouveau sur grand écran !
  • L'HONNEUR DES PRIZZI (1985)
    Note : 17/20
    Il y a presque des époques pour apprécier un film, banni ou écoeurant à sa sortie, relançant l'intérêt quelques décennies plus tard... C'est le cas de celui-ci. Il est encore soit trop gros, soit délicieusement caricatural. A rebours des romances hollywoodiennes sur fond crapuleux (Nicholson en Tex Avery dans l'approche qu'il a de sa partenaire Kathleen Turner, efficace en tueuse glamour)... Leurs oeillades style "je te tiens par la barbichette" montrent à quel point le coeur lutte avec le dressage devenu partie intégrante de l'individu. Certes le mot "polack" pour "polonais", audible en 1985, écorche l'oreille en 2012 sur le dvd sorti en version française. Sinon ce peut être un divertissement honorable, gagnant en suspense en dernière partie. A l'exception peut-être du patriarche qui en fait des tonnes, les acteurs s'amusent ferme dans leur double jeu et Jack Nicholson peut cabotiner, son rôle le demande. Récit pertinent pour relever les paliers de cynisme des extrémistes, leur logique de pragmatiques dénués de réflexion. Une belle définition du "panier de crabes"... Pour corser les affres de ces bandits de la politesse, John Houston met des gants, case affective d'abord... Résultat, on voudrait laisser une chance au couple.... A voir manoeuvrer la tribu Prizzi, monstre froid aux lentes tentacules policées, on se prend à comparer avec les mafias expéditives d'aujourd'hui, La "Camorra", pour ne citer qu'elle.
  • SANTA FE (1985)
    Note : 19/20
    Cette deuxième partie de la trilogie place avec fluidité d'autres personnages au premier plan (ce qui atténue la crainte de confusion). On est édifié sur les idées communément admises quant au sort des immigrants juifs aux Etats-Unis. L'accueil par liste... qui rend aux abois, requiert des protections, du culot, du cirque au besoin (ce baiser à la terre !), afin d'être administrativement recevable. Tout autant que la limitation des arrivées, "la sélection naturelle" joue davantage que le renom dans sa vie d'avant, (le manteau rapé de l'épouse humiliée de la dégringolade de son homme !). Pire qu'une portée de chatons larguée par bateau (cette course folle vers le cordage !). Pour les admis, déjà bien traumatisés, reste à affronter le quotidien. Improvisation, bizutage des frères de sang. Utile pour comprendre qu'ensuite l'enrôlement d'immigrants dans l'armée américaine allait presque de soi. Bande-son reconnaissable entre mille, pragmatisme très américain du nord. Sans gommer totalement le romantisme de fond, jamais trop larmoyant. Tout cela fait qu'on commence à s'attacher à la trilogie d'Axel Corti. Cette seconde partie, grouillante, vivante dans sa volonté de rebond, dépeint les facettes de tout exil de populations en temps troublés, cette loi du plus fort qui ne fait pas dans la dentelle !
  • BOY MEETS GIRL (1984)
    Note : 16/20
    Léos Carax est unique dans sa façon de présenter des scènes du quotidien comme si à la seconde suivante on était tous morts. Avec ce côté surprenant d'agrémenter une errance par une bouilloire qui siffle, une salle remplie de bébés à consoler, un retour sur ses pas pour foutre à l'eau un importun ou une paire de ciseaux équivoque. On passe du chaud au froid non-stop avec cet ange-démon, ça travaille la peau... Admirable ciseleur, qui prend son temps pour tirer le meilleur du figé. Très personnel, qui fout bien la trouille avec sa caméra scalpel, mais impossible de quitter l'écran, comment cela se fait ?... Même s'il me dérange aux entournures, il s'en dégage une magie. Son monde m'est plus proche que celui de Godard, auquel il s'apparente par la perpétuelle "énigme" de ses messages, en fait, c'est ça qui accroche, en dépit du désespoir qu'il communique sur notre société d'errants à double faciès, l'apparence, et puis l'autre, le dedans, ce labyrinthe, où il ose s'aventurer comme personne.
  • LE DESCENDANT DU LÉOPARD DES NEIGES (1984)
    Note : 18/20
    Tolomouch Okeev (réalisateur du Kirghizistan) aurait vu pendant longtemps sa production réservée, de la part des autorités soviétiques, aux enfants, ou détournée vers l'Inde et autres contrées orientales - surtout pas vers l'Europe, cette dévergondée ! - jusqu'à ce qu'il soit enfin diffusé et reçoive la récompense suprême en 2001 à Nantes, hélas peu de temps avant sa mort... Son "Descendant du Léopard des Neiges" (Montgolfière 1984) projeté au Grand T une seule fois ce jeudi 27 novembre 2008, livre ses préoccupations, il y a tout dans ce film à voir bien éveillé car on voyage loin, dans une nature assez âpre où survivre exige du tempérament... Plus de deux heures d'aventure à braver tempêtes et avalanches, l'éclaircie après la balançoire illustrant l'éphémère par excellence. Une épopée qu'on croirait contemporaine, paysages aux climats contrastés d'une montagne à l'autre, filmée sous les angles les plus acrobatiques. Attachante philosophie que ces symboles du léopard des neiges à peine entrevu, et la chevrette grise sacrée montant la garde... Décontraction communautaire à l'abri, vieux sages avec une aïeule à leur tête, sorte d'oracle... Un je ne sais quoi de médiéval. Coiffures de ces dames perpétuellement endimanchées, jeux d'adresse : pulsions humaines débridées lors des fêtes, encore plus avec les "progrès" que sont l'alcool fort (la fameuse "eau de feu") et soudain...les fusils ! Des images somptueuses et un récit plus prophétique que jamais en ce début de vingt et unième siècle. Un travail minutieux de la caméra, aussi parlante que les personnages ici. Une oeuvre trop méconnue par rapport à la sagesse qu'elle déploie, certes sans se presser, mais le dénouement est d'une cruauté sans nom, regard d'adulte Ô combien civilisé !... Bien des films à succès semblent inspirés de ces atmosphères mythiques, je pense aux décors du "Seigneur des Anneaux" ou, dans un style plus réaliste, à "Himalaya", ses périls à flanc de montagne, ou encore "Danse avec les Loups" (la course de bisons trépidant jusqu'aux fauteuils des spectateurs)... Il n'y a plus qu'à souhaiter la sortie du dvd de ce sacré "Léopard" !
  • UN ÉTÉ CHEZ GRAND-PÈRE (1984)
    Note : 17/20
    Autre moment impérissable du Festival des 3 Continents 2008, toujours "dans la détente" en ce mardi 26 novembre 2008 : le récit de deux enfants embarqués de Taipei (Taïwan) en train, en compagnie d'un jeune tonton accompagné de sa dulcinée, destination la campagne des grands-parents. C'est un cinéma du quotidien permettant de connaître les us et coutumes taïwanaises des eighties filtrés par un cinéaste de culture moitié chinoise, moitié japonaise, en plein retour sur sa propre enfance. Beaucoup d'espièglerie et quelques inquiétudes du monde adulte rejaillissent sur le frère et la soeur. Sévérité du grand-père médecin, bon instructeur parfois enclin à user du bâton... Courses de tortues contre ventilateur en jouet, malice de la fillette contournant posément la misogynie, elle sera curieusement épaulée par une soi-disant "lépreuse" à l'aise sur les rails, bien davantage qu'en haut d'un arbre... La question qui plane : ce naturel existerait-il toujours dans ce coin du globe à l'heure qu'il est ? Ou bien est-ce devenu industriel jusqu'à rayer de la carte cette rivière de vacances en bordure de voie ferrée ?... Quoi qu'il en soit, la Montgolfière 1984 nantaise a fait mouche une nouvelle fois (salle comble et applaudissements)!
  • TROUS DE MEMOIRE (1984)
    Note : 16/20
    On met du temps à entrer dans ce huis-clos d'un homme provoquant la rencontre après quatre ans d'une ancienne dulcinée. Attente de l'homme. De dos, longuement au bord de l'eau dans la verdure, par temps frais mais radieux, à... huit heures du matin ! Il souhaiterait retrouver un souvenir, une chanson. La jeune femme d'abord s'inquiète. Pour vite réaffûter ses armes, le partenaire remettant vite le couvert de "la tendre guerre" : les voilà partis dans un jeu d'écolier, avec papier et crayon, comme s'il leur fallait un échauffement avant d'en venir à plus de réalité. Fort heureusement, le spectateur récolte en chemin un peu de grain à moudre... Paul Vecchiali et Françoise Lebrun (tous deux en pleine improvisation dans les faits !) font monter le suspense, au mépris de l'étroitesse du cadre dû au manque de moyens, la liberté d'expression d'abord ! Soit, malgré un regrettable académisme, ça finit par accrocher ! Pour qui a pu connaître des situations ressemblantes, c'est même un parfait état des lieux des impasses. Amertume de la déconnexion. Désarroi face à l'individu qui vous échappe, inconfort qu'on sait pourtant doublé d'une délivrance. Destabilisant de toute façon. Je me suis dit qu'ils allaient au final se ménager pour avoir été aussi intimes avant. Cancer, vacuum, des mots assassins... Travail de mémoire, affabulation... Qu'importe puisque le corps parle sans qu'on le lui demande ! .
  • SANG POUR SANG (1984)
    Note : 17/20
    Un excellent démarrage plein de noirceur pour ce grand cru des Frères Coen de 1984. Frances Mc Dormand en fraîche épouse essayant d'échapper aux griffes d'un mari machiavélique, tente de fuir avec un homme "normal" de son entourage. C'est vrai qu'il fout la trouille, ce mari caractériel, jusqu'à l'arrivée du tueur qu'il engage, un virtuose de la photo, le genre "onctueux trompeur", ses savantes réparties laissent entendre d'autres frasques sans l'ombre d'un état d'âme. Sueurs froides dans cet intérieur éclairé sur le couple en point de mire ! D'autres raffinements, que ce soit dans les situations ou les dialogues, rendent ce film sur le fil du rasoir regardable (= ne jamais fermer les yeux d'horreur). La limite est atteinte avec les pelletées en rase campagne sous la lumière des phares. Là on pouvait tomber dans les pommes... Etrange mari plein de tics, vomissant d'effroi et son rival, sur lequel le spectateur misait, qui se retrouve zombie à force de luttes. C'est plein de raffinements à l'image (dessous de robinets vu avec les yeux d'un agonisant) et sauvé par le contraste de présence charnelle bien saine, bien avisée, que laisse pour finir (comme un petit chaperon rouge épargné)"Madame Joël Coen à la ville" !
  • WITNESS (1984)
    Note : 16/20
    Vu le dvd en octobre 2008. C'est assez bien amorcé, dans une atmosphère ouatée, la musique de Maurice Jarre comme une sourdine permanente... Petit garçon judicieusement choisi, il a l'expression de ces gosses translucides, détendus, grands yeux étonnés, bouche entrouverte sur le monde, la peur les change en statue de sel... Donc, on marche, bien qu'il soit permis de douter que dans la réalité, on tienne compte de l'avis de ce gosse, émouvant ce jeune index pointé sur la photo de l'innommable avec cet adulte qui adhère... Le couple du flic américain et de la jeune veuve amish en coiffe est tout aussi captivant, réserve faite, là aussi, sur la guérison à coup de cataplasmes à base de lin... La communauté amish soudée entre austérité et bien-vivre face aux traquenards des industrialisés : encore un contraste riche de rebondissements. Ce père qui tend l'autre joue, tout plutôt que l'apport extérieur, les magouilles policières. Sûr que l'interprétation est pour beaucoup dans l'attrait général, mais il y a aussi une forme de suspense... L'accent est mis sur les différences culturelles, autant d'élans possibles mais vite réfrénés par les limites de la collectivité.
  • HONKYTONK MAN (1983)
    Note : 18/20
    Vu en 2007 à la télé sur Arte, hélas en version française, une chance que les chansons country soient, sauf une, en version originale. Clint Eastwood et son fiston se dépassent dans leur lien personnel à travers ce périple. Le petit se façonne grâce aux travers du grand, à priori peu recommandable... Fascinant "Oncle Red", certes rude mais qui ouvre une grande fenêtre sur le monde extérieur, dans ce qu'il a de savoureux et de dangereux. On retrouve aussi la hantise de la corde au cou féminine, chère à Eastwood et qui peut donner le fou rire à tous les couples revenant de loin. Dialogues bourrés d'ironie et de fatalisme. Ensemble excellentissime, tant au plan visuel que sonore, un seul reproche, peut-être un peu lent à se dérouler... Pertinent concernant les variantes éducatives : oui, on peut pousser en étant rudoyé, dès lors qu'on a intégré, de la part de l'adulte, une faille affective supportable. Inversement des rôles...qui donne deux réjouissants portraits complices et protecteurs, avec un lot de jolies transgressions (scènes des poules échappées de la voiture, libération loufdingue de prisonniers). Tout ce bouillonnement alerte également sur la précarité de nos existences.
  • L'OMBRE DE LA TERRE (1982)
    Note : 16/20
    Splendide fiction tunisienne en v.o., on jurerait un documentaire. Rappelle les Indiens d'Amérique par ses réunions de vieux sages pour débattre des meilleures attitudes à tenir. Mais on est bien à l'orée du désert arabe, la grande ville se devine pas très loin... Une vie rude, solidaire, très organisée pour cette famille de nomades, qui doit se répéter depuis quelques siècles ? Chacun(e) son rôle, ses talents (le magnifique tapis), les traditions sont claires, le patriarche est écouté, parfois contré, mais maintient une certaine tenue côté moeurs (les épanchements amoureux de la télé, ouste !).Ces gens savent sourire et s'amuser, mais prisent le silence, seul le pleur d'un bébé indique l'angoisse générale. Il faut soigner les moutons, en abattre certains... Visites régulières de camionnettes dont le tracé se repère de loin, on sent, à la différence des camelots de passage, qu'ils accourent pour mettre de l'ordre. Papiers d'identité de tous refaits. Deux grands fils partis voir ailleurs... On est de tout coeur avec l'équipée plus l'étau se resserre. Et on imagine le choc de cette épouse à voir débarquer, comme n'importe quel container, une boîte oblongue, pas tout à fait comme les autres.
  • GEORGIA (1982)
    Note : 17/20
    Ce film sorti en 1982, récompensé par un Golden Globe, retrace les années soixante américaines d'immigrants yougoslaves à travers la biographie du scénariste Steve Tesich, montée de manière excellentissime par Arthur Penn. En arrière-plan, assassinat de JF Kennedy, guerre du Viet-Nam, réhabilitation du peuple noir, premiers pas sur la Lune, vague hippie, accompagnés de frictions diverses avec les autorités... La dureté paternelle focalisée sur le matérialisme d'après-guerre est pressentie dès la première image, malgré l'embrassade bourrue, le petit arrivant cultiverait-il l'hésitation ?... Mais voici que le spectateur tangue sur "Georgia" de Ray Charles, idéalisme juvénile au paroxysme, scènes musicales renversantes, valses-hésitations autour et à distance de la délurée jeune fille. Une féminité redoutable pour quatre copains, dont un gaillard destabilisé de longue date par papa (Georgia identifiée au mythe Isadora Duncan = jeu du chat et de la souris). Attendez-vous à UNE scène ahurissante au moment où on serait proche de croire chacun casé dans le contraire de ce qu'il lui faudrait... A voir dans sa version originale à la première occasion, sous-titres en français ou pas du tout, c'est suffisamment expressif avec des dialogues réduits au plus simple.
  • LE MONDE SELON GARP (1982)
    Note : 14/20
    Les enfants de ce film sont adorables de naturel. De très bonnes interrogations ici et là, des atmosphères plausibles, des personnages bien amenés, l'importance de l'enfant constamment à l'honneur. Mais alors, que ce soldat à demi-conscient enfourché par une infirmière pour la bonne cause gêne !... L'enfant réincarne son père en aviateur et tâche de contourner le récit de sa mère courage, en rivalité avec lui en tant qu'écrivain, et qui se retrouve finalement avec un canon pointé dont on ne retrouvera pas l'auteur... Moyennement apprécié les fantasmes sexuels sans cesse ramenés... Plus tard la scène où les voitures se fracassent pendant que l'épouse était à l'oeuvre m'a paru grand-guignolesque, encore plus en regard de ces langues coupées par solidarité. Des mélanges douteux donc, qui gâchent la tendresse et la poésie ambiantes (les naissances, les vagues par exemple) et une réelle profondeur de pensée (le transexuel en questionnement, la relative sécurité du foyer) : les origines de Garp engendrent le malaise. Rien d'étonnant qu'il devienne soudain violent à l'âge adulte, son père mort juste après conception est un fardeau, lui-même comme père veut s'illustrer au centuple... Une existence qui, hors de la paternité, trouve l'impasse. Aucune envie de connaître le livre, le film en ayant donné la fin, seul point vraiment intriguant.
  • L'ETOILE DU NORD (1982)
    Note : 16/20
    Pour être sûr de ne pas en perdre une miette, autant visionner le dvd en deux étapes : savourer les deux monstres qu'étaient Noiret et Signoret se donnant la réplique n'a pas de prix aujourd'hui en 2009... Outre sentir l'Egypte déferler dans cette belge pension de famille, l'intérêt réside dans le trouble grandissant de "Mme Baron" face à "Monsieur Edouard" : on est partagé, il y a bien cette bague, mais enfin ce voyageur débonnaire ne peut tout de même pas... Entre nous, cette blonde sirène (Fanny Cottençon) irait jusqu'où pour des histoires de popotin ?... Dommage que ça traîne un peu en longueur pour qu'il y ait enfin une chute, bien dans le style de l'écrivain Simenon... Dialogues signés Grisolia, Granier-Deferre et Aurenche, ce dernier par à-coups au dire du cinéaste dans le bonus car le fin dialoguiste Aurenche aimait se faire désirer). L'interview du réalisateur mentionne aussi "la patte" de Bertrand Tavernier pour la séquence Ile de Ré). Film d'atmosphère certes de facture classique, techniquement de haute voltige avec flash-back sortant de l'action comme d'un chapeau, musique céleste. Ne manquerait que l'opium qui déboule de l'écran... Ceux qui éprouvent des engouements tacites mais bien réels seront à leur affaire.  .
  • LE VERDICT (1982)
    Note : 16/20
    Entrée en matière assez lugubre, et pourtant on est saisi... Par la silhouette d'éternel jeune homme de Paul Newman. Et aussi par ses gags... Diable de Franck Galvin épaulé par son collègue, un ange de patience ( malgré les dossiers renversés de rage), on a ensuite droit à de délicieuses scènes de collyre + cette lampée de whisky au jaune d'oeuf suivie d'un rot !). Une démesure avant de se ressaisir ?... Partenaires du risque-tout à la gueule enfarinée : un hôpital privé avançant son magot anti-scandale flanqué d'une brochette d'experts... Si on les cherche, peaux de bananes garanties ! De la victime allongée dans le coma à sa soeur désespérée et son mari vite agité en passant par Laura (Charlotte Rampling), plus que fatale avec son regard de chien de traîneau et son aplomb de belle plante, la voix de l'avocat embourbée prend de l'assurance, une succession de défis réveille notre homme... A déplorer quelques redondances, il faut croire que Lumet lanterne pour que le spectateur demande grâce ?... Un grand classique qui vieillit bien parmi les films à procès, repérable entre tous par son clair obscur inspiré de la peinture italienne.  .
  • QUERELLE (1982)
    Note : 16/20
    Indispensable de se pencher sur la trajectoire de Jean Genet pour pouvoir supporter le sordide global (enfant de l'assistance publique au parcours heurté faute de repères fiables, l'écriture lui permit de renaître). D'autant que Fassbinder n'épargne rien de la complexité de "Querelle de Brest", en martelant bien d'entrée de jeu (voix-off) que les marins flirtent avec la mort. Il est souvent fait allusion aussi (un peu trop ?) au "calibre qui vous situe son homme". Nombreux éclairs pornographiques, pour arriver à une scène très crue, amenée comme une torture mais qui se solde par un bonheur fugace. Car le plaisir doit être douleur ici, le couteau prenant la relève du sexe. Très frustrant pour les spectatrices : Lysiane, épouse de l'aubergiste (Jeanne Moreau), facile et fatale en apparence, sert l'homosexualité de son mari joueur, trafiquant, un drôle de tandem ! Atmosphère sulfureuse, musique rampante, Querelle trouve enfin plus fort que lui, une douceur bienvenue... De belles lumières jaune orangé, parfois écarlates. Tout tourne d'un décor à l'autre, comme au théâtre, une fois le bordel, l'autre fois le bateau, avec une caméra qui balaie large, comme un mirador. Le dénouement, en rétablissant l'équilibre qui manquait, laisse deviner un peu de bonheur durable, ouf !
  • SANS SOLEIL (1982)
    Note : 13/20
    Japon, Afrique et Islande : film-culte si j'en juge par les critiques recueillies sur plusieurs sites internet. Un défilé d'images du monde sûrement chargées de sens pour le narrateur, mais difficiles à fixer dans la mémoire. Trop en vrac, elles n'en restent pas moins informatives, c'est un fait, mais loupent le spectateur peu féru d'insolite, l'amateur de bons vieux documentaires clairs et nets dont je suis : impossible d'embarquer sous une forme aussi litanique... Trop de malaise existentiel dont on n'a qu'une hâte, se délivrer... Pénible que de reconnaître une oeuvre méritante, mais dont le traitement empêche de s'identifier, encore moins de se positionner à distance. Résultat : n'en retenir que la bouleversante scène de mise à mort en temps réel d'une girafe.
  • LE CASSE (1981)
    Note : 16/20
    C'est le numéro un du film "LE CASSE" en français (soit le premier des deux films tournés par José Luis Garci). Projeté au 21ème festival espagnol de Nantes, ce film de 1981 peut paraître décalé par rapport à 2011 dans l'approche, un peu bavard aussi (le barbier !). A mi-parcours ça s'arrange, la bonne gueule du détective à moustache, cet artiste de l'écoute, réussit à capter durablement l'attention. Le paternel aux joues à double sillon d'affectif dévasté va également changer dans l'opinion qu'on en a. Au moment où l'histoire commencerait à ronronner, surprise en deux coups de cuillère à pot... Qu'on le veuille ou non, on pense "ETA", ou encore les issues cinématographiques d'Amérique Latine contemporaines.
  • DIEU NE CROIT PLUS EN NOUS (1981)
    Note : 18/20
    Permet de constater les comportements des populations de 1939-1940 en Autriche, en Tchécoslovaquie (Prague) et en France (à Paris, à Marseille). Il faut deviner que ça se passe sous Pétain, début des camps français (St-Just), panique aux bureaux de contrôle des papiers. Repli collectif sur le chacun pour soi, sauve-qui-peut (mais aussi entraide par moments, compassion et, inévitablement l'éros français, sous une forme fugace qui ne manque pas de charme !). Règne de l'arbitraire. La permission tacite d'importuner, voire de carrément torturer, prendre les biens des cibles sans qu'elles aient voix au chapitre. On passe du système D à la pulsion de charger une catégorie afin d'évacuer son trop-plein. L'émergence d'un représentant de la furie collective. Le film en noir et blanc est romancé ce qu'il faut. Traversé d'images d'archives rendant plus perceptible encore la montée du fléau. L'instant de ce couvercle qui finit par sauter. Les quelques éclairs de fraternité font contraste avec le sauve-qui-peut, la panique de ces "pas comme la majorité" qui finissent par endosser une culpabilité imaginaire. Autre aspect occulté par nos cours d'histoire à l'école... Se croire épargné comme le jeune romantique, traumatisé mais encore en devenir. Beau et effrayant, la musique en accord parfait avec ce qu'on voit. Déjà un peu touffu par moments. Le pire de la Seconde Guerre, notre passé européen. Curieux, à notre époque de récession économique comme l'on se sent en terrain familier !
  • VIVRE VITE (1980)
    Note : 17/20
    Projeté au 21ème festival espagnol de Nantes 2011 avec accueil chaleureux de Carlos Saura (respirant la santé faite homme !), ce film méconnu et qui semble depuis 1981 avoir pourtant inspiré moult réalisateurs du fait d'une actualité transgressive toujours plus exploitable. Qu'importe si on a fait mieux techniquement, parfois en y ajoutant une dimension d'humour noir et du sexe bien brut (je pense au britannique "Rebels without a clue" de 2007 entre autres...), on dispose d'un repère : les beaux yeux de la jeune barmaid. Ils allument suffisamment pour qu'on ait envie de tout savoir sur sa trajectoire de petite frappe convertie. Cela va crescendo en audaces et en frayeurs mais jamais choquant car plein de cette mansuétude du "il faut que jeunesse se passe" encore de mise dans les eighties. On sent "le filtre Saura", autre chose qu'une poubelle de violence déversée par des amateurs de petite guerre laissant croire que virtuel et réel ont fusionné !
  • ATLANTIC CITY (1980)
    Note : 17/20
    Le synopsis annonce une intrusion dans les dessous d'une ville défigurée. On se dit que le vieux beau qui fricote et traficote (Burt Lancaster) croisant la jeune paumée qui frime sur la bonne vieille France (Susan Sarandon) va barber, les seventies ayant mordu la poussière... Or, miracle, une fois dépassé l'hommage douteux, les détails en terre dénaturée s'avèrent croustillants, quoique parfois lents à se déployer. N'empêche, démangent l'envie de se masser les pieds, d'observer avant d'engager sa curiosité sans possibilité de repli, de puiser chez l'individu lambda le plus déchu, le plus malmené, l'adaptabilité qui sauve de la déchéance. Enfin, tant que peut se projeter une vie rêvée ailleurs dans ses conversations. Surtout bien se positionner sinon... Le film s'en tiendrait au bercement d'illusions seventies foudroyé par la délinquance prédatrice si le bonus n'invitait à regarder à la loupe Atlantic City (personnage central), ce prototype urbain qui, depuis, semble répandu comme traînée de poudre. Il serait parti d'un projet de loi d'abord rejeté, puis approuvé six ans plus tard... Resorts International en aurait émergé en 1978, premier Casino de l'ex-station thermale suivi d'autres industries à ras de plage qui ramenèrent le tourisme, ce magma avide de tous les jeux possibles.
  • THE TERRIBLE COUPLE (1980)
    Note : 16/20
    La baignoire carrée (le plouf qu'on jurerait en direct du parapluie sous les trombes d'eau !), l'accent du professeur, la première photo (et, plus tard, la seconde !) signent le ton espiègle global... C'est fluide. Avec une caméra parfois déchaînée, aux virages à 180 degrés dans l'appartement, quand on craint pour la facétieuse locataire. Las, en 122 minutes, traiter de frictions adolescentes, de performance à chaque plan, était percutant en 1980. Lassant en 2012 où on réalise à quel point ce système déferle. Il manque un peu de drame ou de piment. Kei émue de deux seniors croisés ? On est dubitatif. Que ces jeunes chiens rompus à l'affrontement biberonnent, chahutent, c'est de leur âge. Déjà bien séparés en classe chacun sur leur rangée, ils sentent à plein nez la famille traditionnelle japonaise. Incarnent le basculement du collectivisme à sa version capitaliste. Cours d'anglais via l'embrigadement au travail. Force physique pour les mâles, retour aux valeurs féodales... De surcroît, la détente de cette jeunesse pour elle-même vaut de l'or. L'érotisme discret, le roller commun aux deux sexes (ce filmage en zigzags sur plusieurs niveaux !), le vélo féminin, la chansonnette "Lorelei", sont d'une grâce infinie.
  • CORPS À COEUR (1979)
    Note : 16/20
    Vu le dvd en octobre 2008. Après ce concert à la caméra qui balaie savamment, on continue à baigner entre Fauré, les fantasmes du mécano et la tentation d'un tourbillon quelconque, qui débarque sous la forme d'une vieille pharmacienne décolorée encore avenante face à un bellâtre à l'arbalète toute prête, nul ne lui résiste. Mais c'est ce qu'elle dit pour sa défense, cette dame respectable avec pignon sur rue, qui sidère, pas froid aux yeux (l'horrible moment de studio, avec cette chansonnette hurlée est assez pénible en revanche). Le Casanova du début - on apprend qu'il incarne le jeune remplaçant du père adulé (post-mortem) par Man-man - s'effondre, méconnaissable, pour finir en syncope devant l'officine, face au marché où les gens jasent... Souvent femme varie... Soudain, l'horizon s'éclaire, embarquement pour une lune de miel d'environ trois mois, à cela une excellente raison : chic, les masques devraient tomber. Ce couple mal assorti devient proche du spectateur dans la fantaisie qu'il se paie. Mais le drame couve. L'entourage, le monde de la rue apportent une touche quotidienne parfois picaresque. On assiste à de truculents dialogues de tous les jours mélangés au vertige passionnel ! Torturé, mais quand même du grand art !
  • LES PETITES FUGUES (1979)
    Note : 19/20
    Qui penserait, aux premières images de ce film de la fin des seventies, qu'on va plonger très progressivement et avant l'heure, dans tout le drame économique de maintenant ? Ce vieux "Pipe", commis de ferme de longue date (bien plus de 8 ans de bons et loyaux services, sauf le respect dû à la bande-annonce) ? Bon, c'est long et étiré, ça peut rebuter, cette mobylette caressée, et ce vieux c... n'en faisant qu'à sa tête. Seulement, voilà, c'est admirable d'avoir osé anticiper ainsi, et avec cette poésie sous-jacente (le vieux sur sa mobylette glissant dans la campagne, un délice !). Somptueuses images, de la musique aux moments cruciaux, et ce petit avion qui plane, symbolique de la liberté individuelle, celle qu'on se prend, en dépit des conjonctures et du grand âge, cet épouvantail si vite brandi !... Vieil imbécile, plus fin qu'il n'y paraît, tu donnes des envies de s'en arranger, de cette chienne de vie régentée par le profit des gros bonnets ! Les personnages annexes apportent leur lot de complexité. Tous ont la volonté d'en réchapper... Un film très tendre sous ses allures bourrues. A s'envoyer comme gargarisme aux heures les plus sombres !
  • RETOUR À LA BIEN-AIMÉE (1979)
    Note : 15/20
    C'est familier et pourtant d'un académisme qui donne froid, avec des scènes tendues, en plus que cette époque-là (1979) filmée de cette façon-là fait en 2012 très préhistorique. Ce pianiste faisant sauter les danseuses avec fracas reste seul dans l'ombre ruminer ses morceaux et on ne sait trop quoi. Occasion de voir Jacques Dutronc et Isabelle Huppert balbutiants au cinéma, fou ce que la seconde a gagné en impact physique à changer de look par la maturité, outre son élocution reconnaissable entre mille, alors que le premier s'avère juste un peu plus empesé, aussi tête à claques à vulnérabilité atroce attestée par la fragilité du regard. Il y a quelques moments incroyables malgré le piétinement bien trop long. Enfin, cela se précise, voici les complicités d'êtres habitués à se deviner, ce trio en chambre avec le mari de dos les yeux ouverts... Alors, l'apparente reddition de l'ex-épouse peut passer pour de la peur,sauf qu'on attend que cela culmine vers plus vertigineux... Sont remarquables de charme les petits tours de piste de l'enfant, trait-d'union qui craint de faire obstacle, il apporte la tendresse sans laquelle on irait faire un tour... L'histoire bien goupillée, languit en scènes superflues (Julien marchant, marchant et re-marchant). L'enquête relance l'intérêt tout en requérant encore patience (on tient grâce aux interprétations). La récompense du spectateur est foulée au pied puisque le dernier mot lui appartient, dommage !
  • TESS (1979)
    Note : 13/20
    Projeté à Univerciné Britannique Nantes 2012. A la sortie en salles, souvenir d'une constante lutte contre le sommeil... Nul doute qu'il s'agit d'une splendeur picturale et sonore pourtant. D'une mise en scène parfaite, dans des décors et des costumes minutieusement "tricotés". Qu'en tous temps, cette trajectoire issue du livre de Thomas Hardy ressuscitera la beauté naturelle de Nastassja Kinski jeune fille, vénérée à l'époque, on boit littéralement ses traits qu'on soit homme ou femme. Toutefois, au motif que Roman Polanski a fait plus palpitant (Frantic, Chinatown entre autres), il peut y avoir un fort refus psychologique de replonger dans une histoire sordide à scénario aussi mince, même si elle ressort en restauré 2012 (à moins d'être professionnel du cinéma, traqueur des aspects techniques qui tiennent en éveil). Pour cause de durée injustifiée (3 heures !) avec fatigue et blues tenace, le dvd (aussi bien celui en circulation depuis 2008) visionné en plusieurs étapes m'apparaît une solution.
  • LES MOISSONS DU CIEL (1978)
    Note : 19/20
    Merveilleux moment passé avec cette réédition en numérique d'un excellent cru de la fin des sixties... Et qui traite de l'Amérique de 1916 où il fallait se démener d'un Etat à l'autre pour manger à sa faim... Frère et soeur, ils ne le sont sans doute pas, Terrence Malick préfère toutefois entretenir le flou... Pour faire voyager ses spectateurs sous toutes sortes d'angles qui surprennent, des moissonneuses et des trains, mille brassées des jours durant sans heures supplémentaires possibles... De l'action, une belle dame, quelques joutes qui lui sont liées, des volatiles narquois, et ces champs de blé hauts et d'une blondeur comme on n'en fait plus... Ce n'est jamais trop rude, on assiste à un fin parallèle entre la rage de sortir du malheur et la décontraction du possédant, ici un juste, un romantique... La montée de la jalousie rentrée, c'est comme le feu... L'empreinte de la période "peace and love états-unienne" se devine, le féminin s'adaptait aux mâles présents sans se poser de questions. Une oeuvre à rebondissements très "nature" (constamment splendide à l'image, avec juste une petite faiblesse de musique au générique de fin) devrait trouver son écho à notre époque d'économie et d'environnement perturbés. Pour tous et sans modération !
  • CLAIR DE FEMME (1978)
    Note : 15/20
    "Du sublime au ridicule...", voilà l'oscillation de cette parenthèse d'une nuit. On est mal à l'aise... D'abord l'abnégation d'une malade au bout du rouleau : elle invite son partenaire à la prolonger dans une autre femme. Puis cette Lydia de hasard annonçant avoir perdu mari et enfant dans un accident. Deux extrêmes qui amorcent un tournant dans l'ordinaire d'un gars qui jusque-là vivait sans états d'âme précis. Alors, après il y a les réalités, ces inévitables rapports de force qui sont autant de boucliers indispensables afin de conjurer le malheur. On descend dans les tréfonds de l'intimité des deux sexes, grâce et trivial en alternance, avec une séquence de jargon et des coups de fil à damner les plus saints... Ce dvd (en droit fil du roman éponyme de Gary) offre à reconsidérer le sursaut rencontré à à sa sortie et la patine qui lui bénéficia depuis la disparition de ses deux acteurs fétiches. C'est "tordu" et grandiose en même temps.
  • CET OBSCUR OBJET DU DÉSIR (1977)
    Note : 15/20
    Les conciliabules par bribes dans le compartiment humanisent un peu le film, beau mélange d'acteurs en conversation sur un long trajet puisque la nuit tombera sur ce wagon bavard (agréable de trouver dans ce film Jacques Debary, ex inspecteur Cabrol des 5 Dernières Minutes, Carole Bouquet jeunette, la mandibule bien marquée, on reconnaît tout de suite également la belle diction de Michel Piccoli plaquée sur la voix de Fernando Rey)... Une société nageant en plein don juanisme de 1977, des candidats entreprenants comme des sportifs, hélas, parfois poussés à bout : pas du tout de sida encore, Oshima vient de produire en 1976 "L'Empire des Sens" : sexe et transgression emplissent l'air de cette époque jusque dans la bourgeoisie la plus guindée, chaque femme représentant partout l'aventure suprême. Imprégnés de cette bouffée érotique, des attelages comme Angela et "le vieux beau" allongeant ses billets pour un oui pour un non ne manquent pas de sel... Sauf que Bunuel se plaît à attiser les braises en forçant sur le chantage, en droit fil du livre, il en rajoute mixé aux évènements politiques explosifs, trop ravi de jeter le trouble avec son doublon féminin, quel monstre ! .
  • LA MENACE (1977)
    Note : 17/20
    Un inoubliable thriller qui peut mettre mal à l'aise les hommes détestant voir leur trajectoire entravée par "des histoires de bonnes femmes". En effet, ce type feinté, qui monte un stratagème visant à récupérer sa dulcinée après le suicide de sa régulière fait un peu mauviette... Surtout qu'Alain Corneau s'évertue à corser en égarant ses spectateurs dans des manoeuvres de joueur de légo, ce qui fait qu'on doute un bon moment : a-t-il toute sa tête cet inventif individu ? Egoïste ou à double fond ? Simple joueur et rien d'autre ?... Une histoire inoubliable par ses cascades entre poids lourds et coccinelle, un rien terroriste aussi ! Il faut voir ces camionneurs tous solidaires pour fliquer le drôle d'oiseau... J'avoue avoir craint la surenchère de morbide au début et langui un peu sur la fin... pour accepter pleinement (aidée par les suppléments explicatifs du dvd) ces dialogues de sourds. Encore en 2010 où on ne montrerait pas facilement les émois d'un commissaire coeur d'artichaut face à une pauvresse enceinte comme en 1977, le quatuor Montand-Dubois-Laure-Balmer fonctionne.
  • CRIA CUERVOS (1976)
    Note : 19/20
    redécouvert en vidéocassette (v.o.) en novembre 2007. Avec presque autant de saisissement qu'à sa sortie sur grand écran. A posteriori, on voit encore mieux les deux discours en un seul, mixture savamment remuée pour que la censure n'y voie que du feu : film réalisé sous le régime de Franco quelques mois avant sa fin. Chansonnettes refuges, ça ne rigole pas pourtant, la scène se passe chez un militaire, tout un protocole qui va de soi... A force égale, une étude post-traumatique : zoom sur trois fillettes après la perte de leurs parents à très peu de distance. Survivre à pareil désastre si jeunes... D'office on est avec elles. La cadette accroche d'emblée par le troublant monde intérieur qu'elle s'est forgé, yeux noirs adultes avant l'heure et silhouette de jeune chat farouchement indépendant (prodigieuse petite Anna Torrent). Une oeuvre qui ne prend pas une ride, même la mode vestimentaire, jupes plissées très sages et chaussettes noires de l'uniforme pourraient dater d'aujourd'hui ! Carlos Saura fut récompensé en 1976, mais mériterait bien une nouvelle reconnaissance pour ce film, il n'est jamais trop tard. Une technique déjà très au point, le sens de la narration, une alternance de grave et de léger, mais toujours sa révolte contre le pouvoir arbitraire, il s'attarde sur les affres du protocole, la souffrance qui couve sous les mascarades au quotidien. Il ose montrer en particulier combien l'adulte le plus aimant se sert de son rejeton dans certaines tensions qui le dépassent, comme lors de la promenade au bois, ce coup de grâce qu'est le baiser... Autre scène sidérante : la mère gémissant sur son lit (Géraldine Chaplin) égarée par la douleur et qui "ne prend plus de gants". Monstruosité de ce père égoïste, macho délibéré, peu soucieux du malheur des siens. Un peu plus tard, esquive de la tante lors de confidences des fillettes près de la baignoire. Aucune violence insupportable néanmoins, la curiosité du spectateur est piquée, mais espère, grâce à cette voix off, l'assurance que le dénouement ramène du côté de la vie... A propager largement.
  • L'EMPIRE DES SENS (1976)
    Note : 16/20
    Vu dans sa version originale avec sous-titres français en novembre 2007 (Festival des Trois Continents).Le regard sur les choses du sexe commence innocemment, de la joie dans l'air, tous les personnages voient d'un oeil naturel les plaisirs charnels, chacun à des degrés divers, tout semble permis dans cette bonne maison... Le patron et une de ses employées, tous deux mariés, se plaisent, il semblerait possible de composer avec cette excitante situation. Voici une escalade peu banale, inspirée d'une histoire vraie survenue en 1936... Oshima serait homosexuel, ce qui expliquerait sa volonté de rendre de plus en plus attachant l'homme dans cette histoire, attendrissant par son côté "viveur", tolérant avec sa maisonnée, il a une bonne tête en plus d'un corps désirable, donc on marche à fond. Moins "névrosable" que sa partenaire, sexy et encore bien jeunette... Situé parfois à la frontière du torride et de l'obscène, mais sans jamais fermer les yeux ou quitter la salle. Chaque scène est composée avec beaucoup de soin. Loin du côté clinique de Catherine Breillat, rien à voir avec un autre érotique comme "La Vie Secrète de Madame Yoshino" de Masaru Konuma (1976) tout aussi "chaud" mais où l'homme est physiquement sans attrait (film massacré par la censure japonaise, alors que celui-ci devrait beaucoup à la protection de la Fance). Tout un art que de côtoyer le plaisir véritable. Pourtant à cent lieues d'un porno pour se mettre en jambes, c'est autre chose, les mouches volent dans la salle... Car il y a de la poésie, de l'humour dans le huis-clos où le saké coule, la crainte monte en même temps que ces jeux malicieux. Image ultime du couple se promenant encore euphorique sous la pluie... Et après c'est la descente, un bien mauvais trip. Le plus émoustillant aura bien été cette montée en puissance de l'intrigue, des raffinements qui peuvent alimenter tout couple en mal d'invention. Mais après, le spectateur est renvoyé aux affres de toute possession mal maîtrisée. On est au Japon, pays où la monstruosité est bannie et parfois vénérée en même temps... Certes, on a son compte de coïts où Sada se pâme à grand fracas, au contraire de Kichizo d'un silence admirable... Mais comme c'est amené avec une totale maîtrise, spectateurs et spectatrices sont retournés mais se rassurent : il s'agissait bien d'un fait divers, une situation rarissime. Réservé aux initiés.
  • L'INNOCENT (1976)
    Note : 16/20
    Vu sur grand écran en version française (doublage correct). L'image est particulièrement accrocheuse, on sent le regard du peintre qui a étudié le moindre détail. Il est bon de revoir ce film trente ans après sa sortie, en cette fin 2007, où semblerait justement s'ébaucher une nouvelle "décadence". Rien d'étonnant que cette oeuvre féroce, malgré son esthétisme indéniable (à l'époque française de la loi Veil permettant l'avortement, et bien avant le sida), ait embarrassé une foule de gens, encore plus du fait de la mort simultanée de Visconti : inspirée d'un livre écrit par D'Annunzio, connu pour son esprit fascisant, cela aussi a dû jouer. De tous temps, l'homme et la femme rencontrent souvent des difficultés dues à leurs différences morphologiques et à l'évidence que c'est la femme qui porte l'enfant. Troublante question posée au Casanova de service, libre jusqu'à l'os ici, quitte à s'infliger lui-même une sanction (irrésistible Giancardo Giannini en monstre, alors qu'il est issu du comique italien). Une question filtre : "pourquoi faut-il que vous placiez les femmes parmi les étoiles ou, au contraire dans la boue, et pourquoi ne nous laissez-nous pas marcher à vos côtés ?". L'escrime symbolise à la fois la perpétuelle joute amoureuse et ce rival potentiel qu'il faut éliminer. L'homme devise sans trop d'états d'âme, admet certains de ses travers, dit comprendre que son épouse soit libre de ses mouvements mais... Pas de quartiers, la toute-puissance du petit garçon d'abord. D'entrée de jeu, c'est à croire que la musique flageole pour indiquer que tout cela tangue (ou est-ce dû à la vétusté de la bande-son ?). La tenue vestimentaire du mari fait étrangement 1976 comparé aux chapeaux féminins surmontés de bouquets sophistiqués, avec ces gants difficiles à ôter, ces robes de la vieille époque, avec voilettes devenant un fichu rose irisé passé en travers de la face, comme quoi jouer à cache-cache peut s'avérer une arme purement féminine à ne pas détourner... d'autant plus qu'ici le mari, coureur impénitent, retombe amoureux fou de Madame... Faussement romantique, assommant à certains moments tellement on est promené d'un excès à l'autre, ce film (malgré ce petit jésus au frais dont je me serais bien passée) met en exergue le côté altier de Visconti, et un autre beaucoup plus instinctif, nous valant quelques passages érotiques fort joliment tournés. Pour familles ouvertes à tout dialogue ou couples revenus du glamour.
  • LE DIABLE PROBABLEMENT (1976)
    Note : 13/20
    Rien que pour s'instruire sur la lucidité des écologistes d'antan, ça vaut le coup de se pencher sur le regard Bresson concernant l'inconscience des puissants du monde... Je trouve le fond palpitant dans sa lucidité désespérée, et on était encore qu'en 1976, mais tout est relatif, hein ?... Attention, il s'agit d'un jeune homme et non d'une jeune fille malgré ses allures androgynes, des comme lui, aussi désabusés, aussi enfant gâté aussi d'une certaine manière, il en pullulait dans les seventies sous nos latitudes ... La forme du film est d'une austérité, d'un académisme, cette diction monocorde, ces trucs d'intello sérieux, on a envie de les pincer... Intéressants travers humains, cette compensation à vouloir glisser vers le néant... Au point où on est rendu côté environnement en 2009, par moments démange une folle envie de déclarer que le courage serait peut-être de vivre "vaille que vaille" comme le chantait si bien Barbara dans son "mal de vivre", oui, après tout, puisqu'il s'avère si difficile de convaincre ceux qui se disent "après moi le déluge" ! Le fait est que les peuples en réelle souffrance de tous les jours bataillent pour leur survie sans autant d'états d'âme, qui font un peu flemmard... Rien à redire côté technique en revanche, des fulgurances, on en apprend de belles et on peut mesurer encore un coup à quel point "la terre encaisse" ! Les plans fixes dans la pénombre peuvent être accélérés sans que cela nuise, surtout ne pas décrocher d'ici le dénouement, des images tellement noyées de gris qu'il est permis de demeurer dubitatif quant à la victime !
  • FURTIVOS (1975)
    Note : 15/20
    Vu en v.o. sous-titrée au 18ème Festival du Cinéma Espagnol Nantais 2007, ce film sorti dans la péninsule ibérique l'année de la mort de Franco, tout d'abord censuré, puis succès fracassant (au dire du réalisateur Jose Luis Borau présent lors de la projection et qui précise, concernant la forêt espagnole de l'époque du tournage, qu'un écureuil pouvait sauter de branche en branche du Nord de l'Espagne au Sud tellement il y avait d'arbres...). On est bien dans les seventies, ironie autour du religieux, révolte sourde contre tout conservatisme, sous la forme d'une liberté sexuelle revendiquée. La violence animale, assez insupportable car filmée de manière très appuyée à mon goût (j'ai fermé les yeux quelquefois) remplace celle qui couvait entre les braconniers et les gardes-chasses, les premiers traqués, les seconds ambigus, car s'autorisant toutes les privautés. On s'entretuait ferme sous Franco, du côté de l'autorité ou de la transgression, ni vu ni connu... Rude, bavard, un peu vieilli (époque "un peu peace and love", où on suivait facilement quelqu'un qui plaisait sans se poser de question), c'est filmé de manière assez intrigante pour qu'on soit saisi, un peu à la manière des westerns "spaghetti" par moments, mais avec le dénouement implacable d'une corrida.
  • JEANNE DIELMAN, 23 QUAI DU COMMERCE, 1080 BRUXELLES (1975)
    Note : 17/20
    Vu au Cinématographe nantais en septembre 2008 : constitue une épreuve pour le spectateur, on ferait plus court aujourd'hui, surtout la première bobine. Comme l'entracte permet de souffler, la seconde partie passe vite, l'envoûtement gagne, quelque chose dans la mécanique pourrait donc apporter LA surprise ? Toute femme "élevée dans les traditions" va rire d'elle-même ou d'une de ses proches : car c'est un cours de maniaquerie qui incite à s'identifier en sortant à Jeanne l'austère, elle ne peut élever son esprit trop longtemps hors de ses tics d'intendante, mais enfourne ses cuillerées de soupe avec l'incorrigible sensualité de Delphine Seyrig ! Qu'est-ce à dire ?... Bruits de la maison bourgeoise (ascenseur, chaudière, large place au gaz, café qui passe, portes et interrupteurs, toutes choses à leur place attitrée, mais actionnées autant de fois qu'il le faut), va et vient du porte-bébé aux chaussons roses, cérémonial des habitués (cette soupière à billets !), tête à tête avec le fiston occupé à s'inventer un accent qu'il pense le fin du fin. Un humour décapant hante l'ensemble, les petits riens de l'existence sont mis à mal, mais rassurent d'une autre façon, pas comme ce Monsieur à moustaches qui persiste à rester allongé après l'heure... Il importe de bien se reposer avant la séance. A l'avantage de donner la fringale !
  • JE VEUX SEULEMENT QUE VOUS M'AIMIEZ (1975)
    Note : 18/20
    Projeté à Univerciné Cycle Allemand Nantes 2011. On pressent la désillusion du personnage central dans sa vie d'adulte. Trop bon, trop c... D'emblée, le petit rire secoué de Peter alerte sur sa fêlure. Des dialogues justes, relayés par une caméra qui parle au spectateur. Dans une intrigue simple, minimaliste, très super téléfilm du genre Maigret mâtinée de Haneke au début (la raclée pour avoir volé des fleurs), bien moins âpre dans son développement. Tout à l'image du visage de Peter cadré exactement dans la glace chez la grand-mère. Des projections de ce dont il a manqué quitte à se damner. Des bouquets, au risque qu'ils tombent des bras de l'épouse. Un petit préservé comme un insecte précieux dans un giron féminin de rattrapage. Tout le confort ! Vertige que ce premier grand travelling qui balaie plus large qu'il ne faudrait... En plus de cet arrêt sur une main à quincaillerie affriolante à la poste. Plus grave, les vitres défilant comme une vache voit passer les trains. Enfin ce pont invitant vers les voitures au loin tout en pointant notre homme qui traîne ses guêtres en face. On passe parfois brutalement d'un contexte à un autre et pourtant, c'est un téléfilm exceptionnel. Quand arrive la transgression, c'est curieux, on peut s'en vouloir de le penser, mais le pire semble évité... Ne plus jamais "avoir honte" mais toujours "avoir l'air". A nouveau très contemporain !
  • L'HISTOIRE D'ADELE H. (1975)
    Note : 17/20
    Du charmant poème scolaire "Mes deux filles", Truffaut offrait dans les seventies de revenir en rappelant que Léopoldine se noya avec son mari, et qu'Adèle, belle et brillante pianiste se sentant la moins aimée de l'écrivain, prit la tangente en serrant les dents. Le film relate ses petits calculs à distance dans le glacial Halifax où revendiquée Hugo ou clandestine, elle réclame et empoche les mandats, court derrière ce Pinson magnifié plus il se dérobe, finit par colporter des inventions qui trahissent autant un excès de romantisme que l'effroi de n'être rien... Chaleur humaine et pourtant rudes images que ces embarcations et habitations devinées dans le noir. Que d'austérité comparé à la douillette Hauteville House de Guernesey et ses palmiers ! J'avais oublié lors de la sortie en salle l'épisode de la Barbade dans le sillage du lieutenant, cette errance qui peut être de la démence ou le détachement des joueurs qui ont atteint leur objectif... Pinson l'appelle et Adèle continue de marcher l'air absent. Ramenée de cet exil au bercail par une bonne âme, Adèle a-t-elle été hospitalisée puis enfermée une fois pour toutes ? A quel point, face au monstre sacré paternel pas si commode en famille notamment avec la gent féminine, était-elle artiste ou aliénée ? Ce film un peu sévère dans l'approche (j'en avais retenu la froide descente aux enfers d'une obsession non partagée) a le mérite d'attirer l'attention sur cet aspect. En plus de la prestation d'Isabelle Adjani alors en plein épanouissement... La voix-off révèle qu'une fois à l'abri du monde, Adèle Hugo aurait beaucoup jardiné, noirci à sa façon quantité de pages et... enterré tous les siens (1830-1915) !
  • L'IMPORTANT C'EST D'AIMER (1974)
    Note : 17/20
    Drôle de frayeur à la première projection, à laquelle on se fait très bien en visionnant le dvd une trentaine d'années plus tard ! S'accrocher, à cause des scènes sordides, et fondre à chaque fois que la musique le demande (Nadine Chevalier et Servais qui chavirent). Le fait que Romy Schneider ait disparu depuis ajoute aussi une dimension sidérante à son interprétation, on se dit qu'elle jouait son vrai rôle de femme au stade où elle était rendue. Mais dans le film, Nadine Chevalier sait-elle que le photographe qui la trouble a financé la pièce qu'elle joue ? On peut se le demander, il a l'air d'un curieux qui se balade sur les tournages pour le plaisir de mitrailler, et comme c'est d'abord elle qui le repousse (contrairement à ce que les bandes annonces affirment), le doute est entretenu. Ensuite, c'est le jeu de la séduction des êtres usés (la parade dans le monde animal, mais de façon permanente), de peur de se perdre, mais aussi pour relancer sans cesse le désir, ce feu-follet qui pourrait bien conduire à la solitude la pire, celle par abandon. Comment concilier la reconnaissance envers un compagnon qui fut un quasi-secouriste à une époque et la nouveauté qui vous terrasse ?... Dutronc est vraiment trop exécrable dans ce rôle, donc d'office le géant sexy séduit, toutefois c'est loin d'être gagné, et Zulawski l'a bien annoncé d'entrée de jeu : attention, un amour de cette trempe-là se mérite !
  • BREEZY (1974)
    Note : 18/20
    Très jolis portraits de rescapés de l'existence qui ne souffre pas trop du décalage horaire (elle incarne l'état d'esprit hippie et lui est agent immobilier au pays de l'Oncle Sam). Rien de choquant pour les femmes vieillissantes qui ont la hantise d'être détrônées, Eastwood évite ce piège de gros macho à pensée unique. L'analyse est fine, l'image toute en clair-obscur, le ton très second degré va jusqu'à braver le qu'en dira-t-on après crise de rage mais sans tomber dans l'illusion qu'un vieux avec une jeunette représente l'assurance masculine contre le déclin, au contraire, on sent l'échange de deux tumultes à apaiser et ensuite le désir d'indépendance comme la sieste après un bon repas.
  • UN LINCEUL N'A PAS DE POCHES (1974)
    Note : 16/20
    C'est un réel plaisir de suivre des monstres sacrés comme Francis Blanche, Michel Serrault, Jean-Pierre Marielle, Galabru, Longsdale, etc. Les seventies en France sont bien retranscrites avec cette sexualité présentée du seul côté mâle dans la manière de ressentir, le donjuanisme qui fait pour le héros tomber ces dames (à grands renforts de Sylvia Kristel, stéréotype du "phallocrate" patenté), d'un bout à l'autre de l'échelle sociale, avec l'inévitable dame de coeur, celle "qui n'a pas que ses fesses" à offrir. Balbutiements de l'IVG aussi en ce temps-là... Reconnaissons que ça b... dans tous les coins, une formule gaillarde passée de mode ! Du côté de la presse, un décorticage en règle par ce grand ado qu'était encore Mocky, le mythe de LA vérité,l'idéalisme estudiantin gavé d'égalité des classes ! Des histoires de gros sous et de moeurs presque uniquement. Abstraction totale de la presse échappant au pouvoir par son indépendance : quid d'une exception comme "Le Canard Enchaîné" datant de septembre 1915 dans sa forme déjà acerbe et encore plus pimentée dès le début des années soixante-dix ?... A l'actif de ce tumultueux Mocky de plus de deux heures, hormis les acteurs tous à leur affaire : des fulgurances, de bons mots, une photo soignée et le tube international à la trompette et à la flûte de pan (résultat d'une cassette glissée par des amateurs dans la boîte aux lettres du cinéaste et qui lui permit de financer d'autres films). S'il faut comparer cette sombre mésaventure avec le sort actuel des journalistes toujours plus phagocytés par le pouvoir en 2009, disons qu'il reste de farouches indépendants, sans oublier cette incroyable brèche qu'est Internet pour l'expression générale !
  • QUE LA FÊTE COMMENCE (1974)
    Note : 18/20
    Cette production des années Giscard rappelle par sa note de modernité "Marie-Antoinette" de Sofia Coppola. Un sérieux travail de documentation Régence estampillé 1974. L'amusement de l'équipe est perceptible (film et bonus). Jean Rochefort dans ses "vêtements sacerdotaux", Noiret en Philippe d'Orléans plutôt attendrissant, Jean-Pierre Marielle en marquis aussi déchu qu'allumé, tous trois toujours bien secondés offrent quelques scènes impérissables. On sent l'envie de canarder, en restant à bonne distance, de Tavernier (le look des chirurgiens !). Du côté féminin, Marina Vlady toute jeunette rayonne en prostituée "bien tombée", tout comme Christine Pascal qui s'immortalise en petites phrases souvent caressantes. C'est l'après Louis XIV mâtinée seventies corps et âme. Gravité de situation et volonté de jouir de la chair jusqu'à s'endormir "sur le morceau" (ne vomissent jamais). Soupers à chaises renversées, chuchotements sous les nappes, une luxure à rebondissements, toujours discrète, presque distinguée. Seul le langage, valant pour la Régence et pour les seventies, peut être cru au risque de froisser certains tympans psycho-rigides. Quand la caméra fonce au plus fort de l'intime, on a un peu peur du dérapage. Ce devait être ainsi dans cette Cour-là se dit-on à part guerroyer, ils avaient du temps... Toute ressemblance avec une autre période serait sacrilège. Aux premières loges la légèreté des puissants, l'extrême pauvreté du plus grand nombre, les trafics humains... Aucune ride en 2012, si ce n'est le graphisme du générique et le son. Qu'on raffole ou qu'on s'offusque de ce pan d'histoire revisité, le voyage est plus pimenté qu'une suite de dates à apprendre pour le lendemain !
  • LE VOYAGE DE LA HYÈNE (1973)
    Note : 15/20
    Projeté au 32ème Festival des 3 Continents 2010 ce Touki Bouki = "le voyage de la hyène". Images du début et de fin difficiles à soutenir : ces longues scènes de buffles traînés et qui savent sont très appuyées... Une oeuvre qui date de1975 mais assez éloquente pour que des déductions viennent à l'esprit en 2010. Ce n'est pas un film sentimental. Le couple de Mory et Anta sent le business d'entrée de jeu. Deux copains que le désir d'eldorado motive, point. Est bien présente l'atmosphère foutraque de Djibril Diop Mambety en revanche, des hauts et des bas sans prévenir, excellemment accompagné de Wasis Diop, son frère cadet à la bande-son. Sur la litanie de Joséphine Baker " Paris c'est sur la terre un coin de paradis", ça frime sec et l'hystérie est souvent au rendez-vous entre deux frasques. Film d'action, la hyène va en connaître de belles si l'on en juge par "Hyènes" justement, l'oeuvre de 1992 du même réalisateur. Peu importe, on suit amusé la moto à corne de zébu.
  • LES ARPENTEURS (1972)
    Note : 15/20
    Suisse et créé au début des seventies : on le devine par l'échange de casquette des deux hommes, et ces deux galipettes pour un panier de légumes dans un intérieur jamais visité : quiétude locale, on vit proche de la nature dans ce village, au rythme des saisons, juste un brin de musique, le temps passe tout seul, la mère toute proche ne se mêle pas des moeurs filiales. Des écarts, baragouiner en mangeant, pousser une gueulante, la Suisse bon teint de cette période-là, où on s'emm... Un académisme parfois pesant malgré la poésie ambiante. Il y a une forme d'application froide (comme chez Rohmer) que la pirouette de fin veut atténuer, les femmes qui se donnent peuvent se reprendre et être ainsi solidaires. C'était aussi dans l'air de cette époque-là où les aventures masculines se succédaient sans trop d'état d'âme.
  • UNE PETITE SOEUR POUR L'ETE (1972)
    Note : 12/20
    Vu en v.o. et en couleurs au Festival des Trois Continents 2007. Une histoire familiale très enchevêtrée en bord de mer, une jolie musique ponctue cette difficile romance. Or donc, une jeune fille en minijupe débarque, très bien dans sa peau. Elle a pour principale compagnie sa belle-mère, nouvelle épouse toute jeune de son paternel, cette dernière moins à l'aise, en pleines manigances : il est question de lettres, d'un secret de famille créant un obstacle, c'est confus et vite lassant.. un jeune guitariste, très sexy avec sa veste ouverte, serait l'enjeu de ces deux dames... Un jour (bienvenu car on se languit ferme), la famille élargie se retrouve pour se détendre, mais surtout débattre (l'occasion, pour Oshima, de jouer habilement, comme le ferait un peintre, sur les contrastes de couleurs de la plage). Enfin, toute idée de "faute" est balayée, le spectateur soulagé de sortir du risque consanguin sous-entendu. Un film un peu alambiqué à mon goût.
  • LE LIMIER (1972)
    Note : 18/20
    Vive le dvd ! Car il permet, en plus de goûter l'accent british, de rembobiner, est-ce qu'on a bien tout capté de ce labyrinthe que la caméra a survolé, une façon d'annoncer un autre dédale duquel on ressort... tout juste vivant. De quoi s'esclaffer puis serrer les dents et rebelote, pas question de décrocher avant de savoir... Admiration pour la créativité déployée, humour du style macabre entre bons copains, allons-y, poussons le bouchon encore davantage... L'aspect réjouissant du maître des lieux serait cette capacité à se suffire à lui-même dans son refuge nourri de l'observation de son prochain. Ce film parti du théâtre offre l'occasion de traiter de la rivalité entre générations d'hommes pour une Marguerite invisible, parée de mille défauts, mais sûrement captivante pour devenir l'enjeu de pareil duel. Plus les minutes passent, et plus on est perdu, entre camaraderie et inimitié... Les automates font figure de spectateurs figés dans le sardonique jusqu'au bout, l'envie démange de crier : "au suivant" !
  • DE L'INFLUENCE DES RAYONS GAMMA SUR LE COMPORTEMENT DES MARGUERITES (1972)
    Note : 15/20
    Le titre du film pourrait bien décourager en 2008 à sa re-sortie en v.o. : tarabiscoté, va-t-on revisiter la période d'enc... de mouches des seventies ?... Curieux que l'annonce du décès tout récent de Paul Newman réhabilite ses propres films, tous situés à cent lieues de la stature de playboy du bon côté de la barrière américaine qu'il persistait à incarner dans les mémoires. Ici inspiré d'un livre : j'ai eu des mouvements de recul dans les portraits présentés tellement ils sont peu complaisants. Humour cruel, flirt avec le sordide, la musique de Maurice Jarre ajoutant sa part de malaise, on a peur pour les êtres vivants près de cette drôle de perruquée... L'épouse du réalisateur (Joanne Woodwards), s'amusait visiblement comme une folle à épater son homme, ce dernier croyant toujours qu'elle n'y arriverait pas : l'emmerdeuse faite femme lui va comme un gant ! Mais elle finit par incommoder à se tirer toujours d'affaire, sans trop de dégâts. Mère mortifère, si dure à regarder en face... Fort heureusement, Matilda (propre fille du couple Newman/Woodwards à la ville)qui vit dans son monde préservé du pire, vient rassurer de sa voix cosmique, désormais sépulcrale ! Les scientifiques, les poètes inclus les "barrés", les écologistes, devraient raffoler. Pour ma part, cette curieuse alchimie de Paul Newman rejoindrait les oeuvres ardues mais profondes, à voir au moins deux fois pour en accepter la face aride.
  • L'ARGENT DE LA VIEILLE (1972)
    Note : 17/20
    Autres temps, autres moeurs, dit-on... Si cette grinçante peinture des richissimes et des pauvrissimes a pu, à sa sortie, vriller les nerfs par son côté exagérément populiste, elle s'avère incroyablement pertinente en 2010 avec la régression sociale que constitue le retour à "l'enfer du jeu" comme moyen de survie : se persuader que l'argent facile est à portée de main, user de toutes les bassesses si nécessaire car ça finit par payer... Inversion des rôles, les enfants plus adultes que leurs géniteurs, Comencini les filme toujours aussi justes. On rit et on frémit car les pompes funèbres jouxtent ce théâtre où la vieille peinturlurée pâlit de partie en partie mais persiste... La fin donnant le point de vue du cinéaste est envoyée à la face du spectateur, avec son espoir pour le futur. On était en 1972, il s'agissait d'extrapolations intellectuelles devenues réalités 2010 !  .
  • FAMILY LIFE (1971)
    Note : 18/20
    Description familiale anglaise de 1971 (à voir et revoir en v.o.), mais en 2007 elle continue d'embarquer, grâce à cette alchimie qui fait qu'on peut se mettre tour à tour dans la peau de Janice ou dans celle des autres personnages. De nos jours (avec réserve sur la situation économique de plus en plus préoccupante pour une foule de gens par rapport aux seventies), les parents comme il faut "lâchent" toujours aussi difficilement le dernier de leurs rejetons au foyer, cet ultime trait d'union... Et les ados, répondant aux pulsions qui les poussent hors du nid, veulent dur comme fer leur envol et en même temps se freinent, angoisse de l'inconnu... A partir de ce constat propre aux sociétés industrialisées d'occident, l'intrigue se précise, une suite de petites violences à traverser, la situation devrait rentrer dans l'ordre, le temps que jeunesse se passe, au prix de quelques bosses de part et d'autres... Que diable, grâce à cette grande soeur autonome, à ce boy-friend si naturel, il suffirait d'une bonne colère libératrice, de trouver la force... Admirablement envoyé, prises de vue des maisonnettes de banlieue bien alignées (qui reviendront dans certains films suivants), esbroufe des institutions, camouflage de la misère et aussi ébauche de pistes nouvelles en matière de soins... De la très bonne graine de Ken Loach !
  • LA CEREMONIE (1971)
    Note : 14/20
    vu en v.o. sous-titrée français et anglais (Festival 2007 des Trois Continents Nantes). Un quart de siècle d'Histoire à travers les nombreux rituels d'une famille japonaise. On commence par suivre un jeune couple adulte attaché par la connaissance réciproque, constatons qu'ils peinent à se rendre sur une île après la nouvelle d'un suicide. S'imbrique ensuite le récit de l'homme (Masuo enfant), depuis son arrivée en 1947 de la Mandchourie vaincue au Japon victorieux. C'était un petit garçon posé, pris en charge par le patriarche et ses adeptes, auxquels s'ajoutent, plus surprenant, quelques jeunes audacieux osant la défiance : cousins s'adonnant au flirt (le tournage date de 1971). Il y a aussi cette tante, d'abord équivoque, et qui embellit, devient fascinante, posée en quasi-rivale de la petite cousine Ritsuko... On observe que Masuo adulte a changé de caractère, il est devenu l'indécision personnifiée. On se demande aussi ce que veut dire le base-ball abandonné, repris, au fil des suicides successifs, ou l'appendicite, qui donne une noce à mariée invisible. Le symbole du bébé enterré vivant en dit long. Un enchevêtrement de désirs de mort et de tentatives d'union. Remarquable passage érotique, amené de façon qu'on retienne son souffle. Une oeuvre d'emblée ardue pour nous autres occidentaux. La féodalité japonaise, pesante par son archaïsme, est égratignée par la nouvelle génération. Les quelques débordements dans la boisson de tout ce joli monde font oublier un instant l'enfermement dans les doctrines. Une femme d'un certain âge rit beaucoup aussi, ça atténue l'austérité qui pourrait gagner... J'ai trouvé la musique effroyable de bout en bout, elle passe bien en sourdine. Non-stop, une lumière qu'on dirait veloutée, avec cette caméra s'approchant en douceur sur ce qu'il faut mettre en exergue... Couleur générale exceptionnelle (chocolat plus que sépia). A voir à titre de curiosité mais plutôt réservé aux fans d'Oshima.
  • LE TROISIÈME (1971)
    Note : 16/20
    Une scène mémorable pour retrouver sans peine ce film dans les production de la DEFA (société de production est-allemande de 1946 à la Chute du Mur en 1989) : l'intrusion prolongée d'un livreur pendant une scène d'intimité avec leçon d'anglais télévisée : il faut voir l'oeil goguenard de l'homme sur l'amant se rajustant, pendant l'attente du bon de livraison signé par la dame, vraisemblablement partie se faire un brin de toilette. Pour le reste, c'est l'éternelle difficulté, en RDA comme ailleurs, d'allier éducation rigide et prise de risque quant au choix d'un partenaire, c'est vu du côté féminin. Coupe de cheveux modernes, jupes raccourcies, on sent la déferlante de l'ouest, les frémissements du féminisme, mode et musique, seuls débordements tolérés par le régime (l'actrice principale, réservée dans l'ensemble, se déchaîne à l'écoute de jazz, à en être méconnaissable). Entrée en matière chaotique, du genre "puzzle", mais ça s'arrange en chemin... Dommage que la bande-son, surtout l'orgue, vrille les tympans, car il y a des scènes émouvantes autant que caustiques, les missions obligatoires pour les étudiants, heureusement variables en qualité... Une relative décontraction du monde professionnel (petit travail de spécialiste d'un certain niveau, du genre ennuyeux mais régulier). L'extrait filmé pendant le dîner devant la télé résume le frisson de tout engagement amoureux à son départ. Le verre d'eau, symbolisant "la soif de vie" rattrape très habilement le décès maternel. Forte similitude avec l'Occident de cette époque-là, en tous cas au plan des aspirations affectives. J'ai bien aimé les ombres dorées de la pellicule, cet hommage aux herbes, à la nature rappelant les cycles immuables... La jeune Jutta Hoffmann, avec ses paupières slaves ne peut vivre sans homme, elle va chasser discrètement pour s'en pourvoir... Vu l'absence de dialogue dont elle a dû s'accommoder jusque-là, son réalisme la fait recourir à la tradition pour séduire ce fameux "troisième", qu'elle annonce à ses deux grandes filles avec une modernité qui surprend !
  • DELIVRANCE (1971)
    Note : 16/20
    Peut-être quelques faiblesses techniques en 2009, des redites de canoë dans les rapides par exemple (plusieurs fois les mêmes images ?). Quand même, un film encore marquant, à l'atmosphère repérable sans confusion possible avec quoi que ce soit d'autre, suspense que ce pincement d'une corde de banjo ah ah !... Un somptueux duo d'inspiration blue-grass qui redéroule illico la pellicule : de braves gars partis pour s'aérer quelques jours, saine dépense physique loin des contraintes professionnelles. L'assaut dans la forêt après le lancement des kayaks avec leurs passagers plein d'allégresse (j'avais 20 ans quand le film est sorti en salles) fait qu'on ne se promène plus pareil dans les bois juste après ce film ! Terreur de ces scènes qu'on n'imaginait pas ! Une avalanche de rebondissements, à la limite du supportable, comment faire son affaire d'une traque loin de la civilisation, le truc intense... D'autant plus réussi que l'équipée se compose de stéréotypes trompeurs (Burt Reynolds!) tous révélés dans cette descente endiablée du Saint-Laurent où on claque des dents presque non-stop... Un film haletant si on a évité la syncope de la première demi-heure, mais attention, si c'est souvent inconfortable sur le plan psychique, c'est palpitant comme déroulement, pas pire qu'on bon film d'horreur ! .
  • LES PROIES (1971)
    Note : 18/20
    Les deux sexes en prennent pour leur grade dans cette ode à la tentation, encore plus exacerbée car se déroulant en fin de guerre. Le spectateur s'identifie tour à tour aux pensionnaires et au blessé, ce dernier dépendant de leur bon vouloir, beau comme un dieu, voilà le drame, il guette le moment propice pour regagner son régiment puis se laisse aller à sa nature chaleureuse... Lors de sa virée nocturne, que n'eût-il choisi la porte de gauche ! Fatal parcours, de la séduction à la protection mutuelle, puis des rivalités à l'explosion... Tout commence pourtant par d'innocents champignons cueillis dans les bois (cette rose sentie juste après absorption du plat par la maîtresse de maison !). Une trame empoisonnée mais toujours digne d'intérêt, un scénario à rebondissements, des dialogues riches, une fine étude de caractères, des prises de vue pertinentes, une pointe de suspense. Mais la hache aurait mieux convenu à cette directrice de pensionnat mal remise d'un lien incestueux car "une scie, c'est long", surtout pour le spectateur. Ce film diabolique afficherait davantage d'anti-militarisme que de misogynie ? Chacun(e) peut garder un petit pincement au coeur en se remémorant l'apprivoisement et aussi, cruauté suprême, ces sueurs sous laudanum.
  • OSTIA (1970)
    Note : 16/20
    C'est somptueux côté son et images, et très corrosif sur le fond. L'élément féminin permet qu'on s'intéresse à ces deux benêts, marqués au fer rouge par la perte de leur animal favori et la toxicité parentale. Deux éclopés se versant le vin stocké au jerrycan dans un intérieur crasseux. Des souvenirs personnels de Sergio Citti seraient ici immortalisés (la nappe blanche du banquet familial). En arrière-plan, on décèle aussi l'empreinte de Pasolini, repoussant et fascinant, hostile à toute emprise remettant en cause ses certitudes. Insistance du poids religieux en prison avec humour parfois (à la question à un détenu, "vous vous confessez ?", la réponse "pour reprendre 30 ans ?")... La grâce du film tourne autour de la blonde sculpturale qui couche ou plonge dans la mer comme on respire, pur fantasme de machiste soixante huitard. Quelques plans séquence sabordés (cette danse à l'accordéon si charmante au début, vraiment lourde ensuite...). Cinéma très charcuteur des années soixante dix, intello, glandouilleur, éternellement adolescent comme c'était la tendance, grandes théories déclamées, actions a minima. Si les deux compères sont feintés par une créature de rêve sauvée d'un viol par papa, c'est la tragédie grecque d'un seul coup... Pour le spectateur, l'intérêt global se situe lors des pointes poétiques à partir de la barque, l'eau chaude, ce poison des sirènes. Le machisme reste modéré cependant, "la créature" a la vie sauve !
  • LE REPTILE (1970)
    Note : 19/20
    En parcourant l'affiche, je me disais "un western", un de plus avec les codes américains, ou alors une variante de western spaghetti, aucune femme en vedette, on va avoir de la cogne, une lutte sans merci entre Fonda et Douglas, en plus que ça se passe en taule, un magot motive chacun, bref, j'y allais à reculons... Et bien, j'avais tort, c'est époustouflant de drôlerie, avec les surprises comme ce cinéaste sait les amener, et les femmes, si elles ne font que passer, ne manquent pas pour autant. Tout en couleurs, la bande-son signale que la légèreté est de mise (scènes croustillantes du hold-up dans la famille, du bain des bagnards...). On attend le fameux reptile, à moins que ce soit l'un des protagonistes, le moins scrupuleux ? Vrai qu'il reste les serpents dans le panty avec les billets, super planque... On a droit à l'habituelle pirouette en prenant congé, mais avec une morale à demi-sauve seulement. Plein de santé de bout en bout ! .
  • PERFORMANCE (1970)
    Note : 10/20
    C'est là qu'on réalise les bons côtés du temps qui passe ! Mick Jagger le dit lui-même aujourd'hui à Cannes à l'occasion de la sortie d'un film concernant les Rolling Stones : "nous étions beaux et stupides"... Tout ce foutoir de l'époque ramené des oubliettes, scénario hermétique, histoire abracadabrante, dialogues vides de sens et un rien "destroy"... Bêrk bêrk bêrk ! En fait, j'y allais surtout par curiosité, ayant ouï-dire d'un parfum de soufre autour de ce film. Alors pourquoi pas retrouver le personnage d'Anita Pallenberg aux côtés de Mick Jagger au faîte de sa gloire : d'abord, les deux se font sacrément attendre, perdus qu'on est dans un déluge de violence peinturlurée en rouge, et ensuite... les stars s'amènent pour jouer leur propre rôle, ici la bisexualité et l'oisiveté du matin au soir et... Un ensemble de très mauvais goût, "has been" au possible et tristissime ! Mais ce délire retrace bien les simplifications sociales des sixties, frime, recherche de sensations inédites, hommes dénaturés et femmes déjantées, soit près du lit ou dans la baignoire (cette philosophie est née de l'engouement général pour la musique anglo-saxonne, on filmait aussi les Beatles à grimacer devant les cameramen dans des scénarios sans queue ni tête, on allait voir ces films juste pour retrouver nos idoles). Une hallucination perpétuelle en réflexe à des décennies de rigidité éducative, comme ce "Performance" aujourd'hui bête à hurler ! J'aime bien mieux les Rolling Stones sur disque ou filmés (même chenus !) en concert par Scorsese.
  • CLAIR DE TERRE (1970)
    Note : 17/20
    Visionné le dvd (avril 2011). Un peu de maniérisme dans la forme, je pense notamment à ces rafales d'images hachées dont on use en principe pour des paroxysmes du style fin du monde. Par chance, les dialogues ou monologues accrochent et ce n'est jamais clinique même si on sent que le cinéaste se fait souvent plaisir (un peu trop ?) en présentant ses acteurs et actrices toujours filmés comme des divinités dans la lumière ou le faux-jour, par grand vent... Résultat : c'est toujours assez beau à l'image, et assez insolite aussi, pour qu'on veuille en savoir plus. Que ce soit les phrases invitant à la réflexion ou l'effroi des pertes, Guy Gilles, disparu cruellement, manque au monde pour son talent à transmettre l'angoisse existentielle. Que n'eût-il fait comme prouesses dans le cinéma d'aujourd'hui !
  • MAX ET LES FERRAILLEURS (1970)
    Note : 19/20
    Polar noir et psy a priori de facture "has been", d'intérêt moindre tant les années soixante dix passent pour ringardes, révoltantes de laxisme. avec leur utopie post-soixante huitarde. Trop linéaire, trop poussiéreux ?... J'ai été agréablement surprise ! Point n'est besoin de louer la technique, les effets de caméra car le réalisateur avance dans la fluidité, laissant le spectateur se délecter des dialogues, que germe sa petite idée sur ce qu'une fantaisie de police peut avoir comme répercussion sur des malfrats par l'intermédiaire d'une femme. Pour autant, si l'on se doute que l'une des deux têtes d'affiches va "dérouiller", impossible de deviner à quel point ce sera gratiné. On accroche parce que c'est incroyablement familier, universel, avec ce formidable recul pris par rapport aux situations, la passion de décrire le sordide pour en extraire la face cachée, ce je ne sais quoi sous la dureté de façade. Ainsi, c'était la débrouille déjà en ce temps-là pour certains, une misère parfois organisée, sans commune mesure avec le chômage de masse qui déferla depuis. Michel Piccoli et Romy Schneider sont non seulement très sexy, mais particulièrement touchants dans leur cheminement de faux-durs... Mais non, ils ne font pas démodés, au contraire ! Et tandis que les lieux accrochent, cette banlieue parisienne aujourd'hui en miettes, la voix-off plaquée des ferrailleurs en action aux flics par d'efficaces travellings fait qu'on ne lâche aucun des personnages secondaires. C'est profond, généreux et jamais larmoyant (cet art de considérer la prostitution indépendante, de quoi elle résulte et ce qu'elle apporte de bien au plan de l'insertion dans un groupe social). Même quand la trahison arrive par paliers jusqu'à l'explosion, s'ensuivent des rebondissements pour qu'on en ait pour son argent... Le regard de Claude Sautet, outre des décors précis qui marquent la mémoire, traite une intrigue tarabiscotée, sans omettre la vacherie du destin. C'est d'une grande maturité sur les travers humains et prendrait presque du galon en 2013 !
  • MOONWALK ONE (1970)
    Note : 19/20
    "Pas de vent sur la Lune" et autres erreurs au montage, le plus grand "bluff" que l'humanité ait connu, avancent les détracteurs. Nombre de terriens se pincèrent plusieurs fois en ce mois de juillet 1969, mais on peut d'abord douter, des années plus tard c'est mon cas. Se dire que les images télé de ce temps-là, l'alunissage du genre échographie avec son pouvaient avoir été inventées par des cinéastes talentueux. En fait, il y a plusieurs degrés d'images, celles prises sur le vif lors de ces premiers pas laborieux et les autres... bien nettes celles-là, intérieur de la fusée (la cuillère !) ou extérieur (ces éléments qui se séparent, se rejoignent, le fameux "LEM" !), des scènes arrangeables par l'outil informatique. L'ensemble ne brille certes pas par ses chansonnettes et la technique omniprésente peut aussi déranger. Finir par les cailloux ouvre à la réflexion mais fait un peu retomber l'émerveillement... N'empêche, il reste ces "bip" entêtants entre les voix de la régie et de l'équipe, de grand moments, les cérémonies de décollage et retour des héros... le branle-bas pour traverser l'atmosphère, ces étonnants clairs de Terre sans doute pas sortis d'une pochette-surprise, plus ces mouvements de foule jamais égalés en nombre depuis. Donc, sauf preuve irréfutable dans l'avenir, on a marché sur la Lune, le film en retrace bien les étapes, ce fut un projet discutable quant aux motivations mais pas banal comme expérience pour l'humanité !
  • LES GENS DE LA PLUIE (1969)
    Note : 18/20
    Une pépite méconnue de 1969, mais qui pourrait être actuelle, à voir obligatoirement en v.o.... Traversons le cerveau de cette blonde contrariée par l'envers du mariage, cérémonie en trompe-l'oeil qui la hante, elle a essayé de vivre pour l'autre en s'oubliant, comme ses parents le lui ont inculqué, houlala, "pas son truc" ! Une femme blessée et sexy qui part en voiture comme pour s'affranchir, un vrai danger public. En l'occurrence, on peut parler d'errance ou de courage. Façon de filmer de F.F. Coppola déjà bien personnelle, un côté indirect de prises de vues, mais ça tient déjà la route ! Symbole de la pluie, dialogues tandis que la caméra s'évade en gros-plan sur un essuie-glaces, images coupées en deux pour montrer un couple face-à-face et, pendant tout le déroulement, bruits quasi-permanents des voitures. Résultat, c'est authentique : sans doute un peu traînant par moments, il faut être disposé à se laisser embarquer par cette jeune femme dans ce qu'on pressent comme sa "parenthèse". J'ai trouvé le jeu du footballeur égratigné particulièrement attachant, après tout, cette innocence masculine retrouvée rafraîchit comparée à la tradition incarnée par l'amant de la dame... Bon point aussi pour le passage du couple avec la fillette, on pressent le grabuge ! Ces parcours respectifs, rappelés par flash-back pour qu'on comprenne, offrent à s'interroger sur les coups du sort, comment on s'en arrange, par quoi il faut passer. Mené de main de maître, très juste mais terrifiant !
  • LE PETIT GARÇON (1969)
    Note : 18/20
    déjà vu des bribes télévisées, mais réellement découvert en v.o. au Festival des Trois Continents en novembre 2007 : petit inconvénient, les sous-titres français très rapides et en vert, sont une épreuve de lecture, pour cause de couleur générale très claire... L'image, bleutée sur le chaos final, oscille entre rose et violine, la couleur s'intensifie lors des embellies, prudence, c'est une fausse vie en rose... Faire semblant d'être renversé par les automobiles : les temps sont durs, donc deux adultes décrètent que c'est un jeu à retenir, l'aîné des fils peut bien prendre la relève de la mère... Le fait que deux enfants tiennent la vedette dans ce film lui confère un charme exceptionnel (pas une ride en 2007 !). Car ils sont dirigés de main de maître, leur naturel prévaut (le petit frère qui répète ce que le plus grand, âgé de 10 ans, lui enseigne (tous deux en gros plans), l'univers qu'ils se forgent ensemble afin d'échapper à l'absurdité des deux parents sans les quitter, il faut bien inventer un monde pour "tenir" en attendant des jours meilleurs. Poignantes petites têtes redressées qui ripostent, ou scrutent les violences parentales, se blindent, sages, responsables jusqu'à protéger le bastion familial une fois assiégé. Les scènes finales, le visage figé de l'automobiliste, le petit qui trotte, cette botte rouge récupérée, en quelques secondes, une série d'émotions inoubliable ! Pertinent regard sur l'enfance par un cinéaste ayant perdu son père à l'âge de six ans, on sent la volonté de montrer que l'être humain, si nécessaire tout jeune, peut s'arranger de circonstances extrêmes par pur instinct de conservation.
  • LOVE (1969)
    Note : 17/20
    Vu le dvd en mars 2008. On reconnaît bien "la patte" de D.H. Lawrence, aujourd'hui célèbre rien que pour "L'amant de Lady Chatterley" récemment porté à l'écran. Pourtant un écrivain maudit de son vivant, trop "sexuel" et aussi très tâtillon, un oeil de "psy" avant l'heure, un rien tourmenté, il osait dénoncer les coulisses de la bonne société anglaise autour de 1900 : ce dont il est question ici. Départ très alerte, ce qui laisse rêveur. Des convoitises muettes, une homosexualité latente derrière une amitié "à la vie à la mort", et ce mariage juvénile à grand fracas. Ces eaux si vivifiantes... On plonge dans le plus simple appareil, attention aux courants... Des hommes nus s'empoignent, se mesurent en gage de fidélité, des fois que ces harpies de femmes... Par ailleurs, ces dernières sont stupéfiantes de détermination sous leurs masques, tout sauf rester des vieilles filles coincées. Un étonnant voyage dans les âmes masculines et féminines au fil des épreuves. La nature et les pulsions sont étroitement mêlées, la nudité des corps est celle des tout-petits, avec ce trouble entre plaisir et tentation de pousser vers l'ultime, pour ne jamais risquer la baisse de régime. Mais la fin se veut pleine d'espoir, avec ce couple hétérosexuel empli de tendresse.
  • ENQUETE SUR UN CITOYEN AU-DESSUS DE TOUT SOUPCON (1969)
    Note : 16/20
    On en prend plein les oreilles tout le long de ce grand classique projeté à Univerciné italien de Nantes en février 2011. Des prises de vue toujours impeccables. C'est bavard, très vitriolé mais toujours bien ficelé et traversé du sarcasme indiquant la jubilation sur le plateau. Gian Maria Volonté le machiavélique, des cravates bleues aux draps noirs, un spectacle à lui tout seul. Exception faite des otages requis pour la torture, les démocrates défilant sous nos yeux sont corrompus jusqu'à l'os, pas dupes mais liés par des intérêts identiques. Ne pas faire de vagues est le maître-mot. La femme se rebiffe bien un peu mais c'est pour la forme, elle campe le jouet qu'on finit par casser puisqu'elle aura tout fait pour. Un défilé d'extrême-gauche annonce les années de plomb à venir. Pas vraiment la joie donc... Musique d'Ennio Morricone agaçante, rien à voir avec ses autres tubes... Un breuvage italien des seventies dont on ressort bluffé mais un peu écoeuré en pensant que ce film a fait des petits depuis, non seulement au cinéma mais dans la réalité de tous les jours !
  • LES OISEAUX LES ORPHELINS ET LES FOUS (1969)
    Note : 13/20
    Il s'agit donc d'un contournement des atrocités totalitaires. Et non un tour chez les détraqués de la part d'un petit-bourgeois. La fiesta de début se change vite en cauchemar pourtant. A cause de la schizophrénie d'ensemble, on commence à traîner la patte, comme infiltré chez des drogués en phase aiguë (pas loin des débordements de "Singapore Sling", autre pépite qui laisse partagé). A partir de la confidence de la petite fille, ça frise l'insupportable. C'est pourtant toujours bien troussé à l'image, ludique, poétique, assez pour qu'on désire connaître l'issue. Le fait est que ce déballage sophistiqué de l'humain bestial avant tout vaut surtout pour son apocalyptique conclusion (épouvante et fascination en même temps. Jusqu'à y revenir plusieurs fois grâce au dvd !). Renvoyant au titre, l'envol d'oiseau au bout du supplice est un morceau de roi ! Le réalisateur soucieux d'évacuer son lancinant mal-être aurait sans doute gagné à un peu moins déjanter avant ou alors à y mettre plus de fond. J'avoue avoir admis les montées en puissance et en général zappé aux moments trop "barrés"
  • LA PARTY (1968)
    Note : 15/20
    Une partie de rigolade qui va crescendo, (en version anglaise sous-titrée autrement risque de déception) les jours où vous n'avez rien de précis au programme et l'envie que le temps s'étire, pour cause de grosse flemme, tout simplement : la première scène tranche avec la suite, on ne s'attend pas à ce parachutage dans un intérieur luxueux. Belle description de l'hurluberlu parmi des invités de bon ton et qui s'emm... tous très ferme. Une situation qui se retourne (en remettant le spectateur d'aplomb). J'ai trouvé Peter Sellers en Hindou paumé encore plus émouvant de nos jours en 2007 par rapport aux sixties, sans doute à cause du relent d'ostracisme flottant comme une arme bactériologique dans l'air à force de brassages inconsidérés. Ce film reste réservé aux adeptes du comique de situation par paliers, il faut poireauter parfois longtemps pour arriver à l'outrance attendue, mais ça peut être délicieux quand on a du temps à tuer.
  • L'ENFANCE NUE (1968)
    Note : 16/20
    Il a une jolie petite bouille, mais déjà les traits marqués, avec ce regard acéré, on jurerait un Pialat enfant. Qu'il fasse toutes les bêtises possibles, après tout, les fils de famille les plus unies peuvent l'égaler... Mais ce qui touche est bien que ce petit garçon de la DDASS soit cruel avec un animal familier, même s'il dit vouloir le sauver, ça fait pervers en puissance. On est à la fin des années soixante, les écoliers du primaire obéissent, reçoivent quelques châtiments corporels le cas échéant, les institutions sont puissantes, mais les familles d'accueil montrées sont ici "de braves gens". La part de documentaire et de roman se confondent, on se demande bien si c'est pris sur le vif ou s'il y a eu mise en scène par moments. Les éducateurs et les petits qui leur sont confiés, la bureaucratie se comportant déjà en gestionnaire (on n'ose penser à celle de 2008...), le défilé des parents temporaires, tout cet ensemble est criant de vérité. Je retiens surtout la lâcheté de géniteurs incapables de renoncer à leur enfant, qu'ils entretiennent dans un contact douloureux au lieu de le lâcher, ce qui barre le chemin de l'adoption. Les vrais parents sont-ils toujours les meilleurs ?... Stupidité d'un système générant une souffrance de génération en génération, sans parler de la délinquance qui peut en découler, parfois pour toute une vie. Alors qu'on s'acharne à vouloir des bébés bien à soi, tandis que d'autres s'esquintent dans des fécondations in vitro... Difficile de rester insensible au sort de ces innocents passant de bras en bras.
  • IF... (1968)
    Note : 17/20
    Dommage que les revendications soixante-huitardes de la jeunesse se soient souvent résumées à la libération sexuelle et à la seule transgression des interdits en général, pour les lycéens s'entend. Trop court, on s'en aperçoit avec le recul... Ce serait donc le mauvais côté de "If", la vacuité au plan créatif de ces jeunes : leur credo étant la destruction, toute leur énergie y passe. Mais sans doute est-ce préférable entre 15 et 20 ans de combattre l'autorité des adultes pour se démarquer... De manière que idées ou propositions d'autres systèmes politiques viennent plus tard. Dans ce film, tout est fait pour qu'on prenne le parti des jeunes à moins d'être soi-même devenu une peau de vache à force d'avoir à se heurter, je pense à ces "pions" à fleur de peau (il faut bien gagner son pain) : si on a soi-même tâté de la discipline de fer des institutions, possible de serrer les dents en suivant les figurants de ce bahut de la bonne bigoterie : appui commode sur la religion et son équité de surface, le summum étant cette odieuse simulation militaire au lycée, avec riposte du même genre... J'en retiens que les autorités à la tête de dispositifs aussi ridicules haïssent la jeunesse piétinée en eux-mêmes et ne méritent qu'une bonne claque en retour... encore en 2009 !
  • LA FEMME INFIDÈLE (1968)
    Note : 19/20
    Drame bourgeois de 1968, tragédie antique transposée France pompidolienne ... Quel palpitant huis-clos ! Un Chabrol d'une justesse absolue, bien avant qu'il ne cède à la facilité du trash dans ses caricatures. Au contraire, ce classique gagne en saveur plus le temps passe (dvd visionné en 2012). On sent venir la contraception, le bannissement des corsets rappelant combien on se désaltérait dans les bureaux l'été avec de bons mots sur la jupe courte de la standardiste tellement troublante. Monsieur et Madame c'est autre chose. Ils sont établis sous contrat, réellement attachés si l'on en juge par leur dialogue (certes de sourds par moments), bien à l'abri matin et soir dans leur maison sous les arbres, distraits par la mini-télé qui grésille. Il y a bien cet écho sépulcral hors la chambre et les dix ans d'écart entre l'homme d'affaires qui ne s'en laisse pas conter et sa femme assignée au foyer quoique libre de ses journées supposées cosmétiques. Michel Bouquet finaud à tomber raide, le trop tôt disparu Maurice Ronet, Stéphane Audran implacable autant qu'émouvante, trois pointures dirigées de main de maître et qui s'amusent sans cabotiner ! Le discours du cinéaste peut s'étendre à tout couple une fois passée la fusion sexuelle, cette tendresse qui oscille entre sécurité et étouffement. Qu'une sanction se profile et voilà le duo resserré dans une complicité qui sent le soufre ! Jusqu'au dernier souffle ou pas reste à l'appréciation du spectateur.
  • LE SAMOURAÏ (1967)
    Note : 18/20
    Revu en vidéocassette en 2008 et bien plus apprécié qu'à sa sortie, où je le cataloguais "film de mecs", comme bien des polars des sixties (regard sur les femmes par trop machiste). En dépit de l'intrigant volatile et des volutes de départ, je lâchais le beau Delon et ses cent pas, trop lent à en venir au fait. A présent, je trouve qu'il tenait là un des rôles les plus fascinants de sa carrière. Sans doute la présence de François Périer y est-elle pour beaucoup, ce flic fonctionnant au feeling, ramènerait assez bien à la grande improvisation policière pré-soixante-huitarde ! Le scénario est faussement traditionnel : s'y insinuent quelques travers, que ce soit Jeff Costello (il garde son chapeau et exhibe ses gants), le Commissaire qui le traque (aucune discussion avec ses hommes), ou le réseau qui l'emploie (curieux revirement pour des pros). Quelques loufoqueries de comportement donc, qualifiées de "bourdes scénaristiques" par quelques spectateurs d'aujourd'hui, où tout est bien classé, un polar de ce type devant rester lisse.. Le chant de petit oiseau en cage, nourri par le gangster soudain blessé attendrit, menton arrogant mais regard de garçonnet, ces deux dames éprouvées, qui l'épargnent, pourquoi le spectateur se range t'il à leur avis ? ... Côté atmosphère, le déroulement de l'enquête rappellerait "Maigret" ou même le "Commissaire Bourrel" de la télé d'avant, certes en plus énigmatique, et filmé de façon plus prestigieuse. Franchement, un EXCELLENT MELVILLE, à voir et à revoir !
  • LE LIVRE DE LA JUNGLE (1967)
    Note : 17/20
    Même en version française, cette oeuvre des studios Disney est toujours délicieuse en 2009 par les éternels stéréotypes qu'elle reprend. Rien de gnangnan, le commentaire est au degré "adultes", foin de la niaiserie faussement condescendante que certains croient indispensables dès que le jeune public reste prioritaire. Observé que "les éléphants" ont une curieuse résonance si l'on se réfère au parti socialiste français en lambeaux mais qui se dispute ardemment la chefferie... On a peur pour Mowgli l'intempérant, sinon tous les intervenants gardent une part d'ambigu jusqu'au bout. Dessins de grande finesse, couleurs travaillées, gags et suspense...la forêt comme si on y était... On swingue sur son siège ou bien debout, de la mère-grand au moussaillon ! .
  • LA NUIT DES ALLIGATORS (1967)
    Note : 16/20
    Penthouse, appartement terrasse ou dernier étage en 1967... A grands renforts de contre-plongées, on monte patiemment les escaliers tout en assistant au réveil de deux rescapés du matin qui ouvrent quand ça sonne, les idiots... Faux releveurs de compteurs, ils prévoient de prendre du bon temps... Il y a quelques flottements, on négocie, les victimes, à l'arrivée de la plus sorcière du lot ouvrent à nouveau, les imprudents... Si la dame coopère dans sa montée alcoolisée le monsieur en a pourtant sa claque... On échappe au malsain de "Performance" sorti quelques années plus tard, suivi du célèbre "Orange Mécanique" et ses cruautés. C'est davantage une perversité de psychopathe dans la moyenne, qui rappellerait "Le Limier" de Mankiewicz. La sorcière sexy de la dernière partie avec ses dents d'ogresse et ses jambes à mini-jupe soulignent la libération sexuelle débridée par la toute nouvelle contraception. Tentation de petit-bourgeois oisif ou charge contre le puritanisme de la bonne société british des sixties, cette torture de l'intime fait un peu "has been" en 2012 bien qu'elle reste visuellement pertinente. Le titre suggèrerait une mode passagère de ce temps-là, des alligators bébés en appartement dont il fallait se défaire ensuite, autant de monstres carnassiers adultes qui hantaient durablement les canalisations, brrr !
  • HISTOIRES EXTRAORDINAIRES (1967)
    Note : 15/20
    Trois sketches de pointures du cinéma (qui n'auraient pas dû être celles-là au dire du dvd en bonus)... Ils sont singuliers mis bout à bout ces trois numéros, et très inégaux en portée. Pour qui lit Edgar Poe, déjà plus intéressants à étudier. "Metzengerstein" est très critiqué. Pourtant si l'on accepte la fantaisie hors-temps des tenues, l'obsession de Vadim à exhiber sa femme du moment, ici Jane Fonda en souveraine Frederique, c'est tout à fait regardable. Certes caricatural du relâchement des seventies vues par les bobos d'alors, diction bien ar-ti-cu-lée, théâtrale, ici avec un éros style orgiaque médiéval virant à l'amour courtois à partir d'un excès de cruauté qui ferait renaître un homme (Peter Fonda, vrai frère de Jane) en cheval... Ne pas oublier la gymnastique que c'est de figurer les animaux dont Edgar Poe abreuve ses récits. J'ai trouvé jolie la mise en scène dans sa progression machiavélique, apprécié l'ironie du regretté Maurice Ronet en voix-off... Des limbes de ce premier sketch émerge on ne sait par quel miracle "William Wilson" orchestré par Louis Malle. On devine tout de suite l'issue au nombre de sauts de clocher qui s'esquissent. Le point culminant est la partie de cartes montrant Bardot brune (juste, attendrissante) face à l'intraitable assoiffé de sang obnubilé par son double, beau et horripilant comme il se doit (Delon jeune). S'imbrique le plus monstrueux sketch sur ce saut de l'ange... "Il ne faut jamais partager sa tête avec le diable" par Fellini, une pépite pour ses prouesses techniques outre son scénario déjanté (genre repris largement en noirceur comique par Alex da Iglesia depuis !). Imaginons mettre dans un avion un acteur britannique (Terence Stamp) drogué dur se rendant sur un tournage de western en Italie. Autant dire un type complètement groggy bientôt changé en reste d'humain rêvant d'une Ferrari. Troublante fillette à la balle blanche rebondissante, elle vient mettre la poésie nécessaire à cette danse macabre sur quatre roues. Bien que de facture admirable, le bruit et la fureur jettent un froid. A moins d'être sémiologue (ou en état second ?) on en ressort amoché.
  • LE JARDIN DES DÉLICES (1967)
    Note : 19/20
    Oeuvre controversée à sa sortie, cette libre inspiration du tableau de Jérôme Bosch emporte loin du bain moussant de son édition vidéo et ne souffre pas outre mesure d'avoir été amputée de presque une demi-heure pour cause de censure. Outre (dans ce rôle) le statique Maurice Ronet entre ses deux créatures, c'est un scandale éducatif et religieux totalement assumé. Le titre pose question, le temps que la lune de miel s'agrémente de précieux flash-back... Quelques détails tirés du tableau éponyme du peintre s'intercalent, paradis enfer, les pics de la vie... Sauf qu'ils sont mariés la veille et déjà plus sur la même longueur d'ondes (en 1967 à l'heure italienne). L'invitation à suivre un beau couple sans cesse dérangé par une châsse d'eau, véritable empêcheuse de tourner en rond. Se devinent un scénario ne laissant rien au hasard, un montage méticuleux, un raffinement apporté aux différentes atmosphères (les fondus au blanc rappellent Tarkovski ou Bergman dans ce qu'il a de meilleur). De haute volée picturalement, minimaliste côté dialogues du fait de l'éloquence à l'écran, tous ces plans très rapprochés... Une bande-son honorable (un peu inégale ?) signée Ennio Morricone. La liberté du mâle qui "a tout pour être heureux" avec sa divine épouse semble tout à coup fadasse, pulvérisée dans le désaccord intime. Le mythe de la perfection (apparente) basculé de son socle ! Sans ce réchaud qui bout, ces rails, ce pourrait encore être une petite crise existentielle surmontable pour un habitué du stoïcisme. En attendant, on est à fond avec ce médecin dont l'enfant intérieur réclame vengeance. Cinéaste du vrai, trop "personnel" pour le box-office, Silvano Agosti réconcilie avec l'oeil humain, pour lui la première caméra au monde !
  • L'INCOMPRIS (1966)
    Note : 18/20
    Revu en v.o. en 2008, avec toujours autant d'émotion. Qui mieux que Comencini a su mettre en oeuvre l'alchimie nécessaire pour que le public parvienne à s'identifier aux remous intérieurs de ses personnages ?... On est à la fois le parent fracassé, qui va, dans un grand sursaut d'orgueil, créer un secret de famille trop lourd, et ces petits pleins de fraîcheur devinant, chacun à leur rythme. Certes une épreuve pour l'adulte, d'annoncer une mort, trouver les mots, ne pas perdre les pédales... L'entrée en matière, cette voiture noire à grande vitesse, filmée toute resserrée jusqu'à ce qu'elle déboule dans la grande demeure où les serviteurs gardent les yeux baissés, angoisse... Les deux petits frères arrivent à leur tour, le père maladroit s'empresse auprès de l'aîné (scène mémorable d'agacement mutuel), en confiant le plus jeune aux femmes de service... Seul l'oncle Will apportera véritablement un semblant d'oxygène. Toujours entre le rire et les larmes à cause des frasques successives, et la constante maladresse paternelle, le spectateur est inquiet, mais se dit que ça devrait s'arranger, parce que l'ensemble est truffé de gags, une nurse allant jusqu'à rendre son tablier... C'est traité avec une grâce trompeuse, on se dit qu'il y a un Bon Dieu pour ces deux frères...Un film qui révèle la grande solitude enfantine et fait voler en éclats le protocole familial.
  • L'HOMME AU CRÂNE RASÉ (1965)
    Note : 18/20
    Fran... et Govert : autant dire le jour et la nuit. Film belge en v.o. flamande vu en mars 2007. Tiré d'un livre, belge lui aussi. Très belles prises de vue en noir et blanc, une économie de mots, des scènes déroutantes, qui font parfois craindre que le sordide prenne le pas : le visage statique qui murmure, les yeux clos, le coiffeur, l'autopsie (suggérée seulement)... La caméra traque d'un bout à l'autre, et en ayant l'air de ne pas y toucher, le personnage principal, Miereveld, sorte de petit fonctionnaire distrait, dans un genre de délire interne qu'on affuble, d'habitude, aux ados ou aux évaporés, pas à un type "normal". En tous cas, cette obsession d'un prof comme absent à lui-même dans son intérieur familial stupéfie. On découvre son monologue, avec cette idolâtrie "dans le vide"... Austérité et loufoquerie alternent, nous voici à l'intérieur du personnage, insidieusement, il finit par réveiller notre moi indicible. Le rêve est présenté ici comme ultime recours pour que le quotidien puisse garder sa place. Long peut-être, surtout l'entrée en matière, mais c'est un voyage unique en son genre !
  • BARBEROUSSE (1965)
    Note : 15/20
    Vu le dvd en version complète d'affilée, inclus entracte musical sur écran noir : ce fut une erreur d'appréciation, mieux vaut deux séances tellement c'est ardu. Savant jeu d'ombres et de lumières en noir et blanc. Comporte des scènes à couper le souffle. Un propos riche d'une infinité d'angles. J'ai trouvé que c'était une épreuve à cause de la forme choisie, théâtrale avec parfois ces rituels japonais qui, pour nous autres Européens, s'étirent dans le vide en amenant une austérité fatigante. En fait, tout en suivant l'évolution du jeune médecin auprès de Barberousse, j'ai vraiment accroché à partir de la petite Otoyo, il faut voir comment Akira Kurosawa l'a filmée, toute en ombres avec ses yeux luisants. Elle apporte beaucoup d'humanité à tout le reste. Des scènes sidérantes donc, entre autres cette audace de borborygmes d'un agonisant, l'opération sans anesthésie (on ne voit pas de sang) mais aussi cet instant capital de la conversation d'Otoyo avec le "petit rat" Chono, tandis qu'une soignante pleure dans le coin droit de l'écran..."A-t-on jamais vu les politiques s'attaquer à la misère et à l'ignorance ?" : cette question du Docteur Barberousse vient contrebalancer le parfois discutable "rien n'est plus sublime que les derniers instants"
  • LA GUERRE EST FINIE (1965)
    Note : 14/20
    Retour sur l'Histoire. Ce film avait sa raison d'être en 1965, période où les joutes politiques étaient endiablées, les partis bien définis, les hommes se réclamaient "bien à droite ou carrément communistes". La mort du dictateur Franco n'intervenant qu'en 1975, le peuple espagnol a cependant eu le temps d'être sur les rotules... On sent le témoignage de Jorge Semprun, "le permanent" (joué par Yves Montand), un militant un peu plus sceptique que les autres passeurs entre France et Péninsule Ibérique où les disparitions commencent à peser... Les compagnes encore bien "roman-fleuve" ont l'oeil qui s'allume face au séducteur en danger, grâce au cadreur qui a minimisé l'austérité ambiante par leur plastique déboulant sur l'écran au milieu de tout, comme autant d'écrins consolateurs, le guerrier traditionnel, indépendant sur bien des points, puise sa force dans l'éros ! Courageuse prise de position néanmoins d'estimer qu'à l'impossible nul n'est tenu dès lors que la terreur paralyse les populations ! D'où, faute de mieux, déjà l'idée des très jeunes de s'attaquer directement au tourisme, cette manne sous le franquisme... Instructif au plan historique, il est bon de se rappeler les ravages dictatoriaux. Pourtant, non transposable en 2008 à cause du brouillage des cartes, cette communication sur le marasme économique et financier... Ce qui frappe ici - et tient éveillé ces deux longues heures de noir et blanc ! - c'est de constater la révolution des moeurs des sixties à nos jours.
  • LE CHEVALIER DES SABLES (1965)
    Note : 17/20
    Eternel dilemme des passions à vivre dans le temps imparti. Je trouve l'histoire du trio plausible et estime que les copains de la dame traduisent le côté immature des bandes, peu importe que le mouvement "Flower Power" passe pour intellectuellement évolué quarante ans plus tard, il avait aussi ses ridicules ! En attendant, l'oiseau et son attelle symbolisent la crise qui se prépare entre deux milieux que tout devrait opposer. C'est tourné à "Big Sur", que c'est beau ces vagues fougueuses, l'exigence d'espace de ces années-là, l'abri en bord de mer, la peinture offrant de se suffire à soi-même là où on se sent bien, toujours discutable avec un enfant à élever. La nature est photographiée comme pour nous dire que tout ne cesse jamais de se transformer. Le charme général vient des paroles prononcées (elles ne sonnent jamais le creux), des expressions et de l'interprétation des deux monstres sacrés (Burton et Taylor) derrière le dos de la plus que parfaite épouse dans sa jupe boutonnée à l'arrière (Eva Marie Saint). Sans en approuver les effets, on comprend la bigamie !
  • JULIETTE DES ESPRITS (1965)
    Note : 17/20
    b> : Intrusion chez les aristos italiens des sixties, Madame mariée à une girouette, "ne manque de rien" entre ses gentilles domestiques, quelques amitiés fiables et des satellites englués dans des croyances extravagantes quand il ne sont pas tout simplement détraqués. Libre de ses mouvements, toute latitude pour se faire consoler, cette femme est avisée sauf qu'on lui a appris à s'activer, à monter très haut, affronter mille dangers, sans véritable changement par rapport à l'enfance dont remontent les vapeurs dans mille tourbillons à l'image. De charmants tableaux se succèdent, on ne se lasse pas des deux fillettes en blanc qui courent. N'empêche que le soupçon taraude en dépit de journées féminines bien remplies en espérant l'époux soit cinq minutes devant la télé. Ou alors au lit les yeux bandés (mémorable scène matinale du cheminement vers le téléphone) ! Plusieurs lucarnes s'entrouvrent sur la prison dorée, la vérité réclame-t-elle vengeance ou abnégation ? A l'issue de ces méandres oniriques autour du chagrin ravalé, le spectateur sensé espère juste que Monsieur prenne un peu de bouteille.
  • MORGAN, FOU A LIER (1965)
    Note : 16/20
    Morgan semblerait en 2011 un fantôme des doux dingues circulant à cette époque-là, imprégnés des stars produites par "Le Swinging London", manière de s'habiller, de se comporter, de penser... A l'environnement ingrat, industriel, répondent le design, la photo, la mode, la musique : une vie d'artiste. Aujourd'hui, qui sait, on mettrait Morgan en prison ?... Sorte de Grand Duduche imbibé de King-Kong, de Tarzan et Jane, il est l'amoureux qui se rabat sur le communisme, effondré que sa belle lui préfère un bourgeois afin de reprendre une identité plutôt houspillée... Plane la grande pulsion des sixties, cette formidable zone de liberté d'après-guerre qui gommait les différences de milieux. Une embellie économique évidente, un bond en avant des moeurs et pourtant l'envie de révolution typique des étudiants avides de paix sur terre attisée par les grands penseurs. Un noir et blanc foutraque aux images qui parfois s'accélèrent comme dans Benny Hill... Des moments lancinants, de "glandouille" et d'autres, magiques, le policeman qui compose avec la modernité, l'accent cockney dans le café maternel, le feu au dos du gorille... L'occasion aussi de retrouver Vanessa Redgrave, un modèle de pionnières des années soixante avec coupe de cheveux et silhouette très petite fille, mine de rien déterminée malgré un brin d'hésitation dans ses choix intimes.
  • LE PRÊTRE ET LA JEUNE FILLE (1965)
    Note : 18/20
    Projeté au Festival des Trois Continents Nantais 2012. Une tragédie qui trouve son écho dans toute récession économique. Ce village brésilien autrefois prospère et soudain figé rappelle la désertification 2012 des campagnes en marche, chômage, populisme, résultats de l'hégémonie financière. Seule la musique peut arracher quelque grimace à ce chef-d'œuvre trop méconnu des sixties. Reconnaissable à sa jeune femme sexy dans ses petites robes d'été au milieu des ruines. Trouble servante d'un bienfaiteur paternaliste, indifférente à un fou. Les mâles tous derrière cette fleur fraîche haïe des fanées... Leur point de ralliement à tous faute de pertes sévères au plan matériel et familial, la religion... Superbe plan de l'alerte soutane flanquée de vieilles grenouilles... A l'inverse de l'ancien curé, le nouveau, frais comme un gardon, damnerait une sainte ! Le spectateur jubile longtemps d'ailleurs, entre foi et chair, proche d'imaginer le couple piétinant les sauvages. A partir d'un poème, Joaquim Pedro de Andrade tisse une intrigue maudite d'avance en un milieu précis, et pour cela délectable. C'est un noir et blanc minutieux dont la chute fait transpirer.
  • LE DESERT ROUGE (1964)
    Note : 16/20
    On a vraiment l'impression de sentir le soufre ou autres joyeusetés dès les premières images, floues et habitées d'une musique qui vrille les nerfs. A voir de préférence en v.o. italienne même si le langage réside plus dans les regards et les attitudes. On est en 1964, le monde industriel bouleverse les paysages : les hommes travaillent ou font grève, et leurs compagnes sont mères au foyer pour la plupart. Antonioni, pour son premier film en couleurs, dépeint cet univers futuriste à grand renfort de peinture sur le décor, l'emblème étant ce jaune citron qui crachote... Giuliana en est restée au paradis perdu de son enfance, cette plage rose où elle se baignait. Rien à voir avec cet univers futuriste où elle se promène pourtant avec son petit garçon, peu de temps après un traumatisme, et juste avant la rencontre d'un autre homme que son mari... Monica Vitti captivante, toujours entre demande et fuite affective... Un film bizarre, un peu trop lent, où l'on n'a pas d'explication à tout, mais qui accroche par son pari de "rendre le moche esthétique" et qui en dit long sur les atermoiements féminins et les fantasmes masculins !
  • GERTRUD (1964)
    Note : 18/20
    Les valeurs d'absolu incarnées par l'élément féminin peuvent se lire de plusieurs façons dans ce dernier film de Dreyer, longtemps tabou, hué ou boudé à sa sortie, à l'exception de quelques voix élevées en sa faveur. C'est statique mais pas trop, froid, et pourtant ça accroche. En 2015, sous des dehors empesés, des images vaporeuses, on dirait une caricature du romantisme nordique. Bonne société scandinave avec maîtres et serviteurs bien à leur place, robes longues, personnages s'évitant du regard de peur que... Et pourtant le spectateur patient va finir par accepter d'y trouver un sens grâce à la tentation qui fait tergiverser. Les couples établis et les institutions devraient toujours se hérisser. Peuvent aimer, les soignants, enseignants, célibataires de naissance, vrais mystiques dans monastères et couvents, ceux et celles "qui aimeraient croire" et ne croient plus que fugacement.
  • L'ENFER (1964)
    Note : 16/20
    Une bonne note... académique. Car en réalisant les souffrances subies par l'équipe entière (Reggiani en particulier !), le résultat se veut avant tout instructif, cela escamote l'impression malsaine d'ensemble, on est venu visiter les coulisses de cette œuvre "post-mortem" jusque-là inédite, on se sent donc vaguement intrus. Brillant toutefois, l'aspect technique sidère, tant de recherches, tant de sophistication, tant d'argent investi pour finir à la trappe ! La personnalité de Clouzot fait irrésistiblement penser à un autre hyperactif tout aussi irascible... La reconstitution est inégale, les rajouts, bien exécutés pourtant, donnent dans l'application. Bref, l'émotion reste en rade, si bien qu'on compatit pour tous sauf le cinéaste. Romy Schneider (encore très "Sissi" à l'époque) et Dany Carel dans leur flamboyante sensualité, avec tout le côté "starlettes en maillot de bain" des années cinquante soixante. On écoute bien les témoignages récents de Costa-Gavras et autres pointures. Sûr que l'ensemble vaut quelque chose. Mais à cause du transfert de vieille déprime que le cinéaste plaque sur son monde jusqu'à y perdre la boule, l'ensemble finit par faire train fantôme extirpé de la naphtaline : il donne une folle envie de revoir Romy Schneider dans ce qu'elle tourna ensuite.
  • LA MAISON DU DIABLE (1963)
    Note : 19/20
    On retient son souffle plus d'une fois dans cette maison archi hantée avec cette femme qui entend des voix et cette autre frôlant le saphisme ne serait-ce sa peur bleue qui la rend si petite fille... Une histoire à vous faire préférer cent fois les ascenseurs aux escaliers ! La voix-off empoigne dès les premiers plans et passe le relais aux personnages tous suspects dans leur genre, qu'on ne lâche plus. Une bonne histoire, dans le genre suspense hitchcockien en beaucoup plus fantastique. Film de 1963, une valeur sûre en dvd. L'ensemble est encore remarquable à tous points de vue en 2011 !
  • HIER, AUJOURD'HUI ET DEMAIN (1963)
    Note : 16/20
    Redécouvert en 2009 grâce au dvd (avec bonus explicatif du néoréalisme rose absolument parfait). Retour sur le renouveau italien des années cinquante-soixante : les cinéastes souhaitant aborder les tendances sociétales profondes devaient s'y prendre de manière "soft" afin de contourner l'élite bourgeoise catholique ancrée sur l'anodin, garantie que le public reste l'innocent des premiers jours... Trois sketches dans trois villes différentes révèlent que les moeurs demeuraient fortement teintées de religieux : on devine un pays coupé en deux, l'Italie du Nord aux élites dures où les richesses se sont concentrées, et celle du Sud, en quelque sorte "à sa botte"... Plus audacieux sur le fond que ce qui défile à l'image, forcément "tape-à-l'oeil et fort-en-gueule" (parfois usant !). L'occasion, outre le talent du cinéaste (subtilité des cadrages, heureuses transitions) de se rincer l'oeil auprès des deux comédiens-fétiches emberlificotés dans leurs pulsions intimes. Joie de vivre, débrouillardise, solidarité, en numéro un la séduction féminine brandie comme un outil de surchauffe avec une marmaille allant de soi (on croit entendre le loup de Tex Avery !), les hommes sont ici mis à rude épreuve ! Dans cette démesure de croire tout achetable ou vendable après des lustres de privations, on peut aussi comprendre l'émergence de Mafia, Brigades Rouges, et même l'étendue actuelle du pouvoir berlusconien !
  • LA BAIE DES ANGES (1963)
    Note : 19/20
    19,5/20 : Fascinante intrusion dans l'enfer du jeu d'argent. Un morceau de roi que ce film restauré (surtout pour les spectateurs l'ayant vu un peu jeunes). Risquer son va-tout comme on dépose un vêtement au vestiaire avant d'aller danser. Etre là rivé, réjoui, ou effondré l'air crâne pour composer, supplier après avoir rejoué des gains faramineux. Des conduites à risques qui décuplent la sensation d'être vivant. Si visuellement on est à la fête en noir et blanc entre Paris et la Côte d'Azur, sur l'aspect sonore, on croirait une comédie musicale sans en être une. Les dialogues sont fluides, le couple livré par rafales. Beaucoup de sensorialité. La concierge de l'hôtel, les rudes galets de la plage, les valises, on a l'impression de s'y frotter. Tout cela ramenant au cliquetis de la roulette, non pas sec, mécanique, mais crépitement léger, sonnerie grêle, murmure cristallin. Les réalités glissent sur gens et choses, le couple fait partie de l'alchimie, laissant sur le bord de la route la camaraderie du départ. Les deux grands fauves prévisibles se reconnaissent. Blondeur de croqueuse patentée contre carrure de jeune coq. Au négatif, on pourra trouver poussiéreuse l'autorité paternelle à l'heure des réseaux sociaux prolongeant l'adolescence (et encore la suite enseigne que le papa veuf est plus bourru que tyrannique). Des talons hauts chancelants, un bras qui accepte qu'on s'y suspende... Jacques Demy enveloppe Claude Mann et Jeanne Moreau d'une tendresse obligeant à se questionner sur les vertiges qui font se croire en apesanteur. A l'heure ultralibérale, "Jackie et Jean" mériteraient statuettes dans tous les casinos du monde !
  • LA SOURCE THERMALE D'AKITSU (1962)
    Note : 15/20
    La source thermale où on dirait bien qu'il n'y a personne, ou alors pour l'essentiel deux survivants au traumatisme de la guerre que le pays vient de perdre. J'y vois aussi une réflexion sur le lien amoureux vécu comme un joug : sauvez la vie de l'autre par des soins, il vous le fera payer au centuple. On est mal à l'aise, au bord de la révolte, mais c'est très esthétique comme démonstration, la musique quand même à la limite du supportable. Petit à petit, le spectateur est embarqué dans les multiples expressions du visage féminin emprisonné par la caméra. Car comme souvent dans les productions japonaises anciennes, la jeune fille irradie alors que son partenaire, s'il incite d'abord à la compassion par sa toux, déçoit vite par sa plastique très quelconque, ses frasques tellement téléphonées. Il est trop sûr de son fait et mérite châtiment. Un paradoxal symbole de l'eau, purificatrice jusqu'à un certain point. Malice du cinéaste amoureux de son actrice pour l'avoir filmée une bonne centaine de fois : ici, elle s'assume matériellement mais sombre dans un excès d'absolu qu'elle pouvait éviter. Gloire au cinéma qui permet toutes les jouissances !
  • LA SOLITUDE DU COUREUR DE FOND (1962)
    Note : 18/20
    Il semble ne vivre pleinement que quand il cavale, ce jeune écorché vif, si l'on en juge par les magnifiques images en noir et blanc des parcours qu'il avale avec un appétit rare, pour finir par se laisser tomber les bras en croix au sol ! Adolescent à la "gueule" d'adulte quelque part, le dénommé Smith est brisé intérieurement par la perte paternelle. Il va commettre avec son pote un petit larcin, histoire de contrer le nouveau compagnon de sa mère "à peine son mari froid", et aussi pour refuser l'engagement que tout le monde prend avec la société. Ensuite, on pourrait dire "cours mon garçon", on attend le champion, un caractère par trop loyal à force d'être entier, au point d'en être un peu dérangé ?... C'est un portrait troublant, et en même temps la peinture d'un microcosme british passé au vitriol : il s'agit ici de ce qu'on appelait dans les sixties "maison de redressement", un pensionnat en mal de reconnaissance officielle (comme film, c'est jouissif pour les internes qui ont soupé de ces structures moutonnières !) : "to perform", aucun mot aussi précis en français pour désigner la compétition, elle va de soi, quoique.
  • LE GENTLEMAN D'EPSOM (1962)
    Note : 14/20
    Aujourd'hui, regarder pareil portrait fait à la fois préhistorique et d'un arrière-goût populiste, vague impression de revenir au temps des "grandes familles respectables", sous Le Grand Charles, garde à vous !... Ces aristos maîtres partout, raffinements de langage signalant un sang supérieur, comportement sans transition de mielleux à odieux, notamment avec leur petit personnel obligé de suivre sinon la porte est là. Gabin en turfiste bougon, doublé d'une sacrée fripouille ! Jean Lefebvre, l'humilité comme souvent, ôtez-moi ces mains de vos poches... De Funès plus vrai que lui-même, réincarné depuis (difficile de ne pas y penser !) dans un jumeau élyséen incompréhensible. Sublime passage de Madeleine Robinson en dame pincée mais touchante par sa vulnérabilité voilée par un riche mari américain. Truculence des dialogues de Michel Audiard pour cette plongée en noir et blanc dans les courses de chevaux où le profane peut trouver à s'instruire, nul besoin d'être spécialiste... Vigoureux plans d'ensemble qui entretiennent le suspense à chaque départ, petits vices de parcours confiés au seul spectateur... Un bon divertissement si l'on parvient à supporter le monde de l'aristo-escroc cher à Grangier, un genre qui peut mettre les nerfs à vif en avril 2009 !
  • IL FAUT MARIER PAPA (1962)
    Note : 18/20
    Du haut de ses trois pommes, vouloir marier son père veuf... Voici une production de 1963, toujours piquante en 2010 pour qui surmonte l'habituel sirop musical de ces années-là en arrière-plan des scènes intimes. Couleurs harmonieuses, grande mobilité de caméra dans l'appartement où la radio du matin tranche avec ce qu'on voit. Vincente Minnelli ménage d'autres surprises derrière l'espièglerie centrale : qui n'a souhaité choisir le ou la partenaire de son parent resté seul, cet empoté, hein ?... Certes, l'issue se devine mais sa pertinence à l'image beaucoup moins. Qu'il est long à faire ce deuil de la gardienne du foyer morte à l'hôpital... Les portraits féminins défilent pourtant non stop, chacun dans leur spécialité (ce numéro de batterie !). Presque tout se passe dans les intérieurs douillets, priorité au ludique, on est bien dans les sixties... Père et fils, chacun dans leur brouillard mental, s'évitent. Mais dialoguent soudain d'homme à homme, attention, c'est Junior l'expert !
  • DU SILENCE ET DES OMBRES (1962)
    Note : 18/20
    Très agréable à suivre grâce à l'interprétation et au plongeon familier d'une habitation à l'autre. Efficace pour rappeler qu'une erreur judiciaire est vite arrivée lors des récessions. C'est un film très moral exaltant le rôle du père veuf qui éduque, ferme mais toujours aimant. Les enfants trépidants, surtout la fillette (Mary Badham) devraient marquer les esprits tout comme l'étrangeté changée en épouvante (à partir de bruits, d'une balancelle qui tangue, de très peu de moyens) une fois la suspicion établie. L'action se passe principalement pendant les vacances estivales, canicule jour et nuit très favorables aux échappées des enfants intrigués, dont une fois pour la bonne cause. La plaidoirie de Gregory Peck en humaniste à toute épreuve constitue le moment crucial du procès. C'est plein de vie à l'écran, juste un peu de poussière par endroits comparé aux raccourcis utilisés depuis les sixties. La trame paraît fidèle au roman de base (d'après sa présentation par Gregory Peck himself en bonus du dvd). Sans se bercer d'illusions sur l'art de neutraliser la mauvaise foi collective, on est instruit sur les bienfaits de la vérité, même maquillée !
  • QUINZE JOURS AILLEURS (1962)
    Note : 18/20
    Voilà un film flamboyant, deux semaines en tout, qui dévoile les coulisses du cinéma dans toute leur ambiguïté. Un vibrant milieu, axé sur les intérêts du moment. Une fabrique de girouettes influentes qui fait se sentir fauve dans des cercles de feu. Les défis manquent à Jack Andrus (Kirk Douglas) dans son repaire d'ex-alcoolique qu'un coup de fil intrigue. Assez pour désirer inconsciemment repasser ses épreuves à l'envers ?... D'abord il part en éclaireur, pour ensuite replonger tête la première. On assiste à différents vertiges, particulièrement celui du couple de "gens de cinéma" avec l'ambivalent Kruger (Edward G. Robinson). Les amours, les amitiés de haute lutte sont sur la sellette. A malin malin et demi. Pareil marigot exige qu'on vende son âme à force de repousser ses limites. Si les péripéties sont dures sur le fond, ce n'est jamais insupportable car adouci en permanence par une jeune beauté brune enchanteresse (Dahlia Lavi). Elle est comme Jack à un carrefour, l'effet du poison en moins. On ne s'ennuie pas entre Carlotta, véritable pieuvre à combattre et le jeune homme au scooter. La scène majeure, une balade nocturne en décapotable particulièrement décoiffante, met les nerfs à vif, divisant ensuite les spectateurs quant au choix fait par le protagoniste. Excès de cynisme pour certains et hommage à la liberté individuelle pour d'autres.
  • LE PROCÈS (1962)
    Note : 16/20
    Généralement rebutée par les incessantes contre-plongées de Welles, j'admets qu'elles vont à ravir à cette adaptation du Procès de Kafka. On est servi en profondeur de champ, en portes démesurées et en espaces labyrinthiques. Y pullulent les sautes d'humeur, litanies doucereuses autant que sadiques, bref, on reconnaît le brillant technicien à ses petites manies. Acteurs tous au sommet de leur art tant ils sont bien mis en valeur, si l'on excepte les papillons qu'y sont les femmes. Fracassante entrée de Romy Schneider éclatante de jeunesse et d'espièglerie avec ses doigts palmés. Madeleine Robinson et Jeanne Moreau percutantes aussi, et puis cette autre à voix sensuelle qui terrasse, pfff... toutes évaporées. Seul continue de s'agiter le présumé coupable (Anthony Perkins, on s'identifie tout de suite) et les ombres de ses observateurs dont Welles lui-même, dans son lit. C'est esthétique, assez éprouvant, chargé plus que de raison, adaptable à n'importe quel totalitarisme, y compris celui-que nous vivons présentement au plan mondial avec "TINA"... Y manquerait juste à mon goût, dans le dédale d'effets non-stop, davantage d'émotion.
  • CLÉO DE 5 À 7 (1961)
    Note : 12/20
    Le fond de l'histoire me touche beaucoup. L'atmosphère, les prises de vue en noir et blanc, les comédiens, rien à redire (si ce n'est que le regard sur le cancer a considérablement évolué depuis les sixties). De très bons moments d'hymne à la vie viennent tempérer l'alerte à la mort ressentie par Cléo, et c'est heureux pour le spectateur. Mais pourquoi de si longues déambulations dans Paris, et ces scènes coupées en tranches selon l'horaire indiqué ? De grâce, en plus court et en moins chichiteux, on avait le même résultat... Je trouve assommante LA FORME qu'Agnès Varda a choisie pour ce film.
  • LA FIÈVRE DANS LE SANG (1961)
    Note : 19/20
    Admirablement interprété, et sans une ride même en 2007 ! Certes, il y a ce puritanisme américain des années 30, et ce krach boursier. Tout concourt à "être raisonnable" sur les grandes lignes. Pas question qu'un désir physique mal géré vienne déshonorer les familles (aucune contraception, on n'en parlait même pas...). D'un côté : ce père qui projette sa réussite sur son fiston, et cette mère omniprésente, plus ventre que femme. De l'autre, ce jeune couple, frais, sexy en diable, qui devient très attachant du fait de sa lutte pour s'extraire de la passion plutôt que de la consommer. Ramené en arrière, même s'il se morigène quelque peu, le spectateur adulte revenu de pas mal d'impasses, se surprend à ranimer ses propres amours adolescentes, chères vieilles étincelles !
  • CLÉO DE 5 À 7 (1961)
    Louise Ventriloque à Nicolas Brun, le 7 mai 2007 : merci pour ces remarques éclairantes. Permettez toutefois que nous gardions chacun notre manière de percevoir le rythme d'Agnès Varda. En l'occurrence, vous semblez avoir connu la lévitation, tant mieux pour vous !
  • MILLIARDAIRE D'UN JOUR (1961)
    Note : 16/20
    Grand classique inspiré des sujets préférés du cinéma muet, les écarts de classe utilisés comme terreau des liens communautaires, l'enfant dupé par héroïsme maternel. Des acteurs de talent comme Glenn Ford et Bette Davis viennent préciser les bons sentiments à la base de l'entreprise hautement périlleuse. C'est agréable à suivre du fait de la virtuosité du filmage. Impossible d'en garder un souvenir impérissable cependant. La raison en est le trépidant "French Cancan" de Renoir regardé par hasard la veille en dvd (film et bonus) dont les scènes de comédie musicale qu'on jurerait puisées ici, passées à la moulinette et fortement pimentées n'ont de cesse de remonter à la mémoire.
  • LES INNOCENTS (1961)
    Note : 17/20
    Sans trop raffoler de "l'épouvante non comique" comme genre au cinéma, je salue ce film qui prend aux cheveux par sa savante alchimie dès le début (bien aimé comment la "Century Fox" est carrément incorporée à la présentation du générique) pour conduire vers une douce pétoche. Un château aux... 134 fenêtres, oiseaux qui pépient, murmures des grands jardins à plan d'eau. On est moitié en terrain familier, moitié en zone à turbulences... Enfants espiègles ou farfadets... Pourtant de quoi faire des brassées de roses, fleurs rassurantes. On cause et on boit le thé aussi. Le personnel semble en savoir long sur les interférences, il existe un secret et qui sent un peu le soufre... Bruissements d'herbe, pigeons roucoulants dans un donjon menaçant de sa hauteur... La photo en noir et blanc est d'une limpidité irréprochable (jeu très fin de Deborah Kerr) : Miss Giddens, la nouvelle venue, a-t-elle bien toute sa tête ?... D'abord, dehors, ça semblait peu de chose, comparé au dédale de pièces où il faut jouer à cache-cache, avec ce contraste entre clarté et obscurité... Interprétation toute en retenue vers un climat oppressant. Des effets spéciaux de bouts de chandelles vacillantes, mais beaucoup d'effet justement ! Une comptine virant à la litanie rappelle la bizarrerie si jamais on l'oubliait. Echos et soupirs des lieux hantés ou psychose contagieuse... A-t-elle vu ? Ont-elles vu ou cru voir ?... Ces deux enfants sont-ils des monstres ? Vaut le détour une bonne fois, dépaysement garanti mais gare aux cauchemars !
  • LE CAVE SE REBIFFE (1961)
    Note : 16/20
    Que signifie au juste ce mot "Cave" ? = qui n'appartient pas "au milieu"... On est donc dans un cercle de truands chics, une élite difficile à compromettre, enfin selon les dires de ce flic à double langage dépêché à l'aéroport... Ce genre frôlant l'égrillard, peut se ressentir de nos jours comme "un gros classique" franchouillard de mauvais goût. Sauf si on parvient à le prendre avec bonhomie en 2009, loin des dauphines et des quatre chevaux d'après-guerre... Au passage : c'est fou ce que les esprits féminins ont changé tout de même ! Ce qui sauve du côté comédie années soixante un peu kitch désormais (dont le ton ferait frémir par crainte d'un retour au populisme de ces années-là), c'est bien l'interprétation masculine, Gabin et Blier notamment. Les actrices affichent le caricatural de ce temps-là, macho en diable, la sécurité de l'homme toujours "un peu maquereau" conditionnant toutes les femmes à marcher droit ! A noter aussi la réserve faussement rassurante des dernières images sur le banditisme, des fois que le bon peuple puisse croire que ces filous sous les tropiques le restent en toute impunité (hum !). Se dire que c'est une comédie légère, de toute façon largement sauvée par les dialogues d'Audiard ! Je persiste à aimer car ça me fait rire.
  • L'EMPLOI (1961)
    Note : 17/20
    Charmante caricature de la bureaucratie milanaise d'il y a plus de quarante ans, grâce au dvd (v.o.) visionné en mars 2009. Ceux qui ont commencé à travailler entre les années soixante et soixante-dix devraient sourire plus d'une fois... Le jeune homme, par son visage transparent, exprime bien les premiers pas professionnels, les examens souvent idiots, et puis ces minutes à l'aventure et à la merci des humeurs de ceux bien en place, l'ennui dans des travaux répétitifs pour faire ses preuves... Avec les sacro-saints horaires. Et pour des besognes d'intensité et d'utilité variables, à côté d'êtres brandissant leur grade le cas échéant... Filtre aussi la générosité, tout n'est pas mesquinerie (le poisson rouge), rien de lugubre, mais de la familiarité : c'est un très beau noir et blanc sur un rythme constant, et au détail qui imprime sa marque (largement autodidactique ?)... Une scène déconcertante de solitude en société : le "débordement" répété, sous forme de sauterie, une fois l'an, les non accompagnés ayant droit à une bouteille en entrant... En attendant d'acquérir un brin de résignation, notre employé va avoir besoin de s'amarrer à une jeune fille croisée aux examens et embauchée à un autre étage, approche fluide, prometteuse, ils se donneront la main en courant et savoureront un café en tête-à-tête lors de la pause-déjeuner (qui donnerait envie de filer en Italie rien que pour une tasse) ! La parfaite élocution, la musicalité du parler milanais donnent du plaisir à suivre ce film tranquille. S'ajoute la timidité du jeune homme face à la jeune fille déjà rompue à son rôle futur : on songe irrésistiblement (mais à l'envers) à la romance "Non ho l'età" de la chanteuse Gigliola Cinquetti quelques années plus tard (1964)!
  • LE BATEAU D'ÉMILE (1961)
    Note : 17/20
    Boudé à sa sortie en 1961 ? Fichtre ! On peut cependant, en tous cas depuis ces années coincées, trouver un réel intérêt dans ce classique noir et blanc inspiré d'une nouvelle de Simenon. C'est assez bien envoyé, sur le ton de l'humour, on sent poindre la satire de moeurs gratinée (difficile de croire à un si mauvais accueil du public). Les dialogues de Michel Audiard sont d'une impertinence qui sied bien à ce genre d'ambiance portuaire, des "petites gens" avec, ça et là, des notables à l'affût... Grâce aux acteurs caricaturaux, on découvre le notariat, ses astuces... Un aperçu du climat des estaminets, aux brutes épaisses... On peut avoir une idée du patronat et ses employés du temps où le discours était roublard aussi, mais encore d'homme à homme... Le film s'ouvre sur Michel Simon en vieil indésirable de la famille, Pierre Brasseur officie, très grand seigneur (il s'exprime à la manière de notre Chirac à s'y méprendre). Ils sont suivis de Lino Ventura en parfait abruti, vite remis en place par la cinglante Annie Girardot à ses débuts (délicieuse de répartie, un cadeau pour elle que ce rôle de femme assumée !). Franchement, il faut avoir les lèvres gercées pour ne pas s'amuser de ces manigances qui tournent court... Emotion aussi quand une barque s'avance avec lenteur sur l'eau noire : la tendresse bourrue d'un couple, dans le genre inoxydable... S'il y a quelque exagération dans les scènes de beuveries et si l'issue tombe un peu à plat comparée au reste du film, c'est d'un anticonformisme hautement réconfortant en 2009 !
  • LA RUMEUR (1961)
    Note : 18/20
    Collège de jeunes filles pubères dans la verdure, plutôt cossu, riant, ordre et amusement bien dosés, à cent lieues d'une discipline de fer. Surgit ce délire d'une pensionnaire, genre petit nombril du monde prêt à tout... L'homosexualité dans les sixties avait un parfum de soufre chuchoté dans le creux d'une oreille avec le "oh !" scandalisé tout prêt, une "dépravation" réservée aux artistes à la rigueur... Ce thème du saphisme en milieu juvénile éducatif est toujours rarement abordé au cinéma depuis 1961 (la pédophilie s'entend plutôt d'inspiration masculine encore en 2009). Etonnant qu'après propagation de cette rumeur, comme la bonne société rapplique, qu'il est dur de douter une seconde de ces chers petits si purs... En plus du brillant tandem Audrey Hepburn / Shirley MacLaine, qui achève de troubler, on assiste à un suspense hitchcockien du meilleur effet, surenchère, volte-face, stupeur, facilité par deux autres comédiennes talentueuses, Fay Benter dans le rôle de la vieille aristo et la jeune Karen Balkin en peste patentée... Les pensées homosexuelles à elles seules finissent par mortifier ! L'image du médecin caché sous la charmille et qui voit son irrésistible marcher d'un pas léger, comme libéré, libère et oppresse en même temps... .
  • LA PAYSANNE AUX PIEDS NUS (1961)
    Note : 17/20
    Cycle Italien Univerciné Nantais février 2010 : époque régressive, où irrespect et injure rendent chatouilleux, plus d'un sourcil devrait donc se froncer : traiter la fin de la seconde guerre mondiale par le biais d'une épicière sexy sous les bombes (Sofia Loren) la flanquer d'une jeune fille faiblarde et d'un intellectuel non résistant (Jean-Paul Belmondo), drôles d'idées... Quant à cette bande d'Africains goguenards dans l'église, alors là : Messieurs de Sica et Conti, deux libidineux racistes, votre film est une honte, savez-vous... Bon, et bien personnellement, ces considérations cinquante ans après le tournage ne m'ont pas empêchée d'en apprécier la pertinence, du fait que les guerres et catastrophes naturelles mettent à rude épreuve les individus. Surtout que les rôles secondaires ont leur importance, ils rajoutent des nuances dans les comportements, drame et gaieté... Version remasterisée, du noir et blanc (très peu d'incidence si jamais on escamote les sous-titres blancs sur blanc). Un film à revisiter comme un documentaire italien de 1943. Faim au ventre, mort qui rôde : instincts débridés, l'entraide si ça vaut le coup et le sauve-qui-peut s'il y a trop à perdre... "La Ciociara", outre ses décolletés sauvages et ses jambes à demi montrées, porte ce naturel, le pour et le contre entre elle et son prochain pesé à chaque minute, sait-on jamais si la minute suivante faisait défaut : la beauté pour incarner ces valeurs vaut à elle seule le déplacement en salle. .
  • ACCATTONE (1961)
    Note : 16/20
    A croire que, déjà, Pasolini se sentait maudit ! Ce premier film largement autobiographique le laisserait à penser, notamment l'issue... Le réalisateur insiste sur la pauvreté mère de tous les vices et se veut aussi, par de multiples facettes, le beau gosse joué par l'acteur : certes pauvre, mauvais garçon, mais aussi irrésistible et fatal. C'est traversé de quelques éclairs de tendresse que la rudesse vient systématiquement saccager. Se décèle de manière claire l'homosexualité du cinéaste : la caméra "lèche" les muscles mâles dans les fréquents corps-à-corps, mais le baiser d'initiation à la blonde captive, lui cache le visage !). Musique stridente du début bien qu'il s'agisse d'une ritournelle de Bach (les prises de son ont progressé !). Un film plein de nihilisme et de fracas, à l'issue Ô combien prémonitoire quant à nos belles sociétés modernes... Déjà dans les sixties ! Reste cette impression d'avoir croisé les mêmes décors dans d'autres films italiens de cette époque, villes aux rues quasi-désertes, alignement de cabanes plus que de maisons en banlieues, terrains vagues.
  • PRINCE YEONSAN (1961)
    Note : 14/20
    Vu au Festival des Trois Continents de Nantes de novembre 2009 en numérique (techniquement irréprochable). Le cinéaste Shin San-ok et sa famille auraient vécu l'horreur pour dissidence : on s'en serait un peu douté en entrant dans ce film épique, entre conte et "péplum" quant au style. Quelques combats, des drames dûs à un secret de famille, une femme irascible, l'autre répudiée. Une somme de jalousies, du poison avalé sur ordre. Ce qui donne des scènes lyriques, très appuyées, un peu lassantes, même si tout ça est excellemment mené... Bien trop agité, presque hystérique par instants ! Le vertige du pouvoir, sa face cachée : la joie de la revanche et la chute pour excès. Pas trop ma tasse de thé sous cette forme théâtrale. Réservé aux amateurs de grandes fresques historiques seulement car 2h13 sur ce mode, ça use.
  • LES OLIVIERS DE LA JUSTICE (1961)
    Note : 15/20
    Projeté au Festival des Trois Continents nantais 2010, ce grand classique en noir et blanc écrit par Jean Pelegri : une sortie des oubliettes depuis sa nomination à Cannes. Outre la nouvelle réticence à remuer ce passé-là (à croire qu'il gêne à nouveau aux entournures), il faut reconnaître que le film peut décourager partiellement. Pour inciter à se pencher sur cette période de notre histoire, il gagnerait à sortir en dvd accompagné de quelques explications. En attendant, on peut au moins se remémorer les Accords d'Evian, signés le 18 mars 1962 et appliqués dans les faits à la Libération de l'Algérie le 3 juillet suivant. Accords qui ne purent apaiser les tensions sur place (Coup d'Etat contre le nouveau chef du Front de Libération Nationale Ben Bella en 1965). Comme souvent pour ces productions restaurées des années soixante, l'image et les dialogues continuent à manquer de netteté... Voir le film et rien que lui permet d'entrer dans le quotidien d'une communauté de pensées différentes mais qui fonctionnait encore. Toujours bon à prendre !
  • DIVORCE A L'ITALIENNE (1961)
    Note : 20/20
    19,75/20 : Attention, hilarant non stop, admirablement joué et... pas une ride, au contraire, une tendance lourde contemporaine ! L'art consommé de projeter sur le mode burlesque les drames familiaux, les faussetés sociales pour se tirer d'affaire, tous les stratagèmes que les faux-c... utilisent et que le sort, tôt ou tard, renvoie à eux-mêmes. Une préméditation qui confine au délire. Mastroianni émouvant brasseur de fleurs face à sa jeune cousine. Irrésistible avec son rictus devant sa régulière légèrement moustachue. Ce qu'ils ont dû s'amuser au tournage ! Humour voisin du muet "Blancanieves" de Pablo Berger (2012) mais ici c'est parlant sans être bavard, chaque plan, chaque dialogue (ou monologue off) ciselés pour faire avancer l'intrigue, et quelle intrigue ! Une petite merveille qu'on a envie de remonter des oubliettes pour réveiller tous les "great pretenders" de 2014.
  • L'ILE NUE (1960)
    Note : 17/20
    Survolé à l'adolescence à la télé, mais pas su l'apprécier à l'époque (trop soporifique pour les jeunes ribouldingues !). Revu adulte en 2007, le dvd avec "commentaire audio", un dialogue assez captivant affiché en bas de l'écran, infos tout à fait bienvenues pour relancer l'intérêt aux moments où il peut être tenté de se relâcher... Ce film-miracle, à budget infime, est une épure exceptionnelle sur le plan du son (bien qu'il n'y ait pas de dialogues) et des prises de vue (décors naturels, le noir et blanc fait la part belle aux nuances, et il y a une infinité d'angles pour montrer l'île, le continent, les personnages en va-et-vient). Les gestes et les bruits ambiants tiennent lieu de langage, on s'y fait assez vite. Cette ritournelle, lancinante, avec quelques variantes mais toujours en parfait accord avec l'image, à tel point que l'absence de musique crée une sensation d'écho dans la tête du spectateur. La vie enfantine est dépeinte comme la seule qui vaille, ces petits qui courent atténuent l'aridité du film. Car on est suffoqué par les contraintes des parents qui ont l'air de prisonniers volontaires de leur île, de leur eau au compte-gouttes (en dehors des soins aux enfants, les deux adultes à part un bain visiblement bienfaisant, une baffe et quelques larmes ont le boulot pour seul lien)... La perte d'un enfant passerait presque pour une délivrance face à pareil héritage. Tout en étant envoûtée par la beauté de l'ensemble et la tristesse qui s'en dégage (encore plus déchirant le fait que cette île soit proche d'Hiroshima), j'ai tout de même osé penser : joli cadre, jolis angles... Mais, dans les années soixante, que diable n'ont-ils créé un système de distribution d'eau plus malin que ces allées et venues incessantes afin de vivre peinards sur leur p... d'île ?
  • TERRAIN VAGUE (1960)
    Note : 16/20
    Découvert en vidéocassette. Bien se remémorer les sixties en France, où la Nouvelle Vague commençait à balbutier... La majorité encore bien cantonnée au conservatisme de la pensée ! Les cinéastes classiques restaient prudents pour figurer "les bandes de jeunes", cette inquiétude perpétuelle des sociétés industrialisées : à l'époque, des groupes perturbants le temps que l'âge les range en les obligeant à "gagner leur croûte" par eux-mêmes plutôt que de demander de l'argent de poche, autrement dit "du fric", d'un air bravache... Commencement des HLM sans âme. On a repeuplé la France... Il y avait vertige pour les rejetons issus des rebâtisseurs avant tout matérialistes de l'après-guerre. Ce film rappelle d'entrée de jeu l'atmosphère de "La Fureur de Vivre" de Nicholas Ray avec James Dean, au pur contexte américain du nord) : hormis ce lien de parenté évident ajouté à l'horreur du vide commun, c'est la France de De Gaulle à plein nez ici : grincement du paternalisme hexagonal, la mère disant au fils de demander à son père s'il a droit au fromage, le père nourricier plongé dans son journal, mais qui seul autorise fiston à sortir après dîner... J'ai bien aimé le traitement qu'en fait Marcel Carné (d'après un ouvrage littéraire). Ces jeunes acteurs "se la jouent" comme on dirait maintenant, avec leur parler désuet, "bath" et autres termes poussiéreux, remplacés par le langage tribal de 2009... Charmant de suivre la coriace Danièla, chef de bande ou vitrine commode ? Son tir de carabine "en jette", mais un mâle affirmé est tellement plus simple à suivre. Le sort fait au jeune Babar, novice enflammé souligne la lubie d'absolu de l'âge adolescent... Une musique désagréable, comme souvent dans les films des années soixante, on a fait mieux depuis... Photo noir et blanc efficace (Claude Renoir), le décor des clapiers de banlieue que trop vrai. J'ai passé un bon moment.
  • L'AVVENTURA (1960)
    Note : 18/20
    Découvert en dvd sur mars 2009 en v.o. Une peinture de moeurs italiennes à travers des histoires de couples croisées, desquelles il ressort une infinité d'angles offerts à la réflexion du spectateur. La photographie d'abord, en noir et blanc, particulièrement élaborée, d'un esthétisme constant mais jamais gratuit, chaque plan de la caméra soulignant le désir de co-dépendance sans cesse contrecarré par l'envie d'être soi-même, ce piège qu'est le besoin de séduire. Tous sont majoritairement des nantis un peu pourris par la facilité matérielle, sauf Claudia (Monica Vitti) censée apporter une note plus généreuse : qu'elle incarne une jeune femme issue d'un milieu populaire est imperceptible, tout aussi racée, élégante, et même plus à l'aise que celle qui l'invite, Anna (Léa Massari), une maniaque du cache-cache. L'angoisse monte dans l'île où ils sont partis canoter, que de points d'interrogation ! On nage dans ce que Beauvoir commença à nommer "le malentendu entre les sexes". Antonioni tâche de "franchir le seuil de l'alcôve", direction la félicité à deux. Prône l'oubli pour avancer et ne rien regretter. Il sonde le mystère féminin comme rarement au cinéma, que ce soit l'absence à l'autre (en sa présence pourtant) qui débouche sur la disparition... Ou le poids des regards mâles permanent qui fait de toute jolie femme sans homme une proie... Point culminant du film : l'attente du partenaire, ces petits gestes affolés, la terreur d'une fin. L'Avventura, c'est l'âme féminine doucement démasquée (on sent l'amour porté par le cinéaste à Monica Vitti) : ce qui fait qu'on lui pardonne de faire de ses acteurs mâles des gros chats en quête perpétuelle de souris ou presque.
  • LOLA (1960)
    Note : 16/20
    Sortie officielle 2012 version française remasterisée. On est transporté années soixante (Nantes centre, le Katorza, Les Dames de France de la Rue du Calvaire), une ambiance proprette de port encore actif quoique peu grouillant, sans doute faute de moyens... C'est frais comme un premier film de cinéaste qui a "quelque chose". Sublime fête foraine, ce ralenti de l'ado avec son yankee, fugace, typique de la préadolescence... Les minauderies de Lola (Anouk Aimée trop maquillée) peuvent hérisser les nerfs (même Gréco avait cette élocution précieuse typique de Bardot en ce temps-là, la Nouvelle Vague tira parti de ces chatteries souvent en les renforçant). Summum ici, un rire de bécasse ! Se boucher les oreilles ou couper le son afin d'avoir la tendresse pure à l'image, la rudesse étant réservée aux deux petites de quatorze ans... L'enfant Yvon passe longtemps pour un lutin muet à placer, déplacer... Dialogues parlés (on échappe au brame chanté de bout en bout), angles choisis variés, déroutants. On a la french touch du film avec les entrechats du cabaret et surtout la chansonnette éponyme, l'androgyne Marlène Dietrich n'est pas prête d'être détrônée... En entendant chuchoter "Michel Michel" on peut aussi glisser vers un autre film célèbre... Il n'empêche, ce premier long-métrage émeut comme l'enfant des premiers pas qui commence à se lancer... C'est rempli de captivants jeux d'ombre et de lumière. Le sort de ces gens reste suspendu pourtant, avec cette tête retournée dans la voiture... Et puis il y a ce Roland échappé de "l'étranger" de Camus... Tragi-comique, un peu eau de rose, voire c... la praline, la nostalgie vous prend en entrant et en sortant de ce film qui décrit l'embellie apparente suite aux deux grandes guerres.
  • COME BACK AFRICA (1960)
    Note : 17/20
    Affiche-phare du Festival des Trois Continents 2013. Attiré par l'accolade du couple, le spectateur se voit emballé par la bande-annonce des musiciens appliqués. Deux accroches pour vite se mettre dans la peau des crève-la-faim d'Afrique du Sud à travers Zachariah et son parcours. La pression de la grande ville, miroir aux petits boulots des sixties peut connaître en 2013 (bien plus qu'à la sortie du film à ce qu'on dit) un écho certain. Sur le fond, ce n'est jamais moralisateur, les faits semblent captés bruts de décoffrage. Petites scènes anecdotiques éloquentes, productives. Démarche honnête. Le réalisateur montre le mépris des blancs envers la population noire écrasée tout comme l'incompréhension des nuances entre domestique et patronne (Zachariah jetant la casserole et la soupe !), comme sur le mode espiègle (on suppose que Zachariah fait l'âne mais on est sûr que les blancs, instruits, le malmènent volontairement). Habile détour de cinéaste pour placer son message de la bouche de personnages autour d'une table à une heure tardive (petite galerie de portraits savoureux, tirade explicative tout assez saisissante !). Se devine constamment une sorte de "qui-vive" dû au tournage en semi-clandestinité avec acteurs non professionnels. Il est certain que la musique improvisée a un rôle édulcorant, sans pour autant gommer les atrocités des guerres raciales. Si la regrettée Myriam Makéba tenait là LE tremplin pour sa carrière, son exil aux Etats-Unis y aurait succédé, pour le meilleur et... Tout le film porte cette alternance de bonheurs fugaces et couperet final, y compris la pellicule qui se fait la malle sur les derniers plans :-/ (film cassé ?), n'empêchant nullement les déductions de tout un chacun.
  • SOUDAIN L'ÉTÉ DERNIER (1959)
    Note : 16/20
    L'atmosphère est assez oppressante, c'est tarabiscoté cette lobotomie remise au lendemain, on prévoit une issue apocalyptique, bref, "ça sent" Tennessee Williams dans toute sa complexité, encore plus du fait de la présence non moins tourmentée de Montgomery Clift comme acteur (ce sont pourtant deux femmes qui déjantent !). Outre la patiente analyse du beau Docteur, après la projection, ce qui reste hanter est ce symbole terrifiant des tortues aux îles Galapagos. Acteurs bien dirigés, contraste permanent entre vie et mort grâce au jeu de la caméra qui monte et descend, comme Katarine Hepburn, magistrale dans son ascenseur... Liz Taylor dans tous ses états, incroyable dans la crise finale, suite à ce rapport trouble avec son cousin. A ce propos, mieux vaut avoir en tête l'homosexualité de l'auteur de la pièce pour en comprendre le dénouement.
  • UNE VILLE D'AMOUR ET D'ESPOIR (1959)
    Note : 15/20
    Vu en v.o. au Festival des Trois Continents nantais 2007. Noir et blanc. Les riches sur les hauteurs, les pauvres tout en bas, dans le fourmillement des cheminées d'usine. Ces sacrés pigeons à vendre à la sauvette, et qui trouvent preneurs bien qu'éternels revenants à leur cage initiale, chez Masao, promu chef de famille à la mort du père, jeune homme que sa mère exhorte à travailler aux pires conditions afin de survivre avec la petite soeur, un peu en retard dans son développement mais obnubilée par le dessin d'oiseaux, souvent morts. On est bien dans une oeuvre d'Oshima. Un jour, une jeune fille riche veut sortir Masao de sa misérable condition, persuadée, dans sa fougue juvénile, que les différences de classe peuvent s'aplanir par la seule force de la volonté : à peine passée l'étincelle d'un accord auquel le spectateur commence à croire et la réalité reprend ses droits... Oshima a des convictions inébranlables sur la société japonaise de son temps, il ne saurait faire dans la dentelle... Les pigeons semblent symboliser l'éternel retour à la case départ de tout un chacun, castes opulentes menant leur vie à l'aise du haut de leurs demeures, pauvres hères ds bas-fonds peinant à survivre, mais dont les oiseaux continuent à être miraculeusement vendus aux riches pour ne pas mourir tout à fait ?... Des scènes touchantes rachètent la noirceur du propos.
  • ÉTOILES (1959)
    Note : 17/20
    Ce prix spécial de Cannes en 1959, "Sterne" (Les Etoiles), est un noir et blanc sous bannière bulgare de l'Allemand de l'Est Konrad Wolf (ici fortement inspiré par la trajectoire personnelle du Bulgare Angel Wagenstein, écrivain-scénariste qu'il avait côtoyé à l'Institut Supérieur de Cinéma de Moscou). Un sous-officier allemand, face à une institutrice juive déportée qui lui tient tête, devient de plus en plus tiraillé entre devoir et conscience... C'est filmé avec d'infinis changements de perspectives, des travellings sur la vie de village (en fête, avec des manèges !) et sur cette arrivée de Grecs Juifs à loger (avec la totale complicité de la police locale), en attente du train pour Auschwitz... Au milieu des autochtones dans leur quotidien, deux mondes se toisent, se mesurent... Des médicaments sont volés et finissent sous la botte de l'occupant, un officier nazi du type bien porcin. Pour ce qui est du couple, l'atmosphère des grands classiques russes comme "La ballade du soldat" ou "Quand passent les cigognes" : promenades romantiques, gros-plans sur les visages, une attirance freinée par la parole, ces grandes vérités et contre-vérités sur l'Histoire de l'humanité... Werner voudrait sauver Ruth, mais le veut-elle, le peut-elle ?... La guerre, ce "temps de l'idiotie générale", c'est le terme employé dans ce film, ramène d'office vers le peuple de référence, dans le conflit extrême, pas question de trahir ceux de son sang... Seul, le revirement de Walter (dernières images intactes dans cette version bulgare, mais censurées pendant longtemps dans la version RFA allemande ?) laisse planer quelque espoir concernant la liberté individuelle de changer de camp. Une oeuvre trop méconnue encore à l'heure actuelle (le temps de cicatrisation des atrocités est long côté allemand). Bienvenue au dvd avec sous-titres français, un jour peut-être !
  • LES YEUX SANS VISAGE (1959)
    Note : 16/20
    Fantastique et poétique aussi, grâce à l'innocence animale, je pense au symbole de fin, cette libération tous azimuts, qui permet de reprendre une grande bouffée d'oxygène, il était grand temps... La présence des acteurs donne beaucoup de force au propos, ils sont complémentaires chacun dans leur obsession. Le scénario de Boileau et Narcejac ne laisse rien au hasard. Une ambiance assez étouffante que cette affection morbide d'un père en recherche de visages à découper. Au bord de la folie furieuse, ne serait-ce la prétendue réussite d'une autre greffe, sans quoi on craindrait d'aller aussi loin qu'un certain Docteur Petiot. Le masque de la jeune défigurée ajoute de l'innocence, avec ses grands yeux, elle s'apparente au faciès de Pierrot (ou Colombine), heureusement ! La "patte" de Jean-Pierre Mocky en coulisse est également perceptible... Un dvd visionné une seule fois en ce qui me concerne, car c'est terrible de s'attarder sur cette valse de scalpels si on n'est pas de la profession, sauve qui peut, l'instinct de conservation sûrement !
  • COMME UN TORRENT (1959)
    Note : 17/20
    Comment percevoir un film de Vincente Minnelli de 2h17 datant de 1958 en 2010 ? Tout le monde admire sans concession, c'est un chef-d'oeuvre... J'ai trouvé un peu laborieuse la première heure, les dialogues auraient pu être moins convenus. Heureusement, c'est rattrapé ensuite, l'ennui disparaît, et c'est palpitant le dernier quart d'heure. Le summum est atteint avec la fête foraine cadrée avec soin et qui semble pourtant partir dans tous les sens, plus cette dénivellation qu'on sent venir car le couple final sonne à moitié juste seulement. Sinatra à la hauteur du rôle, très smart en écrivain qui ne l'est plus vraiment, avec cette flamme aussi prompte qu'un chalumeau. Un peu dommage qu'on ignore complètement ce qu'il a pu écrire. Passant des uns et aux autres, le mac Dean Martin n'étant pas des moindres, on s'attendrit et on rit à gorge déployée... Le qu'en dira-t-on, la crainte du vide ou de l'aliénation, les petits drames existentiels de tout un chacun sont passés en revue. Un personnage met à mal toutes les tentatives des autres : dès sa sortie du car, elle crève l'écran par sa verve enfantine. Armée de son sac nounours et de son oreiller, elle déclenche honte et envie qu'on la berce : c'est Shirley Mac Laine, particulièrement lumineuse dans cette histoire.
  • LA MORT AUX TROUSSES (1959)
    Note : 19/20
    On passe toujours un bon moment avec ce couple d'enfer que forment Cary Grant en fils à maman qui vire séducteur et Eva Marie Saint "à damner un saint homme" (et une sainte femme par identification). De plus, on se trouve emberlificoté (mais de façon si habile que ça passe tout seul) dans une histoire à dormir debout (par exemple, la scène archi-connue de l'avion, et surtout la descente du Mont Rushmore avec toutes ces illustres figures présidentielles taquinées par nécessité). Tout cela défile comme le train et confirme que le Maître "Hitch" s'éclatait plus dans ses films que dans sa vie. Le making off regorge de détails insoupçonnés à ce propos, aussi malicieux que le film. Bref, on ne s'ennuie pas une seconde dans cette histoire même si on l'a déjà vue plusieurs fois.
  • MIRAGE DE LA VIE (1959)
    Note : 17/20
    Force est de constater le mérite d'un tel film aujourd'hui en 2012 par l'intensité de ce qu'il véhicule. Il faut pourtant se faire à l'esprit hollywoodien de 1959. En tout premier lieu le sirop musical, on voit venir de loin les bons sentiments... Déjà le beau et large technicolor symbolisant le rêve matérialiste étasunien en toile de fond s'avère indiscutable. La belle blonde platine aux yeux émeraude son désir d'actrice et sa volonté de rester elle-même : il fallait ce personnage central partagé entre carrière et maternité, tiraillée mais attention, toujours bienveillante avec les serviteurs (par hasard tous noirs). Cela devient plaisant à suivre. Le développement des deux filles atteint des sommets de qualité quand elles commencent à s'afficher, chacune dans leur style, en miniatures de femmes... Des dialogues justes, des attitudes tout aussi parlantes, des décors et une bande-son qui se rattrape en dernière partie (ce gospel de Mahalia Jackson herself !). Le glamour apparent vire en cours de route au grincement même s'il reste de quoi pousser quelques soupirs si jamais on ne pleure pas. Autant que le racisme insidieux, ce film décrit le lien filial malmené pour des motifs différents chez deux mères-célibataires, un statut social régulièrement ignoré des statistiques (et pourtant de plus en plus répandu en 2012).
  • BONJOUR (1959)
    Note : 19/20
    Projeté aux Trois Continents Nantais de 2012 avec salles spacieuses... combles deux séances de suite, cette plongée dans un microcosme japonais modifié par la culture étasunienne restant (ou redevenant ?) d'un charme fou. Des ragots féminins aux confidences masculines de bistrot, de quoi sourire sans arrêt tellement on se sent en terrain familier. On devine un travail minutieux pour un résultat ultra simple. Vu sous plusieurs angles, avec des dialogues d'une fraîcheur exquise. Le seul petit défaut serait la lecture des sous-titres français quand l'image est claire. Peu gênant puisque le fil narratif est d'une limpidité totale. On glisse d'un plan à l'autre comme si on était dans son village, son lotissement, douillettement parachuté dans un intérieur qui fait corps avec ses habitants. Ce qui pouvait devenir trivial à cause des petits bruits dûs aux effets de pierre ponce continue d'être charmant. Fait penser aux meilleures bandes dessinées crées à ce jour. Un film réunificateur (qui existe en dvd !). Certes, les Etats-Unis et le Japon ont un peu changé de place sur l'échiquier géopolitique depuis 1959. Sauf que les questions existentielles elles, sont immuables (éducation, pièges de la routine, facettes de la transgression enfantine et adulte, retraite du couple). Ozu sait traiter tout cela en déjouant les attentes avec espièglerie. Ses dialogues, ses situations échappent à la patine. Et que dire des personnages, notamment ces deux frères, qui donnent l'impression qu'on les croise régulièrement !
  • PLEIN SOLEIL (1959)
    Note : 14/20
    Musique stridente, présentation qui sent le formica, dialogues populistes, l'introduction de cette adaptation d'un roman de Patricia Highsmith méritait mieux. Version restaurée, concentré des sixties... Hélas, les ficelles sont tellement épaisses que seul importe qui des faux frères va être le plus malin. L'occasion de retrouver Alain Delon jeune, ses pupilles bleues, son allure crâne. Sans doute pas le meilleur rôle pour Maurice Ronet dont le sourire trop carnassier vient buter sur Marge (Marie Laforêt et son regard légendaire plusieurs fois en très gros plan). A bord d'un voilier, une jeune femme tiraillée et deux mâles à l'âge où on se croit sans limites. L'intérêt croît avec le couteau et le saucisson. Après c'est une escalade meurtrière qui lasserait sans les éléments anecdotiques souvent amenés en de grands mouvements de caméra. De brefs arrêts sur les autochtones, de savoureuses apparitions d'Elvire Popesco permettent de rester éveillé. Gadgets et manies propres aux années soixante font sourire. Les mocassins blancs à semelle ultra-fine, les 45 tours vinyle étalés pêle-mêle près du pick-up dont "le bras" s'arrêtait tout seul..., on sortait en laissant son poulet rôtir tranquillement au four... L'Italie ne manque pas de charme, mais la forme peut commencer à peser en dernière partie. Plein Soleil, pleins feux aussi, surexposition du jeune premier... Ripley accroche d'abord, peut fasciner au moment de sa volte-face. Ensuite, tel que filmé, ça frôle le défilé de mode, les influences étasuniennes (ce tape-à-l'oeil teinté de cynisme qui reprend du service en ce début de 21ème siècle). Delon sous toutes les coutures fait penser aux mannequins contemporains utilisés pour les produits de luxe. Heureusement nous avons eu "Le Samouraï" sept ans plus tard !
  • JE VEUX VIVRE ! (1958)
    Note : 19/20
    Vue en v.o. sous-titrée en mars 2007 : une histoire fort déroutante si l'on s'en réfère au titre ! Techniquement, du haut de gamme en noir et blanc, dérangeant au possible quant à la démarche, un suspense au cordeau sans une goutte de sang... Machination, bombe à retardement qui ne cesse d'être retardée... L'inquiétude croît plus l'action se précise, mais on est rivé à l'écran, le souffle court, et on se dit qu'on ne va tout de même pas... Parce qu'on ne peut croire à ce qui se passe en définitive pour cette femme, ni à ce public qui l'entoure... Sobre, réaliste Ô combien, tout juste ce qu'il faut d'émotion en pareille situation, ce film est des milliers de fois plus percutant que l'horrible "Dancer in the dark" qui fit tant de fracas à sa sortie ! A voir, vous en resterez sur le c... !
  • LA MOUCHE NOIRE (1958)
    Note : 16/20
    Côté effets spéciaux, on a probablement fait plus subtil depuis 1958. A noter, ce charme infini dans la prononciation des noms français... Ce serait tiré d'une nouvelle. A part l'aspect expérimental parfois hérissant, un scénario limpide, comme celui des films à l'intention des enfants de dix ans... Alors, Hélène est-elle folle pour avouer s'être débarrassée de "la chose" ? ... De son lit, elle raconte une seule fois l'incroyable processus : ces transformations débouchant sur l'issue fatale (pauvre chaton hurlant dans les tuyaux !). Foutue mouche par qui le scandale arrive, il faut la chasser sans la tuer, et soudain la capturer alors qu'une araignée menace, de quoi en avoir des bourdonnements d'oreille (effet un peu gros à ce passage, l'inconvénient d'incarner de trop près)... Chouette tonton, à croire qu'il attendait son heure, tout admiratif du travailleur qui a poussé ses recherches dans le registre du non-retour, un rien ravi de lui succéder ! Soulagement donc sur les dernières images de la petite famille reconstituée, sans le baiser d'usage, mais une fois sorti de l'horreur, la sécurité n'a pas de prix.
  • LA PENICHE DU BONHEUR (1958)
    Note : 17/20
    Divertissement tout à fait respectable en v.o. (1958) renforcé par l'humour rentré et grinçant qui va si bien à Cary Grant. Cette fois en veuf tout frais courtisé par une blonde belle-soeur insatisfaite et s'estimant première sur la liste de ce "charmé, indécis, échaudé par le mariage". Du côté des enfants dès l'introduction la distance est prise aussi par rapport à la logique, les trois petits flanqués d'un père maladroit doivent ruser et désespèrent. Délicieux chant italien en décapotable, retraite dans une improbable péniche à rénover, la très mate Cinzia (Sofia Loren) se pose là mais doit ménager ses effets. Film dont on retiendra le coup du verre en pleine poire ou le coup de sang avec lancer de chaussures. C'est truffé de gags, tendre et enlevé, à grands renforts de prévenances et de cruautés pour repousser l'attente. Au moment où ça déménage bien entre péniche et extérieur (volonté de l'éclairagiste ?), nuit et jour se confondent à l'image, il fait clair tout le temps !
  • ELLE ET LUI (1957)
    Note : 18/20
    Il est encore très émouvant de revoir (en v.o.) ce grand classique de 1957 en 2007, et cela sans doute grâce à la surprise finale. La première fois, j'étais tombée de haut, pour un film hollywoodien, c'était inattendu une situation aussi réaliste. A la deuxième lecture, j'ai bien noté l'aspect glamour, mais aussi l'expression de Janou face au couple, elle est parlante. Comme cette caméra attardée sur l'actrice principale en position de descente d'escaliers. De nos jours, on peut apprécier plus ou moins ces films à la diction appliquée, ou trouver la chorale d'enfants non pas adorable, mais kitch. L'intérêt réside dans la situation particulière ici, le cinéaste force à se creuser les méninges : et si ça nous touchait de près, serions-nous capables ?
  • LES FRAISES SAUVAGES (1957)
    Note : 16/20
    Vu en 2007 à la télé (dans une version française supportable)... On ne s'ennuie pas une seconde en compagnie de ce vieil observateur voyageant dans ses pensées. L'image, en noir et blanc est très soignée, formidablement bien cadrée, c'est un plaisir de tous les instants, j'ai été constamment sous le charme de la lumière d'été (dans les cheveux des personnages, elle semble les éclairer de l'intérieur). Il est permis de se demander si Bergman ne s'est pas inventé un paradis terrestre où se plonger en cas de besoin, de manière à gommer une enfance assombrie par l'austérité paternelle. Curieux va-et-vient entre passé et présent, entre réalité et onirisme. Il y a un franc-parler entre les personnages qui se disent des vacheries puis se rattrapent (la belle-fille au début, souriante mais soudain peu amène, en voiture avec Isak). Une manière de masquer l'affection, cette froideur, ce ton bourru, toutes ces esquives, que ce soit la vieille bonne plus dévouée qu'une épouse et qui se défend, ou le fils qu'on croirait à deux doigts de laisser la future mère. Cet intrusion familiale porte à réfléchir à la solitude humaine, aux points de convergence toujours possibles malgré les obstacles. Un Bergman bien réconfortant.
  • PORTE DES LILAS (1957)
    Note : 14/20
    J'ai bien accroché à l'ambiance générale, mais très moyennement aimé ces dialogues inspirés du roman de René Fallet, écrivain souvent noyé dans l'incorrigible idéalisme des piliers de bars voulant refaire le monde. En revanche, le décor est une petite oeuvre d'art, que ce soit la maisonnette (dont la cave avec cette petite fenêtre annonçant les visites) ou le café et ses habitués. Cela tourne et vire au dehors, c'est bien filmé et on est tenu en haleine par des lenteurs suivies de coups de théâtre appelant une conclusion qui tarde... Le plus palpitant : à partir du pistolet dans la main de la jeune femme. Je trouve que Pierre Brasseur manque de crédibilité dans l'admiration qu'il voue à un scélérat dénué de la séduction nécessaire, fort heureusement, il se rattrape lors du suspense des dernières secondes, pendant lesquelles on ne sait pas qui est resté sur le carreau... Plaisir de retrouver Raymond Bussières pince-sans-rire toujours à sa place, Dany Carrel en jeune femme au minois d'enfant, tiraillée entre romanesque et émancipation. L'intrus ne lasse pas d'agacer à force de volte-face, mais on ne peut être de son côté cependant. En définitive, la vedette revient à Georges Brassens, l'ours à la guitare, campé dans son propre rôle d'auteur-compositeur, "L'Artiste", le terme, comme sacralisé, sera répété jusqu'à plus soif. Intime de Fallet, il incarnait déjà une valeur sûre à l'époque.
  • BERLIN - ECKE SCHÖNHAUSER (1957)
    Note : 16/20
    Présenté à Nantes sous le titre allemand "Berlin Ecke Schönhauser", cycle de décembre 2008. L'atmosphère rappelle "La Fureur de Vivre", même transgression, universalité de la jeunesse des fifties et sixties. Mais ici, contexte particulier, le pays est écartelé entre bloc de l'est ressenti comme bureaucratie lugubre et espoir du monde libre deviné dans la culture filtrant de l'ouest... En 1957, tentant en RDA de rêver sur la RFA ! Le jazz, la mode vestimentaire, la langue anglaise si musicale, des signes évidents d'une vie riante. Bien penser que la construction du Mur aura lieu en une nuit d'août 1961 seulement... Film en noir et blanc, qui a viré au gris. Perce quand même, outre des images instructives, notamment du bouillonnement industriel avec ses risques, une grande fraîcheur de ton. Camaraderie, tentative de raisonnement d'un flic modéré, l'adolescence est la période exaltée par excellence... Des jeunes gens incroyablement insolents (peu réprimandés en proportion par les adultes), qui ne savent pas dire merci mais arrachent un papier des mains, cela sans qu'on les reprenne... Rancunes intergénérationnelles résultant d'une enfance sur fond de guerre, idéaux tués dans l'oeuf... Il s'avère, hélas, que déjà à cette époque, le passage à l'ouest ouvrait (sauf exception) sur la désillusion... L'unique jeune fille du lot, bouille ronde, petite queue de cheval, suit le groupe masculin en minaudant, vite retranchée dans la grossesse et l'espoir de cocon. Son petit ami revient de l'autre côté comme résigné, très embarrassé de lui-même, le film tait son avenir et on le comprend !
  • LES BAS-FONDS (1957)
    Note : 13/20
    : Gorki ilustré par Kurosawa en 1957 : une transposition juste, filmée comme un théâtre, sauf qu'on a vite l'impression de se retrouver au milieu d'un groupe de refaiseurs de monde à peine conscients de l'endroit où ils sont, comme les ivrognes en fin de soirée... Des fulgurances pourtant, quelques grandes vérités : dommage que les femmes susceptibles d'apporter la variante espérée font de si courtes apparitions. L'adultère vient mettre un peu de piquant dans le déroulement. Un seul personnage vraiment attachant, celui habillé de clair débarquant avec sa face de clown, le brave type, sans lui, il y avait de quoi décrocher tant c'est oiseux, avec ce fond permanent d'austérité des oeuvres "féodales" asiatiques... Autre réussite, le numéro final, ce délire dansé avant cette chute incroyable, j'étais aidée par le commentaire en bonus sur le dvd, mais ça vaut le coup de rembobiner pour contempler une deuxième fois la prostration générale.
  • QUAND PASSENT LES CIGOGNES (1957)
    Note : 18/20
    "Quand passent les grues" littéralement, mais ce mot aurait fait tache en sous-titre français... Amour et guerre : les astuces du cinéma russe pour être sûr d'être tranquille, car il était encore périlleux en 1957 sous Khroutchev et sa soi-disant "destalinisation", de se risquer hors des balises... L'actrice Tatiana Somoilova, jolie frimousse slave, silhouette pleine de promesses, crève l'écran par les pressentiments qui émanent de sa personne. Etonnant comme son Boris et elle se frôlent plus qu'ils ne se tiennent, il doit faire son devoir ("volontaire" ou "désigné", je me le demande encore), elle court beaucoup vers lui une fois qu'il a monté son escalier, elle questionne "et moi dans tout ça" ?... Contrairement aux fréquents résumés du film, je trouve qu'elle subit ensuite les assauts du pressant cousin Marc plus pour éviter le scandale, bien davantage que par faiblesse. Sa mine révèle qu'elle est complètement défaite après le premier bombardement. Sentiments piétinés par cette soudaine violence qui déferle... C'est beau et ça fait pleurer plus ça avance, on est renseigné sur ce qu'une guerre chavire dans le quotidien des populations. Mikhaïl Kalatozov montre bien que, sous tout régime, aussi dur soit-il, on perd pied jusqu'à devenir l'ombre de soi-même dans certains cas. Quand le sort frappe trop dur, mieux vaut s'occuper à aider les rescapés en attendant que ça se passe... Techniquement, c'est un noir et blanc d'une netteté parfaite, la caméra est virevoltante pour l'époque, la musique peut vriller les tympans dans les crises traversées, on sait pourquoi... Mais c'est surtout ce couple promis, d'emblée trop enclin à louvoyer qui maintient l'intérêt du spectateur... Issue confondante, simultanément liesse + détresse dans les fleurs, léger sourire, on sent le bon côté du collectivisme... Silence sur le pacte germano-soviétique, on marche dans la boue sous la mitraille, mais rien ne peut faire qu'on identifie l'ennemi une seule fois. Accent mis sur le courage collectif du peuple russe... L'avenir se tient tout entier dans le personnage de Veronica. Ce film multiprimé, qui m'avait fortement impressionnée quand j'avais quatorze ans par l'émotion qu'il dégage, trouve le moyen d'encore bien me remuer au-delà de cinquante !
  • ASSOIFFÉ (1957)
    Note : 17/20
    Indispensable de se projeter dans l'Inde des années cinquante après avoir intégré la mort d'overdose du réalisateur en 1964... L'atmosphère traversée de chansonnettes chaloupées met à rude épreuve la fibre féministe... Heureusement, se devine en arrière-plan un épris d'absolu, d'une lucidité sidérante... Sirupeuses mélopées indiennes, oeillades de souris dansant devant l'icône masculine seule décisionnaire. Il faut accepter ce décor pour en venir au point capital, les poètes hors normes, ces parias occupés à dire ce qui doit être tu. Point fort : la virtuosité du chef opérateur... Point faible : l'aspect larmoyant rattrapé par la pertinence du discours. Jamais de complaisance pour l'esprit moutonnier ! Sous les dehors sucrés, il s'agit d'un traitement au vitriol de la cupidité, de la versatilité humaine, d'office majoritaire au nom des intérêts du moment, avec cette manie de vénérer les morts en gommant les vivants insoumis à la pensée des plus forts (gros écho en 2009 !...). Symbole de la fontaine sans eau, saisissant gros-plan d'un Jésus en Croix sur la première page de "Life" lu par une "traîtresse" ayant muté vers le milieu qui rapporte ! Hymne aux écrivains piétinés, aux escrocs, aux faux-frères, aux mères mésestimées, à la condition féminine séculaire... L'exil pour espérer respirer un peu ?... Audacieux paradoxe que la sincérité d'écrivain (assuré du chômage de son vivant !) face au plus vieux métier du monde qu'est la prostitution des femmes sous la coupe masculine (offrant gîte et couvert !)... Le récit gagne en intensité sur la fin, surtout bien lire les paroles des chansons afin d'en mesurer la portée intemporelle et universelle... Au total, une absence de concessions qui force l'admiration !
  • LES NUITS BLANCHES (1957)
    Note : 18/20
    Blondinette sans doute étrangère qui pleure un amour enfui : il souhaiterait la consoler, tout comme il parle à ce chien errant... Maria Schell (qu'on croirait contemporaine), émotive comme une fillette sautant à la corde, ferait danser et rire sans raison en sortant de la salle si ce manteau tombé sur la neige ne laissait en suspens la question de savoir qui sera le plus aimé. Une intrigue étirée, mais sur le mode intimiste, on nage dans le gris... Ce film, boudé à sa sortie, rappellerait assez les ambiances slaves qui se révèlent en catimini... Patience... De petites touches toujours productives qui font qu'on laisse Visconti se rapprocher, descendre sur les visages de ses acteurs. Aucun mal à s'identifier au trouble qu'ils affichent. Voici du Dostoïevski transplanté dans un faubourg italien de carton-pâte. Des villageois bien planqués derrière leurs murs, la misère au ras des cours d'eau, quelques espaces de rencontres. De cachotteries en confidences, arrive une éclaircie de taille : la séance de rock suivie d'un slow tout aussi envoûtant, le tout fracassé par deux volets bruyamment ouverts. Promenade en barque. Retour case départ. Sans doute avons-nous rêvé ? .
  • LE BRIGAND BIEN-AIMÉ (1957)
    Note : 15/20
    Il faudrait revoir la légende de Jesse James interprétée à d'autres époques pour mieux noter celle-ci, très années cinquante. Bertrand Tavernier défend cette version dans les suppléments au dvd, non sans son petit sourire : il rappelle que, dans la réalité, les deux frères étaient "des bouseux"... Robert Wagner "bien trop mignon" pour le rôle, fut imposé à Nicholas Ray par le producteur : Une chance, ils s'entendirent, l'acteur au séduisant physique ayant eu l'excellente idée d'intérioriser son jeu... Hormis ces enjolivures hollywoodiennes (qui froissent à l'entrée du film et dont Nicholas Ray aurait bien voulu faire l'économie), l'histoire s'avère prenante, grandiose même par moments (ces envolées à l'image, les scènes "aux petits oignons" entre les deux frères).
  • BONJOUR TRISTESSE (1957)
    Note : 18/20
    Fidèle adaptation du roman éponyme et fougueuse Jean Seberg à ses débuts en "petit monstre" ou les revers d'une trajectoire de pauvre petite fille riche. Du Sagan tout craché, milieu, vitesse, intensité du toujours plus de la fin des années cinquante qui ne saurait totalement dépayser en 2012... C'est bien appuyé par la chanson de Gréco, figure (et carrure !) déjà envoûtantes. Défilent les années soixante des nantis que rien n'entravait. Ils sont plutôt sympathiques tous dans leur genre et les lieux où ils s'ébattent leur collent telle une seconde peau. Père (David Niven fidèle à lui-même) et fille craquants de complémentarité et pourtant à deux doigts du lien incestueux... Au positif, les chichis dont on use tous pour cacher la peine, des minutes de danse exceptionnels qui conduisent vers ce long épisode de fête avec les musiciens au milieu. Leur vitalité intacte induit son revers, la griserie du casino, de la fièvre automobile. Il se fait attendre mais il arrive, le grain de sable qui fait dérailler le précieux agencement de façade et justifie le titre... Merveilleuse Déborah Kerr !
  • ECRIT SUR DU VENT (1956)
    Note : 19/20
    Sans doute un film de tous les temps et qui peut plaire à tous (v.o. conseillée). Ce bolide jaune qui fonce dans la nuit à grande lampées à la bouteille, voilà qui présage de suites rocambolesques... On se dit que les comptes vont être réglés en moins de deux, or, nous sommes baladés un sacré bout de temps à reculons ! Et ça ne nuit pas ! Accompagnons cette Lucy pleine de distinction, intelligente au demeurant et pourtant si imprudente à s'engager avec ce danger public qu'est Kyle, en Amérique pendant les années cinquante, dans la bonne société, certes on se marie avant de... Serait-ce pour mieux arriver à ses fins dès lors que le coeur est ailleurs ?... En tous cas, pas une seconde d'ennui dans cet encroisement de situations où stérilité et impuissance masculines se confondent et déclenchent la crise de tous ces braves gens, les un tant soit peu adultes et les demeurés enfants. A voir au ciné-club et à revoir plus d'une fois en dvd pour complètement goûter le côté tortueux de l'aventure, d'une technique irréprochable, et qui tient en haleine sur le plan émotionnel d'un bout à l'autre.
  • L'INVRAISEMBLABLE VERITE (1956)
    Note : 17/20
    Un scénario qui vaut de l'or, il mériterait un remake en 2008, de quoi broder avec un regard d'aujourd'hui... Démarrage glacial par rapport aux autres films de la période hollywoodienne de Fritz Lang, fervent adversaire de la peine de mort, mais qui y met un effroyable bémol. J'ai un peu souffert du chaos des intentions, difficile de suivre le déballage des étapes, l'action vient fort heureusement gommer cette surenchère. C'est encore magnifiquement filmé avec force détails du mode de vie américain de 1955-56, je pense à cet homme corpulent avec son bloc de glace devant le ventilateur... Joan Fontaine signale, par un physique étrangement éteint en dépit de son humanité apparente, qu'on n'est pas au bout de nos surprises. Quant aux strip-teaseuses, elles resplendissent comme autant de sapins de Noël, animées d'une gouaille à la Betty Boop, sauf une, pour relancer la tension ... Le personnage le plus ambigu reste le père de la promise, je me demande encore ce qu'il avait flairé au juste finalement !
  • DOUZE HOMMES EN COLÈRE (1956)
    Note : 19/20
    La version russifiée de Nikita Mikhalkov en 2007 avec sa fougue d'y avoir injecté le problème tchétchène, souffre d'une longueur qui peut porter sur les nerfs et donner envie de revoir le classique de Lumet, au scénario autrement plus concis : la tension existe pourtant dans ce splendide noir et blanc dont seule la musique serait la fausse note (on a fait mieux depuis pour illustrer le courroux...). En compagnie de personnages-types faciles à cerner, des frictions moins outrancières, pour une large part grâce au personnage central, un juste bien net (Henry Fonda) et un enragé humanisé par une photo révélatrice, auxquels le spectateur va tout de suite s'identifier. Années cinquante/soixante étatsuniennes, certes pas idylliques au plan politique (pas plus qu'aujourd'hui où la peine de mort existe toujours) mais le scandale affairiste montrait quelque accalmie... Qu'il fait bon s'évader du chaos ultralibéral en remontant le temps !
  • DOSSIER SECRET (1955)
    Note : 14/20
    Une note moyenne parce que j'ai maudit ce cadrage d'Orson Welles le magnifique, armoire à glace photographiée du dessous pour bien conditionner le spectateur, un peu lourdingue, sans doute aujourd'hui trouverait-on quelques variantes pour le même résultat ? Dommage aussi que l'acteur détaché pour les investigations et dernier de la liste soit aussi quelconque du début à la fin, ce qui oblige à faire retomber le soufflé lamentablement... Et pourtant la fille de l'amnésique a beaucoup d'éclat, son père reste une sorte d'ogre ! A part ça, le récit balade dans tous les sens, il faut patienter, on sent l'invincible mis à mal, les scènes mémorables sont bien celles autour des différents témoins avant leur suppression, et ce petit avion continuant à voler sans pilote a beaucoup de charme.
  • LA FUREUR DE VIVRE (1955)
    Note : 17/20
    Il importe de se remettre dans les Fifties, l'après-guerre (une vraie guerre où on se foutait sur la g...), imaginable grâce aux images d'archives, aux fictions et aux témoignages familiaux. La Fureur de Vivre américaine, c'était donc en plein baby-boom. La dureté crescendo de la mondialisation 2008 n'est cependant pas une guerre ouverte, où on débarque du pire, de LA grande calamité : il fallait reconstruire d'urgence un monde axé sur les valeurs matérielles (la grande trouille restant, aux USA, le communisme). Le milieu décrit est plutôt aisé. Junior a sa décapotable mais ne sait sur quel pied danser avec ses parents en perpétuelle tergiversation. Nécessité de se mesurer à Papa, lequel ne sait pas aligner deux idées cohérentes de suite, avec Maman qui le contredit puis se contredit ! Un jeune ulcéré par la surprotection de sa molle famille. Du côté de la jeune fille, même tableau, la mère semble quelconque, le père a quelque chose du séducteur, le film laisse juste entendre que le petit dernier prend désormais toute la place, résultat, sa fille entend bien qu'on se mette en danger pour elle dès que possible. Peu à peu, une bande se forme, qui joue à se pousser dans ses limites. A bien y regarder, est-on si éloigné de ce genre de délire si on pense par exemple au jeu du foulard des écoliers des années 2000 ?... La civilisation a engendré la crise adolescente dans les pays industrialisés occidentaux, et chaque époque propose son illustration du phénomène. On peut trouver l'atmosphère un peu glamour, trop lisse ce petit couple qui s'accroche l'un à l'autre une fois le rival neutralisé...Le fait que James Dean (accident mortel de la route) et Natalie Wood (morte par noyade) soient magnifiés en raison de leurs disparitions tragiques peut agacer... Je constate que l'accent est mis sur l'autorité ET l'éducation. On parlemente, les insultes faciles sont absentes... A cent lieues du bras de fer actuel entre jeunes et policiers de ce début de siècle, un message peut-être édulcoré ? Qu'à cela ne tienne, l'ensemble tient encore debout.
  • LE GRAND COUTEAU (1955)
    Note : 18/20
    Quel film courageux ! Peut-être issu du théâtre mais vu les relations serrées qu'il traite, cet emprisonnement d'un individu par des délinquants détenant le pouvoir, l'espace réduit que la caméra balaie suffit. On a droit à des va et vient de personnages, agrémentés de montées et descentes d'escaliers quand on s'y attend le moins... Il est question d'une hésitation concernant la signature d'un contrat offrant une aisance pécuniaire mais qui engage, car corrélé à un accident passé qui assombrit le présent dès qu'on l'aborde... La puissance d'Hollywood prend les traits de Rod Steiger, blondeur péroxydée et lunettes noires, une compréhension toute prête de commercial, une doucereuse humanité comme appât de son prochain (souvent les pires salauds). L'homme se trouve toujours flanqué d'un assistant plus abject encore... On est autorisé à penser à des sbires apparentés, nombreux sont les artistes condamnés à produire des horreurs ou à jouer des inepties pour avoir signé le plus incertain... le Couple Charles et Marion Castle, (Jacq Palance, ici faillible mais incorruptible et Ida Lupino, belle voix rauque de femme du sud) n'a pas pris une ride depuis les fifties, rien n'interdit de l'imaginer face aux vicissitudes ultralibérales post 2000... Dialogues brillants, quelques vociférations dignes de patrons caractériels ou de politiques nauséabonds. Pour 1955, un bon tour joué au maccarthysme !  .
  • NUAGES FLOTTANTS (1955)
    Note : 18/20
    Comme elle a une tête de chien fidèle à mauvais maître, cette silhouette échouée, comme embarrassée d'elle-même. Quant à l'heureux élu, c'est le genre tombeur malgré lui qu'on pressent sur une longueur d'ondes différente. Il est beau, le bougre. Cela donne un étrange duo en perpétuel décalage dans leurs marches clandestines sur des chemins déserts, chacun amoché par la guerre à sa façon. Drôle de préambule, et pourtant on consent à s'abîmer dans ce noir et blanc à l'issue prévisible. Car ils sont au bout du rouleau d'une certaine manière tous, l'épouse légitime tout aussi lugubre que nos deux tourtereaux du temps jadis. Toutes les entrevues commencent par le soleil et finissent dans l'impasse. Mais voilà, on tient le coup grâce aux images peut-être plus parlantes que les quelques paroles implacables... Le plus fort de l'obstination la plus insensée, la plus morbide qui soit, est que le bel inaccessible ramollit, tout ne lui étant pas aussi dû qu'il le croyait... Poignante conclusion que ce flash-back de jeune fille toute printanière qui parvient à effacer l'impression détestable de la maîtresse terne, sans ressort de séduction autre que le suicide à deux. Ce peut être vu encore aujourd'hui en 2012 comme un portrait de Japonaise ordinaire obligée de faire dans le dénuement le plus complet, avec passage par la case prostitution, tout en vénérant un abruti. "Courte est la vie des fleurs, infinie leurs douleurs", conclut Mikio Naruse en droit fil de l'oeuvre de la romancière nipponne dont il s'est inspiré.
  • FRENCH-CANCAN (1955)
    Note : 19/20
    Mis à part quelques aspects qui font un peu antiques en 2012, c'est un hymne à la liberté individuelle, un petit chef d'oeuvre d'orchestration générale, ces grappes autour des portes, ce directeur en coulisses qui bat la mesure... Délicieux toujours plus, si l'on prend le temps de découvrir les coulisses du tournage, le témoignage a posteriori de Françoise Arnoul encore sous le charme de l'épreuve, de quoi mesurer l'intensité des situations que Renoir tissait, d'approcher la traversée du désert que fut le scénario avant d'aboutir... L'amusement général de l'équipe sous le travail minutieux se perçoit dans le film, ainsi que les tiraillements du réalisateur bigame de retour des Etats-Unis où il se sentait à l'étroit. On nage en pleine parenté entre le peintre Auguste et son fils désormais enrichi des connaissances acquises dans le sanctuaire hollywoodien. Tout le meilleur de la comédie musicale est ici remouliné à grands renforts de piments made in France. Aucune gauloiserie cependant. Jamais vulgaire et cependant drôlement audacieux pour les fifties... A retenir la dernière séquence, à l'arrière ses chapeaux lancés, au premier plan les grands écarts du plancher à quelques genoux conciliants, un travail colossal pour une magnifique liesse, et des plus contagieuses !
  • LA MAISON DE BAMBOU (1955)
    Note : 17/20
    Voilà un film en adéquation avec le stress économico-financier que nous vivons, cette agressivité au quart de tour... Fuller a vécu la guerre plus d'une fois et dans sa chair, il sait l'illustrer en autant de plans vertigineux qui captivent. Aucun ennui à suivre ce polar tourné au Japon dans les fifties. Déjà la soudaineté du règlement de compte, ce train qui s'arrête crée la stupeur nécessaire... Peu après une danse qui fait presque frivole. Une mafia avec son caractériel chef hystérique. Drame, amusement. On en a pour son argent... Superbe picturalement dans sa version cinémascope et pourtant méconnu... Remarquables intérieurs japonais désormais familiers en occident (à croire que rien dans leur design et leurs coloris n'a changé depuis le tournage de ce film). Encore et toujours des combats d'une violence qui fait si authentique qu'on plaint les acteurs ! Et puis cette ultime séquence sur le monument tournant (des décors naturels faisant penser au gigantisme d'Orson Welles). Cela se veut sérieux sur le fond. Du fait de la férocité sous-jacente, le rire peut s'inviter. La raclée à chaque réunion à l'écran devenir "gag"... T'es pas d'accord avec moi je te cogne, la manière primitive de se dire bonjour, réflexe plus que méchanceté (au contraire de celle qui sourd chez Kitano par exemple). Le personnage d'Eddie Spanier (Robert Stack plus ferme que dans "Les incorruptibles") et la belle Mariko (au minois plus eurasien que japonais) sont les civilisés de service. Un rideau tiré le soir entre leurs couchages les interdit de fréquentation, quoique (la scène du bain !)... A eux deux le symbole du fossé entre culture occidentale ascendante et féodalité nipponne d'alors (1955). Le propos universel supporte la transposition. Suffit d'avoir le coeur bien accroché. Les amateurs de vidéo-castagne de 2013 devraient même être à leur affaire.
  • DÉSIRS HUMAINS (1954)
    Note : 16/20
    Encore un excellent Fritz Lang des années hollywoodiennes à voir en v.o. ! Loin de "La Louison" française de Jean Renoir et des "gueules noires" qui vivaient dessus. C'est la peinture du rail US à son démarrage industriel, à peine quelques fumées gris clair, conducteurs aux allures de superviseurs, bien qu'accrochés nuit et jour à leur fonction par ce dédale de rails et de wagons au ras de leur home. Vicki Buckley (Gloria Grahame) incarne ici la dépendance féminine des années cinquante, d'abord forcée au pire par son vieux mari avec cette odieuse lettre, mais elle use très vite d'un ton doucereux et d'un rouge à lèvres qui déborde, prudence donc... En fait, tout tourne autour du libre arbitre masculin dans la complicité du couple, dont le moteur reste le désir toujours capricieux et impossible à mettre sur le même pied d'égalité pour les deux sexes. En supplément, la hantise masculine de se risquer à épouser beaucoup plus jeune que soi (adorable petite consumée aux yeux brillants). Quelques scènes familières dans la maison, la cuisine encore, cette soupe froide, la cachette du butin, l'intérieur d'après-guerre auquel toute famille estimait avoir droit... Une version qui s'avoue inspirée seulement de "La Bête Humaine" de Zola : l'analyse sociologique, bien que transposée outre-Atlantique, est incroyablement proche de celle de l'écrivain.
  • LA NEIGE ÉTAIT SALE (1953)
    Note : 18/20
    Allez savoir pourquoi, toutes les femmes, toutes les mères, se sentent tenues, au départ du film, de sauver ce Franck qui n'a pas eu son content d'amour petit (comportement hideux de la mère en visite). Habile Georges Simenon, grand collectionneur de femmes, mais qui au moins les vénérait toutes, et les prostituées sans honte aucune, au contraire, considérées comme des frangines dans tous ses bouquins, des femmes à part entière par la sincérité du service qu'elles rendent aux hommes voraces, et indirectement à la société : Luis Saslavsky reproduit cette tendance de l'auteur à la lettre. Daniel Gélin incarne donc un jeune homme touchant mais trop louche pour s'y fier, on sent bien qu'il ne peut exister que dans la transgression... Passionnant à étudier comme caractère, bien expliqué, l'ensemble fort bien joué, assimilable même en 2007 (malgré le portrait de Suzy, une vierge qui a pris la poussière). L'amour idéal reste sauf, ce qui fait qu'on laisse sans regret ce Franck relever son col avant le grand froid.
  • REGLEMENT DE COMPTES (1953)
    Note : 18/20
    Longtemps, je me souviendrai de cette cafetière bouillante balancée en deux temps à la face, et d'un seul côté... Il s'insinue comme une ironie terrible mélangée au coeur de ce polar, des moments d'attendrissement et une violence par à-coups, brève et d'une efficacité à la limite de déclencher un rire nerveux. Sans trop saisir la portée du coup de feu initial, on doute de cette bonne femme pincée et on raffole tout de suite du chargé de l'enquête. Ce Sergent Bannion qui, en rentrant du boulot dans son coin douillet, lave plats et casseroles en toute complicité avec sa jolie et jeune épouse, ils causent ensemble de son business en tirant les plats du four, et elle boit dans son verre... Une nouvelle fois, Fritz Lang vénère les époux comblés, pères très présents physiquement à leur enfant, l'air de nous dire "on n'a pas fait mieux"... Années cinquante d'Hollywood, une incroyable légèreté de moeurs semblerait côtoyer les joies du foyer (incroyables avances de la jeune fille délurée qui offre un verre au héros du bar, le poursuit dans la rue et finit par l'accompagner dans sa chambre d'hôtel)... L'invincibilité du policier très droit est présente, un peu ambiance "Les Incorruptibles", mais avec beaucoup plus de nuances, je pense à ce laïus sur l'épouse après les derniers affrontements... V.O. obligatoire, les dialogues sont sublimes de bout en bout, la diction aussi, rien n'est laissé au hasard, en plus du son nickel. Bref, très bien boutiqué tout ça, je dirais même "jouissif" !
  • LA FEMME AU GARDENIA (1953)
    Note : 16/20
    Vu en v.o. en avril 2008 au cycle consacré à "Fritz Lang et Hollywood" au Cinématographe de Nantes : nous revoici dans le monde des opératrices téléphoniques des années cinquante, une ambiance bon enfant que cette Centrale pleine de jolies filles convoitées plus qu'esclaves... La caméra s'arrête sur Norah, belle et seule, en attente d'un soldat au loin mais qu'elle vénère comme une icône jusqu'à ce soir où elle pleure. Basta ! La voilà sortie de ses gonds, noyée dans l'alcool auprès d'un prétendant bien en chair (fabuleuses scènes où elle sirote...), d'alanguie elle devient furie, lui flanque un coup de tisonnier. Ensuite, le spectateur se focalise sur cette jeune traquée : comment peut-elle s'en tirer ? Maintenant, la presse invite la meurtrière à se dénoncer "contre une aide"... Vitriolé mais aussi très romantique (le gardénia chanté par Nat King Cole, les mouchoirs, et ce joli visage féminin implorant les hommes, une expression qui rappellerait un peu notre Marion Cotillard aujourd'hui) en plus d'une grande qualité de cadrages et de lumière, notamment ce clair-obscur aux moments décisifs, avec des couples sensuels, qu'ils soient enlacés ou retenus au contraire. C'est assez tarabiscoté comme intrigue, pourtant on suit aisément. Bien aimé la malice de Fritz Lang concernant la gueule de bois féminine ici relayée par l'amnésie. Vient la volte-face comme aime en balancer ce cinéaste, ici sur les tout derniers plans, et on se dit "ah oui, c'est vrai, j'avais oublié ces points de détail"
  • VOYAGE EN ITALIE (1953)
    Note : 16/20
    Plus gris que noir et blanc. Tout y est en version italienne des années Cinquante sur le couple, un homme et une femme liés par le mariage mais avec une légère patine. La voiture (à deux ou Madame toute seule) est l'habitacle de tous les secrets, excellent pour préparer les parades, ronchonner... Pour lui, l'Italie est l'occasion d'une halte dans le business. Pour elle, interrompre ses devoirs d'épouse traditionnelle. Qu'il est bon de quitter la grisaille anglaise quelque temps au prétexte d'une maison à vendre, l'occasion de rencontrer quelques connaissances, de l'air, le temps de prendre du champ par rapport aux habitudes. L'attachement est là. L'agacement aussi. Le besoin de masquer tout cela par la présence d'autrui. Le voyage révèle deux rapaces se livrant à l'aventure individuelle permettant de dresser un bilan. Telles les ruines de Pompéi (le tandem Rossellini/Bergman battait de l'aile lors de la réalisation du film), toutes les astuces du couple se déploient : ah, s'offrir le petit vertige qui resserre le lien !
  • TOUS EN SCENE (1953)
    Note : 16/20
    Cette comédie musicale concoctée par Vincente Minnelli peut être savourée sans souffrir une seconde si on se fatigue vite du genre (quand bien même les cuivres pèsent un peu à l'oreille). Constatons qu'un courant de comédies musicales déferle depuis fin 2010 début 2011. Une chance que dans celle-ci se glissent suffisamment de subtilités. Sinon, on se prenait un divertissement digne des gros industriels du cinéma des années Trente Quarante en réaction à la sinistrose : plein les yeux et les oreilles, si vous bâillez, c'est que vous êtes un(e) sacré(e) rabat-joie... Ouf, en plus du spectacle toujours très enlevé (restent en mémoire le cireur, les triplets, ce mouvement de robe blanche à plis soleil), rendez-vous avec l'humour, un minimum d'intrigue et, cerise sur le gâteau, une satire des coulisses du spectacle, un monde où, pour exister, il faut composer avec ce qui se présente.
  • BIGAMIE (1953)
    Note : 18/20
    Subtile descente à l'intérieur des couples, les apparences impossibles à éviter à tel endroit peuvent toujours être contournées à d'autres si une double vie s'impose plutôt que de tirer la langue jusqu'à terre... Etonnant comme le mari demeure sympathique d'un bout à l'autre de l'histoire et même au procès, et ce malgré l'enjeu que représente l'arrivée d'un enfant dans un foyer. C'est très bien fait, y compris la découverte du subterfuge, cette stupeur dans le geste de la femme d'affaires toujours en marche. Si les deux femmes souffrent, l'audace d'Ida Lupino est bien d'avoir endossé le rôle de la plus fragile, la moins possessive pour savoir ce que liberté individuelle signifie. D'office on la retient comme favorite bien que le point de vue de l'enquêteur décrive parfaitement l'ambivalence que le personnage du bigame laisse dans les esprits.
  • LA LUNE ÉTAIT BLEUE (1953)
    Note : 16/20
    En s'évertuant à narguer la frilosité sexuelle du "code Hays" (série de recommandations qui aurait commencé à s'effriter à compter des sixties ?), ce marivaudage de 1953 renferme un ping-pong verbal assez savoureux. On se dit que, soit elle se préserve, soit elle s'engage, cette créature du diable ! Deux yeux ronds, une queue de cheval haut perchée, c'est une rapide à embrasser. Elle épate, il n'est guère que son père pour apporter un frein temporaire à ses audaces. Une façon de perdre du temps pour en gagner ? Toute réserve verbale est ici pulvérisée, on n'ose plus songer à certains cylindres de tissu... Cela se passe heureusement avec ou chez des gentlemen ! Les dialogues surfent sur le fil du rasoir avec un naturel désarmant. Jusqu'à, hélas, devenir un filon surexploité... si ne demeuraient les attributions traditionnelles (cuisiner, repasser). On boit facilement un petit verre et même plusieurs, comme au joyeux temps des Etats-Unis maîtres du monde. Les allées et venues, les volte-face d'un partenaire à l'autre, le bénéfice de l'opération compensent la grisaille de cet Empire State Building à longue vue dans la brume, complètement désuet en 2012.
  • EUROPE 51 (1952)
    Note : 17/20
    Vu en version française (dommage !), ce film pose les questions cruciales que provoquent les coups du sort face au protocole et à son propre idéal dans une vie. Comment, en exil et après une guerre éprouvante, une femme goûtant à un peu de légèreté se retrouve comme punie d'avoir été moins attentive à son fils grandissant. Folle de douleur, la voilà qui s'ouvre au monde extérieur, prend des tangentes que les siens ne peuvent comprendre : écouter un communiste, aider des miséreux, assister les derniers instants d'une prostituée, ramener des enfants chez eux, dont cette délicieuse fillette qui l'embrasse. Nul divorce en Italie dans les années cinquante, on emploie les grands moyens. Le comble est que l'intéressée, devenue quelqu'un d'autre à force de se frotter à la misère, acquiert le détachement !
  • LE PARADIS DES MAUVAIS GARÇONS (1952)
    Note : 15/20
    Vu en v.o. sur dvd en février 2007. Chassé-croisé de trois personnages issus de la même culture et qui essaient de se refaire une santé en terrain étranger, plus "miné" que prévu. Ce film aurait changé de main en cours de tournage, au prix de bien des tensions (d'abord Josef von Sternberg, puis Nicholas Ray), on ne peut pas affirmer que cela se perçoit. Daté de 1952, de facture classique, c'est plaisant à suivre, bien ficelé même, les acteurs jouent bien et il y a quelques scènes de séduction assez croustillantes du fait de l'énigmatique présence Mitchum. A voir et à revoir.
  • UN SI DOUX VISAGE (1952)
    Note : 18/20
    Revu ce chef-d'oeuvre en 2008 grâce au dvd, version originale, zéro défaut, à condition d'accepter une noirceur absolue. A vous dégoûter des virées en décapotable.On se demande quels trésors d'ingéniosité ont été déployés pour obtenir cette petite trouvaille technique, détails mécaniques à l'appui, qui pourraient inspirer les malfrats. Robert Mitchum campe ici un gros ours indécis,finaud à ses heures, mais apte à se laisser fléchir, disons plus par distraction que par conviction. Jean Simmons joue une riche femme-enfant mal remise d'une mort passée, rivée à l'image paternelle, on lui donnerait "le bon dieu sans confession" ne serait-ce l'empreinte vaguement ténébreuse qu'elle laisse. D'un bout à l'autre, c'est absolument délectable, juste après le charme de la rencontre, l'inquiétude prend le dessus, jusqu'à la culbute déjà bien remuante... Et on pense avoir eu son compte d'émotions. D'autant plus que, selon une rumeur, le couple Mitchum/Simmons aurait souffert de l'irascible caractère d'Otto Preminger, cette giffle assénée pour de vrai, point trop n'en faut... Le spectateur sent que la demoiselle court à sa perte, voilà ce que c'est que de comploter sans filet. D'autres somptueuses images en noir et blanc défilent, avec ces gros-plans sur l'ange déchu et la face du séducteur faisant sa valise... Toujours aussi époustouflant, et pas prêt de prendre la poussière !
  • LE FLEUVE (1951)
    Note : 18/20
    On est abreuvé de l'Inde et ça sent encore la colonisation toute fraîche dans ce film de 1951, librement inspiré d'un roman (vu en version américaine sous-titrée sur grand écran). On jurerait que la couleur est rajoutée sur du noir et blanc déjà très au point au départ : des images adoucies, un décor raffiné, avec cette eau à proximité, on est toujours dans le mouvement, c'est un délice (qui rachète le son, très inégal tout au long de l'histoire). Cette peinture indo-britannique, occasion d'un va et vient feutré entre les deux cultures, le monde adulte et le cheminement pour y arriver ou non, le rêve et cette sacrée réalité qui vous rattrape au tournant. Aujourd'hui, ça peut sembler longuet, distillé en s'attardant un peu trop sur certaines scènes... Pourtant, ça vaut le coup de bien suivre, car arrive le point qui sidère : Jean Renoir, qui sait de quoi il parle dans les années cinquante pour avoir lui-même fait la guerre, relativise les pertes les plus atroces, pire, s'en console au nom de l'enfant qui demeure en lui, je ne m'attendais pas à ça ! En 2007, où la démographie planétaire caracole, au nom de philosophies ancestrales que personne n'ose discuter, et comme si les ressources étaient inépuisables, son discours est d'un réalisme bouleversant.
  • L'IDIOT (1951)
    Note : 15/20
    Version originale visionnée en deux temps, car durée totale = 165 minutes. Et version courte, une autre existerait, de 265 minutes ? Dostoïevski revisité par un Japonais, mais dans le respect absolu du livre. Des passages d'intimité de toute beauté, avec des extraits musicaux étonnants, l'un d'entre eux aux consonnances modernes, rappelant l'atmosphère slave. Le qualificatif "d'idiot" froisse tout de suite, comment donc, ce Kaméda (plutôt joli garçon et qui voit si clair en lui-même) réchappé de la guerre peut-il se présenter comme un abîmé de la tête ? Bon, il a tout du poussin qui sort de l'oeuf, mais l'espoir subsiste. Sans doute le fait de se retrouver dans la vie civile peut-il rendre ahuri quelque temps, groggy, avec cette difficulté de choisir entre les options : la mitraille s'est tue, on est encore sonné... Après un traumatisme sévère, devenir muet, ou fou se conçoit communément. Mais, halte-là, l'agneau originel, ou le Christ, c'est dépasser la mesure. Si les femmes (toutes filmées avec tendresse par Kurosawa) se montrent charmées par cet être de pureté qui les visitent, elles restent abritées derrière leurs gloussements, s'engager, houla, une autre paire de manches (scènes de couples magiques, moments cruciaux dans le silence très appuyés, j'ai souvent rembobiner pour le plaisir de revoir)... Les hommes de Kurosawa, ici éternels calculateurs au comportement grossier, provoquent, tirent les marrons du feu. En gros, comme une sainte trouille s'abat sur la contrée. Gros malaise pour les spectateurs, et surtout les spectatrices : résignée, après deux bonnes heures, au qualificatif d'idiot annoncé, l'envie m'a démangée de prendre le héros par les épaules et de le secouer en hurlant!
  • LE DEMON S'EVEILLE LA NUIT (1951)
    Note : 16/20
    Redécouvert cette oeuvre en v.o. au ciné-club en avril 2008 : presque tout oublié, sans doute vu il y a bien longtemps au "Cinéma de Minuit" du petit écran.Certes, Fritz Lang, sans doute à cause de "M Le Maudit" qui reste sa marque de fabrique, donne toujours un peu la hantise de cauchemarder... Voici une forte houle auréolée d'oiseaux affamés, on circule ensuite du bateau à l'usine de poissons en imaginant déjà le pire.Je me souvenais de la fraîcheur de Marylin Monroe en jolie et gentille ouvrière starlette de plage et de l'inquiétant "Earl" face à une deuxième femme, belle aussi, mais altière, et comme en demande de sécurité mais avec la terreur de ne pas avoir son compte de frissons.Redécouvert son mari, ce bon gros ours presque trop tendre, si touchant avec sa petite Gloria dans les bras... On est bien dans les fifties, le "baby boom" d'après-guerre, la mentalité familiale chargeant la mère, fidèle à l'époux et au foyer quoi qu'il arrive. Passe la tentation, commune aux deux sexes mais plus mal notée si c'est Madame qui flanche. Quoi qu'il en soit, un sacré tiraillement ! Entraide féminine, plongée dans les abysses du couple, crises... Et puis, inespéré, l'enfant sauve la mise. Au souvenir de ces deux "caractères" brûlant leurs dernières cartouches mais à armes inégales, on peut se dire qu'elle a eu chaud.
  • CASQUE D'OR (1951)
    Note : 17/20
    Toujours très agréable de retrouver ce classique où le surnom "Casque d'Or" de la blonde Marie très convoitée (Simone Signoret), sauf endormissement de ma part à chaque séance, n'est jamais prononcé. Cela fleure les guinguettes par temps chaud ainsi que la prostitution féminine sous-jacente, qu'on croirait un naturel accompagnement de ces Messieurs tous plus ou moins trempés dans de sordides tractations... Etonnant départ, avec cette chanson au fil de l'eau, choeurs limpides, quel contraste avec la rudesse qui suit ! Une alternance entre le romantisme et la crapulerie signent cette oeuvre de Becker. La scène de chatouille champêtre, ou l'effroi de cette montée à l'hôtel au petit matin resteront à jamais hantés... Le rôle a immortalisé Simone Signoret ! Quant à Reggiani, encore jeune et impétueux, il fait oublier un instant l'image de chien battu qu'on garde de lui. Tous deux relayés par une galerie de rôles secondaires qui pourraient être remis au goût du jour en 2008, baffes ou pommade selon les enjeux économiques... (remarquables Claude Dauphin et Raymond Bussières). Grande qualité de photo et de son, très peu d'archaïsmes dans les dialogues, des moments irrésistibles, l'espièglerie de la chatouille ou de la valse avec ce bras masculin qui reste ballant, mais aussi cette scène autour de la jeune précieuse qui ne sait si elle doit accepter de danser.
  • ON MURMURE DANS LA VILLE (1951)
    Note : 19/20
    C'est l'oeuvre de Mankiewicz à voir si l'on veut ressortir d'un film épanoui, sans fatigue aucune à n'importe quelle époque, suffit d'apprécier le noir et blanc des années cinquante en v.o. sous-titrée. Tourné en plein maccarthysme... Il s'agissait de forcer sur l'optimisme en traitant de la grossesse accidentelle, du collègue malveillant, ou pire, d'aberrations judiciaires, sujets scabreux... Une légèreté rappelant Woody Allen, les drames à la moulinette afin d'arracher un sourire au spectateur le plus austère. Espiègleries de l'enfance, (bonbons du docteur, scènes du train électrique), si après ça les défenses ne sont pas tombées ! Résultat, on n'a qu'une crainte dans la salle, que l'euphorie cesse d'un coup entre les pincés et les trop sûrs d'eux, à moins que ce "Shunderson", trop dévoué pour être honnête puisse écoper... Quand le tac au tac verbal culmine autour d'une table, genre de procès à huis-clos, on se dit, fini la fête... A noter que Cary Grant et Jeanne Crain sont irrésistibles de complémentarité, tous les acteurs ravis d'être là à se balancer des répliques toujours plus savoureuses. Mention spéciale au contrebassiste et au chien hypnotisé ! Gloire au théâtre populaire (Curt Goetz) d'avoir permis cette adaptation à l'écran, délectable en 2009 si on aime les beaux textes ! .
  • PLEURE, Ô MON PAYS BIEN-AIMÉ (1951)
    Note : 15/20
    Découvert aux Trois Continents Nantais 2013. Grand classique des fifties offrant à cogiter avec le cas de conscience qu'il pose. C'est certes convenu côté forme, on peut s'ennuyer un peu tout en étant admiratif des cadrages, se dire que "pour l'époque" c'était de l'excellent cinéma. Très moralisateur. Au moins une histoire qui respecte le livre d'Alan Paton, les bons et les mauvais campés comme il se doit (admirables révérends !). Le plaisir de voir Sidney Poitier et Canada Lee ensemble à l'écran dans des rôles complémentaires. En situation politique troublée (début de l'Apartheid), un jeune transgresse, forçant son pasteur de père à une situation inextricable. Un déroulement où protagoniste et antagoniste en prennent pour leur grade. Toujours sur fond de discrimination et coups du sort, la foi occupe une place honorable sans plus dans ce film à portée universelle. On est instruit du plus important, ce que la misère à son point culminant finit par faire des individus.
  • UMBERTO D. (1951)
    Note : 19/20
    19,5/20 : Chef-d'œuvre type des bégaiements de l'histoire. De néo-réaliste à misérabiliste il n'y a qu'un pas en 2014 où l'on peut toujours dégainer de rassurants slogans "il y a toujours eu des riches et des pauvres ", "c'est là une minorité" ou mieux encore, "ils l'ont bien voulu" ! Au démarrage, des retraites versées en retard, une manifestation dispersée par un genre de voiture-bélier des forces de l'ordre ! Dégradation des moeurs, radicalisation des comportements, le retour maître-esclave comme allant de soi. Peu d'individus encore sains, tous à profils bas, très lucides au bord de l'asphyxie. Les pires représentations de l'imaginaire collectif à l'honneur. Il faut être de marbre pour s'abstenir de parallèles contemporains plus le film se déploie... Avec une économie de mots, des gros plans expressifs comme au sortir du cinéma muet, Vittorio de Sica martèle, "voilà les politiques austères" ! Italie des années Cinquante en noir et blanc hier, Grèce et autres cibles potentielles d'aujourd'hui. Attention au vide et aux trains ! Un film qui fait adorer les petits chiens, surtout ceux de race imprécise.
  • LA FLIBUSTIERE DES ANTILLES (1950)
    Note : 16/20
    Très divertissante (si en v.o. car je n'ose imaginer le doublage maniéré de l'époque), cette histoire de pirates obéissants à une femme inflexible sauf sur un point (quelle idée aussi d'essayer cette satanée robe !). Le beau jeune traître embarqué, plutôt que de passer par-dessus bord, a le malheur de tenter un ralliement à la tigresse : on a l'impression de lire un illustré des années cinquante. Pour les enfants très éveillés en anglais et à la lecture à partir de 10 ans et tout autant pour les adultes avides de joutes aimables agrémentées de mutineries et de sagesse doctorale sur fond de caravelles, c'est tout à fait plaisant à suivre et la morale reste, bien entendu, on ne peut plus sauve !
  • LE GRAND ALIBI (1950)
    Note : 19/20
    Un bon vieux Hitchcock visionné en v.o. : assaisonné, grinçant (ces deux mains qui se joignent sur la robe fatidique !), en trompe-l'oeil dès la première seconde. Pur régal de bout en bout, à retenir, cette scène du papa et de sa fille qui se confient leur suspicion pendant que l'intéressé roupille assis sous leurs nez..., curieux signal de mise entre parenthèses. Cette fausse nunuche du style Mireille Mathieu, agace... Mais vite on comprend qu'elle est idéale en contrepoint de la divine Dietrich (particulièrement envoûtante par le physique et la voix, vénérée pour elle-même en tant que telle, elle s'amuse follement dans ce rôle d'actrice). Sauf qu'on commence à se demander laquelle des deux femmes sera sacrifiée. Le flic est de plus en plus sympa. Le jeune homme pour qui on a eu peur, commence à nous courir... Et c'est là toute la finesse du maître du suspense, qui, après quelques longueurs d'un raffinement exquis faisant bouillonner les sangs, envoie sa chute, elle surprend mais on s'y fait très vite !
  • BOULEVARD DU CRÉPUSCULE (1950)
    Note : 18/20
    Plus saisissant que jamais à revoir en v.o.en 2007. Irréprochable sur tous les aspects image, son et dialogues. Cela traite du passage du ciné muet au parlant à travers une actrice déchue pour les magnats de l'époque, beaucoup moins pour les "petites gens" oeuvrant au ras des acteurs. J'y ai trouvé une étonnante résonance par rapport aux coulisses du cinéma d'aujourd'hui (et à la machine du spectacle des grands circuits d'affaires en général), prompte à faire émerger des étoiles d'un jour et à les planter à la première occasion au profit de nouvelles. Et dire que l'être humain dès lors qu'il détient un tout petit pouvoir répète inlassablement le même scénario de bouffer l'autre ! Petite consolation : en l'occurrence pour une fois, c'est "la vioque" qui reste en vie.
  • LA PORTE S'OUVRE (1950)
    Note : 17/20
    Les titres, "la porte s'ouvre" en français ou "sans issue" en anglais (no way out) : de quoi avoir le tournis... Premier prix du scénario en 1951, fort mal reçu à sa sortie américaine en 1950 (maccarthysme). On mesure le chemin parcouru avec l'élection d'Obama ! Intéressant coup d'oeil sur le passé, quand le fossé entre communautés noire et blanche sévissait. L'acteur Richard Widmark (disparu récemment) incarne la brute qui déverse sa rage sur la cible désignée par l'inconscient collectif, le Docteur Brooks (tout jeune Sydney Poitier), interne noir de cet hôpital, un "inférieur" qui a réussi mieux que lui ! Une institution aux dirigeants évolués, très humains, tributaires des fonds publics (noté au passage que Mankiewicz pointe déjà la notion d'hôpital centre de profit !). Où se passe l'action (nord ou sud ?), la sordide émeute au milieu du métal n'en dévoilera pas davantage... Admirable chef de service (Stephen McNally), la classe incorruptible face à une veuve équivoque (Linda Darnell) que les secousses vont réveiller pour de bon. Bien aimé le jazz à la radio, les voisins de palier, ce sourd-muet dans son monde... En plus de dialogues plaisants à suivre, Mankiewicz s'ingénie à fourrer de la légèreté là où ça coince... Les dernières minutes peuvent être jugées "too much" ou, au contraire, emporter l'adhésion des plus récalcitrants. Le discours est très déclinable au monde ultra-libéral de 2009, suffit de changer les étiquettes. .
  • L'OMBRE D'UN HOMME (1950)
    Note : 19/20
    Une bourgade peu engageante, un office dans une lugubre église, on y pénètre après avoir montré patte blanche... Pendant que le décor se plante, on s'attendrait à une oeuvre poussiéreuse sans grand intérêt s'il n'y avait le jeune Taplow, sa bouille éveillée, la bonhomie du proviseur s'adressant à ses ouailles, les rencontres équivoques sur le parvis. Une pensée plus moderne qu'il n'y paraît : la caméra "appuie" les moments importants comme un surligneur.... Supplier en amour est rarement payant... Mille peines à en vouloir à ce vieux prof soi-disant honni... Et les surprises s'enchaînent, avec des pics émotionnels très pince-sans-rire, "so british". Curieux rivaux d'une noblesse de comportement qui force l'admiration. Coquette la dame ! Le mariage peut vous envoyer loin des gondoles !... Le cadeau de l'élève peut réveiller des souvenirs pour qui a connu des enseignants sur piédestal de façade... La décision prise dans le clair-obscur de Monsieur et Madame peut sidérer comme arracher un rire... Puisse ce film magistralement conduit revenir sur grand écran pour ceux qui l'ignorent... Sinon plusieurs visionnages du dvd autorisent à en savourer les détails.
  • RASHOMON (1950)
    Note : 19/20
    Ce que ce film annonce sous ses trombes d'eau dans un décor à pleurer, cadre complètement avec l'époque présente alors qu'il a été fabriqué en 1950 par Kurosawa, seulement cinq ans après l'horreur atomique Hiroshima/Nagasaki suivies de la capitulation japonaise. Grinçant encore plus si on le relie à la nouvelle qui l'inspira, traitant d'un épisode de paix relative (de 794 à 1185). Le discours aligne cynisme, trash inclus (ce rire de nourrisson qui tricote des pattes !), doute et honte d'avoir douté, désir d'amusement assorti de transgression, retour au partage en attendant le prochain carnage. Duplicité et cupidité y figurent, la lubricité aussi tempérée par l'éclairage à distance du cinéaste, plus intéressé par la folie quel qu'en soit le levier que par un étalage de méchanceté gratuite rapportant gros. Magnifiques plans en vrille sur plusieurs versions toutes ayant leur lot de vraisemblance sauf qu'il y en a une seule de juste à une toute petite subtilité près. Le fait qu'on en sort regonflé à bloc après exercice réflexif justifierait réhabilitation totale auprès de la jeunesse moyennant bref cours d'histoire avant projection.
  • PATTES BLANCHES (1949)
    Note : 17/20
    La campagne bretonne, des caractères bourrus et cette nature venteuse en bord de mer, tout y est pour qu'un drame éclate entre l'auberge et le château. Ambiance bon enfant au départ, trop, ce mari gâteux, et surtout cette servante voulant à tout prix être bossue, qui contraste bizarrement avec une Suzy Delair jouant de ses charmes de façon éhontée... Le plus remarquable aujourd'hui, dans ce film pas tout jeune, est l'indéniable présence de Michel Bouquet, mystérieux et charmant avec sa mèche de mauvais garçon et ce ton de voix unique, il surpasse tous les autres dans son rôle d'intrigant ! A voir plutôt deux fois qu'une.
  • AU FIL DE L'EAU (1949)
    Note : 19/20
    A partir de "The House by the River", publié en 1921 par Allan Patrick Herbert. romancier anglais. La rivière, personnage capital filmé avec d'inquiétants remous, cette carcasse d'animal qui flotte au ras de la maison, une vieille qui tique en voyant une plus jeune quémander une salle de bain fiable... des indices que l'élément liquide va être brassé et rebrassé... La jeune employée jouant de son sex-appeal est le premier piège. Son sourire, sa descente d'escalier d'une démarche lascive n'ont rien de la vierge adolescente. Eh bien Fritz Lang déjoue la déduction qui démange, il préfère qu'elle ne veuille pas ! De bienveillant juste émoustillé suivant du regard la silhouette féminine qui va au bain, le maître de maison reçoit un énième refus d'édition. Un seul plan montre que c'est le coup de massue. Il fait quelques pas dans l'ombre de sa maison, aperçoit sur des marches cette femme éclairée... Et c'est l'élan irrépressible. L'implication du frère, le silence à l'épouse de retour répétant la descente d'escalier... On voit se profiler d'inquiétantes dérives... Ce Stephen Byrne (qu'on devine en ronron conjugal) s'avère le pire patachon qui soit... Son égo démesuré lui barre l'inspiration (pas fortiche pour un écrivain !), il vire au parfait abruti au point de créer par ses manigances le dérapage ultime. Superbe film de Lang ! Bien plus d'écho aujourd'hui qu'à sa sortie étasunienne des années cinquante, ça ne fait pas du tout "vieux"... Un scénario simple, linéaire, des acteurs inconnus mais qui jouent comme des stars ! Une photo en noir et blanc, nette, parlante à la manière des dessins animés. On sent encore la proximité du muet. De remarquables moments (buée du miroir, plongée sur la bonde de la baignoire, eau noire et menaçante de la rivière !). Petit budget et grands effets sur le spectateur avec trois fois rien !
  • SECRET DE FEMME (1948)
    Note : 13/20
    Vu dvd en v.o. (janvier 2009). Certes pas le meilleur du cinéaste rendu à son deuxième long-métrage en 1948... Un noir et blanc terne, une histoire délayée, on languit avec ces chansons sucrées trop sérieuses aujourd'hui, manque l'ironie pour que Maureen O'Hara soit vraiment attachante... Heureusement, les deux actrices offrent un contraste qui tient en haleine après le coup de feu mystère, laquelle reviendra au mâle de service (il aurait gagné à mettre davantage de piment dans son jeu). Belle morale de fin.
  • LA DAME DE SHANGHAI (1948)
    Note : 19/20
    Découvert en dvd (juin 2011). C'est tout à fait palpitant de bout en bout. Et gonflé par rapport à la période de réalisation (tout juste après-guerre). Loin d'être une inconditionnelle de Welles d'habitude à cause de sa mégalomanie et du côté brouillon de ses histoires, j'ai été subjuguée. Sans doute grâce à l'auto-dérision constante qu'il a mis dans le rôle joué par lui-même. Le film aurait été amputé d'une bonne partie et c'est heureux vu le résultat. On est bien baladé, incapables de prendre parti, en plus que d'être émerveillé par ce qui se dévide implacablement en grinçant de délicieuse manière.
  • NOUS AVONS GAGNÉ CE SOIR (1948)
    Note : 18/20
    Visionné le dvd en 2007. Tout est programmé en exactement 1 heure 12 grâce au bon vieux réveil d'antan, du temps réel... Un match de boxe que le héros vieillissant doit perdre, puisqu'une magouille organisée par la mafia du coin, moyennant gros sous, est incontournable. Sans se préoccuper de ce qui se trame à son insu, il a l'intuition qu'il va gagner ce match, et le spectateur le croit. Il est juste désolé en voyant la chaise que sa femme devrait occuper face au ring désespérément vide... Et si au contraire, cela décuplait sa rage de vaincre ? Loin d'être réservé aux seuls initiés, ce film est un régal de petites scènes, la boxe en tant que telle déjà, pas du tout ennuyeuse car pleine de rebondissements, et je pense surtout aux incursions de la caméra dans le public passionné, autant de portraits délicieux. L'errance de l'épouse dans le quartier, sa frêle silhouette surplombant le passage des trains dans le noir inquiète sérieusement... Tout cela est filmé dans un clair-obscur délicat et passe très vite, jusqu'au traquenard de fin, on en sort haletant.
  • LE DIABLE BOITEUX (1948)
    Note : 15/20
    Le film aurait été mal accueilli à sa sortie parce que Guitry supposé pétainiste, sortait de prison (faute de preuve), mais avec une réputation sérieusement entachée, il n'était pas le seul artiste à avoir accepté de travailler sous l'Occupation, période louche, où la délation régnait... Donc, on lui en voulait d'endosser la personnalité de Talleyrand, cette girouette. Vu en vidéocassette en cette fin 2007, où se banalisent, entre autres positionnements fumeux, la "droite virant très à droite", une gauche bien réelle mais décapitée, des stars autoproclamées de tous bords, quelques "transfuges" certifiés prêchant la bonne parole, la finalité de chacun étant "servir la France". Fort bien, mais la vue se brouille devant les résultats : alors, aujourd'hui, entendre un notable dire à ses subalternes "j'ai pris la décision de vous augmenter à la fin du mois : désormais, vous serez cinq au lieu de quatre" fait presque progressiste ! Sacha Guitry cultivait le bonheur qui passe, sans illusions sur les accommodements quotidiens, le pouvoir et l'asservissement sans cesse en parallèle. Pour rentrer dans ce film, il convient de passer sur certains aspects visuels empruntés au théâtre, le laisser plutôt se dévider comme une suite de sketches à la "Pierre Dac" en s'accrochant au texte, aidé par cette voix off semblant revenir parfois d'outre-tombe... Au bout du compte, le personnage martial du début fait place à un fantaisiste plus qu'à un traître, bien que par moments il pousse le bouchon... Un réalisateur/acteur incroyable d'inventivité, génial organisateur d'ambiances loufoques, et surtout brillant dialoguiste.
  • LES CHAUSSONS ROUGES (1948)
    Note : 15/20
    Vu (2008) dvd version originale de ce film musical dont les dialogues sont entièrement "parlés"... Tant mieux, l'aspect ballet, à lui seul académique, ne nuit pas outre mesure au public lambda. Tout réside dans l'intrigue nouée en silence entre le Grand Maître Boris Lermontov, la ballerine Vicky (vraie danseuse écossaise nommée Moira Shearer), et le compositeur Julian (acteur anglais Marius Goring), ces deux derniers personnages intervenant comme "les jouets" de leur bienfaiteur, homme craint et aimé de son équipe, incarné par Anton Walbrook, acteur autrichien (homosexuel dans la vie, rien d'étonnant qu'il ait campé ce spécialistes de femmes rendues inaccessibles en les cantonnant à l'art, sublimées tant qu'il ne leur prend pas l'envie de s'accoupler). Au premier plan, l'emblème des chaussons rouges qui commandent (on les voit souvent, et sous tous les angles), la nouvelle d'Andersen trouve ici toute sa place. C'est assez grandiose dans l'ensemble, j'ai peu apprécié la musique de l'orchestre, sans doute volontairement tourmentée. Outre les courtes apparitions de Ludmilla Tchérina et de Leonide Massine (acteur/danseur russe facétieux), c'est du côté de la mise en scène et des prises de vue qu'on peut trouver Michael Powel et Emeric Pressburger en avance sur leur temps et insuffisamment reconnus. On suit sans effort leurs monstres sacrés gesticulant sur l'écran chacun dans leur passion, le télescopage ne peut qu'être violent, méandres savamment créés, entre cinéma réaliste et fantastique.
  • LA DAME AU MANTEAU D'HERMINE (1948)
    Note : 19/20
    C'est en couleurs et tout de suite accrocheur, un peu épique, toujours plaisant grâce au bon dosage de la comédie musicale et des dialogues parlés. Le manteau d'hermine laissant deviner des jambes parfaites, la sortie des tableaux comme on descend de son lit ou de son cheval, sans oublier le retour dans le cadre. Ainsi font la belle ancêtre et ses compagnons sur le mur selon les événements, le spectateur s'y acclimate sans problème, tout comme il passe de l'aïeule à sa copie conforme plus jeune et sa nuit de noces à la hussarde... On devine l'oeil malicieux de Lubitsch derrière l'agencement des intérieurs et des personnages, avec un pincement tout particulier puisqu'il mourut en début de tournage, causant l'émotion qu'on peut imaginer. Otto Preminger eut à finir le film sans le déformer ni se renier lui-même... Une réussite sur toute la ligne. Le dépaysement est total, il y a le même cadeau fait au public, c'est tellement bien fait qu'on adhère à la personnalité du colonel sans transition de la tyrannie au vague à l'âme de jouvenceau... Les deux styles combinés des cinéastes donnent une croustillante parodie mâtinée de romantisme. Un pur régal ! Jamais d'étalage de combats même si le côté chevaleresque est amplement abordé, à la place le marivaudage habituel et une scène de danse filmée avec grâce sous tous les angles possibles, à croire que tout le plateau dansait !
  • LA BRUNE DE MES REVES (1947)
    Note : 11/20
    Ennui profond lors de cette satire de film noir. Hé bien, je préfère les vrais films noirs, affectionne donc très modérément qu'on les singe. Surtout si le scénario est à tiroirs pour faire languir, on se balade plus qu'on attend un scoop, avec ces répliques ressemblant à du remplissage. Les acteurs semblent s'emm... ferme ! Quant à "La brune des rêves" en question, Dorothy Lamour, qui aurait pu apporter sa part de surprise, fait très peu d'étincelles dans cette histoire... Pas plus de chance côté séduction masculine et rire, Bob Hope, vedette incontestée, me taperait plutôt sur les nerfs !
  • LE CHARLATAN (1947)
    Note : 18/20
    On dit que l'acteur Tyrone Power tenait absolument à jouer ce rôle, au grand dam de l'entourage professionnel qui, jusque-là, le cantonnait en beau type sentimental, toujours ce mythe du vernis sous lequel il n'y a rien à gratter... Passant outre, on peut constater qu'il a mis tout son coeur à incarner les états menant du succès à la déchéance, et sans qu'on en soit dérangé une seule seconde, presque une suite logique du récit, on marche, on court même !... Ce film envoûtant présente une succession d'ombres croisées, chacun y allant de son petit pouvoir, un film dit "noir", mais avec une sérieuse connotation fantastique. Très grande qualité à tous points de vue, côté dialogues aussi on est particulièrement gâtés, à voir et à revoir, et autant que possible en v.o. !
  • DEUX SOEURS VIVAIENT EN PAIX (1947)
    Note : 16/20
    A voir en v.o. pour en goûter toute la finesse. On passe un bon moment, surtout si l'on réalise que cette comédie très enlevée fut tournée en plein maccarthysme, période où on ne rigolait pas vraiment. Et pourtant, charme fou des dialogues, des situations, des interprètes, chacun à son affaire, y compris cet oncle psy... Ce délicieux quart d'heure où les portes claquent les unes après les autres. On est en 1947, les familles recommencent à se chamailler comme avant guerre, c'est présenté comme étant bon signe... Le petit plus, en dehors du piquant créé par Cary Grant virevoltant entre les deux soeurs, est le tempérament de "la juge", une fausse froide qui laisse mijoter son attirance comme elle le ferait d'une enquête minutieuse, avec des moments de doute, mais si peu, car il faut bien se lancer sans avoir l'air d'y toucher. Au moment où on croit tout compromis, il suffit donc d'un billet d'avion.
  • LE MUR INVISIBLE (1947)
    Note : 17/20
    Très indiqué de visionner cette perle d'Elia Kazan (de 1947) en 2009, époque aux relents d'obscurantisme par bien des aspects. L'explication de l'antisémitisme vaut aussi pour le racisme pour raison de couleur de peau, "les sales pauvres", "les jeunes ou les vieux c..." tout pareil... Voici le traitement complet du rejet de "l'autre", l'indésirable, pour évacuer sa propre face obscure. Non seulement dans l'insulte qui échappe, mieux, dans la mise à l'écart "entendue", qu'on décèle aux expressions, aux actes, aux humeurs, au silence créant une tension... Bien sûr, c'est hollywoodien par nécessité mais Kazan a migré de sa Turquie natale, de sa Grèce enfantine, vers les Etats-Unis : il "sait de quoi il retourne"... S'ingénie ici à dénoncer ce penchant collectif séculaire conduisant à rameuter ses semblables pour en écarter une catégorie dès lors affublée de tous les maux. Une attitude ignorée des enfants, qu'on attrape au contact du monde adulte. Comment venir à bout de cette tare ? Kazan fait endosser à l'acteur Gregory Peck l'identité juive qu'il n'a pas. Artificiel, mais rien de tel pour en rendre compte au public par le biais du journalisme. Un film audacieux, juste après la Libération ! Et tant pis si ce cinéaste continue d'alimenter une polémique post-mortem, le contenu de son film sert à l'heure H !  .
  • LE NARCISSE NOIR (1947)
    Note : 18/20
    Découvert en avril 2011. Ainsi donc, des nonnes vont ouvrir un dispensaire dans un ancien harem. La voix doucereuse de l'agent anglais, seul interlocuteur autochtone déjà sur place, se fait entendre, alors que chacun s'arrête sur la beauté virginale de la Soeur Clodagh... Entièrement tourné en studio ? On est véritablement parachuté sur les hauteurs himalayennes. Illusion totale malgré la date du film : 1947 ! Des couleurs tout droit sorties d'une palette de peintre, l'austère bâtisse très haut perchée, et son à pic au ras duquel on va sonner la cloche, un poste bien vertigineux, plus vrai que nature... Surtout que tout en bas, dans la vallée, on a compris qu'il y a comme un vestige des frasques d'antan, ce Dean, en short bien décontracté, ça va lui démanger de taquiner ces prudes dames à sa merci ! Comme manière d'installer chaque élément du puzzle, vient à l'esprit "Le Fleuve" de Jean Renoir (même auteure-scénariste). Sur le fond, on dirait un érotique de l'amour courtois... Ces malheureuses loin de leurs racines forcée à appeler au secours le seul Tarzan de service, voilà qui crée un étau d'où peut émerger n'importe quoi... En contrepoint, semble veiller sur elles comme sur tout le reste, un genre de Buddha décharné. Ces dames abattent un travail toujours plus harassant, chacune sa spécialité, autour de la chef de mission, Clodagh qu'on sent solide, Ruth,la fragile (ou caractérielle) restant l'obstacle principal. Beaucoup moins pieux qu'il n'y paraît ! Il s'agit bien davantage d'une pertinente description des différentes facettes féminines lors d'une fréquentation rendue obligatoire avec le sexe opposé. A déplorer la torture que la bande-son inflige par moments aux tympans. A retenir l'extrême élégance des derniers plans qui, par identification, peuvent consoler d'être une femme !
  • LA FOLLE INGENUE (1946)
    Note : 19/20
    Qui c'est ? dixit notre regretté Fernand Raynaud ... A voir en v.o. de préférence, même pour les raclements de gorge ce sera mieux... Après un entretien téléphonique, deux coups de sonnette, enfin le plombier... Déboule une apparition (Jennifer Jones), physique à mi-chemin entre l'actrice Liz Taylor jeune et la chanteuse Kate Bush). Pétillante mais efficace, elle enlève un bas, et s'installe sous l'évier de cet intérieur anglais très convenable. Les yeux grand ouverts, elle cause à ces deux hommes en maniant le marteau. Les canalisations se débouchent... Qu'est-ce à dire, surtout pour l'époque, loin d'être permissive (aube de deuxième guerre mondiale) ? Notons au passage qu'un prétendu apatride fuyant le nazisme (Charles Boyer), est intrigué plus que de raison, tandis que la jeune fille, trop sensible à l'apéritif, est expédiée à la campagne. Prétexte à une série d'égratignures de la bonne société, émaillée de citations de Shakespeare sur fond de marivaudage en zigzag. Alerte, cette Cluny Brown, pour faire tout le contraire de ce que sa nature lui dicte, il faut un minimum de bienséance garder. On retrouve là un peu de la complicité du couple souvent reprise ensuite par Hitchcock, évitements prétextes à toutes sortes de loufoqueries à offrir au spectateur, et aussi cette désinvolture des aspirants à la liberté (cette manière de jeter des vêtements par la fenêtre du train). Très jolies images euphoriques de fin, ce léger vertige féminin avec ces journalistes bienveillants (Lubitsch était cardiaque). Le tout n'a pas pris un gramme de poussière, on peut le visionner en 2007 avec délectation.
  • LE GRAND SOMMEIL (1946)
    Note : 14/20
    Vidéocassette v.o. revisitée en 2008. Et toujours rien compris. Trop fouillis. Agacée par la gratuité des répliques à l'accent américain traînant autour d'un verre, un soporifique en ce qui me concerne, à ce tarif, plus les images avancent, plus la déconnexion m'étreint... Mais enfin, comme c'est filmé avec talent, je mets une note "d'atmosphère générale" : pour le vieux paralysé dans sa serre, qui boit et fume par Marlowe interposé, les apparitions de sa première fille en mal d'amour hébétée par l'alcool, hommage à la seconde, ce charisme qui a fait ses preuves depuis. Bogard tout seul, d'office imbu, est souvent exécrable... Les pistes de l'enquête, ici sont enchevêtrées comme rarement, reste donc un étau dont il faut s'arranger. La magie du couple "Bacall/Bogart" fera date. Chat et souris en l'occurrence, ils se livrent à un verbiage exhibitionniste faute d'enjeu suffisant, j'ai peiné à suivre.
  • LA VIE EST BELLE (1946)
    Note : 16/20
    Il s'agit bien de la version originale de "LA VIE EST BELLE" (A wonderful life) de Frank CAPRA datant de 1946, à ne pas confondre avec le film de BENIGNI plus récent et qui a le même titre. Ici, ça se passe aux Etats-Unis juste après la dernière guerre et le message s'adresse à tous les déprimés, alcooliques, prostituées, et autres crève-la-faim, afin de leur redonner goût à la vie. Astres scintillants bavards, qui font songer au facétieux Woody Allen... Décors hollywoodiens impressionnants, effets de neige nouveau style... L'eau froide y est primordiale, le héros y tombe petit et en restera sourd jusqu'à ce que son ange-gardien vienne le sauver d'un autre plongeon, toujours en eau glacée. Entretemps, il aura dansé avec sa dulcinée (une perle), toute la noce se jetant allègrement dans la piscine... Large place faite aux enfants, à la détresse passagère qu'il faut bien dépasser. Je déplore que le personnage principal petit (futur macho aux yeux bruns) ressemble aussi peu à l'adulte, James Stewart aux yeux clairs. Mais sinon, en v.o., c'est délicieux de bout en bout (salle du Cinématographe nantais pleine un samedi à 18 heures 30). On a tout le loisir de s'imaginer disparu, avantages et inconvénients défilent, relativisant nos ennuis financiers qui massacrent tout le reste. Le business d'après-guerre ressemble à s'y méprendre à celui de 2008 (même rouerie, mêmes éliminations), raison de plus pour vous déplacer en salle si possible ou pour vous procurer le dvd.
  • LES ASSASSINS SONT PARMI NOUS (1946)
    Note : 16/20
    Cycle RDA de janvier 2009 (Cinématographe de Nantes) : c'est un film très fort dans sa portée ! On est dans le Berlin dévasté au lendemain de la Seconde Guerre (très belle photo en noir et blanc contrasté comme dans les films noirs, avec musique stridente aux moments cruciaux...). Revenus de l'indicible chacun à leur manière, ils décident la vie commune dans ce qui reste d'habitable : homme et femme qui se plaisent, on le pressent, quoiqu'il soit vraiment très ténébreux, ce chirurgien, contrairement à elle, requinquée d'être en vie, heureuse de fêter Noël par un beau sapin... Se positionner entre la défense de son peuple et user de "raffinements" sous prétexte que "c'est la guerre", on fait quoi en sortant du chaos, le plus fort ici est bien d'avoir réussi que le spectateur repousse toujours l'idée de vengeance, au profit d'une autre alternative, au demeurant plus civilisée. Après bien des méandres, tout s'éclaire par l'apparition d'un bon père de famille, après une drôle de lettre tombée sur un plancher, le bonhomme a une bille sympathique, certes un peu onctueux, mais affable avec ses employés, ne serait-ce ce flash-back, et aussi ce pistolet rendu... Compte tenu des difficultés au sortir de la guerre, qui occasionna la refonte complète du dénouement, ce film semblerait relever du miracle. Très belle réflexion, Ô combien d'actualité en ce début 2009, où l'innocence continue à être sacrifiée chaque seconde !
  • LE MAITRE DE LA PRAIRIE (1946)
    Note : 16/20
    Macho peut-être comme le voulaient les bonnes moeurs d'antan, mais tyrannique pas si sûr si on considère la fin du film... Etrange résonance écologique en 2009 que ce dvd dans sa version originale... Je trouve le résumé du film très "vaches grasses"... Une belle prairie sous le vent vaut son prix aujourd'hui, ainsi que d'y laisser paître nos bovidés, sinon on fait table rase des monocultures appauvrissant sols et populations locales, en tous cas si l'eau est insuffisante... Et du côté intrigue amoureuse aussi ça reprend du service au vingt et unième siècle ! Ici, le dérapage féminin est dû à un déséquilibre affectif chez ces deux passionnés dont l'un veut que l'autre lui soit soumis afin de faire simple (remarquables Spencer Tracy et Katherine Hepburn)... Ce film a peut-être accumulé la poussière durant "Les Trente Glorieuses", où divorce rimait avec disgrâce. Mais à présent, les familles recomposées sont presque devenues la norme, ainsi que les frictions au sujet des géniteurs... Tourné comme un western peinard, on sent bien la fibre psychologique d'Elia Kazan, homme de caractère, à vif sur la notion d'exil, séparation entre frères et soeurs, débrouillardise, revers de fortune, toutes choses pouvant desserrer ou resserrer les liens... Bref, un film reprenant des couleurs, en tous cas pour ceux à qui la vie présente de gros défis à relever.
  • DUEL AU SOLEIL (1946)
    Note : 17/20
    Grand classique de "l'amour vache". Il convient de se replacer à l'époque de la réalisation, entre péplum et grande fresque sociale, des budgets colossaux ainsi que mille tourments pour que le film aboutisse. Jennifer Jones dans ce rôle de Pearl, belle au sang mêlé moitié blanche moitié indienne, vient jeter le trouble dans une famille jusque-là sans elle : je l'aurais préférée plus sauvage dans les manières, mais enfin il s'agit de 1946, la femme sexy fait un minimum de moues pour attirer dans ses filets l'un puis l'autre frère (Gregory Peck et Joseph Cotten)... En fait tout l'intérêt réside dans l'aller-retour constant de ce triangle infernal de Pearl et les deux hommes, plus le père, cadenassé dans ses convictions puristes. Les seconds rôles s'incorporent parfaitement aux acteurs principaux. Ambiance de western, mais où le sentiment prévaut sur l'action pure. Décors flamboyants, prises de vue enchanteresses encore en 2009 !
  • ANTOINE ET ANTOINETTE (1946)
    Note : 16/20
    Gagner gros à la loterie en 1947 et perdre le billet, faut-il être ballot... L'occasion, pour Jacques Becker, de dépeindre les foules urbaines de l'après-guerre, marchands et consommateurs en pleine possession de leurs moyens. Des attentions les uns pour les autres, inclus travers et coups de sang. C'est de parti pris pour les petites gens. Contre le patronat rapace peu ou prou... A travers le portrait du petit couple uni entre métro et home sweet home, on sent pointer les générations futures, confort des Trente Glorieuses, la possibilité de tirer son épingle du jeu sans se ruiner en déplacements et psychotropes. Plaisant à regarder et utile pour comparer avec la période post 2000, quand trouver l'emploi pérenne devient parcours du combattant. Seul le frétillant Roland (Noël Roquevert) à l'oeil fixé sur tout jupon potentiel, semble caricature à peine exagérée des nantis contemporains.
  • LES MAUDITS (1946)
    Note : 19/20
    19,5/20 : En visionnant en 2014 cette mutinerie reléguée aux abysses comme poussière sous un tapis, on mesure l'effet des engouements collectifs. Ainsi, de La Nouvelle Vague, imposée comme référence, et qui écarta toute oeuvre suspectée "trop classique. Il semblerait pourtant que René Clément, gommé comme un gêneur has been (reconnu outre-Atlantique surtout, et par des pointures comme Hitchcock à ce qu'on dit) aurait fait aussi bien, sinon mieux, que "Jeux Interdits" (1952) ou "La Bataille du Rail" (1946). Les Maudits, film méconnu, et pourtant ciselé, haletant, truffé de prouesses techniques encore maintenant, où filmer en studio des séquences aussi proches du réel serait manie d'évaporé, outre la ruine ! Le cinéaste aurait raffolé de navigation, rattrapant sa routine conjugale penché sur les mécaniques compliquées, facilement identifié à ses jeunes acteurs masculins, plutôt sec avec ses actrices. Le spectateur cherche de l'air dans l'étau, ce bateau camouflé sous des mètres de fond qui remonte quand ça lui chante... La mutinerie qui l'accompagne combine l'enfermement d'un groupe humain et la "bonne histoire". Pour qui aime rembobiner les séquences les plus spectaculaires, encore plus quand elles s'inscrivent dans un scénario millimétré, avec des destinées individuelles qui désarçonnent. Incisif regard, parti pris en creux. Echo avec notre époque de surexcitation permanente, René Clément semble dire d'outre-tombe, "voyez le processus, un cynisme crescendo jusqu'au cataclysme et puis"... Sorti salles 1946/1947 ou, en tous temps l'après-folie collective, toutes cartouches grillées. Sans que ce soit nihiliste, désespéré, à se f... une balle ! A l'inverse de quelques critiques déplorant le ton monocorde des personnages, je trouve qu'il se justifie car tous les cerveaux, pro-nazis ou pas, reviennent de l'horreur véritable.
  • LE RÉCUPÉRATEUR DE CADAVRES (1945)
    Note : 16/20
    Vu en v.o. sur vidéo-cassette en 2007, cet étrange film de 1945. Sans atteindre la virtuosité du fameux "The Set-Up" ("Nous avons gagné ce soir", sur la boxe, de 1948), cette incursion dans le monde d'un croquemort pragmatique procure un effroi, mais sans trop travailler la couenne... Et c'est grâce aux points de détails des scènes (par exemple le rôle du chat, la chanteuse des rues qui se fond dans le brouillard). L'ambiance mortuaire est filmée de façon "soft", pour ménager le spectateur, le tenir hors de la panique d'un réalisme effroyable du type conte d'Andersen, qui terrorise quand on est enfant. Non, ici, on a envie de découvrir jusqu'où l'horreur peut conduire son homme, mais posément, de loin, l'humour macabre prenant le pas sur le contexte. Du reste, autrement le résultat était immonde, à cent lieues du registre fantastique. Pour l'époque, avec des effets spéciaux tout simples, le frisson est garanti (et sans cauchemar ensuite), une oeuvre infiniment moins rebutante qu'il y paraîtrait de prime abord.
  • BOULE DE SUIF (1945)
    Note : 17/20
    Une tragi-comédie de Maupassant, admirablement retranscrite sous la plume d'Henri Jeanson. Une mise en scène et des dialogues franco-allemands toujours savoureux, pas le moins du monde défraîchis en 2008... Dans la ribambelle de "figures" qui défilent, la fraîche Micheline Presle campe gaillardement la prostituée raillée par la populace mais qui assume sans ciller sa trajectoire, la bonne fille partageuse de pique-nique quand la faim n'est plus tenable, tout comme le refus de l'ennemi voulant lui passer sur le corps. Rien de tel pour faire l'admiration de l'intellectuel présent, lequel permet une issue difficilement condamnable. Dans la galerie prussienne, à la fois glaçante et cocasse, restera gravé dans les mémoires, le Lieutenant Fifi, tortionnaire implacable que le champagne va conduire à négliger le petit détail qui tue.
  • L'ESPRIT S'AMUSE (1945)
    Note : 16/20
    Projeté à Univerciné Britannique Nantes décembre 2011. Excellent divertissement en technicolor, alerte, avec de bons mots réguliers. Ils sont tous au mieux de leur forme au sortir de la guerre ces acteurs qui se rient de la mort. C'est tiré d'une pièce passant en revue les petites taquineries du couple encore épris qui virent aux squelettes ressortant du placard, de quoi se projeter pour de vrai grâce à la superposition d'images, dans l'éternelle et mutuelle hantise de la concurrence. Savoureux personnages, en premier Elvira la fantômette verte à l'accent traînant, la bonne, une brave fille qui trotte dès qu'on l'appelle, le couple bien installé dans son ronron qui en vient aux tirades assassines. Fracassante arrivée de la voyante, elle captive d'entrée de jeu bien qu'on puisse ensuite s'ennuyer de démonstrations très laborieuses. Curieux aussi qu'il faille aller jusqu'à la dernière image, ce pont qui donne des ailes, pour comprendre le soudain flegme masculin du deux fois veuf.
  • LA RUE ROUGE (1945)
    Note : 19/20
    Ce film, d'une facture irréprochable si l'on excepte la patine sur le dvd (version non restaurée), serait une énième version de "La Chienne" de Renoir. Admettons pour ce qui est des principaux ingrédients. Lang se reconnaît immédiatement, à son ironie venue des tréfonds émaillée de quelques signes laconiques, au choix des acteurs évidemment aussi... L'étau s'ébauche, ce héros à voix douce vanté par son supérieur a vraiment une trop bonne tête ! Le pot de travail en introduction est écourté par la vision éclair d'une créature qui émoustille ces fonctionnaires avant de rentrer au bercail. Voici deux hommes sortant de l'entreprise, dont ce débonnaire caissier qu'une épouse acariâtre tient notoirement en tenaille. Soudain la caméra fonce sur une femme à terre au loin. De plus près, son imperméable bon marché allié à d'autres détails alertent sur ses goûts. Et c'est l'engrenage de l'homme d'office perdu pour avoir cru que "tout ce qui brille, etc."... Le spectateur croyant deviner l'issue n'a pas fini d'être baladé entre la grande bringue et son comparse tout aussi coloré. Bassesses de la chair et argent-roi, le vertige fatal... Cette oeuvre ciselée de 1945 est pur délice en 2012 !
  • ARSENIC ET VIEILLES DENTELLES (1944)
    Note : 15/20
    Revu en décembre 2007 cette comédie de Capra en dvd. Toujours très divertissant malgré les toiles d'araignée ou peut-être même en raison d'elles ? Juste un peu longuet par moments, je pense par exemple à la scène prolongée de Mortimer attaché sur la chaise dans d'interminables contorsions. Pour le reste, d'entrée de jeu, ces deux tantes angéliques, surtout celle qui trottine en balançant ses généreuses rondeurs d'une pièce à l'autre, laissent deviner qu'au moins un cadavre sera découvert, Agatha Christie oblige. En attendant, Cary Grant et sa blonde épouse vont traverser mille épreuves dans cette maison de fous, où un chauffeur de taxi stationne en perpétuelle attente. Très vite, on adhère au délire ambiant, comme de vieux habitués toujours bien reçus répugnant à tout sens moral. Que Mortimer convole en justes noces ou pas, il est débrouillard... En fait, une seule question taraude : ces deux vieilles dames si craquantes vont-elles prendre perpète ?
  • LIFEBOAT (1944)
    Note : 18/20
    Découvert au "Cinématographe" nantais en v.o. en juin 2008 et tout de suite conquise, le temps de s'habituer au style de tournage, visiblement en studio, mais plus l'action avance, moins on s'en souvient. Sûr qu'il en a fallu des astuces techniques pour figurer cette mer, omniprésente, j'en ai encore le tournis... Une oeuvre dite "de propagande", plébiscitée puis aussitôt décriée à sa sortie (pas de quoi puisque le nazisme y est condamné au profit de la solidarité humaine dans l'ultime) ! La "patte" du maître est bien là, son espièglerie, chacun devrait en prendre pour son grade... Au départ, quelques nappes de brouillard, des signes brefs de naufrage et focus sur une lady fumant cigarette, son bas a juste filé (énigmatique Tallulah Bankhead), s'approche un premier rescapé qu'elle filme (très beau et intemporel John Hodiak), d'autres mains venant ensuite s'agripper au rafiot... Le spectateur embarque pour un peu plus d'une heure et demie de chaloupe avec ces neuf tourneboulés... Dépouillement progressif, drames mais aussi quelques gags (l'envol des cartes, la cuite du futur opéré)... Une excellente confrontation de caractères, non plus à la guerre mais "au milieu de rien", avec des dialogues de Steinbeck qui renforcent au centuple la malice hitchcockienne !
  • SCANDALE À LA COUR (1944)
    Note : 16/20
    Vaut surtout par les dialogues, l'interprétation, notamment la personnalité de Tallulah Bankhead (déjà repérable dans "Lifeboat" de Hitchcock) : cette actrice a "une gueule", ainsi qu'une voix l'autorisant aux rôles extrêmes, elle a dû bien s'éclater en despote pince-sans-rire ! Otto Preminger aurait succédé à Ernst Lubitsch défaillant en plein milieu du tournage, mais ça n'enlève rien à la truculence générale... Nous suivons "La Grande Catherine" de Russie en plein exercice, un caractère plus que trempé, avec une Cour qui doit contourner "les caprices du trône" : on sourit d'emblée, vaguements inquiets, à tort, ça monte d'un cran lorsque la dame balance sa coupe de champagne par-dessus son épaule après avoir trinqué avec Alexaï, jeune homme impétueux qui fera valser plus d'un verre... Remarquable également : la diction, avis à ceux qui aiment revisiter leur anglais sans s'en rendre compte. Une comédie en noir et blanc fort bien troussée, très regardable encore en 2009 !
  • LA CAGE AUX ROSSIGNOLS (1944)
    Note : 16/20
    Réussi à m'accrocher à ce dvd de 2004. Malgré la mauvaise presse ayant entouré son remake "Les Choristes"... Paradoxal que les deux films y soient vantés, celui de Jean Dréville et sa remise au goût du jour par Christophe Barratier, ce dernier présent dans les bonus, notamment dans une interview avec le "Laugier", le petit blond à la voix d'or transformé en sexagénaire tout aussi attachant car peu sensible aux hommages appuyés, ce qui l'aurait conduit à tuer dans l'oeuf une trajectoire cinématographique pourtant prometteuse. Ce film, certes un peu poussiéreux dans son approche, est précieux pour sa mise en avant de l'éducation. Plaisir de retrouver la délectable "Nuit de Rameau", tube de l'époque des Petits Chanteurs à la Croix de Bois, voix fraîches et jeunes novices excellemment dirigés. Une entreprise colossale dans un contexte de fin de guerre corsé puisqu'avant de clore le film, Noël-Noël se volatilisait, on le crut mort... Intéressant à connaître aussi pour entrevoir, à travers le mariage à grande volée de cloches, cette ruée vers la procréation de nos parents dans le religieux "croissez-multipliez", c'est-à-dire l'enfance sous l'occupation allemande et l'âge adulte sans reprendre souffle. Cette "Cage aux rossignols" prévaut sans façon sur "Les Choristes" du fait que la seconde version fait un peu "plagiat" et ouvre sur une amertume regrettable. .
  • FALBALAS (1944)
    Note : 17/20
    Un film commençant par la fin et qui, grâce au choix de distribution, fait d'office préférer le mari. Le couturier (Raymond Rouleau, tête à claques d'emblée) est à peu près naturel avec ses plus vieilles employées (Jeanne Fusier-Gir confondante en couturière inoxydable). Dès qu'il le peut, Philippe Clarence devient joueur, enfant gâté qui ne se refuse rien, sa collaboratrice, houspillée ou suppliée épongeant toutes ses frasques. Tomber sous le charme du jeune patron c'est monter dans un train où il faut sauter en marche. Micheline Presle aime plaire, s'autorise l'attendrissement puis se réveille (stupeur visible à l'image) dans une prise de risque calculée qui vire à l'estocade (plans très rapprochés en champ contre-champ plus parlants que les mots). Le colosse aux pieds d'argile tangue alors sans rémission... Que le tournage dans Paris sous l'Occupation ait cumulé les coupures de courant n'affecte en rien la montée de l'orage entre désir de pouvoir et refus d'être la énième au tableau de chasse. Etonnant comme semble inaltérable le milieu de la mode, les silhouettes diaphanes, les tissus luxueux, les chapeaux féminins imposants (et qui se gardent sur la tête à table !). On ouvre et ferme avec élégance beaucoup de portes dans ce drame qui fait plaisir en 2012 avec son incitation à la maturité sentimentale des deux sexes.
  • LUMIERE D'ÉTÉ (1943)
    Note : 19/20
    Ce petit chef-d'oeuvre en noir et blanc est sorti à Paris en 1943. Tourné majoritairement en studio, c'est quand même un miracle qu'il ait pu aboutir en temps de guerre, il fallait simuler au mieux ces décors dans les airs autour du barrage (ambiance de rails, du train avec sa sirène). Visionné en vidéo-cassette au casque en mars 2007. J'ai noté d'incessants petits bruits de fond qui ajoutent de la poésie aux situations, même si parfois on est à la limite de se demander s'ils sont vraiment tous voulus ?...). Il n'empêche que c'est un enchantement de bout en bout dès lors qu'on s'extrait des courants de pensée et des effets cinématographiques d'aujourd'hui. Même style d'intrigue et stéréotypes que "Pattes Blanches" sorti plus tard (et tout aussi fascinant). Toujours cette judicieuse manière d'amener le danger par la faute "d'un énergumène". Dialogues savoureux, et aussi très efficaces de Jacques Prévert. Luminosité de Madeleine Robinson jeune, face à la fragilité de Madeleine Renaud puissante puis flouée, et cet incroyable beau jeune homme intemporel. La scène de la fête, cette liesse (sans doute en réaction à la guerre) donne envie de traverser l'écran pour danser avec les acteurs. Et dire que tout commence par un charmant autocar vu de très haut en accéléré, suivi un peu plus tard de ce phare de moto qui joue à cache-cache avec le spectateur : Jean Grémillon, un peu comme Hitchcock, savait assaisonner ses cataclysmes ! A conseiller sur les chaînes télévisées du prochain gouvernement français en milieu de soirée.
  • POUR QUI SONNE LE GLAS (1943)
    Note : 16/20
    Visionné le dvd en v.o. en juin 2007 : somptueux sur le plan de l'image grâce au jeu entre ombre et lumière empruntés aux bons westerns ! Vite, on devine le sort du héros par les lignes de la main, sans trop savoir... C'est très long, avec des détails sur les tortures infligées d'un camp à l'autre, et ces retours de manivelle du satané Pablo, personnage déroutant mais nécessaire. Ils sont tous pittoresques, ces montagnards... Toutefois, c'est Pilar, maîtresse-femme, qui force le respect. Enfin, on se demande bien si l'Américain va finir par s'occuper du pont... Nous sommes gâtés côté intrigue : le couple Cooper/Bergman est divinement bien assorti et fait fondre dès la première mise en présence (physiques intemporels) dans un dialogue d'affamés qui se retiennent, avec cette menace qui plane. On sent la patte d'Hemingway derrière tout ça, surtout dans les toutes dernières minutes, cette manière de planter là le spectateur abasourdi.
  • GHOSTS ON THE LOOSE (1943)
    Note : 12/20
    Il y a beau avoir à l'affiche Bela Lugosi et Ava Gardner (sans le panache qu'on lui a connu ensuite), cette comédie d'une petite bande de potes fatigue plus qu'elle ne fait rire, trop légère pour nous asséner le nazisme en tant qu'espion fétiche, respectable pour l'époque mais vraiment trop lourdingue sur dvd en 2009... J'ai zappé sans trêve ces bavardes déambulations dans des pièces anonymes, et ouf, suis enfin arrivée au dénouement. Très "pétard mouillé" quand on y repense quelques jours plus tard, l'impression d'une grosse farce qui débouche sur quelque chose d'anachronique.  .
  • JOUR DE COLERE (1943)
    Note : 18/20
    l'austérité ambiante rapppelle les premiers Bergman, la manière de "sonder" la jeune femme aussi, elle ferait assez années soixante avec sa chevelure échappant des bandeaux, cette souplesse d'allure plus elle se décontracte, c'est sûrement la plus humaine du lot. Bon point pour les tenues vestimentaires, en particulier le grand col du pasteur... Assez vite, on assiste à la description détaillée d'une moyenâgeuse hérésie : supplice, cérémonial, choeurs d'enfants (1623, ça correspondrait à Louis XIII et Richelieu, Molière aussi, chez nous)... Ce pasteur danois est rongé par un caprice bien humain, ça le rendrait plutôt sympathique si l'on ne pénétrait dans l'intériorité de cet obsédé du péché, sur lequel la mère veille furieusement, aux côtés d'une jolie épouse plus jeune que le fiston en visite, issu d'une première union... C'est plein de symboles picturaux ou sonores. Du grand art, que ce soient les prises de vue en intérieur, ou les échappées en extérieur, ces dernières étant parfois un peu plus riantes. Subtils jeux d'ombre et de lumière,la caméra suit les intervenants à la trace, avec une préférence pour les visages, le point de mire restant ces jeunes yeux féminins hérités d'une génitrice posant question... A voir ou revoir en version originale. Et à conseiller aux jeunes ingénues de nos mâles sociétés actuelles, promptes à dire la vérité, toute la vérité, parfois le vague a son charme.
  • LE CIEL PEUT ATTENDRE (1943)
    Note : 17/20
    Un grand classique d'Ernst Lubitsch sur l'adultère qu'un homme se reproche d'avoir commis malgré une épouse fidèle et resplendissante à ses côtés. Film réalisé pendant la seconde guerre mondiale, sorti en 1946, de retour des affrontements, l'indulgence prévalait sur ces petits dérapages masculins. Laura est si belle qu'Henry Van Cleeve doit la tromper pour être sûr de ses armes, surtout qu'elle lit en lui, parfois avant lui (bien aimé le coup de la bedaine qui rassure) ! On a l'impression d'être à la caméra tellement celle-ci se faufile au ras des acteurs jouant au chat et à la souris... Héroïque tempérament de la dame avec ce mari facétieux (la fameuse incitation de "fermer les yeux" chère à nos grands-mères, le célibat pour une femme a longtemps été une disgrâce, quant au divorce, il balbutiait en ce temps-là même outre-Atlantique...). Poésie, humour et réflexion se succèdent, l'amour saute aux yeux, hormis la fausse note de la maladie grave, la beauté balayée du jour au lendemain et qui fait foncer notre homme directement chez Lucifer.
  • LES PETITES DU QUAI AUX FLEURS (1943)
    Note : 14/20
    L'entrée en matière et l'issue se tiennent malgré la confusion qui s'invite au bout d'un quart d'heure. On compatit totalement avec ce père sans compagne obligé de se coltiner les frasques de ses quatre filles dont une, amoureuse du prétendant de sa soeur, veut se supprimer. Or, ce valeureux père constitue la prestation la plus attachante du lot, charmant, on l'excuse d'avance quel que soit son comportement (impayable quand il pousse la chansonnette !), on voudrait le déplacer dans un film qui en dirait plus et mieux. Il y a bien Bernard Blier en sauveur désintéressé, la juvénile Danièle Delorme si vive, si naturelle, le distingué Gérard Philipe si beau, si grave, des présences indéniables sauf qu'elles tournent à vide... On oublie vite les autres têtes d'affiche, hélas desservies par des échanges bavards, des situations trop peu reliées entre elles... Un tournage à Paris avec scénario au synopsis prometteur probablement gâchés par quelque calamité due à la guerre (sortie officielle en 1944).
  • L'HONORABLE CATHERINE (1942)
    Note : 16/20
    Cette comédie de 1942, donc tournée en pleine guerre, pour ne pas dire "à la barbe des Nazis", explique le plaisir que visiblement les acteurs prennent dans leurs débordements en jouant les convives éméchés (hoquets, jambes de laine, et même léger surjeu d'Edwige Feuillère, mais dans ce rôle de rouée, c'est bienvenu). Ce n'est pas un marivaudage d'aujourd'hui, trop désuet, la marchande de pendules débarquant chez ses victimes, son bagout ferait trop toc, dehors vite fait. Mais enfin, de ce scénario signé Henri Jeanson, la dialoguiste a su tirer le meilleur parti pour la postérité, la caméra est bien dirigée, l'ensemble bien ficelé. Sans doute cette oeuvre a-t-elle permis à l'équipe de tournage de survivre à la sinistrose de l'époque (à garder en tête pour pouvoir apprécier doublement en 2008).
  • LES BOURREAUX MEURENT AUSSI (1942)
    Note : 18/20
    Découvert en v.o. sur vidéocassette. Le début, cette arrivée d'un monstre nazi parmi les monstres au pouvoir en 1943, est proprement ahurissant, on se dit "plus jamais ça" en Europe de grâce... Tant mieux donc, si c'est tiré d'événements proches de la réalité de ce temps-là, vue par deux exilés, précieux témoins pour la postérité. On sent bien la présence de Bertold Brecht jointe à celle de Fritz Lang pour le scénario, touffu, plein de rebondissements, une morale qui prône le libre arbitre, la culture avec esprit de discernement et action en rapport, avec cette incroyable chute, Ô combien jouissive, qui fait des victimes et résistants en temps de guerre des bourreaux fiers de l'être, simple monnaie de la pièce ! On devrait faire étudier cet excellent film en Histoire à l'école française en 2008 afin de fortifier les enfants du CAC40 (en cas de retour d'une forme de barbarie comparable), un bon complément à la commémoration des morts et des esclaves !
  • ANIKI-BOBO (1942)
    Note : 18/20
    Découvert en 2008 cette charmante vidéocassette v.o., certes du noir et blanc, mais c'est un perpétuel clair-obscur dont on ne souffre pas une seconde. Ombres et lumière alternent dans cet été portugais, l'image est un raffinement constant et la caméra offre toutes sortes d'angles : la baignade à même le port, les galopades dans les ruelles avec ces matrones ébahies, les hauteurs d'où on nargue le tortillard, on court au rythme de ces galopins en ébullition... Un conte réaliste ? Le style suggère à la fois les films italiens de l'après-guerre ou les tire-larmes espagnols avec Joselito. Sauf que c'est encore plus profond, plein de gags audacieux, aucune ride pour ce qui est du message éducatif, je pense à l'évolution des personnages du couturier ou de l'instituteur : face aux erreurs juvéniles, éduquer de bonne heure paierait plus que réprimer... Des gosses singeant leur entourage sans le savoir. Ils ont une conscience s'ils dérapent, réclament d'être démasqués, aucune bondieuserie cependant... Manoel de Oliveira préfère montrer l'apprentissage en forçant le trait sans que ce soit jamais surjoué (cette manie de s'étaler du plus petit par exemple, la trotte périlleuse sur les toits ou bien le faux-pas décisif).La fillette, petit elfe dans sa robe d'été, la reine parmi les garçons, campe toute l'ambivalence féminine, désir d'hommages, ralliement au groupe majoritaire en cas de pépin, confidence rapide à l'adulte, avec toutefois la capacité à ressentir les mérites de l'un ou l'autre de ses prétendants.Un ensemble très tonique pour parents qui se respectent et enfants espiègles ! Si seulement ce petit bijou intemporel revenait à la surface en ces temps troublés !
  • LES AMANTS DIABOLIQUES (1942)
    Note : 19/20
    . On comprend que cette oeuvre (qui faillit être totalement détruite !) ait été malmenée à sa sortie en 1942 pour mille raisons (et notamment à cause de son doublon américain adapté du même roman).Troublant aussi de savoir que Mussolini en était fou au point de l'avoir sauvée de la censure italienne... Visconti, 35 ans, ex assistant réalisateur de Jean Renoir, se devine déjà dans son envie de montrer l'indicible, pour peu qu'une bonne histoire en offre l'occasion. Profondeurs de champs précédant des descentes "en piqué" sur la campagne au ras de cette auberge ou lancée dans cette côte de tous les départs, c'est un splendide noir et blanc où s'ébrouent cinq personnages de rêve : le mari (un genre de Galabru italien) et sa femme (fatale-vénale), le vagabond nonchalant mais tenté par la douceur d'un nid et monsieur le curé, symbole de la morale communautaire. Pour pimenter un peu, cet inconnu se portant garant dans le train... Des scènes croustillantes pour un dénouement d'une double cruauté.
  • JEUX DANGEREUX (1942)
    Note : 19/20
    Découvert en dvd en juillet 2011. Un film brillant, osé pour son époque même si fabriqué en exil. Tout comme avec Chaplin dans un registre apparenté, on rit de la monstruosité nazie transposée en dialogues américains, l'accent guttural, le pas de l'oie, le fameux "Heil me" !... Et pourtant cette oeuvre si fine en même temps qu'elle arrache rire sur rire (on ne se lasserait pas d'entendre "Schulz !"), donne aussi envie de pleurer : par identification, en mesurant la souffrance rentrée d'Ernst Lubitsch avant d'avoir pu le mettre en images tout comme l'impuissance d'un peuple visé une fois le chaos installé, qui ne permet plus le libre arbitre en forçant au bipartisme, au patriotisme puis au fanatisme. Une comédie contemporaine rappelant l'éternelle négation de certains groupes humains au nom d'une seule légitimité instillée à la faveur de la misère par une poignée de fous.
  • QU'ELLE ETAIT VERTE MA VALLEE (1941)
    Note : 18/20
    Les Gallois, comme les Russes, outre leur réputation de boire sec, sont réputés chanter fort et tous en choeur, avec des variantes innombrables, et de manière incroyablement disciplinée, que ce soit pour les réjouissances ou pour oublier leur désespoir aux moments les plus forts de la guerre. Le film plante "en chantant" le décor de ce charmant coin du Pays de Galles, on croirait un théâtre orchestré en plein air. De la fraîcheur, l'accent rude du terroir (à voir en v.o. pour en goûter toutes les subtilités), des détails malicieux (exemple de ces oiseaux picorant sur la fenêtre), parce que c'est un petit garçon qui donne le ton du film. Une communauté vite attachante, où chacun joue un rôle défini, on remarquerait juste la sévérité paternelle (interdit de causer à table), la dureté patronale (peur de négocier), et puis ces diacres moyenâgeux, langues de vipère... Voici que le temps se gâte, la pauvreté et la colère, les amours, tout se détraque. De la peinture léchée, qui aurait viré à l'eau de rose, on passe au coup de grisou. Et toujours la voix-off du petit garçon devenu grand... L'Histoire répèterait les mêmes inlassables bévues à ce qu'on dit. Ainsi, ces mineurs du film aux syndicats balbutiants, licenciés car jugés du jour au lendemain "trop payés" par d'obscures puissances invitent à méditer. Au stade où nous sommes arrivés, en ce début de 21ème siècle, avec notre "mondialisation" galopante sur une planète vidée de ses énergies, quid des jugés "trop-payés", quid de la masse croissante des exploités sans protection sociale ?
  • CITIZEN KANE (1941)
    Note : 15/20
    Pendant toute la lecture du dvd, je me suis répétée que Welles avait 25 ans lorsqu'il a tourné cette épopée. Eu du mal à accrocher à sa mégalomanie, son goût prononcé pour les châteaux, ces grandes salles sinistres ou Monsieur et Madame se chamaillent, pouah !... Et cette voix off du début déclamant la situation comme un ulcéré de son sujet (ne pouvait-il l'énoncer calmement ?). Idem pour les manoeuvres du chef opérateur illustrant le gigantisme par tous les moyens. Ce décor-là aujourd'hui ferait croire à une quelconque satire. Une fois habituée à cet univers propre à Welles, j'ai réalisé que la caméra était aussi très virtuose pour les années Quarante, et qu'il y avait de l'idée ! Bien aimé les notes romantiques, ce fameux "Rosebud" qui humanise l'ensemble... On peut se repasser quelques scènes familières franchement hilarantes, ce banquier qui émerge suite à une chute ou bien le cinéaste lui-même qui casse tout chez lui... Donc, plus on avance en besogne, à grands renforts d'effets visuels qu'on comprend mieux, plus le récit captive. Ce businessman malgré lui est donc un être humain comme vous et moi. Sûr que Citizen Kane a beaucoup compté puisqu'il visait une personnalité qui en fit un foin indescriptible... Drôle d'impact en 2008 que ce portrait d'un gamin jeté dans les affaires par Môman... "A la poussière tu retourneras"... Que les grands argentiers du vingt et unième siècle - tous confondus - en prennent de la graine !
  • LES INCONNUS DANS LA MAISON (1941)
    Note : 17/20
    Sûr que si on prend l'ensemble au sérieux en 2009 (où il est de bon ton de s'indigner d'un rien en assommant ceux d'avis contraire), la tirade du Sieur Raimu, sorte d'Obélix déambulant en avocat alcoolisé arrachera des "Oh !" de réprobation... "Les anciens doivent incarner un modèle irréprochable pour que leurs gosses les respectent" ! Fort bien, personnellement, en tant que parent et en me souvenant de mes propres bévues, j'ai connu l'euphorie avec ce film. Ri plus que j'aurais cru de cette peinture de moeurs de 1942, une période où l'humour sauvait de bien des atrocités hors plateau... C'est une pétillante adaptation de l'écrivain Simenon. La voix off, à l'ancienne, fait sourire comparée aux tendances actuelles, standardisées, charme désuet de la langue française, dans les chichis comme dans le bégaiement. Côté dialogues, se glissent des expressions de ce temps-là, sans que ça fasse "toc". Décors rudimentaires mais suffisants (le passe-plat coincé !). Les personnages caricaturés rappelleraient certains films d'animation d'aujourd'hui aux décors patinés(le proc s'habillant, bretelles, gilet, veston impeccable, le chapeau de la mère amoureuse de son fiston comme une jeune fille de son galant...). Croustillantes gardes à vue, paternalistes, faire du chiffre, Sarkozy était encore dans le cosmos... Bref, pas de quoi monter au rideau si on est "djeune" avec un avenir raisonnable comme point de mire. Au contraire, des astuces pour pouvoir répliquer aux patrons abusifs ! Le fond du film pointe les erreurs parentales avant tout ! .
  • INDISCRETIONS (1940)
    Note : 19/20
    Le plus marquant pour moi est ce que dit le papa à Tracy, pour expliquer ses propres fredaines extra-conjugales, du jamais entendu... tandis que la mère et la fille, papotent, très complices, arborant à un moment d'effroyables couvre-chefs, et qu'une petite jeune fille batifole au milieu de tout ça. Excellente prestation en second rôle de Ruth Hussey, un charme discret, qu'on remarque face au flamboyant trio Katarine Hepburn, Cary Grant et James Stewart qui font mille prouesses. Ambiance bavarde, on boit souvent, au point que l'on se demande qui boit le plus, et ce qu'elle a de si grave, cette femme que tous nomme inflexible, qui ne se livre que grisée, pour se reprendre ensuite brutalement : névrosée ou incomprise au moment de se lancer dans la vie ? Aujourd'hui, avec pareil scénario, on s'attendrait à un rebondissement du côté du père, qui n'était peut-être pas blanc-bleu ? Hé bien non, ce sera une toute autre tangente, car il s'agit d'une comédie des années quarante, grave époque où la famille était tout.
  • ILS ETAIENT NEUF CÉLIBATAIRES (1939)
    Note : 17/20
    A l'heure où l'immigration devient un casse-tête mondial, le fait d'imaginer l'obligation au mariage pour rester dans le pays d'accueil a dû être périlleux lors de la fabrication du film. Malgré l'audace, le procédé ouvre plus que jamais la porte à réflexion si l'on considère les différentes classes sociales d'un pays. Délectable va et vient à l'image entre neuf femmes de profils divers bien que plutôt mieux loties que leurs neuf partenaires potentiels, soudés mais irrémédiablement chenus. Le regard acéré de Sacha Guitry sur les travers humains de tous temps.
  • NINOTCHKA (1939)
    Note : 18/20
    Certains détails peuvent échapper parce que l'introduction, malgré le trio masculin, sorte d'ersatz des Marx Brothers made in URSS, donne envie de presser le mouvement si toutefois on oublie qu'il s'agit d'un tournage de 1939, de l'aplomb qu'il fallait pour réaliser une comédie mêlant des pays impliqués dans la seconde guerre mondiale. En tout cas, en 2011, Greta Garbo à l'affiche dans un registre inhabituel fait qu' on attend Garbo. Tout prend sens quand elle débarque, masque de garde-chiourme que dément son sex-appeal renforcé encore par l'uniforme et un perpétuel "non" à la bouche. S'intercalent quelques traits d'humour luttes de classe bien senties en plus d'un contraste du plus bel effet entre le début du déjeuner et le retournement de situation qui crée l'hilarité chère à Lubitsch, ainsi que l'inversion des rôles masculin-féminin, sa spécialité avec l'ivresse dans toute sa vérité, cette touchante fragilité humaine laissant supposer qu'il faisait boire ses comédiens et comédiennes jusqu'à être assez relâchés ! Des moments de haute qualité et quelques regrettables creux de la vague. En voulant faire languir dans la dernière ligne droite comme une gueule de bois prolongée, il s'en est fallu de peu qu'on s'endorme avant le bouquet final !
  • DE MAYERLING A SARAJEVO (1939)
    Note : 18/20
    Le titre compare le sort à Sarajevo du couple épris de François-Ferdinand et Sophie Chotek avec le spectre de l'ascendant, cet archiduc Rodolphe héritier direct qui se suicida à Mayerling en compagnie d'une... jeune complice de lit. Malédiction familiale présumée. Avant d'en venir au rendez-vous (réputé à l'origine de la seconde guerre), Ophüls déploie les préparatifs à toute manifestation officielle, immortalise le couple Edwige Feuillère/John Lodge. Le "rien que neveu" et l'empereur qui règne campent le choc conservatisme et démocratie, ennemis héréditaires... Seule la mère du jeune homme concède, forte de sa liberté de vieille originale, d'autant que sa future bru lui plaît. C'est palpitant à suivre (et toujours tellement vrai ce genre de considérations entre régulières de naissance et illégitimes patentées en 2012 !). Un vrai remue-ménage précède chaque scène qui va compter tandis que se tisse le lien "morganatique", un barbarisme qui fait déchoir les descendants. Il y a bien un peu la poussière des ans dans les démonstrations affectives (la scène du train), un son frôlant les abonnés absents aussi à certains endroits du dvd. Entre la joute de principe du début, les voitures dans la foule plusieurs fois et ce travelling bras-dessus/bras dessous, véritable salut d'acrobates, le spectateur est gâté. Le film commencé en 1939 connut une interruption pour cause de guerre pour de vrai. Le tournage reprit vaille que vaille en 1940... Outre montrer que sentiments personnels et affaires d'un pays répondent à des injonctions particulières, c'est une toujours ardente défense de la sincérité dans le marigot politique !
  • FEMMES (1939)
    Note : 15/20
    Dommage qu'il y ait cette ambiance de basse-cour. Très caquetant non stop, pourtant émaillé de bons mots, avec plusieurs situations hilarantes (quand ces dames se mettent une monumentale raclée). Nul mâle à l'horizon, qu'on se le dise, pas même l'ombre d'un figurant ! Ces dames sont à bout, soit lessivées, soit furieuses, la plus touchée irrécupérable pour cause d'âge et embonpoint. Outre des subtiles joutes verbales féminines entre nouvelle et ancienne, le "cas" le plus approfondi, et le rôle le mieux tenu entre tous, reste l'épouse cocufiée avec la mission de l'expliquer à sa fille ballotée entre père et mère, (la peine enfantine à l'annonce du divorce est très convaincante, elle jure merveilleusement avec la répartie de la fillette face à sa marâtre dans la baignoire)... C'est la cellule familiale de 1939 (avant-guerre), l'éloge de la sainte-famille soudée par traditions et engagement religieux, "à régulière patiente, merle blanc de retour". Depuis ce temps-là, l'image de fin, cette angélique épouse en marche bras grand ouverts vers la caméra, peut encore rassurer les plus conservateurs. Elle peut aussi faire hausser les épaules ou déclencher le rire.
  • VOUS NE L'EMPORTEREZ PAS AVEC VOUS (1938)
    Note : 19/20
    Vu le dvd en v.o. mars 2008. Rien, d'entrée de jeu, n'indique qu'on va rire autant. Enfin, si on parvient à rester constamment dans l'esprit de Capra, qui est d'offrir une satire de la société américaine de son temps - et plus que jamais du nôtre ! - avec aussi le racisme larvé, tout comme des bons sentiments qui n'en sont pas vraiment, ou en tous cas sont d'office mal pris par la communauté qui n'en peut plus (le réflexe de charité, en cas de pépin quand on est riche, peut révulser). Merveilleux renversement soudain, il choisit définitivement son camp ! Ces "c..." de riches finalement, qui se croyaient tout permis avec leur nom et leurs titres, il les transforme comme une fée le ferait d'un coup de baguette magique. Délectable !
  • LA BETE HUMAINE (1938)
    Note : 17/20
    Encore en juillet 2007, on part plus que jamais juché soi-même à cent à l'heure sur "La Lison", un tortillard suggérant les vieux trains à compartiments, ceux d'avant Corail et TGV d'aujourd'hui, autant de voyageurs alignés, parfois avec d'assommants portables. Quel plaisir de revoir cette bonne gueule de Gabin planqué derrière ses lunettes comme un bandit ! Idem pour la complicité bourrue qu'il a avec Pecqueux, leur train-train professionnel, sur fond musical plein de fureur et de suie. Une bien belle histoire. Rien d'obsolète, j'ai ressenti une nostalgie, j'aurais aimé connaître l'industrialisation à ses débuts, où au moins suer au boulot avait un sens bien établi. Les passages sentimentaux exacerbés, du fait du désir de fusionner avec l'autre, semblent bien intemporels. Fragilité du désir poussé dans ses retranchements, cette envie de neutraliser la proie. Jean Renoir a extrait du bouquin de Zola ce qui fait perdre les pédales à l'individu. Ici, la locomotive, alliée à la peur des sanctions, pourrait à elle seule tempérer les ardeurs, alors pourquoi ?... Enfin, délicatesse suprême par rapport à maintenant où on ne sait plus, cette justification d'un "mauvais sang" par des générations d'alcooliques !
  • PYGMALION (1938)
    Note : 17/20
    Un vieux film en noir et blanc bien ficelé sur le fantasme du Pygmalion, avec l'inévitable retour de manivelle de la cible. Personnellement, je n'ai pas décelé d'insinuation scientifique d'un goût regrettable. J'y ai plutôt vu deux joueurs en pleine euphorie, de celle qu'on a lors d'une expérience fracassante, le plus âgé plutôt respectueux, le plus jeune frôlant la tentation du mépris parce qu'épris justement, on le sait d'entrée de jeu et le plus fort est qu'on n'en souffre pas, alors que le mythe charitable de la haute société hante le regard posé sur la victime, passée de marie-souillon à femme du monde... C'est amené par petites touches discrètes, jamais d'eau de rose, mais on sent de quoi il peut retourner au bout de ces cours de maintien et de diction. Quelques bonnes scènes, parfois irrésistibles (le thé chez la mère du Pygmalion !). Bien sûr, le traditionnalisme pantouflard masculin de ce temps-là prévaut, mais la dame, avec son application forcenée, apporte la note comique qui fait craquer tout le monde !
  • LA HUITIÈME FEMME DE BARBE-BLEUE (1938)
    Note : 19/20
    Quand on songe à la sinistre époque précédant la deuxième guerre mondiale, possible de mesurer le courage qu'il fallait pour oser la comédie à partir d'un pyjama dont l'homme veut le haut et une femme comme volant à son secours dans le magasin... le bas. Sobriété obligatoire du jeu de scène masculin pour que la situation jamais ne bascule dans la grossièreté. Quel délice de frôler le scabreux en se gardant d'y succomber ! En plus des rôles titres très bien tenus, des échanges verbaux délectables avec leur intrusion de français par ci par là et de ce couple tombant soudain à la renverse, j'ai particulièrement raffolé de la hiérarchie du magasin, irrésistible maintien du bonhomme qui va posément alerter la haute direction. C'est ciselé au millimètre près et pas une seconde on ne sent le travail que tout cela a demandé à l'équipe en coulisses et sur le plateau tellement c'est ludique, une bonne humeur à laquelle se référer quand les thèmes et le traitement du cinéma contemporain fatiguent.
  • LES GENS DU VOYAGE (1938)
    Note : 18/20
    Long défilé de roulottes se déroulant de nuit d'un village à l'autre où tout bon sportif peut pénétrer par la porte arrière ! La grande famille du cirque présentée comme la longue caravane d'un western. On sent tout de suite ce qu'on appelle "une bonne histoire". Ces artistes vite endormis ou réveillés à la seconde si nécessaire ont peu de temps à eux : on devine vite les attirances comme les haines recuites que favorise la concentration humaine mobilisée 24 h sur 24 autour d'un objectif obligatoire relancé par un leader qui récompense ou secoue les puces. Présence centrale de Françoise Rosay, épouse de Jacques Feyder, aussi magistrale sans doublure avec ses fauves que bouleversante dans les choix à assumer. Ces ribouldingues du spectacle ont comme tout le monde vie de famille, grossesses, joies, accidents, autant de scènes aux dialogues millimétrés, réserve faite de quelques bribes antiques côté diction et choix de vocabulaire de la part du fiston (Fabien Loris). Une affection rude peut virer à l'attendrissement véritable, les coups être rendus au centuple, rien ne doit venir contrecarrer le numéro du soir. Remarquable peste que la petite Yvonne (admirable Louise Carletti !). Est traité, le dilemme des parents d'avant la contraception, le père malgré lui (André Brule très convaincant d'ambiguïté), la toute jeune mère déboussolée et, courageusement pour l'époque (1938), la mère-célibataire ! C'est trépidant à souhait et plein de profondeur, le scandale risquant de compromettre le gagne-pain planant toujours. Un grand classique !
  • L'INSOUMISE (1938)
    Note : 18/20
    Ce film peut avantageusement remplacer "Autant en emporte le vent" pour les allergiques à ses longueurs et à son expression féminine gnangnan. D'autant que la beauté juvénile de Bette Davis montre déjà des yeux à fleur de tête, vulnérables par rapport à sa bouche serrée de psycho-rigide. Ni sympathique, ni antipathique la demoiselle masquant ses sentiments. Justement on sent que sa rude familiarité avec ses serviteurs (pleins de bonhomie et comme par hasard noirs !) vit ses dernières heures. Place au monde adulte blanc dont les codes rassurent. A l'entrée de l'écuyère en retard parmi les corsetés qui l'attendent, malaise. Attention, Sudistes et Nordistes s'étripent, il n'est de place que pour les contacts rugueux, tout est duel, l'humour aussi. Alors, haro sur cette robe couleur sang parmi les corolles blanches (ne manque que le technicolor pour intensifier le froid du bal) ! Les paroles jurent avec les attitudes. Au lieu de dire non, le partenaire fait semblant d'obtempérer, incapable qu'il est de trouver une parade riante (Henry Fonda, la beauté coincée du stéréotype affairiste). Une future femme de banquier ne peut s'amuser à éconduire pour le piment d'un retour... Belle étude de société conventionnelle, là où le naturel chez l'adulte est d'office ligoté. Si les populations se placent au plus offrant au stade de la radicalisation politique, les épidémies, elles, forcent à parquer les malades et à préserver les autres, l'occasion de choisir son camp ! Etude de moeurs finement traitée, avec cette allégresse à l'image et au son pour surprendre le spectateur sans jamais tout dire.
  • ARSÈNE LUPIN DÉTECTIVE (1937)
    Note : 10/20
    Parce que tout réside dans l'étonnante "présence" à l'écran de Jules Berry. Un charmeur, pour très jeunes femmes en quête de flatteries et de sécurité (un jeu qui avait son charme en 1937 mais devenu, sauf exception, assommant en 2007). Défilent tous les clichés du vieil irrésistible, que ce soit auprès du copain ou des belles dames tombant toutes comme des mouches dès qu'il apparaît. On en perd les pédales dans l'enquête, ça piétine sérieux... Entre le rôle du détective et du malfrat, il y a quelques bonnes scènes, mais le va-et-vient devient tellement embrouillé, avec ce surplus de blabla qui parasite le fil, que j'ai eu mille peines à tenir les yeux ouverts jusqu'au bout.
  • FORFAITURE (1937)
    Note : 17/20
    Agréablement surprise par cette "vieillerie" en vidéocassette qui, hormis ses failles techniques indiscutables (écouteurs sur les oreilles), se laisse suivre avec plaisir, en tous cas si l'on n'a pas en tête d'autres versions de l'histoire. Les situations et surtout les dialogues, du genre percutant et concis, laissent pantois... Vision du couple quasi contemporaine, et pourtant de curieux accès tragiques s'intercalent pour cause de guerre (ce passager touché par une balle au cou !), il faut se relever dare-dare de ces traquenards quotidiens. Passage au luxe, avec ce prince facile d'accès, racé et vaguement inquiétant, belle dame en visite, tout sourire, certes "pure comme un lac de montagne", mais aussi la cible idéale de faussaires locaux... Tout pour dissuader son militaire de mari, la loyauté personnifiée. Les personnages secondaires font qu'on ne s'englue jamais dans une seule direction. Envoûtement, comme si on avait tiré sur l'opium, la brume envahit l'écran, si cela est dû au vieillissement de la pellicule, je ne saurai m'en plaindre... Un procès à rebondissements débarque au moment où on croit tout plié. J'étais attirée par la présence de l'énigmatique Jouvet à l'affiche, mais tous acteurs confondus, on passe un excellent moment, aidés par le contraste finement équilibré entre les personnages. Cette version de Marcel L'Herbier passait pour audacieuse en 1937. Elle est devenue "antique" à cause des nouveaux matériels existants, les variations de son peuvent incommoder... Mais le traitement global a encore beaucoup de fraîcheur en 2008.
  • ANGE (1937)
    Note : 19/20
    Marlene Dietrich aux sourcils peints, bouclée, avec des lèvres assez pulpeuses, fatale quand elle ondule dans ses robes fourreaux ou qu'elle ronronne au lit entre veille et sommeil. Les deux hommes quoique différents apparaissent de charmes équivalents, l'un clair, l'autre obscur. Pour pouvoir faire ces déductions, on dispose de sauts entre Londres et Paris et d'aperçus de la vie de couple. Les diversions qu'apportent les personnages secondaires aident à déduire. C'est plus un déballage de doux pièges subtils que de franche hilarité. L'arrêt de la caméra sur la marchande de violettes et l'intrusion auprès du personnel de la cuisine précisent la tendance mais jusqu'à la dernière image, on ne sait trop... C'est comme souvent jalonné de portes immenses ouvertes, fermées, d'allusions aux péchés mignons d'une nationalité à l'autre et d'ellipses innombrables. On est baladé en dernière partie, peut-être dix minutes de trop à cause de l'effort d'observation qu'il faut fournir. Un petit défaut fort heureusement balayé par ce mouvement de dernière seconde autour de la dernière porte, incroyable de vertige et d'élégance !
  • GRIBOUILLE (1937)
    Note : 17/20
    Il n'y a guère que le "je ne sais pas" d'un peu faiblard dans les dialogues de ce classique où rayonne Michèle Morgan à ses débuts, visage fatal, silhouette de femme bien faite, face à Raimu le débonnaire, un marchand de vélos sans histoire, intériorisé (par bonheur délesté des poussées théâtrales qui le rendirent un peu cabot par la suite). Embourbé pourtant entre paternalisme et dérapage viril. C'est toujours équivoque, assez culotté au plan des moeurs pour un film d'entre-deux guerres... L'intrigue de départ tient parfaitement la route, renforcée par deux prétendants et la jalousie de madame. Tous à leur façon perdent le nord... Le spectateur aussi, qui se surprend à devenir sceptique concernant cette angélique créature, trop renversante pour ne pas avoir été envoyée par le diable ! L'ambiguïté est à son comble vers l'issue des plus scabreuses... et qui réussit pourtant à convaincre de son bien-fondé.
  • LE CRIME DE MONSIEUR LANGE (1936)
    Note : 17/20
    Une caricature du patronat "d'avant-guerre", ici une sorte de Don Juan détenteur absolu du gagne-pain de la communauté, manipulant son monde, en particulier abusant ses employées sans pilule contraceptive... Dehors affables, mais une vraie fripouille. Au passage, égratignure de la sacro-sainte soutane, Renoir ose gratter là où ça démange ! On sent la déferlante de 1936 dans les débats autour de la coopérative, certes le travail reprend toute sa noblesse s'il est géré en commun pour peu qu'on ait une certaine philosophie, je pense à la grossesse de la jeune fille. Beaucoup d'énergie, ça pulse, de la Traction Avant au bon vieux train d'antan, et d'escaliers en corridors... Une merveille surtout en 2007, au moment ou le Code du Travail (droits actuels restants hérités du Front Populaire de 1936) risque sa peau au profit d'un capitalisme cette fois poussé jusqu'au grotesque...Renoir, après mille rebondissements familiers pour resserrer l'intrigue du couple central, illustre le tournant de 1936 par deux événements parallèles (avec une caméra qui n'en finit pas de tournoyer entre un immeuble et une cour, mais on est comme aimanté à la suivre) : la première scène rend hilare, ce vieux type ivre-mort qui chante et ne sait plus où il est... Second tableau, au milieu de ce capharnaüm, un couteau sera sorti par un individu plutôt sobre... Et tout cela s'encastre bien, en quelques secondes, la suggestion d'une vie meilleure.
  • DÉSIR (1936)
    Note : 19/20
    Un délice de chaque instant grâce à l'ironie du réalisateur qui piste (et le spectateur itou) l'élégante Madeleine de Beaupré, redoutable prédatrice avec sa visière glamour au volant... Les mouches tombent sous son charme de croqueuse, on s'attendrait au pire mais voilà que le prince alter égo débarque. S'ensuit la complicité nécessaire au milieu de personnages secondaires tout aussi savoureux. Brumeux noir et blanc, réparties entretenant le mystère : derrière leur malice de l'ultime. Le couple est attachant, mais le ton bascule vers l'angoisse... Il ne faut pas que les enchantements s'estompent au profit de la banalité quotidienne certes, légèreté de contact, alors pourquoi ce noir en arrière-plan et qui se rapproche ?... C'est justement cette note qui fait tout le prix de l'intrigue. Car, sous le drapé et les voiles de la dame, derrière sa familiarité mondaine (scène inoubliable de "la fricassée"), se profile l'atrocité de 1936, période d'un obscurantisme total... Sourire pour ne pas s'effondrer, réagir pour faire face au cataclysme imminent. Une oeuvre visionnaire, qui fait partager clairement le pressentiment de la guerre 1939-1945 dans toute son horreur.
  • L'EXTRAVAGANT MONSIEUR DEEDS (1936)
    Note : 19/20
    Il est comme on dit "personnel", affable, dans la lune, peu attiré par le superflu terrestre. Le voilà héritier obtempérant mollement au lieu de faire fructifier son patrimoine avec dans ses pas ce journaliste à la voix nasillarde, de bon conseil en plus que fin observateur. On se lasserait de ce grand galopin chevauchant les rampes d'escalier s'il n'avait le coeur à fleur de peau et l'horreur des faussaires... De facétieux il devient forcené du travail et suspecté d'être maniaco-dépressif (attachant Gary Cooper dans un autre registre que cow-boy !)... Symbole d'une droiture démodée, diront les uns, le parfait évaporé, oseront les autres... Le procès s'avère croustillant (les retours de manivelle, ces deux soeurs se chuchotant les informations). Par-dessus tout la voix rauque de Jean Arthur inoubliable... Un beau noir et blanc que la jeunesse devrait affectionner car il grince bien avec ses dialogues faisant la part belle au silence ! Jouissif pour qui décrypte bien la charge que le réalisateur assène aux argentiers et boursicoteurs des années 1929, sans oublier les sangsues familiales à l'affût qui sont elles de tous les temps... Il serait sage de faire étudier ce film aux scolaires et étudiants en ce début de vingt et unième siècle de l'argent-roi.
  • TONI (1935)
    Note : 17/20
    En salle Art et Essai, il peut y avoir, sur le plan technique, quelques difficultés avec les premiers dialogues prononcés avec un fort accent local, mais ça ne nuit pas pour la suite... Excellent avant-goût des performances du cinéaste, qui se serait inspiré d'une situation réelle : un grand pont, des trains déversent des Italiens en France, tous remplis de l'espoir le plus fou... Mieux vaut penser à des prodiges aux trajectoires brillantes comme l'immigré Yves Montand plutôt qu'à ces trains odieux des années suivantes... Un faux air de la trilogie de Marcel Pagnol, l'atmosphère villageoise provençale sans doute, car le traitement est autrement plus réaliste. D'une part, quelques signaux d'alarme (le petit chat, et, plus tard, le bébé qui pleure) mais mélangés à ce côté bon vivant cher à Renoir (que ce soit les chansons à la guitare, ou les carrières à dynamiter, ils semblent tous s'y faire assez bien, au passage on peut aider la lavandière Josepha à traîner son "charreton" ...). Premières images donc : les immigrés arrivent et, sans transition, nous voilà 3 ans après, dans une scène de jalousie au saut du lit. La scène de la piqûre de guêpe à elle seule intrigue... Mais c'est dit sans détours, l'adultère démangerait l'homme trop redevable, il compose avec la communauté locale en attendant son heure (ce double mariage). Calculs personnels, besoin d'air, hésitation entre attachement et toquade, côté un tantinet profiteur de celui qui demande beaucoup à l'existence ? On ne sait trop et l'ennui commencerait à gagner si soudain, en très peu de plans, des ciseaux, un pistolet miniature.. Accélération inattendue du fait de l'héroïsme féminin. Retour au pont, la peinture de moeurs vire à la tragédie antique !
  • BRUMES (1935)
    Note : 16/20
    Vu en 2008 sur dvd (v.o). Tout de suite, on pense à Mermoz, à St-Exupéry, ces aviateurs mythiques des années Trente qui se sont frottés à ce "Ceiling Zero", le brouillard complet, la visibilité nulle. Inconfortable mais salutaire de se laisser guider par sa base, encore faut-il que la radio fonctionne de part et d'autre... Livrer le courrier en temps et en heure, éviter que la hiérarchie doute de la ténacité du pilote là-haut dans son habitacle. Et cela qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il gèle bien en-dessous de zéro degré...Le duo James Cagney/Pat O'Brien fonctionne comme si on y était, à croire que les soucis hiérarchiques et amicaux traversent les années sans s'altérer(portrait savoureux de l'équipe à l'oeuvre, notamment du chef sévère mais juste, respecté et craint, quand l'encadrement met la main à la pâte au même titre que les subalternes, en s'impliquant dans les décisions qui engagent corps et âme. Ce film permet, bien entendu, de mesurer les énormes progrès techniques accomplis depuis ce temps-là, où tout faisait métal brinquebalant, carlingue en plein vent pour des missions quasi inhumaines... Plastique et psychologie des personnages en revanche quasi contemporaines. Quelques émotions et cet à-pic de héros pris à son propre piège laissent deviner à quel point les questions d'honneur l'emportent sur tout.
  • LE MOUCHARD (1935)
    Note : 17/20
    Méprisé pour son millimétrage excessif, "The Informer" rejoint les productions froides dont la fuite en avant du protagoniste est annoncée d'entrée de jeu. On a vite les pattes coupées et on se sent couvert de poussière après cette affiche "wanted" voletant à ras du sol... C'est beau à l'écran, on passe de la noirceur au clair-obscur, et on va jusqu'à l'illumination quand les dames apparaissent. Pour ce qui est du fond, on voudrait croire que ce type est "un indicateur" acheté par la police, qu'il n'a pas le choix...Voir sous tous les angles la gueule patibulaire de Gypo fascine et horrifie... Vaurien, loser... déchet de la société, exclu parce que vraiment trop c..., et pourtant osant monter encore d'un cran comme si c'était devenu réflexe... En plein le "p... de plomb" de notre quotidien économico-financier ! Bassesse, irresponsabilité, le règne du grand n'importe quoi, revers des économies folles, l'exemple venant du dessus... Echo certain en 2013 ! Avec extrapolation de "l'organisation secrète" à la mafia, chaque régression humaine vomissant les mêmes monstres... La femme entre objet et icône, l'affamé, l'apatride, le bureaucrate borné, le trafiquant d'armes, le psychopathe... Voilà à quoi fait réfléchir ce film qui, sans sa dernière séquence, serait parfaitement sinistre.
  • IMAGES DE LA VIE (1934)
    Note : 19/20
    Le premier plan est une plongée sur un canard en plastique qui flotte. Le tendre dialogue d'une mère et sa fillette, la course matinale dans les escaliers, cette nurse noire qui s'attarde comme un chat trouvant une bonne maison. Elle amène une recette inédite de pancakes qui vont vite passer au mode industriel avec une enseigne lumineuse figurative rappelant la face noble du capitalisme de nos pères. La veuve d'industriel a du coeur et en plus un don pour la prestidigitation... Alors oui, c'est à l'origine "Imitation of life", le même banal roman qui inspira "Mirage de la vie", somptueuse oeuvre étasunienne en couleurs des fifties qui utilise les ressorts du mélodrame hollywoodien pour basculer en cours de route vers la satire, une ambiguïté qui peut gêner... Cette première version de John M. STAHL, sobre dans son noir et blanc de 1934 est plus frontale, on a l'impression de figurer invisible dans le cadre. Le même message de fond, la même complicité de deux femmes à partir d'un besoin complémentaire qui les portent à s'enrichir ensemble, chacune mettant la main à la pâte, c'est le cas de le dire... Les deux filles de ces dames apprennent à vivre douloureusement. On s'attendrit mais comme ça discute beaucoup, le spectateur ne verse que les larmes indispensables. Autre charme de ce petit film où on ne s'ennuie pas une seconde, l'heureux élu prend tout son temps pour débarquer, digne dans sa profession imprononçable et sûr de son fait.
  • SERENADE À TROIS (1933)
    Note : 18/20
    Déjà dans le train à compartiments du bon vieux temps, le trio est incroyablement relâché. Ils filent vers Paris, la ville de toutes les permissivités vue de l'étranger en 1932... La somnolence sans chichis, la prise de vue sur les pieds et une main, les dessins de la demoiselle, tout cela frôle l'alcôve et, comme d'habitude, la finesse du cinéaste amène la diversion indispensable. Après le mot d'ordre incroyable "no sex" entre les trois amis, se succèdent dans la gestuelle accompagnée d'ellipses attirances et remises en cause. Le tout agrémenté d'un ton léger, bien que s'y mêle la pauvreté des artistes, ces funambules que l'aristocratie rend vite corsetés. La muse passe de bras en bras, incapable de choisir et pourrait sembler délivrée par cet officiel mari la rendant à une vie convenable si le trio n'était aussi fidèle à lui-même... Et toujours l'éternel défilé de grandes portes quel que soit le milieu où la caméra balaie. Peut-être pas transcendant sur le fond. Très plaisant avec son sous-titrage bien lisible et aucune faiblesse sonore. A l'image, un beau noir et blanc restauré. Si le dialogue commence en français sur le mode léger, le french kiss de l'issue vaudra à ce film d'être censuré quelque temps par le code Hays en 1934.
  • BOUDU SAUVÉ DES EAUX (1932)
    Note : 19/20
    Formidable satire de la société des années Trente, regardée de travers à sa sortie et réhabilitée grâce aux mouvements contestataires qui ont suivi. On passe un délicieux moment dans ces couloirs où on se cause, joli remue-ménages dont le libraire Edouard Lestingois est à l'initiative. Il scrute à la longue-vue les bonnes gens qui passent et n'hésitera pas une seconde à sauter à l'eau, sous l'oeil admiratif des curieux. A retenir, cette scène hilarante où Boudu soulève soudain de terre son bienfaiteur que d'aucuns veulent décorer... Et aussi la philosophie des dernières images (quelle modernité de moeurs !), mais il y a mille autre choses dans ce film. Et si la liberté c'était aussi boire de l'eau plutôt que du vin, ou bien chercher une fleur difficile à cueillir, entre un costard des grands jours et de vieilles hardes... C'est à la fois plein de fiel et toujours poétique. Tout le monde est un peu un mélange des deux univers décrits, le fait est qu'on peut toujours s'identifier au libraire, une position modérée quant au degré d'acceptation de notre trouble-fête... Aimer son prochain, certes, mais qui garderait longtemps sous son toit un individu qui se croit autorisé à devenir insultant ?... En même temps, l'admirable interprétation de Michel Simon ne peut que toucher, Boudu affiche ce naturel des enfants, la réflexion adulte en prime et il ne s'embarrasse de rien, surtout pas d'illusions. En 2007, à l'heure où, faute de vouloir financer la dérive sociétale, la charité revient sur le devant de la scène, ce petit chef-d'oeuvre en révèle bien des aspects.
  • FREAKS LA MONSTRUEUSE PARADE (1932)
    Note : 19/20
    Vu le film à l'adolescence à la télé (du mal à le regarder à l'époque) et revu (en v.o. sur dvd) en 2007, beaucoup mieux assumé, et encore, l'idéal serait de le visionner en compagnie d'au moins un(e) handicapé(e) moteur ayant "toute sa tête" comme ceux de ce film. Car ce qui rebute c'est bien le fait qu'ils peuvent être, en plus, amochés côté cerveau, ou au moins "simplets", on a aussitôt un minimum de recul... Ici, malgré les rires francs de moquerie, impitoyables, bien des aspects de la question du handicap sont adoucis (réelle tendresse du cinéaste dirigeant ses acteurs, qui n'ont pas l'air malheureux, et ne surjouent pas pour autant). Ces deux lilliputiens encadrant toute l'action, ont l'air d'enfants (gracieux, ils rappellent le couple du film "Le Tambour" pas si lointain...) Le monstrueux qu'on renferme en soi est mis à mal, mais dans une limite supportable finalement, les "monstres" étant intelligents, malins, solidaires, capables de cruauté à leur tour... et même si l'image finale est envoyée comme un dernier coup de poing aux supposés normaux (il faut bien enfoncer le clou !). J'ai beaucoup beaucoup aimé ce regard sans complaisance du cinéaste. Aujourd'hui, imaginons des cirques ambulants pour tous les éclopés de la vie, avec encouragement à rire pour le public richissime en face, il est permis de rêver une seconde à une mondialisation où chacun trouve son créneau.
  • HAUTE PEGRE (1932)
    Note : 19/20
    Toujours aussi farceur, ce cher Lubitsch (et dire qu'on est en 1932, après le crack boursier, et entre les deux grandes guerres) ! On part d'un ramasseur de feuilles en nocturne à Venise, sa gondole remplie glisse sous les fenêtres d'un dandy visiblement en attente d'une belle pour dîner, dehors, il fait un noir d'encre, pour un peu on s'inquiéterait de la tournure des événements, tant de noirceur... Des ordres sont donnés à un domestique qui acquiesce avec un temps d'avance : ouf, la magie du cinéaste donne le ton, l'invitée attendue s'avère pipelette sur sa réputation, un rien poseuse, voyons voir... Les images pleuvent en vrac sur l'écran, impossible de savoir où on va, pourtant c'est facile à suivre, fascinant de filer ce couple de pickpockets proche de la prestidigitation ... Le tandem doit fonctionner puisque lié par la même manie, ultra secrète. Léger vertige à l'arrivée de cette "Madame Colet" pourtant, grand collier de perles, coffre-fort, le bagou finit par avoir raison de sa réserve, mais elle n'est pas bêcheuse pour un rond, sympathique : une grande et belle femme indépendante, entreprenante. Soudain, le tandem de départ commence à vaciller dans ses rôles respectifs. Infinis tours de passe-passe, mimiques expressives, le film est traversé de petits moments croustillants, ça fredonne et ça bougonne, on fonce et on se ravise, toute la panoplie de gags auxquels le facétieux Ernst Lubitsch a abonné ses spectateurs pour la postérité. Ce film, qui rend malfaiteur sans les inconvénients de se faire pincer, peut remplacer les psychotropes.
  • UNE HEURE PRÈS DE TOI (1932)
    Note : 15/20
    Pour avoir raffolé de la version muette de ce scénario intitulée "The Marriage Circle" ou "Comédiennes" en français, je suis entrée dans le film sur la pointe des pieds. C'est divertissant, les gags y fusent, toujours ces différences de classe sociale entre maîtres et serviteurs traitées avec dérision (le noeud de cravate, voir Monsieur en collant...). L'interprétation de Maurice Chevalier à la hauteur, sa manière de s'adresser directement au spectateur un plus certain, les chansons sous forme de dialogues entre homme et femme drôles, tendres, avec les sous-entendus comme autant de clins d'oeil en direction du public. Poussiéreuses en revanche les roucoulades de violon avant chaque apparition féminine d'autant que le jeu de l'actrice féminine principale versait aussi dans un sirop un peu indigeste. Certes bien ficelé pourtant, une position clairement exprimée envers l'adultère qui rend le propos plus abouti... Las, j'ai revisionné la "Mizzy" de 1924, Florence Vidor face à Marie Prévost, Monte Blue et Adolphe Manjou aux premières loges. Tous irrésistibles de naturel dans des situations qui font contemporaines en 2012, alors que la version parlante datant de 1932 a atrocement vieilli !
  • L'ADIEU AU DRAPEAU (1932)
    Note : 17/20
    Film qui sans renier le livre d'Hemingway part dans une direction légèrement différente. Certes la guerre rôde. Pourtant une seule vraie scène de chaos, incroyablement longue en dernière partie, le temps qu'une chaloupe se mesure aux remous liquides. Le réalisateur s'intéresse davantage au désir de survie et même de bonheur de l'individu pris en otage dans les conflits au nom du devoir. Dès le début ce qui aurait pu n'être qu'amourette devient désir de fusion tant l'ambulancier (Gary Cooper) est sensible au désarroi particulier de cette infirmière (Helen Hayes). Envoûtement garanti, une vraie poésie habite le film qui saute parfois un peu vite d'une situation à l'autre (bien que l'on comprenne). Des cadrages variés, une parfaite luminosité du noir et blanc, aucune boursouflure. Le plus militariste peut sans peine se fondre dans les populations à bout de nerf. Le couple central, dans la lumière blanche du jardin se consolide, n'en déplaise au perfide Major Rinaldi (Adolphe Menjou). Un homme et une femme suspendus au temps, surtout avant chaque séparation (scène d'union d'une tension rare, en plus que le prêtre, lui-même situé entre devoir guerrier et confession dégage la même grâce que ses tourtereaux !). L'envolée de cloches et le drapé arrondi face à la fenêtre printanière poussent peut-être un peu trop vers le pathos en 2012, quoique. La guerre peut lier et la paix séparer. C'est tout le paradoxe de cette histoire !
  • ON PURGE BEBE (1931)
    Note : 12/20
    Les acteurs s'amusent bien, dans ce sketch de 1931 filmé par Renoir, lui-même inspiré par Feydeau. Humour au premier degré, situations souvent "téléphonées". Heureusement, en arrière-plan, on perçoit les piques à l'intention de la prétendue bonne société. Car enfin, au vingt et unième siècle, tant que l'eau reste abordable, que les ch... sèches n'en ont pas égalé le confort, les chasses d'eau balaient l'innommable, en abolissant les pots de chambre, aussi incassables pussent-ils être. Tout ça fait un rien préhistorique. Du mal à suivre cette bourgeoise Bobonne en bigoudis trimballant son seau comme un sac à main dans le bureau de son époux. Ou alors en bande dessinée aux côtés d'un personnage comme Carmen Cru peut-être ?
  • L'ENNEMI PUBLIC (1931)
    Note : 13/20
    Un dvd visionné à la va-vite en anglais sous-titré anglais... J'avoue m'être barbée tout de suite et avoir zappé à grande vitesse grâce à la télécommande. Ce film a le mérite d'être précurseur de films noirs plus travaillés. Pétri d'action, avec un scénario frontal, il s'avère encore rivé au muet (ces mimiques à l'intention de la caméra renvoyant en 2010 au dessin animé ou à la grosse farce). Les champions, même bandits, jouissent souvent d'une reconnaissance incompréhensible. Ainsi Tom Powers, ce mauvais garçon issu de milieu pauvre séduisait les foules des années Vingt : dans ce rôle de petite frappe issue de l'immigration irlandaise, l'acteur James Cagney (gueule de gros dur, et dire qu'il fut embauché en remplacement d'un autre acteur !) : il parvient à attendrir durablement l'entourage, ils sont tous impliqués de près ou de loin dans les trafics, sauf l'un des frères (formidable plan-séquence du repas pris en commun où ce dernier se distingue). La mère en affection inoxydable, aussi servante que l'épouse, toujours à son poste malgré les projectiles... Des archétypes bien appuyés... La scène de fin, coup de fil anonyme et porte ouverte en trombe, aseptisent en relativisant le succès du monstre, pas trop tôt.
  • LES HOMMES, LE DIMANCHE (1930)
    Note : 19/20
    Découvert au Cycle Univerciné allemand de novembre 2010 à Nantes. Aucun personnage acteur de métier : ils jouent leur propre rôle un dimanche. Cela donne une idée de la foule des années Vingt en Allemagne, la décontraction que le beau temps procure, que ce soit au travail, dans les logements étroits ou en route pour les espaces de détente... On leur emboîte le pas, trop heureux d'avoir accès à aussi miraculeux... Car c'est en tous points charmant, axé sur ces petits riens qui font le prix des années d'innocence... Le reflet d'une accalmie entre deux guerres et celui de l'éternelle jeunesse. Impossible de se sentir dépaysé avec ces coupes de cheveux féminines dégageant la nuque, (revenues à la mode dans les années 2000), ces petites robes d'été pressées de se frotter au premier coq qui plaît alors que léger, si léger : les parades amoureuses, les petites alarmes du coeur à la moindre concurrence, la complicité ou le crêpage de chignon, les non-dits du couple déjà dans la routine... Tout cela défile, délicieux autant que fugace, attendrissants ou qui font pouffer (scène de la chenille à une terrasse de café, du bain espiègle, des territoires de séduction, du pédalo à quatre, ah, ce pédalo, l'aubaine de repêcher une pagaie et prévoir une nouvelle rencontre ! A se demander comment cette bande de copains cinéastes s'y est prise avec des non professionnels pour immortaliser autant de grâce alors qu'il y aurait eu des heurts pendant le tournage et des fâcheries après. Muet, sans musique aucune, les mouches volent dans la salle, la magie opère... On sort de cette immersion naturaliste le sourire aux lèvres pour un bon moment.
  • LA PISTE 98 (1928)
    Note : 19/20
    Ah, l'impressionnant "Excelsior" débarquant à San Francisco sous l'ovation "Gold Klondike !" en cet août 1897, de quoi oublier le marasme économique, chômage, horizon menaçant... Les voilà tous pris de frénésie, hommages aux découvreurs et vite en route pour l'Alaska ! Allons dénicher là-bas, au loin, la solution à nos maux... L'occasion pour Clarence Brown (d'abord assistant de Maurice Tourneur puis l'un des réalisateurs les plus prolifiques de son temps), d'imaginer le quotidien de ces populations, des inconscients... Il détache quelques croustillantes figures du lot des cent mille à se lancer dans l'aventure (dont seulement quarante mille seraient revenus)... On jurerait un documentaire tant ça semble pris sur le vif. D'abord cette file humaine, mince filet de fourmis noires accrochées à la paroi de glace, une motivation... démente ! Légère ironie du cinéaste qui précise que TOUS visent les pépites, au mépris des hauts et des bas que l'existence réserve, appât du gain surhumain... Musique et bruitages font qu'on ne s'aperçoit pas que c'est du muet. Sous-titres bien explicites. Démarrage fulgurant, sans cesse émaillé de petites scènes familières, avec ces sublimes gros-plans sur l'expression, les dégaines... Chaque seconde crée son suspense. On est loin des effets faciles, c'est tourné dans un vrai froid. Véritable magie du cinéaste apte à doser la causticité et le romantisme. Pour tous, au premier chef les grands gestionnaires de 2009 et années suivantes !
  • LES ESPIONS (1928)
    Note : 18/20
    Découvert sur Arte le lundi 26 juillet 2010 : touffu à suivre d'un seul tenant (le dvd sera idéal), on admire les effets à l'image tout en déplorant la présentation des antagonistes (aujourd'hui, on couperait quelques scènes). Lang s'amuse comme un petit fou avec cette histoire écrite par son épouse également co-scénariste, il plante le décor en peaufinant, en fignolant... Aussi est-il bienvenu ce coup de foudre comme dans la vie, suivi de l'éclat de rire de Trémaine, agent n° "326" : le réveil de ceux qui, comme moi, commençaient à baîller... Riche de détails, prometteur grâce à ses personnages contrastés, avec des documents précisant les positions des "taupes", on a tout en main. D'autres chiffres amusent, le "33133" en vrille à l'image, la voiture n° 8... Muet mais limpide, truffé d'espiègleries, le ton caustique, la musique complice, une légèreté qui n'enlève pas l'angoisse qu'on persiste à ressentir... La totalité des scènes autour du train, la fuite de gaz dans l'immeuble, le numéro du clown (morceau de roi !) tous événements de la deuxième heure, frappent les esprits à jamais en gommant la durée (2h25).
  • L'AURORE (1927)
    Note : 18/20
    Si vous avez tendance, comme moi, à avoir comme un baîllement quand il s'agit de cinéma muet, remettez-vous. Ici, on est sauvé par le texte, intelligent, plaqué sur une action totalement intemporelle, et rien ne pèse grâce au "ton" familier. Ajoutez un art du clair-obscur en images, ainsi que le sens aigu de l'anecdote. Non, ça ne fait pas poussiéreux, on oublie que c'est du muet et c'est aussi attachant que les meilleurs Charlie Chaplin ou Buster Keaton. La morale est surprenante, avec une menace de départ qui conduit à autre chose que la destruction. Un petit chef-d'oeuvre, à repasser dans les cinémathèques !
  • LA P'TITE LILI (1927)
    Note : 13/20
    Titre bon enfant, mais ne vous y trompez pas. Le cinéma muet de 1927 comme à travers l'étoffe d'un sac à patates, entre dessin animé et cinoche... Rappel de la plus ancienne manière féminine de gagner sa croûte (plus d'une y succombe encore en 2007). Pourrait être diffusé dans les salles obscures en avant-programme des longs métrages en lieu et place de la pub, enfin, sans cette sacrée nom de d... d'bon dieu d'question d'argent !
  • LA JEUNE FILLE AU CARTON A CHAPEAU (1927)
    Note : 19/20
    Pour ceux qui croient ne pas pouvoir tenir devant un film muet plus de trente minutes : essayez celui-ci, il dure presque une heure et demie, vous allez vous extasier, exquis de bout en bout grâce au naturel qu'il déploie. Tics, manies des acteurs en sont l'agrément, on est dans le comique de situations. Ce cinéaste s'amuse comme un petit fou avec trois fois rien, sans dénigrer leurs petits embêtements, il s'attache à la spontanéité des braves gens, leur culture du bonheur, avec quelques outrances comme dans les dessins animés (exemple, renverser l'importun venant en sens inverse sur un pont glissant, se relever d'une lutte dans la neige en rallumant sa cigarette après avoir été jeté dehors par une dame...). La jeune fille aux grands yeux clairs avec ses mimiques qui font qu'on a l'impression de la connaître, encore en 2008, le vieux papa débonnaire, le couple des patrons chapeliers (ces deux derniers irrésistibles). Je n'en reviens encore pas que l'image en noir et blanc soit aussi nette, la musique et les commentaires on ne peut plus fluides... Le générique annonce pourtant, un peu comme s'il fallait s'attendre à une oeuvre mineure, voire de goût douteux, un "film de propagande russe dans le cadre d'emprunts" ! De quoi sauter au plafond quand on réalise la qualité de l'ensemble ! A voir et revoir pour rire tout seul ou accompagné.
  • TROIS DANS UN SOUS-SOL (1927)
    Note : 19/20
    Tout simplement merveilleux à découvrir en 2008. Surtout si, comme moi, vous êtes plein d'à-priori sur le cinéma muet d'une manière générale. En fait, la musique, le chat, les cartes, les expressions remplacent aisément la parlote ici. Et il s'en dégage une bienveillance féminine qui réchauffe... Au tout début, en découvrant le Moscou de 1927 vu d'avion ou du Bolchoï, on pense "propagande" pour les pouvoirs de l'époque, comment croire à ces images de bonheur simple dans un appartement certes petit mais à l'ambiance décontractée... Ciel, Staline figure en arrière-plan du calendrier dont on arrache - si on y pense - une feuille chaque matin, afin de commencer, en principe, la journée de bonne humeur. Ce bijou de petit film est incroyablement restauré, lumineux, avec des audaces de prises de vue et de moeurs sur fond de crise de l'habitat... Une scène capitale : l'arrivée du copain, gros-plan sur Madame soudain chamboulée. Des hommes contents de travailler, avec femme au foyer, déguisée en servante boudeuse, que seuls les transports sembleraient émoustiller... Familier par ses cocasseries quotidiennes, précieux pour donner une idée de cette Russie d'entre les deux guerres, profond quant à sa réflexion sur le fossé entre les deux sexes, bref, c'est un régal de chaque seconde !
  • LES CHEVEUX D'OR (1926)
    Note : 19/20
    Projeté à Nantes au "Cycle britannique Univerciné de décembre 2010", ce troisième film d'Hitchcock connu aussi sous les titres "L'éventreur" ou "Les cheveux d'or". Inspiré d'un roman et de la légende de Jack L'Eventreur, cela se passe à Londres en 1926 : sept assassinats de jeunes femmes, le plus récent étant la soeur de Daisy Buntings, fille d'un vieux couple hébergeant un locataire, ce dernier d'office suspect de par son allure insolite par rapport à monsieur tout le monde, et pour avoir demandé qu'on enlève les portraits de jeunes femmes se trouvant dans sa chambre. En plus qu'il a une manière bien à lui de saisir un tisonnier... On reconnaît déjà l'espièglerie du Maître en plus de sa fixation sur la blondeur féminine. Figure aussi une vérité de toutes les époques, notamment 2010 : l'empressement collectif à désigner un bouc émissaire, quitte à se tromper lourdement, plutôt que de creuser d'autres pistes à l'intérieur d'une communauté. A voir l'expression de terreur sur les visages, nous autres spectateurs ne savons sur quel pied danser : partagés entre l'attirance de Daisy pour ce locataire mystérieux mais séduisant, encore plus puisqu'il est "l'homme interdit par papa et maman", et le peu d'emballement que la demoiselle manifeste pour Joe, policier qu'on lui destine, la finesse incarnée... Le scénario de ce film muet (où clignotement de la lumière et emballement musical avant silence de mort ont valeur de commentaires) annonce déjà les productions parlantes. Raffinement des raffinements : ce présumé coupable suspendu par ses menottes à une grille !
  • LES SURPRISES DE LA T.S.F. (1926)
    Note : 19/20
    Toujours sur le thème de la tentation d'esquiver la routine matrimoniale guettant l'individu normalement constitué. Ici par la fenêtre de deux appartements en vis-à-vis. Des alarmes de part et d'autre... Une amorce de tangentes mutuelles ponctuée de traversées de rues. On a bien les expressions typiques des films muets de Lubitsch, Blue Monte irrésistible campant l'un des deux hommes avec ce flegme apte à neutraliser les bévues à grandes rasades de scènes rigolardes. Toujours le mythe du médecin pour corser l'ambiguïté de la relation féminine une fois démystifiée la question médicale... Les grandes portes ouvertes et fermées sont au rendez-vous. Sont également croquées l'ivresse et la danse en surimpressions savantes en veux-tu en voilà, gargarismes d'images au ras du dérapage sauvé par la notion de solitude des êtres où qu'ils se trouvent... Ainsi n'apparaît pas mieux loti le mâle émoustillé par une possible conquête comparé à celle qui se contente d'écouter la radio at home, ses pieds attestant d'une félicité évidente. Le concert radiodiffusé, sous la houlette d' un chef d'orchestre déhanché à souhait, révèle au spectateur un conjoint ivre-mort et une voisine un peu girouette... Grande réflexion sur les espoirs vains du dehors et les bienfaits du repli tant que l'imagination est stimulée, heureuse époque où la télé formatée comme en 2012 n'existait pas ! Un Lubitsch muet qui déride jeunes et moins jeunes en garantissant de remplir les salles !
  • MOINEAUX (1926)
    Note : 16/20
    Ce huis-clos se ressent comme les contes les plus terrifiants de l'enfance. Une fraîcheur juvénile à la base pimentée d'horreurs de la nature (les crises de rire, les bouches ouvertes sur le ventre vide, la constante menace de l'engloutissement exacerbée par l'arrivée de vrais alligators qui frétillent !). Les enfants autour de 6, 8 ou même 10 ans encore sous le choc des ogres avec petits poucets devraient en être bouleversés. Les adultes habitués aux luttes contre le mauvais sort seront sans doute plus pondérés dans leur assimilation de ce cumul de misères. Par sursaut de responsabilité de l'espèce... Ils admireront les scènes de sables mouvants, l'expressivité générale, la justesse des cartons explicatifs, l'infinie subtilité de la mise en scène. Patrick Brion (en bonus du dvd) aide d'ailleurs à comprendre la tâche monumentale que fut ce film avec Mary Pickford et le premier réalisateur en complète mésentente, plus les dangers souvent inconsidérés que vécurent les acteurs sur le tournage.
  • UNE PAGE FOLLE (1926)
    Note : 16/20
    Une page folle, film en noir et blanc muet japonais de 1926 au négatif retrouvé 45 ans plus tard, nécessite de nombreux arrêts sur images si l'on veut en déchiffrer l'essentiel. Il force de toute façon le respect comme le ferait un documentaire inestimable. Atmosphère inquiétante avec sa musique rajoutée, martelée comme une enflure qui se gangrène quoi qu'on fasse (musique parfois envahissante). Dès les premiers plans, saccadés, barrés de trombes d'eau, une danseuse évolue devant une boule aux formes régénérées, symbole de créativité, de fécondité, de maternité aussi... Le terrain moitié réaliste moitié onirique amène deux intervenants qui se toisent, se lâchent, se reprennent, une complicité qui fut. La jeune danseuse dans sa cellule fait diversion avec son look sorti d'un néant intemporel (elle pourrait être de 2012 !). Le clair-obscur, les obliques de cadrage, vont et viennent du bâtiment au chemin extérieur, une femme court, un chien... Si l'on se repasse la scène avec l'enfant dans les bras ensuite, deux femmes... Evident qu'un bébé est tombé à l'eau. Accident ou suicide raté de la mère incapable de plonger ou qu'on a retenu sur la berge ? Le rire de la prisonnière, sa recherche d'un minuscule objet par terre dans sa cellule (bouton ou perle ?), sa mimique punitive vers son mari de l'autre côté des barreaux, son rire fracassant de qui se ménage une revanche, restent des pistes à explorer. Tout comme la visite féminine (soeur, rivale...). Quoi qu'il en soit, il est mpossible d'oublier cet homme aux yeux pénétrants côté pile, et parfait visage de coupable cherchant à s'amender côté face... Concierge pilier des lieux comme le médecin, deux chiens féroces qui génèrent une lutte entre encadrants (scène très longue) et l'hilarité des malades. Film visionnaire d'un avenir collectif nippon lugubre ou adultère dilué dans la schizophrénie, on dirait un puzzle agaçant auquel il manque une pièce... Seule certitude, toute l'eau du ciel se vide chez ces dérangés de l'âme !
  • L'ÉVENTAIL DE LADY WINDERMERE (1925)
    Note : 19/20
    Ce dvd, suppléments inclus, est à se pincer tellement il fait contemporain dans ce qu'il explique de la fragilité humaine. On y trouve des portes gigantesques, des têtes dépassant de haies ou de tableaux, des intrigues autour d'un éventail personnage à lui tout seul. Plus toutes ces ellipses espiègles, propres au muet et valant mille plans. Attention à l'histoire par petites touches superposées qui met un malin plaisir à égarer le spectateur. L'intrigante la plus âgée, de menteuse au dernier degré peut virer héroïque tandis que la jeune courtisée se pâme par ce qu'elle croit avoir vu. Hommes et femmes dans leur perpétuelle ambivalence, à la fois très unis et d'une farouche indépendance individuelle. Riches et pauvres chacun dans leur monde, pas un merci aux domestiques servant le champagne... Les coeurs chavirent dans des stratagèmes filmés par le menu. On devine tout... En musique de fond, un petit piano précisant les tendances de l'action sans jamais fatiguer. Peu de texte, superflu tant c'est expressif, facile à cerner. Peu importe que ça soit muet ou plutôt tant mieux même !
  • LE MAITRE DU LOGIS (1925)
    Note : 19/20
    Ne jamais sous-estimer l'utilité d'une vieille nounou au domicile conjugal, dit ce film qui va avoir un siècle bientôt, Considérer qu'elles sont des trésors, pour l'intendance ou l'éducation des enfants, l'anti burn-out du pilier féminin, les antennes pour les épouses changées en esclaves sans s'en apercevoir. Désarroi ou approbation des plus jeunes, complicités plutôt que rivalités; voilà ce qui est cultivé ici, on se sent petite souris des intérieurs en crise dans une économie à la ramasse. Muet et pourtant diablement expressif surtout dans la potion à rebours ! Un film qui laisse mère et belle-mère jouer leur partition. A souhaiter que "le master" se tienne à carreau ensuite, sinon seconde balade en fiacre moins sûre ;-). Les deux anciennes sont des veuves dont la tâche aurait pu être plus rude si la gent masculine avait eu droit d'accès !
  • LE DERNIER DES HOMMES (1924)
    Note : 18/20
    Une musique guillerette sur des images sépia d'une étonnante fraîcheur (on ne se lasse pas de tourner et retourner dans le clair-obscur de ce quartier). Nul besoin de carton d'explication, la caméra furette aux abords de l'Hôtel Atlantic, où s'ébroue une sorte de seigneur bienveillant, sous une pluie qui ne sait plus s'arrêter... Rien de tel pour deviner, sous tant de courbettes, une débâcle quelconque, elle viendra s'afficher en police d'écriture géante sous nos yeux. En 1924, il fallait aussi un rendement sans faille, les vieux laissaient la place aux jeunes, loi immuable de la nature... La conviction de la perte d'identité à travers la perte d'uniforme (la noble livrée et son couvre-chef) au profit de la blouse impersonnelle d'un besogneux de sous-sol, l'hilarité générale ou presque... Quelle descente ! Heureusement émaillée de scènes délicieuses, avec l'épouse aimante et sa cafetière, la fille sortant son gâteau de noce du four, ce visage ravi gobant des huîtres... Ensemble peut-être un peu longuet à vouloir enfoncer le clou ? Admettons, c'est un film du bon vieux temps mais dont le propos qualifie on ne peut mieux le vingt et unième siècle, hormis la volte-face finale, quand même un peu "grosse"
  • L'INHUMAINE (1924)
    Note : 18/20
    Une curiosité que cette "féérie" muette datant de 1924, oeuvre réchappée d'un naufrage et qui aurait été sonorisée et colorisée en 1986 ?... L'ensemble, cet étrange graphisme à partir duquel les scènes se déclinent, avec cette touche fantastico-scientifique, tout cela mis savamment en musique. Un peu saugrenu, mais ça réjouit le spectateur, d'autant que le cinéaste capte des expressions croquignoles de l'auditoire pâmé, il y a bien ce maharadja au regard ténébreux, qui se détache du lot... C'est quand on découvre le reptile que les aperçus de laboratoire prennent sens. Le jeune homme (timoré mais au visage assez peu amène !) n'osait pas franchir l'encadrement de la porte, silhouette pathétique face à la diva usant de ses talents de cantatrice (et on se dit qu'elle est forcément richissime pour avoir autant d'indépendance même pendant les Années Folles !). Nouvelle attitude timide répétée quelque temps plus tard, la jeune paysanne passant également avec peine la porte derrière laquelle Madame s'égosille... Morale implacable : hausser les épaules et se croire à l'abri du besoin alors que le coeur est apte à chavirer peut jouer des tours, attention.
  • LA VENDEUSE DE CIGARETTES DU MOSSELPROM (1924)
    Note : 17/20
    Passé un moment délicieux à visionner ce chef-d'œuvre illustrant le quotidien soviétique des années vingt (1924, mais ça ne fait pas poussiéreux du tout). En supposant que les salariés russes de ce temps-là jouissaient de vivre l'instant, boulot pour tous, si on est viré on trouve tout de suite une solution de rechange. Mais était-ce ainsi ?... Ou les crève-la-faim sont-ils cachés ?... En tous cas, on nage ici dans la bonne humeur. Tous les travers de l'homme de la rue passés au crible mine de rien, luttes de pouvoir sur fond d'obsessions sentimentales diversement menées : une grande ville à la belle saison, du mouvement, le sang se réchauffe. Les personnages se risquent, mais aux moments périlleux, repli dans le raisonnable. Techniquement facile à suivre, images et commentaires très clairs. De plus, une étonnante bande sonore, rajoutée lors de la restauration de l'ensemble et qui fait archi-contemporain : piano, guitares jazzy, balalaïka romantique, un délice plaqué sur la narration. C'est assez grouillant, mais nulle fatigue, au contraire... Remarquable petite marchande à képi (visage méridional plus que slave), sois remerciée des remous que tu crées... Des scènes croustillantes (le non fumeur qui étouffe), malice de ce clin d'oeil "est-ouest" (l'Américain fort de son paiement en dollars, la traduction à l'avantage de l'interprète amoureux). Comme facture générale et comme comique, c'est comparable à un autre bijou russe concernant une vendeuse de chapeaux...*** Deux cadeaux inestimables à faire en dvd à vos amis cinéphiles ! *** NDLR : "La jeune fille au carton à chapeau" de Boris Barnet
  • COMEDIENNES (1924)
    Note : 19/20
    Aucune souffrance du manque de dialogues, au contraire, tout réside dans les attitudes, c'est un délice non stop. On a son compte de quiproquos et de moues explicites aux moments cruciaux qui feraient presque regretter le vaudeville bavard d'aujourd'hui. Ils poussent le bouchon ces hommes et femmes, pas toujours décidés, presque contraints parfois au départ. Pour s'en sortir tous gagnants à leur manière, un rire à gorge déployée, une fuite en diagonale, une posture figée. Et pourtant que de coups de canif dans la bienséance ! Rien de tel qu'un bon Lubitsch pour ne plus désespérer de la nature humaine, qu'on jurerait, à quelques détails près, la même en 1924 qu'en 2011 sur le plan des moeurs. Le pire est bien ce mari à la chaussette non reprisée du début du film, il s'avère bien plus redoutable que sa négligente moitié. Un faux débonnaire d'une habileté confondante à remettre les pendules à l'heure !
  • LE GOLEM (1920)
    Note : 16/20
    Golem : le mot vient de la tradition juive d'Europe orientale pour désigner un être artificiel à forme humaine auquel la vie aurait été donnée en inscrivant "vérité" sur son front. Il symbolise la matière qu'on animerait artificiellement. Ce film muet des Années 20 reprend le mythe pour figurer la réaction d'un rabbin au XVIème siècle à la décision de l'empereur Rodolph II d'interdire l'entrée de Prague aux Juifs. Paul Wegener, dans une troisième version réputée sombre, campe lui-même la création grimaçante à la démarche insensible. "Le Golem, comment il vint au monde", une sculpture d'argile devenant un genre de psychopathe en liberté. On pense aux dictateurs nés de la masse à genoux ou aux foules quand elles en sont rendues au lynchage, tous deux ont ce côté mécanique du Golem. Ce classique impressionniste a beau avoir servi de base à d'autres productions plus clinquantes, il est difficile d'y séjourner de bout en bout. Une fois qu'on a réalisé les prouesses cinématographiques pour l'époque, admiré les surimpressions de ce décor volontairement ingrat, deviné le talon d'Achille du monstre, à moins d'être un décortiqueur de la profession, on sera tenté d'accélérer jusqu'à l'étoile enlevée, geste naïf qui tendrait à faire un conte de cette sombre descente aux enfers si ce symbole de l'étoile ne rappelait le désastre que l'on sait.
  • LA PRINCESSE AUX HUITRES (1919)
    Note : 19/20
    Remarquable film muet de la période allemande de Lubitsch (1919 = très permissive) qui rappellerait assez en 2011 le dessinateur Cabu dans ses meilleures caricatures. Du théâtre filmé très efficace. Avec accent mis sur un duo de choc très entouré. Le spectacle est suffisant pour qu'on arrête de se demander si on a vu passer seulement une huître... Des bonnes âmes tendent mouchoir, cigare sophistiqué ou tasse à l'ostréiculteur béat, soudain sonné par sa progéniture, une bouillante enfant prompte à casser ce qui lui tombe sous la main. On a droit, comme dans plusieurs oeuvres de ce cinéaste, à un long moment de relâchement dansé en d'infinies surimpressions. Les cartons explicatifs parfaitement traduits en français sont autant de morceaux d'hilarité, tels "une épidémie de fox-trott" et la répétition du slogan "cela ne m'impressionne pas". C'est pourtant une satire des milieux pourris par l'abondance, quand l'égrillard fait craindre que ça vire à l'obscène. Lubitsch s'en garde bien en redressant les situations assez vite pour les précipiter vers d'autres niveaux d'espièglerie, je pense à la scène du noir puis du père dans l'escalier pour contrôler la serrure ! Ce film très expressif, impeccable côté image et son parce que parfaitement restauré est à consommer sans modération par toute la famille !
  • NAISSANCE D'UNE NATION (1914)
    Note : 18/20
    Vu le dvd en deux temps : c'est quelque chose ! D'abord le côté naturaliste du début (chats, chiens, familles qui se visitent), tous trop angélistes pour que ça ne vire pas ensuite. Les noirs dépeints comme protégés du pire dans leur rôle, swinguent comme des automates (cocasse rivalité entre la bonne et le visiteur tous deux noirs !). La guerre de sécession, malgré ces superpositions visuelles ahurissantes pour l'époque, prend beaucoup de place. Précieuse reconstitution d'un assassinat présidentiel, on s'y croirait, je pense à cette chute verticale sur la scène ! C'est ciselé, grinçant, de bric et de broc à l'écran. On saute d'une ambiance à l'autre dans d'éternels conflits avec sacro-saint sens du devoir, ces fils tombant théâtralement au combat ! Evidemment aujourd'hui en 2011, nombre de cinéphiles crient au racisme de ce film et ne voient guère la subtilité de l'ensemble. C'est un film historique, il relate une époque américaine bien réelle. Apprécié par-dessus tout l'éthique de Griffith justement : il s'excuse (écrit en toutes lettres dès les premiers plans !) de présenter la dureté extrême de l'être humain par nécessité. L'amour est perceptible tout autant que les haines recuites dans son propos. Brave homme, érudit mais simplissime dans sa démarche d'instruire les foules, si loin des cinéastes fous furieux du vingt et unième siècle !
Notes de L.Ventriloque
(par valeur décroissante)
FilmNote
DIVORCE A L'ITALIENNE (1961) 20 Voir la critique
JEUX DANGEREUX (1942) 19 Voir la critique
ECRIT SUR DU VENT (1956) 19 Voir la critique
LA DAME DE SHANGHAI (1948) 19 Voir la critique
LA MORT AUX TROUSSES (1959) 19 Voir la critique
LES CHEVEUX D'OR (1926) 19 Voir la critique
DOUZE HOMMES EN COLÈRE (1956) 19 Voir la critique
INDISCRETIONS (1940) 19 Voir la critique
L'EXTRAVAGANT MONSIEUR DEEDS (1936) 19 Voir la critique
LE GRAND ALIBI (1950) 19 Voir la critique
LA FOLLE INGENUE (1946) 19 Voir la critique
LA FEMME INFIDÈLE (1968) 19 Voir la critique
LE REPTILE (1970) 19 Voir la critique
MON CHER PETIT VILLAGE (1985) 19 Voir la critique
BOUDU SAUVÉ DES EAUX (1932) 19 Voir la critique
VOUS NE L'EMPORTEREZ PAS AVEC VOUS (1938) 19 Voir la critique
LA MAISON DU DIABLE (1963) 19 Voir la critique
MAX ET LES FERRAILLEURS (1970) 19 Voir la critique
FRENCH-CANCAN (1955) 19 Voir la critique
LES PETITES FUGUES (1979) 19 Voir la critique
LES MOISSONS DU CIEL (1978) 19 Voir la critique
LA FIÈVRE DANS LE SANG (1961) 19 Voir la critique
HAUTE PEGRE (1932) 19 Voir la critique
LES MAUDITS (1946) 19 Voir la critique
RASHOMON (1950) 19 Voir la critique
LA JEUNE FILLE AU CARTON A CHAPEAU (1927) 19 Voir la critique
LE MAITRE DU LOGIS (1925) 19 Voir la critique
TROIS DANS UN SOUS-SOL (1927) 19 Voir la critique
FREAKS LA MONSTRUEUSE PARADE (1932) 19 Voir la critique
CRIA CUERVOS (1976) 19 Voir la critique
LES HOMMES, LE DIMANCHE (1930) 19 Voir la critique
LA HUITIÈME FEMME DE BARBE-BLEUE (1938) 19 Voir la critique
ANGE (1937) 19 Voir la critique
JE VEUX VIVRE ! (1958) 19 Voir la critique
LA BAIE DES ANGES (1963) 19 Voir la critique
AU FIL DE L'EAU (1949) 19 Voir la critique
BASHU LE PETIT ETRANGER (1986) 19 Voir la critique
ON MURMURE DANS LA VILLE (1951) 19 Voir la critique
L'OMBRE D'UN HOMME (1950) 19 Voir la critique
LES AMANTS DIABOLIQUES (1942) 19 Voir la critique
LA RUE ROUGE (1945) 19 Voir la critique
DÉSIR (1936) 19 Voir la critique
LA DAME AU MANTEAU D'HERMINE (1948) 19 Voir la critique
LUMIERE D'ÉTÉ (1943) 19 Voir la critique
DANS LA LIGNE DE MIRE (1993) 19 Voir la critique
UMBERTO D. (1951) 19 Voir la critique
LA PRINCESSE AUX HUITRES (1919) 19 Voir la critique
LES SURPRISES DE LA T.S.F. (1926) 19 Voir la critique
L'ÉVENTAIL DE LADY WINDERMERE (1925) 19 Voir la critique
COMEDIENNES (1924) 19 Voir la critique
SANTA FE (1985) 19 Voir la critique
BONJOUR (1959) 19 Voir la critique
LE JARDIN DES DÉLICES (1967) 19 Voir la critique
LA BUENA VIDA (1996) 19 Voir la critique
KARNAVAL (1998) 19 Voir la critique
HAUT LES COEURS ! (1999) 19 Voir la critique
RESSOURCES HUMAINES (1999) 19 Voir la critique
IMAGES DE LA VIE (1934) 19 Voir la critique
IN THE MOOD FOR LOVE (2000) 19 Voir la critique
L'ÂGE DE GLACE (2001) 19 Voir la critique
OPEN HEARTS (2002) 19 Voir la critique
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L'INCONNU DU LAC (2013) 19 Voir la critique
BENDING THE RULES (2013) 19 Voir la critique
OS INQUILINOS (2009) 19 Voir la critique
A LONG WAY FROM HOME (2013) 19 Voir la critique
THE HAPPY LANDS (2012) 19 Voir la critique
UN ÉTÉ À OSAGE COUNTY (2013) 19 Voir la critique
DIPLOMATIE (2012) 19 Voir la critique
MY SWEET PEPPER LAND (2013) 19 Voir la critique
BENVENUTO PRESIDENTE ! (2013) 19 Voir la critique
MOONWALK ONE (1970) 19 Voir la critique
WINTER SLEEP (2014) 19 Voir la critique
LEVIATHAN (2014) 19 Voir la critique
IN THE FAMILY (2011) 19 Voir la critique
LES BOURREAUX MEURENT AUSSI (1942) 18 Voir la critique
FAMILY LIFE (1971) 18 Voir la critique
LE LIMIER (1972) 18 Voir la critique
LE FLEUVE (1951) 18 Voir la critique
SERENADE À TROIS (1933) 18 Voir la critique
L'AURORE (1927) 18 Voir la critique
LES GENS DE LA PLUIE (1969) 18 Voir la critique
LE GRAND COUTEAU (1955) 18 Voir la critique
LE CHARLATAN (1947) 18 Voir la critique
IL FAUT MARIER PAPA (1962) 18 Voir la critique
ELLE ET LUI (1957) 18 Voir la critique
QU'ELLE ETAIT VERTE MA VALLEE (1941) 18 Voir la critique
BOULEVARD DU CRÉPUSCULE (1950) 18 Voir la critique
QUE LA FÊTE COMMENCE (1974) 18 Voir la critique
LA SOLITUDE DU COUREUR DE FOND (1962) 18 Voir la critique
UN SI DOUX VISAGE (1952) 18 Voir la critique
LE SAMOURAÏ (1967) 18 Voir la critique
LES ESPIONS (1928) 18 Voir la critique
LES GENS DU VOYAGE (1938) 18 Voir la critique
LES PROIES (1971) 18 Voir la critique
DE MAYERLING A SARAJEVO (1939) 18 Voir la critique
L'INCOMPRIS (1966) 18 Voir la critique
NOUS AVONS GAGNÉ CE SOIR (1948) 18 Voir la critique
QUAND PASSENT LES CIGOGNES (1957) 18 Voir la critique
JOUR DE COLERE (1943) 18 Voir la critique
NINOTCHKA (1939) 18 Voir la critique
WELCOME IN VIENNA (1986) 18 Voir la critique
QUINZE JOURS AILLEURS (1962) 18 Voir la critique
ANIKI-BOBO (1942) 18 Voir la critique
REGLEMENT DE COMPTES (1953) 18 Voir la critique
LES NUITS BLANCHES (1957) 18 Voir la critique
L'AVVENTURA (1960) 18 Voir la critique
LA RUMEUR (1961) 18 Voir la critique
DAMNATION (1987) 18 Voir la critique
LIFEBOAT (1944) 18 Voir la critique
LE PETIT GARÇON (1969) 18 Voir la critique
L'INSOUMISE (1938) 18 Voir la critique
NUAGES FLOTTANTS (1955) 18 Voir la critique
NAISSANCE D'UNE NATION (1914) 18 Voir la critique
GERTRUD (1964) 18 Voir la critique
HONKYTONK MAN (1983) 18 Voir la critique
LE SACRIFICE (1986) 18 Voir la critique
JE VEUX SEULEMENT QUE VOUS M'AIMIEZ (1975) 18 Voir la critique
LE NARCISSE NOIR (1947) 18 Voir la critique
L'INHUMAINE (1924) 18 Voir la critique
L'HOMME AU CRÂNE RASÉ (1965) 18 Voir la critique
LE SEPTIEME CONTINENT (1988) 18 Voir la critique
LA NEIGE ÉTAIT SALE (1953) 18 Voir la critique
BONJOUR TRISTESSE (1957) 18 Voir la critique
BREEZY (1974) 18 Voir la critique
DU SILENCE ET DES OMBRES (1962) 18 Voir la critique
LE CHEVAL VENU DE LA MER (1992) 18 Voir la critique
DIEU NE CROIT PLUS EN NOUS (1981) 18 Voir la critique
LE DERNIER DES HOMMES (1924) 18 Voir la critique
LE DESCENDANT DU LÉOPARD DES NEIGES (1984) 18 Voir la critique
RICHARD III (1995) 18 Voir la critique
FARGO (1996) 18 Voir la critique
SUE PERDUE DANS MANHATTAN (1997) 18 Voir la critique
UNE LIAISON PORNOGRAPHIQUE (1999) 18 Voir la critique
MIFUNE DOGME III (1999) 18 Voir la critique
M/OTHER (1999) 18 Voir la critique
LE PRÊTRE ET LA JEUNE FILLE (1965) 18 Voir la critique
LE FILS (2002) 18 Voir la critique
DANCER UPSTAIRS (2002) 18 Voir la critique
VENDREDI SOIR (2002) 18 Voir la critique
LA FOLIE DES HOMMES (2001) 18 Voir la critique
AIME TON PÈRE (2002) 18 Voir la critique
LE RETOUR (2003) 18 Voir la critique
PAS SUR LA BOUCHE (2003) 18 Voir la critique
RAIN (2000) 18 Voir la critique
TROIS ENTERREMENTS (2005) 18 Voir la critique
BIGAMIE (1953) 18 Voir la critique
JE VAIS BIEN, NE T'EN FAIS PAS (2006) 18 Voir la critique
HORS JEU (2006) 18 Voir la critique
NUE PROPRIÉTÉ (2006) 18 Voir la critique
LE MARCHÉ DE LA FAIM (2006) 18 Voir la critique
7H58 CE SAMEDI-LÀ (2007) 18 Voir la critique
CHOUGA (2007) 18 Voir la critique
IT'S A FREE WORLD (2007) 18 Voir la critique
DÉMENCES (2006) 18 Voir la critique
DES CHIENS DANS LA NEIGE (2007) 18 Voir la critique
TRAIN DE NUIT (2007) 18 Voir la critique
10 + 4 (2007) 18 Voir la critique
RIPARO (2007) 18 Voir la critique
PROFILS PAYSANS : LA VIE MODERNE (2008) 18 Voir la critique
UNE FAMILLE CHINOISE (2007) 18 Voir la critique
CHERRY BLOSSOMS -UN REVE JAPONAIS- (2007) 18 Voir la critique
I FEEL GOOD ! (2007) 18 Voir la critique
CHANTS DES MERS DU SUD (2008) 18 Voir la critique
LES NOCES REBELLES (2008) 18 Voir la critique
JOUER LES VICTIMES (2006) 18 Voir la critique
LA VAGUE (2008) 18 Voir la critique
DANS LA BRUME ÉLECTRIQUE (2009) 18 Voir la critique
ILS MOURRONT TOUS SAUF MOI (2008) 18 Voir la critique
STILL WALKING (2008) 18 Voir la critique
JERICHOW (2008) 18 Voir la critique
DEPARTURES (2008) 18 Voir la critique
PARTIR (2009) 18 Voir la critique
MADEMOISELLE CHAMBON (2009) 18 Voir la critique
LE RUBAN BLANC (2009) 18 Voir la critique
UNE EXÉCUTION ORDINAIRE (2009) 18 Voir la critique
LA PERTE (2009) 18 Voir la critique
CELLULE 211 (2009) 18 Voir la critique
LA COMTESSE (2009) 18 Voir la critique
DOUZE (2008) 18 Voir la critique
LES ARRIVANTS (2009) 18 Voir la critique
L'ETRANGER EN MOI (2008) 18 Voir la critique
YO TAMBIEN (2009) 18 Voir la critique
L'ARBRE (2009) 18 Voir la critique
ENTRE NOS MAINS (2010) 18 Voir la critique
GRAVITATION (2009) 18 Voir la critique
L'ETREINTE DU FLEUVE (2010) 18 Voir la critique
FRAGMENTS (2009) 18 Voir la critique
FAMILY PHOBIA (2009) 18 Voir la critique
ANOTHER YEAR (2010) 18 Voir la critique
JE NE PEUX PAS VIVRE SANS TOI (2009) 18 Voir la critique
TOUT CE QUE TU VOUDRAS (2010) 18 Voir la critique
PAIN NOIR (2010) 18 Voir la critique
UNE CHINOISE (2009) 18 Voir la critique
LES FEMMES DU 6E ETAGE (2010) 18 Voir la critique
ANIMAL KINGDOM (2009) 18 Voir la critique
MARGA (2009) 18 Voir la critique
LE GAMIN AU VELO (2011) 18 Voir la critique
COPACABANA (2010) 18 Voir la critique
LA DERNIÈRE PISTE (2010) 18 Voir la critique
UNE VIE TRANQUILLE (2010) 18 Voir la critique
NAOMI (2010) 18 Voir la critique
MINUIT À PARIS (2010) 18 Voir la critique
MICHEL PETRUCCIANI (2011) 18 Voir la critique
HABEMUS PAPAM (2010) 18 Voir la critique
TU SERAS MON FILS (2011) 18 Voir la critique
L'EXERCICE DE L'ÉTAT (2011) 18 Voir la critique
ENTRE VOISINS (2011) 18 Voir la critique
MICHAEL (2011) 18 Voir la critique
LES NEIGES DU KILIMANDJARO (2011) 18 Voir la critique
LES HOMMES (2006) 18 Voir la critique
LE HAVRE (2011) 18 Voir la critique
GUILTY PLEASURES (2010) 18 Voir la critique
LE POLICIER (2010) 18 Voir la critique
ALBERT NOBBS (2011) 18 Voir la critique
CARNAGE (2011) 18 Voir la critique
SUR LE CHEMIN DU RETOUR (2011) 18 Voir la critique
NOUVEAU SOUFFLE (2011) 18 Voir la critique
QUERELLES (2010) 18 Voir la critique
BONNE ANNEE GRAND-MERE ! (2011) 18 Voir la critique
LA ROUILLE (2011) 18 Voir la critique
LE FUSIL DE LALA (2008) 18 Voir la critique
EN ECOUTANT LE JUGE GARZON (2011) 18 Voir la critique
LA PART DES ANGES (2011) 18 Voir la critique
TÉLÉPHONE ARABE (2010) 18 Voir la critique
HAPPY TIMES (2000) 18 Voir la critique
TEMPETE SOUS UN CRANE (2012) 18 Voir la critique
LE SENS DE L'AGE (2011) 18 Voir la critique
LA GRACE (2012) 18 Voir la critique
LES TROIS SOEURS DU YUNNAN (2012) 18 Voir la critique
ALCESTE A BICYCLETTE (2012) 18 Voir la critique
THE BLING RING (2013) 18 Voir la critique
LES BEAUX JOURS (2013) 18 Voir la critique
POUR TON ANNIVERSAIRE (2013) 18 Voir la critique
CHASSE FERMEE (2012) 18 Voir la critique
SUZANNE (2013) 18 Voir la critique
TEL PERE, TEL FILS (2013) 18 Voir la critique
PHILOMENA (2013) 18 Voir la critique
LULU FEMME NUE (2013) 18 Voir la critique
NEBRASKA (2012) 18 Voir la critique
LE FACTEUR HUMAIN (2013) 18 Voir la critique
UNE PROMESSE (2013) 18 Voir la critique
LE PROMENEUR D'OISEAU (2013) 18 Voir la critique
MAGIC IN THE MOONLIGHT (2013) 18 Voir la critique
LES INNOCENTS (1961) 17 Voir la critique
TONI (1935) 17 Voir la critique
FALBALAS (1944) 17 Voir la critique
L'ILE NUE (1960) 17 Voir la critique
LE BATEAU D'ÉMILE (1961) 17 Voir la critique
LA FUREUR DE VIVRE (1955) 17 Voir la critique
L'ARGENT DE LA VIEILLE (1972) 17 Voir la critique
COMME UN TORRENT (1959) 17 Voir la critique
LE CIEL PEUT ATTENDRE (1943) 17 Voir la critique
FORFAITURE (1937) 17 Voir la critique
L'ADIEU AU DRAPEAU (1932) 17 Voir la critique
DUEL AU SOLEIL (1946) 17 Voir la critique
BOULE DE SUIF (1945) 17 Voir la critique
ILS ETAIENT NEUF CÉLIBATAIRES (1939) 17 Voir la critique
PATTES BLANCHES (1949) 17 Voir la critique
L'HISTOIRE D'ADELE H. (1975) 17 Voir la critique
JEANNE DIELMAN, 23 QUAI DU COMMERCE, 1080 BRUXELLES (1975) 17 Voir la critique
GEORGIA (1982) 17 Voir la critique
CASQUE D'OR (1951) 17 Voir la critique
LA PAYSANNE AUX PIEDS NUS (1961) 17 Voir la critique
LE CRIME DE MONSIEUR LANGE (1936) 17 Voir la critique
LE CHEVALIER DES SABLES (1965) 17 Voir la critique
ATLANTIC CITY (1980) 17 Voir la critique
LES GENS DE DUBLIN (1987) 17 Voir la critique
LA PORTE S'OUVRE (1950) 17 Voir la critique
LA MENACE (1977) 17 Voir la critique
VIVRE VITE (1980) 17 Voir la critique
LA PENICHE DU BONHEUR (1958) 17 Voir la critique
LA MAISON DE BAMBOU (1955) 17 Voir la critique
L'IMPORTANT C'EST D'AIMER (1974) 17 Voir la critique
GRIBOUILLE (1937) 17 Voir la critique
ÉTOILES (1959) 17 Voir la critique
JULIETTE DES ESPRITS (1965) 17 Voir la critique
CLAIR DE TERRE (1970) 17 Voir la critique
L'HONNEUR DES PRIZZI (1985) 17 Voir la critique
EUROPE 51 (1952) 17 Voir la critique
LES INCONNUS DANS LA MAISON (1941) 17 Voir la critique
LE MOUCHARD (1935) 17 Voir la critique
ASSOIFFÉ (1957) 17 Voir la critique
SANG POUR SANG (1984) 17 Voir la critique
LA VIE ET RIEN D'AUTRE (1988) 17 Voir la critique
MIRAGE DE LA VIE (1959) 17 Voir la critique
LET'S GET LOST -CHET BAKER- (1988) 17 Voir la critique
LA BETE HUMAINE (1938) 17 Voir la critique
IF... (1968) 17 Voir la critique
L'INVRAISEMBLABLE VERITE (1956) 17 Voir la critique
PYGMALION (1938) 17 Voir la critique
UN ÉTÉ CHEZ GRAND-PÈRE (1984) 17 Voir la critique
LOVE (1969) 17 Voir la critique
LE MUR INVISIBLE (1947) 17 Voir la critique
LE COUREUR (1985) 17 Voir la critique
LE LIVRE DE LA JUNGLE (1967) 17 Voir la critique
ROSE DES SABLES (1988) 17 Voir la critique
COME BACK AFRICA (1960) 17 Voir la critique
L'EMPLOI (1961) 17 Voir la critique
OSCAR WILDE (1997) 17 Voir la critique
L'AUTRE (1999) 17 Voir la critique
LA LETTRE (1999) 17 Voir la critique
DANS LA PEAU DE JOHN MALKOVICH (1999) 17 Voir la critique
O' BROTHER (2000) 17 Voir la critique
BILLY ELLIOT (2000) 17 Voir la critique
LILLIAN (1993) 17 Voir la critique
THIRTEEN (1997) 17 Voir la critique
CHERE MARTHA (2001) 17 Voir la critique
THE BARBER : L'HOMME QUI N'ÉTAIT PAS LÀ (2001) 17 Voir la critique
EUREKA (2000) 17 Voir la critique
LES ÉGARÉS (2003) 17 Voir la critique
LA PLANÈTE BLEUE (2003) 17 Voir la critique
SAMARIA (2003) 17 Voir la critique
YOUNG ADAM (2002) 17 Voir la critique
COMBIEN TU M'AIMES ? (2005) 17 Voir la critique
ZONE LIBRE (2006) 17 Voir la critique
LITTLE CHILDREN (2006) 17 Voir la critique
J'ATTENDS QUELQU'UN (2006) 17 Voir la critique
LE GARDE DU CORPS (2005) 17 Voir la critique
MAR ADENTRO (2004) 17 Voir la critique
LONDON TO BRIGHTON (2006) 17 Voir la critique
LA VENDEUSE DE CIGARETTES DU MOSSELPROM (1924) 17 Voir la critique
LE DERNIER VOYAGE DU JUGE FENG (2006) 17 Voir la critique
INTO THE WILD (2007) 17 Voir la critique
QUATRE MINUTES (2006) 17 Voir la critique
LUST CAUTION (2007) 17 Voir la critique
LA PRINCESSE DU NEBRASKA (2007) 17 Voir la critique
APPALOOSA (2008) 17 Voir la critique
ILS NE MOURAIENT PAS TOUS MAIS TOUS ÉTAIENT FRAPPÉS (2005) 17 Voir la critique
TWO LOVERS (2008) 17 Voir la critique
LE DEAL (2006) 17 Voir la critique
LEONERA (2008) 17 Voir la critique
WELCOME (2009) 17 Voir la critique
JAFFA (2009) 17 Voir la critique
L'ENFANT DE KABOUL (2008) 17 Voir la critique
AMERRIKA (2009) 17 Voir la critique
LE TEMPS QU'IL RESTE (2009) 17 Voir la critique
TU N'AIMERAS POINT (2009) 17 Voir la critique
SINGULARITÉS D'UNE JEUNE FILLE BLONDE (2009) 17 Voir la critique
PARQUE VIA (2008) 17 Voir la critique
FISH TANK (2008) 17 Voir la critique
LE BEL ÂGE (2009) 17 Voir la critique
BASSIDJI (2009) 17 Voir la critique
TREELESS MOUNTAIN (2008) 17 Voir la critique
MY SECRET SKY (2008) 17 Voir la critique
LES CHATS PERSANS (2008) 17 Voir la critique
INVICTUS (2009) 17 Voir la critique
LA PIVELLINA (2009) 17 Voir la critique
HARRAGAS (2009) 17 Voir la critique
LA HONTE (2009) 17 Voir la critique
ENTERREZ-MOI SOUS LE CARRELAGE (2009) 17 Voir la critique
SOLUTIONS LOCALES POUR UN DESORDRE GLOBAL (2009) 17 Voir la critique
NUITS D'IVRESSE PRINTANIÈRE (2009) 17 Voir la critique
SOUL KITCHEN (2009) 17 Voir la critique
COPIE CONFORME (2010) 17 Voir la critique
LES JOIES DE LA FAMILLE (2008) 17 Voir la critique
LES INVITES DE MON PERE (2009) 17 Voir la critique
LES PETITS RUISSEAUX (2010) 17 Voir la critique
A 5 HEURES DE PARIS (2009) 17 Voir la critique
LE SANG DE KOUAN KOUAN (2008) 17 Voir la critique
VIEILLIR FEMME (2005) 17 Voir la critique
SUBMARINO (2010) 17 Voir la critique
ONCLE BOONMEE, CELUI QUI SE SOUVIENT DE SES VIES ANTÉRIEURES (2010) 17 Voir la critique
PAULINE ET FRANÇOIS (2010) 17 Voir la critique
LES AMOURS IMAGINAIRES (2010) 17 Voir la critique
LE DERNIER VOYAGE DE TANYA (2010) 17 Voir la critique
L'UNIVERS N'OUBLIE RIEN (2010) 17 Voir la critique
BARRIERE (2010) 17 Voir la critique
CUCHILLO DE PALO (2010) 17 Voir la critique
TOLSTOÏ, LE DERNIER AUTOMNE (2009) 17 Voir la critique
NOS RÉSISTANCES (2010) 17 Voir la critique
20 CIGARETTES (2010) 17 Voir la critique
LE BRUIT DES GLAÇONS (2009) 17 Voir la critique
CHEMINOTS (2009) 17 Voir la critique
CE QUE JE VEUX DE PLUS (2010) 17 Voir la critique
MORRIS : A LIFE WITH BELLS ON (2009) 17 Voir la critique
L'ETRANGE AFFAIRE ANGELICA (2010) 17 Voir la critique
TOUTES LES CHANSONS PARLENT DE MOI (2010) 17 Voir la critique
LA NOSTRA VITA (2010) 17 Voir la critique
OU VA LA NUIT (2011) 17 Voir la critique
UNE SÉPARATION (2011) 17 Voir la critique
DANS PARIS (2006) 17 Voir la critique
AU REVOIR (2010) 17 Voir la critique
LA VIE SUR L'EAU (2005) 17 Voir la critique
APRÈS LE SUD (2011) 17 Voir la critique
L'AMOUR ET RIEN D'AUTRE (2011) 17 Voir la critique
KINSHASA SYMPHONY (2010) 17 Voir la critique
PORTRAIT AU CRÉPUSCULE (2011) 17 Voir la critique
POURQUOI TU PLEURES ? (2011) 17 Voir la critique
MISS BALA (2011) 17 Voir la critique
CORPO CELESTE (2011) 17 Voir la critique
JEUX D'ETE (2011) 17 Voir la critique
TATANKA (2010) 17 Voir la critique
SCIALLA ! (2011) 17 Voir la critique
LES ADIEUX À LA REINE (2011) 17 Voir la critique
LA VOIX ENDORMIE (2011) 17 Voir la critique
UNE SECONDE FEMME (2012) 17 Voir la critique
THE DEEP BLUE SEA (2011) 17 Voir la critique
LE SKYLAB (2011) 17 Voir la critique
JANE EYRE (2011) 17 Voir la critique
KYSS MIG : UNE HISTOIRE SUÉDOISE (2011) 17 Voir la critique
CHERCHEZ HORTENSE (2012) 17 Voir la critique
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J'ENRAGE DE SON ABSENCE (2011) 17 Voir la critique
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JOURS DE PECHE EN PATAGONIE (2012) 17 Voir la critique
LORE (2012) 17 Voir la critique
LA RELIGIEUSE (2012) 17 Voir la critique
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JIMMY P. (PSYCHOTHÉRAPIE D'UN INDIEN DES PLAINES) (2013) 17 Voir la critique
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ACCATTONE (1961) 16 Voir la critique
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L'INNOCENT (1976) 16 Voir la critique
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TROUS DE MEMOIRE (1984) 16 Voir la critique
LA FEMME AU GARDENIA (1953) 16 Voir la critique
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MILLER'S CROSSING (1990) 16 Voir la critique
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LE GOLEM (1920) 16 Voir la critique
LE DESERT ROUGE (1964) 16 Voir la critique
ENQUETE SUR UN CITOYEN AU-DESSUS DE TOUT SOUPCON (1969) 16 Voir la critique
LE DECLIN DE L'EMPIRE AMERICAIN (1985) 16 Voir la critique
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SCANDALE À LA COUR (1944) 16 Voir la critique
LE RÉCUPÉRATEUR DE CADAVRES (1945) 16 Voir la critique
LE MAITRE DE LA PRAIRIE (1946) 16 Voir la critique
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L'ESPRIT S'AMUSE (1945) 16 Voir la critique
DÉSIRS HUMAINS (1954) 16 Voir la critique
LE FILS DU REQUIN (1993) 16 Voir la critique
LE CASSE (1981) 16 Voir la critique
BRUMES (1935) 16 Voir la critique
SINGAPORE SLING (1991) 16 Voir la critique
LE TROISIÈME (1971) 16 Voir la critique
DEUX SOEURS VIVAIENT EN PAIX (1947) 16 Voir la critique
LE FRANC (1994) 16 Voir la critique
LA DERNIÈRE MARCHE (1995) 16 Voir la critique
UN INSTANT D'INNOCENCE (1996) 16 Voir la critique
L'ANGUILLE (1997) 16 Voir la critique
EN CHAIR ET EN OS (1997) 16 Voir la critique
WILL HUNTING (1997) 16 Voir la critique
LES ASSASSINS SONT PARMI NOUS (1946) 16 Voir la critique
OSTIA (1970) 16 Voir la critique
LICENSE TO LIVE (1998) 16 Voir la critique
UN DÉRANGEMENT CONSIDÉRABLE (1999) 16 Voir la critique
DRÔLE DE FÉLIX (2000) 16 Voir la critique
ERIN BROCKOVICH (2000) 16 Voir la critique
MAGNOLIA (1999) 16 Voir la critique
À LA VERTICALE DE L'ÉTÉ (2000) 16 Voir la critique
STAND-BY (2000) 16 Voir la critique
OUI MAIS ... (2001) 16 Voir la critique
SE SOUVENIR DES BELLES CHOSES (2001) 16 Voir la critique
LES AUTRES (2001) 16 Voir la critique
LA PIANISTE (2001) 16 Voir la critique
LA NUIT DES ALLIGATORS (1967) 16 Voir la critique
TWENTYNINE PALMS (2003) 16 Voir la critique
QUAND TU DESCENDRAS DU CIEL (2002) 16 Voir la critique
L'ENFANT DU PAYS (2002) 16 Voir la critique
LE FAISAN D'OR (2001) 16 Voir la critique
GARDIEN DE BUFFLES (2004) 16 Voir la critique
MONDOVINO (2004) 16 Voir la critique
ODETTE TOULEMONDE (2006) 16 Voir la critique
MICHOU D'AUBER (2005) 16 Voir la critique
COLLISION (2004) 16 Voir la critique
GOLDEN DOOR (2006) 16 Voir la critique
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LE CAIMAN (2006) 16 Voir la critique
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C.R.A.Z.Y. (2005) 16 Voir la critique
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CHARLY (2007) 16 Voir la critique
LE RÊVE DE CASSANDRE (2007) 16 Voir la critique
GARAGE (2007) 16 Voir la critique
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TROPICAL MALADY (2004) 16 Voir la critique
SWEENEY TODD, LE DIABOLIQUE BARBIER DE FLEET STREET (2007) 16 Voir la critique
DES TEMPS ET DES VENTS (2006) 16 Voir la critique
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VICKY, CRISTINA, BARCELONA (2008) 16 Voir la critique
STELLA (2008) 16 Voir la critique
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JOUR ET NUIT (2004) 16 Voir la critique
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DELTA (2008) 16 Voir la critique
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